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Mobilisation contre l’interdiction du voile à l’université

Ci-dessous la lettre ouverte envoyée par des universitaires à la Secrétaire d’Etat aux droits des femmes, et la pétition qu’elles appellent à signer.

Lettre ouverte à la Secrétaire d’Etat aux droits des femmes

Madame la Secrétaire d’Etat déléguée aux droits des femmes,

Nous appartenons à la communauté universitaire et sommes toutEs en charge d’une mission de service public qui, au-delà de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, participe à construire un espace démocratique qui au jour le jour s’invente comme un espace de dialogues, de débats ; un espace traversé d’antagonismes (y compris avec nos présidences et conseils d’administration), mais aussi de solidarités, un espace ouvert sur le monde dont nous héritons en commun, une agora qui se recrée à chaque heure dans nos amphis, dans nos « cafèts », sur nos parvis ou les murs de nos campus, et ce, malgré les conditions matérielles déplorables qui sont celles de nos institutions.

S’il y a bien un lieu dans notre République, où la liberté de pensée et d’expression, ou plutôt, le droit de cité se vit ici et maintenant, c’est encore au sein des universités – et même les tentatives qui ont visé à mettre à mal cette liberté autogérée (en envoyant ces dernières années les forces de l’ordre traditionnellement interdites dans nos espaces en cas de conflit, de contestation ou d’occupation), ne sont pas parvenues à nous désespérer de penser la complexité du monde social et les enjeux du vivre en commun, comme à en expérimenter les conditions possibles.

Or, vous ne pouvez ignorer que depuis plus de dix ans le voile, sur lequel vous vous exprimiez encore récemment, est une question qui n’a fait qu’instrumentaliser à moindres frais les droits des femmes au profit de politiques racistes, aux relents paternalistes et colonialistes – définissant pour les femmes de bonnes manières de se libérer, blanchissant une partie des associations féministes en les dédouanant de s’engager contre le racisme y compris dans leurs propres rangs et, inversement, en permettant à des associations dites « communautaires » d’assimiler le féminisme au bras armé de vos politiques islamophobes.

La classe politique et votre parti, en exposant aux discriminations les plus brutales des femmes portant le voile (lynchages de jeunes filles, de femmes enceintes et de mères, discriminations à l’embauche, exclusions des écoles publiques, etc.), ont fait le lit des nationalismes et doivent être tenus pour responsables d’une situation de tension sociale sans précédent.

Vous avez déclaré, en tant que secrétaire d’Etat aux droits des femmes, être « contre le voile à l’université ». Indépendamment de l’inactualité nauséabonde d’une telle prise de position, comment pouvez-vous, « au nom des droits des femmes », vous exprimer contre la liberté et l’égalité entre toutes les femmes ? Comment pouvez-vous considérer qu’il serait pertinent dans ce cadre d’exposer une partie des étudiantes aux rappels à l’ordre des instances dirigeantes des universités ou de quelques mandarins en mal de « mission civilisatrice », pourvus d’un droit discrétionnaire à exclure et à réglementer un droit de cité inaliénable et non négociable ?

Vous acceptez ainsi d’être la porte parole – non pas des femmes – mais d’entrepreneurs de leur seule carrière politique et médiatique, pourvoyeurs de haine et de fantasme.

A l’opposé d’une telle rhétorique, en tant que Secrétaire d’Etat déléguée aux droits des femmes, votre mission et votre responsabilité, si vous souhaitez vous intéresser à l’université, seraient pourtant des plus nobles mais aussi des plus considérables : depuis des années, aucune politique publique n’a souhaité financer à hauteur de nos besoins un véritable plan national de lutte contre le harcèlement sexuel et le sexisme à l’université, aucune action efficace, pérenne, n’a visé à lutter contre les exclusions et la paupérisation des étudiantEs ou des personnels administratifs – qui sont en grande majorité des femmes, et qui assurent au jour le jour nos conditions d’études.

Vous voulez œuvrer pour le droit des femmes à l’université ? Remettez en place un service de médecine universitaire digne de ce nom à même de fournir une information et des soins notamment relatifs aux droits reproductifs toujours plus menacés par la « crise » ; assurez-vous que les services sociaux à destination des étudiantEs et des personnels ne soient pas systématiquement la première ligne budgétaire que nos présidents et CA suppriment, que des transports publics desservent nos campus dans des conditions acceptables et que des logements décents pour étudiantEs soient construits en nombre suffisant, ou même, ouvrez des crèches dans nos universités pour permettre à toutes les femmes de venir travailler, étudier et se former.

