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Mentir au nom de Dieu (2/2)

Alors qu’Harun Yahya organise actuellement une série de conférences sur « l’origine de la vie » précédée d’une campagne d’affichage à Paris, nous publions la seconde partie du texte de Jean Staune qui démonte totalement l’argumentation de Harun Yahya dont la rhétorique créationniste se fonde sur une véritable désinformation pour ne pas dire de mensonges. Philosophe des sciences, Jean Staune confirme que l’évolution est un fait incontestable qu’il convient de ne pas confondre avec le darwinisme. Se basant sur les recherches de grands paléontologues comme Stephen Jay Gould et Simon Conway-Morris ou encore sur les travaux du Prix Nobel de médecine Christian de Duve, Jean Staune présente une alternative au darwinisme compatible avec l’idée que l’évolution est un processus devant tôt ou tard mener à des êtres comme nous, possédant la conscience de leur propre existence… Et capable de chercher Dieu.

Les mésaventures des créationnistes avec les ancêtres de l’homme [1]

S’il y a un point sur lequel tous les créationnistes sont d’accord, c’est qu’il n’existe pas de fossiles intermédiaires entre les grands singes et l’homme (ou pour être plus rigoureux, entre les ancêtres communs des grands singes et de l’homme, et les hommes actuels). Qu’ils soient musulmans comme Harun Yahya ou catholiques comme Dominique Tassot, leur stratégie sera toujours la même : reclasser tous les fossiles existants, soit comme des grands singes, soit comme des êtres humains purement sapiens, procédé qui permet de faire disparaître tous les intermédiaires. Les problèmes commencent quand il s’agit de savoir dans quelle catégorie on met un fossile donné.

Il faut reconnaître qu’il n’y a pas que les créationnistes que cela plonge dans une grande perplexité. Les morceaux extrêmement fragmentaires de certains squelettes sont parfois très difficiles à classer et les opinions à leur sujet peuvent diverger d’un spécialiste à l’autre. Mais cela peut se comprendre puisque, pour la paléontologie classique, il existe une filiation allant des Australopithèques à l’Homo Sapiens en passant par l’Homo Habilis et l’Homo Erectus. Il est donc normal que l’on puisse parfois avoir quelques hésitations, mais ces hésitations ne devraient pas exister du côté des créationnistes puisque, pour eux, il y a une rupture nette entre les grands singes et les êtres humains. Comme le dit Tassot lui-même : « Concluons cette rapide revue des « intermédiaires » entre l’homme et l’animal en remarquant que la différence apparaît plus tranchée que jamais »[2]. Si la différence est si tranchée, il ne devrait pas y avoir de doutes.

Les Australopithèques ne posent aucun problème aux créationnistes, ce sont de grands singes qui, pour Dominique Tassot comme pour Harun Yahya, n’étaient pas capables de marcher debout. L’Homo Habilis, trop proche des Australopithèques, ne peut être, lui aussi, qu’une espèce de singe disparu. Mais le consensus créationniste éclate très vite dès qu’on atteint l’Homo Erectus. C’est une ancienne race humaine, sans le moindre doute, pour Harun Yahya : “Tous les fossiles inclus dans cette espèce appartiennent à des races humaines particulières “[3]. Par contre, pour Dominique Tassot : “Aucun Homo Erectus ne résiste à l’analyse sous le triple rapport de la réalité des fossiles, de la bipédie et du lien ancestral avec l’Homme”[4].

Et cette situation s’aggrave si l’on regarde les choses de façon plus générale. Un critique du créationnisme a eu l’idée de reporter sur une même figure les classifications données aux mêmes fossiles par une demi-douzaine d’auteurs créationnistes (cf Figure 1). Le résultat montre que pour les Homos Erectus connus, tel que l’Homme de Java, l’Homme de Pékin ou le fossile ER 1470, trouvé au Kenya et sur lequel nous reviendrons, la moitié des auteurs les considère clairement comme des singes et l’autre clairement comme des hommes. On peut en déduire qu’il s’agit d’excellents fossiles de transition. On peut, sans rire, dire qu’un fossile est un fossile de transition (un ex chainon manquant) entre une espèce A et une espèce B, quand un certain nombre de créationnistes affirment qu’il s’agit purement d’une espèce A et que d’autres créationnistes affirment qu’il s’agit purement d’une espèce B. Car c’est alors la preuve que le fossile en question porte à la fois les caractéristiques des espèces A et B et que chaque créationniste se focalise uniquement sur une partie de ces caractéristiques tout en refusant de voir les autres.

