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Les mathématiques en deuil : Maryam Mirzakhani est morte

 «C’est un grand honneur et je serai heureuse si cela encourage de jeunes femmes scientifiques et mathématiciennes. Je suis convaincue que de nombreuses autres femmes recevront ce type de récompense dans les prochaines années.»
Maryam Mirzakhani à l’annonce de la médaille Fields (site de Stanford)
«Une triste nouvelle pour la plus élégante des sciences : les mathématiques. Maryam Mirzakhani est morte. Elle avait 40 ans et la vie devant elle. Le destin en a décidé autrement. Une lumière s’est éteinte aujourd’hui. Cela me brise le cœur…, partie bien trop tôt», a écrit Firouz Michael Naderi, scientifique américano-iranien et ancien de la Nasa, sur Twitter et Instagram au petit matin samedi. «Un génie ? Oui, mais aussi une fille, une mère et une épouse.»
«En 1994, écrit Najafi, conseiller du président Rohani, alors que j’étais responsable du ministère de l’Éducation, à notre grande surprise, Maryam a battu nos attentes, en remportant une médaille d’or à l’Olympiade internationale de mathématiques en tant que première étudiante iranienne à le faire. Mirzakhani est un bijou pour toutes les femmes iraniennes et pour toutes les femmes du monde entier. Elle est un modèle pour être humble et humain ainsi que ses capacités intellectuelles et académiques.» «Mais ce qui m’a impressionné encore plus que son génie, ce sont ses vertus qui l’ont fait un être humain complet. Au cours des années, elle a voyagé plusieurs fois en Iran pour partager ses résultats de recherche avec des mathématiciens iraniens, elle aime son pays, perdre cher Maryam à un si jeune âge apportera un immense chagrin au monde des mathématiques et à la communauté scientifique iranienne, car elle peut encore contribuer de manière inestimable à la reconnaissance et à la compréhension des sciences mathématiques.»(1)

Qui est Maryam Mirzakhani ?

Elle fut élève du lycée Farzanegan de Téhéran, un lycée pour jeunes filles surdouées dépendant du Sampad, l’Organisation pour le développement des talents exceptionnels. Elle est lauréate des Olympiades internationales de mathématiques en 1994 à Hong Kong et de celles de 1995 à Toronto, où elle établit un score parfait. Mirzakhani obtient un BSC en mathématiques en 1999 de l’université de technologie de Sharif à Téhéran, et un doctorat de mathématiques de Harvard en 2004, sous la direction du lauréat de la médaille Fields, Curtis McMullen. En septembre 2008, elle est nommée, à l’âge de 31 ans, professeur de mathématiques à Stanford après avoir été maître de conférences à l’université de Princeton. Voici l’introduction et la conclusion d’un document de l’Union mathématique internationale consacré à la mathématicienne à l’occasion de la remise de la médaille Fields(2) :
«Maryam Mirzakhani a apporté des contributions frappantes et très originales à la géométrie et à l’étude des systèmes dynamiques. Son travail sur les surfaces de Riemann et sur les espaces de modules met en relation plusieurs disciplines mathématiques — la géométrie hyperbolique, l’analyse complexe, la topologie et la dynamique — et les influence à son tour. À cause de sa complexité et de son inhomogénéité, l’espace des modules a souvent semblé ne pas être propice à une étude directe. Mais pas aux yeux de Mirzakhani. Elle est dotée d’une forte intuition géométrique qui lui permet d’appréhender directement la géométrie de l’espace de modules. Familière avec une remarquable diversité de techniques mathématiques et de cultures mathématiques, elle incarne un équilibre rare entre des performances techniques superbes, une audacieuse ambition, une vision qui porte loin et une curiosité profonde. Mirzakhani est destinée à rester à la pointe de cette exploration qui continue.»
«Enfant, Maryam Mirzakhani rêvait d’être écrivain mais la fièvre des chiffres et des équations la prend au collège, pour ne plus la quitter. Ses récompenses furent nombreuses. Notamment le prix Blumenthal 2009 pour l’avancement de la recherche en mathématiques pures et le prix Satter 2013 de l’American Mathematical Society. Maryam Mirzakhani était devenue, en 2014, la première femme lauréate de la plus prestigieuse récompense en mathématiques.»