Enfin, vous voulez discuter des droits des femmes, de liberté, d’égalité ? Des questions de genre, des droits des minorités sexuelles et raciales, des rapports sociaux tels qu’ils s’articulent aux politiques néolibérales de destruction des services publics et de privatisation des biens communs (qui transforment le savoir en marchandise par le biais de politiques que le PS relaie depuis des années) ? Venez dans nos cours et nos séminaires, dans nos départements, nos équipes de recherche, écoutez les enseignantEs, les étudiantEs, voiléEs, pas voiléEs, qui débattent, construisent ensemble une pensée critique à même de servir les connaissances qui nourriront les bibliothèques de demain comme les luttes menées en commun pour faire advenir un monde meilleur dont vous semblez avoir déjà fait le deuil.

Le 6 mars 2015

Elsa Dorlin (Professeure des universités, Paris 8)

Nacira Guénif-Souilamas (Professeure des universités, Paris 8)

Isabelle Clair (Chargée de recherche, CNRS/Cresppa, Paris 8-Paris 10)

Laure Bereni (Charg
ée de recherche, CNRS/ Centre Maurice Halbwachs)

Olivier Neveux (Professeur des universités, Lyon 2)

Sonia Dayan-Herzbrun (Professeure des universités émérite, Paris 7)

Hourya Bentouhami (MCF, Espe Toulouse/Université Jean Jaurès)

Joelle Marelli (Directrice de programme CIPh)

Eric Fassin (Professeur des universités, Paris 8)

Emmanuel Renaut (Professeur des universités, Paris 10)

Nelly Quemener (MCF, Paris 3)

Zahra Ali (doctorante, EHESS)

Vincent Farnea (IGE, Paris 8)

Maxime Cervulle (MCF, Paris 8)

Marwan Mohammed (Chargé de recherche, CNRS/Centre Maurice Halbwachs)

Abdellali Hajjat (MCF, Paris 10)

Paul B. Preciado (Directeur de Recherche, Musée d’Art Contemporain de Barcelone et Visiting Professor, New York University)

Ahmed Boubeker (Professeur des universités, Université Paul Verlaine)

Chantal Jaquet (Professeure des universités, Paris 1)

Azadeh Kian (Professeure des universités, directrice du CEDREF, Paris 7)

Sirma Bilge (Professeure Agrégée, UQAM)

Vincenza Perilli (InteRGRace)

Judith Revel (Professeure des universités, Paris 10)

Leyla Dakhli (Chargée de recherche, CNRS/Centre Marc Bloch)

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Eléonore Lépinard (Professeure, Université de Lausanne)

Ismahane Chouder (formatrice, présidente du Collectif Féministes Pour l’Egalité)

Marielle Debos (MCF, Paris 10)

Ludivine Bantigny (MCF, Université de Rouen)

Sylvie Tissot (Professeure des universités, Paris 8)

Maboula Soumahoro (MCF, Université de Tours)

Louis-Georges Tin (MCF, Université d’Orléans – Président du CRAN)

Valérie Amiraux (Professeure, Université de Montréal, détachée du CNRS)

Michelle Zancarini-Fournel (Professeure des universités émérite, Lyon 2 – ex chargée de mission nationale à l’égalité et à la mixité sur la formation des enseignantEs)

Catherine Achin (Professeure des universités, Paris 9)

Stéphane Douailler (Professeur des universités, Paris 8)

Julien Théry (Professeur des universités, Université Paul Valéry Montpellier)

Eric Brun (Docteur, chargé de cours Paris 8)

Eleni Varikas (Professeure des universités émérite, Paris 8)

Anne-Sophie Perriaux (MCF, Université de Rouen)

Ugo Palheta (MCF, Lille 3)

Guillaume Sibertin-Blanc (MCF, Université Jean Jaurès – Membre de l’Institut Universitaire de France)

Perrine Lachenal, (Docteure, chercheure associée à IDEMEC)

Francesca Arena, (Docteure, chercheure Université de Genève/TELEMME)

Nicolas Jounin (MCF en disponibilité, Paris 8)

Karine Espineira (Docteure, chercheure associée LIRCES/Université Nice Sophia Antipolis)

Paola Bacchetta (Associate Professor, UC Berkeley, professeure invitée Paris 7)

Kira Ribeiro (Doctorante, Paris 8)

Christine Delphy (Directrice de recherche émérite CNRS/Triangle)

Julie Perrin (MCF, Paris 8)

Catherine Perret (Professeure des universités, Paris 8)

Lisa Ammon (Doctorante, chargée de cours Paris 8)

Amélie Le Renard (Chargée de recherche, CNRS/ Centre Maurice Halbwachs)

Keivan Djavadzadeh (Doctorant, ATER Paris 8)

Myriam Paris, (Doctorante, Chargée de cours Paris 8)

Noëlle Burgi (Chargée de recherche CNRS/CESSP-CRPS)

Pauline Delage (Post-doctorante, Université de Lausanne/Centre en études genre)

Jean Bauberot (Professeur des universités émérite, EPHE)

LA PÉTITION EST ICI 

 

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