Pour Tassot le crane 1470 est tout à fait humain : “Richard Leakey fait en 1973 une découverte troublante : parmi les débris épars d’Australopithèques, un crâne humain (Crane 1470)”.Utilisant (et c’est bien entendu son droit) les querelles des spécialistes qui, pour certains, voient dans le 1470 un Homo Habilis, voire un Australopithèque, Harun Yahya conclut triomphalement son analyse en disant qu’il s’agit d’une espèce de singe. Le seul problème, c’est qu’il présente juste après un Homo Erectus dont le squelette a été trouvé presque entier, le WT 15 000. Harun Yahya note avec justesse qu’il n’existe aucune différence entre le squelette post-cranial de l’homme d’aujourd’hui et celui de l’Homo Erectus[5]. Le problème, c’est que ce fossile possède un crâne de 910 cm3[6]. Or, le crâne du 1470 a, lui, une capacité estimée de 750 à 780 cm3. Le moins que l’on puisse dire quand on les regarde tous les deux (cf Figure 2), c’est qu’il n’y a vraiment pas une différence flagrante entre les deux crânes. Ce ne sont plus des singes, mais ce ne sont pas encore des hommes tels que nous.

Là où ces tentatives de faire disparaître les formes de transition tournent franchement au comique, c’est quand on voit les contradictions qui peuvent exister à l’intérieur d’un même auteur. Ainsi, Dominique Tassot écrit : « “Nous refusons donc l’appellation “d’Homo” à ces êtres de capacité crânienne faible (Australopithèque) ou intermédiaires (Homo Erectus).
Il ne suffit pas d’appeler “Homo Erectus” un être de capacité crânienne inférieure à 1200 cm3 pour le douer de conscience.”
[7] Donc, les choses sont claires. Pour Dominique Tassot, les êtres pourvus d’un cerveau inférieur à 1200 cm3 ne peuvent pas appartenir au genre Homo.
Mais nous avons vu qu’il considérait le crâne 1470 comme celui d’un homme (même pas un homme archaïque), alors que celui-ci possède une capacité crânienne de… 750 cm3, c’est-à-dire qu’il serait absurde de le considérer comme un homme, selon la définition de l’homme donnée par Tassot.

Une autre obsession des créationnistes, c’est de montrer que l’Homo Sapiens est le plus ancien possible, qu’il a déjà existé, non pas il y a 150.000 ans mais il y a 1 ou 2 millions d’années. Ainsi, Tassot écrit également : “En 1978 Donald Johanson dégageait dans le désert de l’Afar toute une famille d’ « Homo Sapiens » fuyant une grande inondation, daté de 3 Millions d’années”.

La découverte dans la même couche que Lucy, la célèbre australopithèque, d’une famille d’Homo Sapiens, serait bien sûr une découverte inouïe infirmant la théorie de 1’évolution. Mais les méchants paléontologistes darwiniens se garderont bien d’en parler, désinformant une fois de plus le public : “Bien entendu l’inondation géante et la famille humaine de Johanson resteront inconnues du public”. En fait, quand on étudie de façon un peu détaillée cette découverte, on se rend compte que la famille d’« Homo Sapiens » soit disant découverte se résume à des dents ou des morceaux d’os qui peuvent être attribués, soit à des Australopithèques, soit aux Homo les plus primitifs qui soient, c’est-à-dire des Homo Habilis, ceux-là même que Tassot rejette sans hésitation de la famille humaine. Ces fragments sont accompagnés d’un crâne, l’AL 333 105, d’une capacité crânienne de 320 cm3 qui aurait probablement atteint 400 cm3 à l’âge adulte[8]. Un crâne d’aussi faible capacité est bien entendu celui d’un Australopithèque et, comme nous l’avons vu, selon les critères de Tassot lui-même, ce serait de la plus extrême absurdité que de le considérer comme faisant partie de la famille Sapiens. Quant à la grande inondation, qui dans l’esprit de Tassot fait bien entendu référence au Déluge, il s’agit de la rupture d’un barrage naturel qui entraîna la noyade de cette famille d’Australopithèques.

