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Mensonges et dérobades de Caroline Fourest et quelques autres réflexions…

C’est le magazine L’Express qui a obtenu l’exclusivité de l’annonce et de la présentation du livre de Caroline Fourest, Frère Tariq. La publication du livre a non seulement fait la Une mais ce ne sont pas moins de huit pages qui lui sont offertes, avec une interview aux questions faussement objectives et des extraits qui sont présentés avec des annotations qui prouveraient que Caroline Fourest a bien lu et qu’il s’agit là d’un travail scrupuleux et honnête. Caroline Fourest est d’ailleurs présentée comme une « journaliste d’investigation » (donc neutre) et « féministe » (dont l’engagement est forcément noble). Aucune prise de distance de la part du magazine, aucune manifestation de prudence qu’exigerait le minimum de déontologie… Ces dernières années, l’Express, quant à son traitement de l’islam et de la réalité des Français de confession musulmane, va vraiment de plus en plus mal…

La formidable campagne médiatique qui s’est abattue sur moi en France a commencé après la publication de mon texte sur les (nouveaux) intellectuels communautaires. Depuis, on n’a point cessé la critique et tous les moyens ont été bons pour chercher à me diaboliser. Le livre Frère Tariq vient poursuivre cette campagne, et Caroline Fourest est non pas seulement « une journaliste d’investigation », mais également une militante de longue date pour qui toute critique de la politique israélienne est en fait de l’antisémitisme. Proche de Pascal Bruckner, protégée de Bernard-Henri Lévy, elle est l’auteure d’un pamphlet qui est tout sauf une étude sérieuse : le mensonge le dispute à la citation tronquée ; le raisonnement construit de toutes pièces n’a d’égal que l’approximation et les erreurs de dates, de noms, de lieux et de personnes. Une honte… et les Éditions Grasset qui osent publier une pareille « enquête » (romanenquête idéologique ?) se déshonorent…

Les exemples de distorsions transpirent à chaque page et nous n’en prendrons que trois.

• Caroline Fourest affirme que j’ai fait interdire la pièce Mahomet, de Voltaire, en 1993, ce qui est un mensonge éhonté. Le conseiller administratif de la ville de Genève, M. Alain Vaissade, a pris cette décision en juin 1993, alors que j’étais depuis plusieurs mois en Égypte (je ne suis revenu qu’en août…). M. Vaissade a publiquement affirmé à la Radio suisse romande qu’il avait lui-même pris cette décision et qu’il ne m’avait ni vu ni consulté sur cette question.

• Par ailleurs, l’auteure construit des raisonnements en utilisant de courtes citations de trois mots pour faire croire que c’est moi qui parle. Elle ne va pas jusqu’au bout de mes raisonnements. Je dis, par exemple, aux musulmans qu’il serait légitime de se battre si on nous empêchait de pratiquer les piliers de l’islam. Caroline Fourest coupe mon raisonnement et insiste sur le fait que j’encourage les musulmans à lutter contre nos Constitutions quand elles ne respectent pas l’islam. Elle omet de citer la suite, où j’affirme que toutes les Constitutions européennes respectent les piliers de l’islam. Il est donc tout à fait possible d’être Français et musulman. Ce genre de déformations est plus la règle que l’exception.

• Dernier exemple : le cinéma. J’ai toujours soutenu que le cinéma n’était pas interdit en islam et qu’il appartenait à chacun de faire son choix et d’être sélectif : tout n’est pas bon dans le cinéma et il est évident que je fais allusion à la violence, à la pornographie ou encore à ces films de « grandes industries » abrutissants. Caroline Fourest interprète ces réserves comme des attaques contre le cinéma, que, à la manière des talibans, j’interdirais forcément en pays majoritairement musulman.

Tout le livre est à l’avenant : un édifice mensonger produit par un esprit profondément malhonnête. Cela suffit, je n’accorderai pas plus d’attention à ces quatre cents pages qui sont une insulte à la pensée, à la probité et qui n’ont qu’une seule fonction : noircir et répandre la peur. L’avenir montrera assez vite qu’entre Caroline Fourest et moi-même c’est elle et ses collègues qui sont le véritable danger, qui entretiennent la peur, poussent au repli communautaire et pervertissent le débat, qu’ils ne conçoivent que comme un monologue dont ils imposent les termes et les conditions.