Les olympiades de mathématiques: creuset de l’élite

Les premières Olympiades internationales de mathématiques se sont déroulées en 1959 en Roumanie. Depuis, elles ont eu lieu tous les ans, sauf en 1980, en raison de dissensions internes.  Actuellement, plus de 100 pays des cinq continents y participent, les élèves doivent avoir moins de 20 ans et ne pas avoir commencé leurs études supérieures, mais aucune limite n’est imposée quant au nombre de participations. L’épreuve consiste à résoudre sur deux jours, en deux séances de 4 heures et demie, deux séries de trois problèmes issus de la géométrie plane, de l’arithmétique, des inégalités ou de la combinatoire. Leur résolution fait appel plus au raisonnement qu’à des connaissances sophistiquées : les solutions sont souvent courtes et élégantes.
Après avoir boudé pendant une dizaine d’années ces olympiades du fait de résultats catastrophiques, l’Algérie a renoué depuis quelques années avec les concours. Ainsi elle participe aux Olympiades internationales de mathématiques qui se déroulent cette année à Rio de Janeiro (Brésil), du 12 au 23 juillet, et est représentée à cette prestigieuse compétition intellectuelle et didactique par un groupe des meilleurs élèves, composé de six lycéens, dont une fille.
On se souvient que le Premier ministre algérien  Abdelmalek Sellal avait honoré à Alger les meilleurs élèves algériens ayant participé à l’Olympiade internationale de mathématiques qui s’est déroulée en Thaïlande du 8 au 16 juillet 2015. Les élèves algériens ont occupé des places honorables à ce concours international auquel ont pris part 104 pays. L’Algérie a été classée pour la première fois à la 62e place à l’échelle mondiale grâce à la performance des élèves Hamdi Yacine (médaille d’argent) et Saadi Fayçal (médaille de bronze). Ilyès Hamdi et Souheïb Abdeldjalil Alout ont obtenu des mentions honorables à cette manifestation qui a propulsé l’Algérie à la tête du classement au niveau maghrébin, à la deuxième place sur le continent africain et à la troisième place au niveau arabe.

Et en Algérie : Le triste sort des mathématiques et de la rationalité?

 L’année de la médaille Fields de Maryam Mirzakhani avait correspondu en Algérie à un événement attristant, celui d’un mimétisme ravageur d’un Occident qui met en œuvre une macdonalisation des cultures. Il fallait singer l’Occident non pas dans ses prouesses technologiques mais dans ce qu’il a de plus débilisant. Ainsi dans une de mes contributions, j’avais étalé mon désespoir suite à l’élection de Miss Algérie 2014 au moment ou Maryam Mirzakhani recevait la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel de mathématiques : «(…) Dans l’Algérie de 2014, plus que jamais, le peuple est ‘’accompagné’’ dans ce qu’il y a de plus stérile en termes d’intelligence, de créativité. Ainsi, rituellement, comme au temps de l’Empire romain décadent, on distrait la plèbe, la canaille, les ‘’sans-dents’’, dirait le président Hollande, avec du pain et des jeux de cirque : ‘‘Panem et circenses’’ (3).
On flatte toutes les pulsions débilisantes avec les émissions de type ‘‘Star’ac’’, encore un autre mimétisme, avec des chanteurs payés à prix d’or, sans compter naturellement l’opium du peuple qui nous coûte les yeux de la tête, le football et le marécage de sa gestion avec, en prime, un comportement de hooligans dans les stades. La faute ne vient pas des organisateurs lampistes lambda qui n’ont fait que mettre en musique une ‘‘demande sociale’’. Elle vient plus globalement de l’errance, de l’état d’esprit qui fait le manque de cap culturel, le désarmement moral, le laisser-aller sans stratégie d’ensemble qui font fait que chacun se croit autorisé à faire ce que bon lui semble, à être dans l’air du temps, à singer ce que l’Occident a de plus pervers, alors que le pays risque de s’effriter identitairement et est en passe de rater le train du progrès.»(3)
Avec une lucidité remarquable l’universitaire Aissa Hirèche fait avec humour, mais aussi avec une rage contenue, le procès de cette déchéance et de ce désarmement culturel : «A force de regarder les concours des miss ailleurs, les nôtres ont d’abord cru que c’est une obligation que d’en avoir chez nous. On fait appel à quelqu’un de célèbre et on lui donne l’image du pays entre les mains. On l’a déjà fait avec Maradona, vous souvenez-vous ? C’était pour lancer la 3G. Ah ! la fameuse 3G. Or, qui pourrait rehausser le concours national de Miss Algérie 2014, ce concours sans lequel nos universités resteraient les dernières au monde et nos hôpitaux continueront à être des mouroirs ? (…) ( Nous sommes classés derniers partout, dans tous les domaines et, au lieu d’organiser des concours du meilleur innovateur, de la meilleure entreprise, et toutes ces choses qui font motiver les gens au travail, tout heureux, nous organisons des concours de miss que nous veillons bien, ensuite, à gâcher.» (4)
De ce fait, pendant que les Algériens s’occupent à se divertir en empruntant la pente dangereuse de la facilité — pour se changer les idées —, le monde avance. Les Algériennes et les Algériens seraient bien inspirés de suivre des personnes admirables qui sont des exemples à suivre. Justement, une information passée inaperçue, celle de l’octroi de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel de mathématiques, en août 2014, pour la première fois, à une femme, une musulmane de 37 ans ! Maryam Mirzakhani. Coup double ! L’Iran n’est pas synonyme de goulag, comme le martèle l’Occident !