 

Quand les créationnistes obligent l’Australopithèque à ramper

Dans leur volonté de montrer que l’Australopithèque n’est pas une espèce intermédiaire entre les grands singes et l’homme, les créationnistes insistent tous sur le fait que l’Australopithèque ne pouvait pas marcher debout mais qu’il se déplaçait comme les grands singes. En fait, c’est exactement l’inverse qui est vrai. Les Australopithèques étaient obligés de marcher debout. Certes, leur bipédie n’était pas aussi parfaite que la nôtre, mais ne pas marcher debout leur aurait infligé les pires tourments, comme le montre la Figure 3. En effet, le bassin des chimpanzés est tout en longueur, car le chimpanzé, lorsqu’il se déplace, n’a pas besoin que le haut de son corps soit « porté » par son bassin. L’homme, par contre, possède un bassin tout à fait caractéristique, en forme de coupelle, et sur lequel repose toute la partie supérieure de son corps. C’est là un signe caractéristique de la bipédie. Or, le bassin d’Australopithèque, à commencer par celui de la fameuse Lucy, est infiniment plus proche de celui de l’homme que de celui du chimpanzé, comme le montre la Figure 3. Un autre argument qui confirme la bipédie des Australopithèques et de toutes les autres espèces d’Homo Habilis que les créationnistes veulent reclasser dans les singes quadrupèdes, c’est la position du trou occipital. Ce trou est situé en-dessous du crâne chez les Australopithèques, alors qu’il part vers l’arrière du crâne chez les grands singes comme chez tous les autres quadrupèdes. C’est la preuve que la colonne vertébrale de ces êtres était située sous la tête et non à l’arrière de celle-ci comme chez les Chimpanzés et donc qu’ils étaient bipédes.

Harun Yahya a publié des dessins de bassins humains et de bassins de chimpanzés, ainsi que le bassin de Lucy[9]. Il donne donc lui-même au lecteur quelque peu attentif de son ouvrage la preuve que les Australopithèques ne pouvaient qu’être bipèdes. Cela ne l’empêche pas  d’écrire, concernant Lucy : « Les dernières recherches ont établi que celle-ci était un singe ordinaire qui ne pouvait pas marcher debout. » Et encore : « La grande similitude qui existe entre les structures squelettiques et crâniennes des australopithèques et des chimpanzés, en plus de la preuve établie que ces créatures ne marchaient pas debout, à causé d’énormes difficultés aux paléoanthropologues[10]. » Or, nous venons d’avoir la preuve que les Australopithèques marchaient bien debout et qu’en plus, la structure de leur crâne différait des chimpanzés sur un point essentiel, le trou occipital étant dirigé vers le bas et non vers l’arrière.

Dans une dernière tentative pour montrer que des êtres humains comme nous auraient vécu il y a 3,6 millions d’années, ce qui perturberait profondément la chronologie aujourd’hui acceptée de l’origine de notre espèce, Harun Yahya fait mention des empreintes de Laetoli. Ces empreintes sont la plus ancienne trace d’une marche bipède (cf. figure 2.7). Il s’agit d’empreintes laissées dans une couche de cendre déposée par un volcan, couche qui s’est fossilisée et solidifiée par la suite. Au milieu de différentes empreintes d’animaux, on peut trouver des traces de 3 hominidés bipèdes, l’un mettant ses pas dans les traces d’un autre, chose que ne font pas, à priori, les animaux. Ces empreintes continuent sur une distance suffisamment longue pour qu’on soit sûr qu’il ne s’agisse pas de grands singes qui, sur de courtes distances, peuvent parfois marcher de façon bipède. Harun Yahya nous dit : « Les empreintes de pas de Laetoli n’étaient pas différentes de celles qu’aurait laissé un homme de nos jours. Les examens de la forme morphologique des empreintes ont démontré encore une fois que ces empreintes étaient humaines voire plus, celles d’un homme de nos jours[11]. »