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Caroline Fourest a été invitée par la Télévision suisse romande (TSR) pour venir débattre de son livre en face à face. Sa maison d’édition a d’abord prétendu qu’elle ne pouvait se rendre à Genève « pour des raisons de sécurité »… Cela fait sourire. Le duplex était envisagé. Puis une réponse étrange était apportée en conclusion : le plan médias de Caroline Fourest ne lui permettait pas de participer au débat. Est-ce si étonnant au fond ? L’imposture est telle qu’elle ne peut soutenir la confrontation. Et puis elle nous ramène à la sagesse : la seule réponse à l’indigne est désormais de l’ignorer, quelle que soit la publicité que les médias donneront à ces pages.

Lionel Favrot, l’auteur de Tariq Ramadan dévoilé et journaliste à Lyon Mag (qui a été condamné pour diffamation à mon égard) est venu à l’émission. Pour l’essentiel, on trouve dans son livre les mêmes arguments, les mêmes exemples et les mêmes thèses que ceux de Caroline Fourest. La même malhonnêteté. Ils auraient sans doute pu écrire un livre à deux… mais il est vrai que « Tariq Ramadan fait vendre aujourd’hui » ! Avec la malhonnêteté, on doit sans doute ne pas négliger l’argument pécuniaire pour comprendre les motivations de cette folle campagne médiatique. Celles et ceux qui le veulent pourront se rendre sur le site de la TSR (http://infrarouge.tsr.ch) pour voir l’émission… triste spectacle d’un homme, d’un « journaliste d’investigation », approximatif, menteur et surtout imposteur. Je n’insiste pas.

Un petit mot encore. Le journaliste Darmon, d’Antenne 2, vient d’écrire un livre sur Nicolas Sarkozy : Sarko Star. On y apprend que Nicolas Sarkozy, quelques heures avant notre émission en novembre dernier, rassurait Bernard-Henri Lévy et lui promettait d’être dur avec moi. La stratégie générale, nous apprend-on, était méticuleusement pensée et planifiée entre la discussion « dure » sur la lapidation et la proposition plus ouverte du bandana. Ceux qui avaient des doutes sur la réalité d’une mise en scène peu noble doivent réviser leur jugement. Ce doit être aussi le cas de ceux qui refusent de voir les manœuvres politiciennes de celui qui se présente comme « l’ami des musulmans » et qui fait aujourd’hui une série de propositions, dont la surprenante idée de revisiter la loi de 1905. Officiellement, pour permettre à l’islam français de s’épanouir et à chaque grande ville d’avoir sa mosquée… À moins que ce ne soit pour mieux contrôler les musulmans, les surveiller et les transformer en un vivier électoral docile à l’horizon des élections.

La tradition laïque française est chaque jour un peu plus trahie au nom, nous dit-on, de la laïcité elle-même et de l’unité de la République. Il appartient aux Français de confession musulmane de dire avec détermination qu’avant de penser à la réformer il conviendrait que la loi de 1905 soit appliquée de façon stricte et égalitaire à l’endroit de tous les cultes ; que les musulmans n’ont pas à être traités de façon singulière, mis sous tutelle, et « accompagnés » de façon paternaliste, et à coup d’actions symboliques (« le préfet musulman »), vers la citoyenneté et l’installation durable et définitive de « l’islam français ».

Celui qui est capable de telles manipulations médiatiques peut aussi être capable des manipulations politiciennes les plus sournoises. L’« ami des musulmans » est surtout l’ami de leur vote… et tout semble permis pour parvenir à ses fins. Les organisations musulmanes qui feront semblant de négliger la réalité du second terme de la proposition, en trompant les musulmans sur la fausseté du premier, auront une responsabilité majeure quant à l’avenir.

Pour le dire simplement, et sur un plan plus général, on ne peut pas vouloir, d’un côté, rassurer et satisfaire Bernard-Henri Lévy et ceux qui défendent ses positions (tellement nombreux dans l’entourage politique de Nicolas Sarkozy) et, d’un autre côté, respecter fondamentalement les citoyens de confession musulmane. Pourquoi ? Parce les premiers abhorrent et redoutent au plus au point l’idée qu’un jour la France puisse voir apparaître des citoyens français de confession musulmane, assumant le caractère multidimensionnel de leur identité, farouchement indépendants, sujets de leur Histoire, acteurs de leur société, capables de s’exprimer de façon audible et de prendre des positions critiques et des décisions circonstanciées sur les questions nationales et internationales. Entre les premiers et les seconds, il faut faire un choix… et l’Histoire marche dans le sens des seconds, avant comme après 2007.

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