Après tant de déceptions, après avoir découvert qu’il n’y avait pas d’empreintes d’hommes mélangées à celles de dinosaures, que la famille d’Homo Sapiens fuyant une grande inondation était en fait des Australopithèques, que bien des fossiles considérés comme des « hommes » étaient en fait extrêmement primitifs (les 1470, le WT 15 000), les créationnistes toucheraient-ils enfin leur Graal ? Ne pourraient-ils enfin s’appuyer sur un fait, ne serait-ce qu’un seul petit fait irréfutable, montrant la fausseté des chronologies actuelles ? Eh bien, non, encore raté ! Car justement, les empreintes de Laetoli sont exactement le contraire de ce qu’en disent Harun Yahya et d’autres créationnistes, c’est l’une des meilleures preuves physiques qui soient de l’existence d’une espèce intermédiaire entre l’homme et les grands singes ! En effet, comme l’a montré Yvette Deloison, spécialiste du pied et qui a tout particulièrement étudié ces empreintes : « Elles présentent des caractères non humains : hallux varus (le gros orteil s’écarte vers l’intérieur), présence d’un espace important entre le premier orteil et les quatre latéraux, enfoncement plus marqué du bord externe du pied traduisant un appui en varus, talon étroit et creux en surface, pas de voûte plantaire mais à la place un renflement traduisant le développement important du muscle écarteur du premier orteil (musculus abductor hallucis brevis) développé dans le pied des grands singes, mais jamais chez les humains[12].” Pour ceux que ces termes techniques pourraient dérouter, il faut dire que la différence se voit à l’œil nu. Non pas lorsqu’on regarde les chemins qu’on laissés les hominidés eux-mêmes (Figure 4), mais quand on regarde en gros plan les traces et qu’on les compare à un pied humain (Figure 5). On voit ainsi toute la différence, entre autres au niveau de la position du pouce, entre l’être qui a laissé ces empreintes et les hommes modernes. Plus encore, lorsque l’on compare (Figure 5) les formes générales des empreintes humaines, celles laissées par les chimpanzés et celles de Laetoli, on se rend compte que ces dernières sont presque équivalentes à celles d’un chimpanzé. Pourtant, aucun grand singe n’aurait pu laisser un tel tracé de marche bipéde qui, sans être parfait, est beaucoup plus proche de ce que fait l’homme que de ce que peut faire un chimpanzé.

Ainsi, l’être qui a laissé ces empreintes à Laetoli est-il parfaitement intermédiaire entre le chimpanzé et nous. Capable d’une bipédie approchant la nôtre, il possède encore des pieds dont la forme est proche de celle d’un singe. Mais n’existait-il pas un tel être ? C’est l’Australopithèque, bien-sûr, dont nous avons vu que son bassin le force à être bipède, mais qui présente encore de nombreuses caractéristiques simiesques. Vous ne serez pas étonné d’apprendre que des ossements d’Australopithèques ont été retrouvés dans des couches datant de périodes proches de celles où l’on a trouvé les empreintes. Ainsi avons-nous une nouvelle preuve de la bipédie des Australopithèques et de leur nature d’intermédiaires entre les grands singes et l’Homme, et cela à l’aide même de traces fossiles qui sont présentées par de nombreux créationnistes comme de nature à réfuter les schémas évolutionnistes[13].

Ces chromosomes de singes qui sont en nous

Au-delà de l’existence de toute une série d’espèces intermédiaires, du développement de la bipédie chez les Australopithèques, de l’existence d’Homos Habilis ou d’êtres au cerveau à peine plus gros que les Australopithèques, puis d’Homos Erectus présentant des cerveaux de toutes les tailles allant de 800 à 1200 cm3, comment être vraiment certain, au-delà de tout doute envisageable, que nous descendons bel et bien de primates et que nous partageons un ancêtre commun avec les chimpanzés et les autres grands singes ?

 Une preuve extraordinaire existe. Les êtres humains ont 23 paires de chromosomes, et les grands singes, y compris les chimpanzés, en ont 24. Nous avons donc en nous 46 chromosomes, alors que les chimpanzés en ont 48 (voir figure 6). Je me souviens d’avoir lu un créationniste qui en tirait un argument contre le passage des primates à l’homme. Comment peut-on passer de 48 à 46 chromosomes disait-il ? « Par la fusion de 2 paires de chromosomes », semble-t-être pourtant une réponse évidente. Or, tout chromosome a une structure bien particulière. En son centre se trouve un centromère qui joue un rôle important lors de la duplication, et à ses deux extrémités se trouvent des structures spécifiques appelées télomères (voir Figure 7).

Les chromosomes 2A et 2B du chimpanzé sont des chromosomes de petite taille, alors que le chromosome 2 chez l’homme est de grande taille (cf. Figure 6). Et que croyez-vous que l’on trouva, en analysant de près ce chromosome ? Qu’il possédait 4 télomères, 2 aux extrémités et 2 en son centre, et 2 centromères situés à un quart de la distance les séparant de chacune des extrémités. Cerise sur le gâteau, l’un des 2 centromères était « déconnecté », et cela est fort heureux car, sinon, c’est comme si on avait une voiture avec deux volants susceptibles de la faire tourner dans deux directions différentes en même temps. Bien entendu, la seule explication pour cette structure unique du chromosome 2 de l’homme, qui ne se retrouve chez aucun autre chromosome de l’homme ou du singe, c’est qu’il y a eu fusion des 2 chromosomes hérités de l’ancêtre commun à l’homme et au chimpanzé dans la lignée qui a mené jusqu’à nous (voir Figure 7). Aucune autre explication non évolutionniste ne peut être prise en compte ici, sauf à avancer l’hypothèse, impossible à défendre pour un croyant, d’un « Dieu mystificateur » qui ferait tout pour nous faire croire qu’une évolution depuis les primates a eu lieu alors qu’Il aurait créé séparément des hommes pourvus d’un chromosome contenant 4 télomères et 2 centromères, exactement à l’endroit où les singes possèdent 2 chromosomes, avec 2 télomères et 1 centromère chacun[14]

Conclusion

Nous avons vu dans la première partie de cet article  que nous avions les preuves, au-delà de tout doute raisonnable, qu’il y a bien eu une évolution permettant progressivement à différents types d’êtres vivants d’apparaître les uns à partir des autres. Et nous venons de voir que l’apparition de l’homme s’inscrit également dans ce processus. Est-ce pour cela qu’il faut accepter l’idée développée par de nombreux darwiniens selon laquelle nous ne serions que le résultat accidentel d’un processus aléatoire ?

Bien sûr que non ! Comme je l’ai souligné en commençant, nous devons  faire la différence entre l’évolution et le darwinisme,  c’est-à-dire entre un fait et un mécanisme postulé pour expliquer ce fait. Or une conception différente de la conception darwinienne de l’évolution est possible. Dans la conception darwinienne, l’espace des formes possibles est immense. Et chacun des événements qui se sont succédés au cours de l’histoire pour permettre à ces formes d’apparaître se sont déroulés par hasard (il s’agissait de mutations aléatoires triées par la sélection naturelle).

Dans une telle conception, si l’évolution devait se reproduire sur une planète identique à la Terre, elle donnerait des résultats complètement différents. Voilà pourquoi, pour un grand paléontologiste comme Stephen Jay Gould, l’apparition de l’homme est un épiphénomène. Mais un paléontologiste du même niveau, Simon Conway-Morris, et le Prix Nobel de médecine Christian de Duve ont développé une vision alternative de l’évolution, dans laquelle le hasard est canalisé par les lois de la physique, ce qui implique que l’évolution arriverait à peu près au même  résultat sur une planète identique à la Terre.

Cela change tout, car si cette conception de l’évolution est vraie, elle est parfaitement compatible avec l’idée que l’évolution est un processus devant tôt ou tard mener à des êtres comme nous, possédant la conscience de leur propre existence… Et capable de chercher Dieu.

Mais comment trancher ? Nous ne disposons pas d’une deuxième Terre où recommencer l’évolution. C’est ici qu’entre en jeu le concept de “convergence”  développé par Simon Conway-Morris. Nous pouvons observer sur Terre que des structures complexes identiques apparaissent au cours de l’évolution chez des espèces très différentes, alors que l’ancêtre commun de ces espèces ne possédait pas cette structure. Il existe de très nombreuses formes d’yeux chez les êtres vivants. Nous possédons, comme tous les vertébrés, un type d’oeil particulier (appelé “oeil” caméra), car il fait des “mises au point” de la même façon qu’une caméra. Or cet oeil est apparu au cours de l’évolution indépendamment chez une espèce d’escargot, chez le calamar, chez une araignée, et même chez une méduse dépourvue de cerveau. Alors que l’ancêtre commun à tous ces êtres était une bactérie, bien entendu dépourvue d’yeux. Et que les cousins des êtres vivants que nous avons cités possèdent eux des yeux de type très différents des nôtres.

Sans la prouver, cela donne une forte crédibilité à cette notion d’évolution répétable. Et donc au fait que des êtres tels que nous étaient d’une certaine façon « attendus ».
Ainsi, la notion d’évolution est parfaitement acceptable pour les croyants, car il peut s’agir du processus choisi par Dieu pour créer, à condition bien sûr,  de savoir dépasser les conceptions darwiniennes classiques. Ce qui est également important de retenir pour les croyants, c’est que les créationnistes, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, ridiculisent la foi qu’ils prétendent défendre et donnent d’importants arguments aux athées. Comme nous l’avons montré ici, presque chacune des affirmations qu’ils font contre l’évolution (pas celles dirigées contre le darwinisme), non seulement sont fausses, mais reposent parfois sur des faits qui constituent d’excellentes preuves de l’évolution !
Il est impossible pour les croyants de défendre ce qu’ils pensent être la vérité avec des mensonges. C’est pourquoi, il est important pour tout croyant de mieux comprendre ces questions au plan scientifique, d’étudier les preuves de l’évolution et les théories alternatives au darwinisme. Ceux qui voudront le faire pourront se reporter à mon ouvrage Au-delà de Darwin : pour une nouvelle vision de la vie, Edition Jacqueline Chambon 2009, ou aux chapitres 1 et 2 ainsi qu’à l’annexe de mon dernier ouvrage La science en otage, Presses de la Renaissance 2010.


[2] Dominique Tassot A l’image de Dieu, Editions Saint Albert, 1991, p. 91

[3] Ouvrage cité, p. 649

[4] Tassot, ouvrage cité, p. 80

[5] Si on voulait être rigoureux, il faudrait dire bien-sûr, aucune différence majeure.

[6] En fait, c’est l’estimation de ce qu’aurait été son volume de crâne à l’âge adulte car il s’agissait d’un adolescent avec un crâne de 880 cm3. Voir la référence suivante, accessible sur internet pour plus de détail  : Human Fossil Record : Brain Endocasts—Paleoneurological Evidence, Ralph L. Holloway, Douglas C. Broadfield , Michael S. Yuan, Jeffrey H. Schwartz, Ian Tattersall, John Wiley & Sons, 2004, voire p. 139.

[7] Tassot, ouvrage cité, p. 90

[8] Voir Human Fossil Record : Brain Endocasts—Paleoneurological Evidence, ouvrage cité, p. 45

 

[9] Ouvrage cité, p.s 657 et 643 

[10] Harun Yahya, ouvrage cité, p.s 643 et 644

[11] Harun Yahya, ouvrage cité, p. 654

[12] Les empreintes de pas de Laétoli, Tanzanie Footprints of Laétoli, Tanzanie Biom. Hum. et Anthropol. 2004, 22, 1-2, p. 61-65. Deloison Y. peut se consulter en ligne sur http://www.hominides.com/html/references/empreintes-pas-laetoli-deloison.php

[13] Harun Yahya et les autres créationnistes ont une excuse : il s’est au moins trouvé un paléontologiste professionnel, Russell Tuttle, pour affirmer : « Dans toutes les caractéristiques morphologiques visibles, il est impossible de différencier les pieds qui ont laissé ces marques de ceux des hommes actuels. » Pour avoir moi-même étudié ces empreintes, ayant été, entre autres, l’élève d’Yvette Deloison au Museum National d’Histoire Naturelle, je ne comprends pas comment un scientifique sérieux peut dire une telle chose, tant la différence saute aux yeux, et augmente encore quand on regarde les choses sous un angle plus technique (voir la citation d’Yvette Deloison). Cela nous montre qu’il n’y a pas que les créationnistes pour dire des énormités.

[14] Pour une étude détaillée concernant cette question du chromosome, voir Only a theory, ouvrage cité, p. 103- 107. Une version moins détaillée existe aussi en français, dans l’ouvrage de Francis Collins De la génétique à Dieu, Presses de la Renaissance, 2010, p.128 – 134.

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