En Iran : un système éducatif élitiste et républicain

On ne s’arrêtera pas de le dire, il n’y a que le savoir qui doit passer !  Maryam Mirzakhani fut élève au lycée Farzanegan de Téhéran, qui dépend de l’Organisation pour le développement des talents brillants, dont le but est de repérer les élèves surdoués ou en tout cas les meilleurs, à travers des concours nationaux, au collège et au lycée. Les lauréats font alors leurs études dans des établissements spécifiques avec un programme beaucoup plus poussé que dans la filière classique. «(…) Contrairement aux idées reçues, en Iran, les femmes sont bien plus présentes que les hommes à l’université. (…) Par ailleurs, en Iran, l’enseignement secondaire a été libéralisé à outrance, les établissements publics ont aujourd’hui un niveau très médiocre comparé à ceux du secteur privé qui coûtent très cher. Et la concurrence est rude entre les écoles privées qui vantent leur nombre d’admis aux concours d’entrée aux universités, un concours ultrasélectif. Pour étudier à l’université Sharif de Téhéran, il faut ainsi finir parmi les cent premiers sur environ un million de participants. Le système éducatif iranien est donc devenu au fil du temps ultraélitiste, basé sur une compétition incessante, organisée depuis le collège et jusqu’à l’université.   Selon le quotidien Shargh, 76% des Iraniens médaillés dans les olympiades internationales en mathématiques, entre 1993 et 2013, se trouvent actuellement dans les plus grandes universités américaines (…) Après avoir passé les premières années universitaires à Sharif, elle choisit de partir pour obtenir un doctorat à Harvard, avant de traverser les Etats-Unis pour enseigner à Stanford, en Californie.»(5)
Il a fallu donc attendre 78 ans avant que la médaille Fields ne soit décernée à une femme. L’annonce a été faite lors du Congrès international des mathématiques qui s’est tenu à Séoul, en Corée du Sud. Le président iranien, Hassan Rohani, a posté un tweet félicitant Maryam Mirzakhani, lauréate de la médaille Fields de mathématiques. «Félicitations à celle qui devient la première femme à remporter la médaille Fields et rend les Iraniens très fiers», écrit le dirigeant de la République islamique sur son fil Twitter.

Les femmes dans la société iranienne

 Loin des clichés occidentaux qui présentent l’Iran sous un jour couleur de soufre, la réalité est tout autre ! Certes comme tout pays réellement en développement, il y a des problèmes mais il y a des invariants qui  font que ce pays avance grâce à la science grâce àses élites, notamment féminines Une contribution intéressante nous permet de situer la place de la femme iranienne dans la société. On remarque que cette place est de loin plus enviable que dans les autres sociétés musulmanes, en tout cas dans la dimension éducation et conditions de travail. : «Derrière chaque grand homme se trouve une femme plus grande, comme le dit le célèbre dicton. Si je peux ajouter humblement, derrière chaque grande nation se trouve une grande montagne d’hommes et de femmes innovantes, résilientes et la porte-parole de Mahan Business School, Mme Ayda Mir-Elmasi, déclare que, dans le domaine éducatif, plus de la moitié du personnel sont des femmes.
L’un des engagements les plus importants de la Révolution islamique était de fournir une éducation universelle aux Iraniens, indépendamment du genre et de la classe sociale. Aujourd’hui plus de 60% des universitaires sont des femmes. Selon la Banque mondiale, les femmes iraniennes se répartissent uniformément dans les secteurs économiques de l’éducation, de l’agriculture, de l’administration et des finances.»(5)
Les femmes iraniennes ont occupé des postes influents dans diverses disciplines, allant des arts aux sciences humaines et des sciences, et ont reçu des éloges et des reconnaissements à l’échelle nationale et internationale. Dans les arts, Mme Rakhshan Bani-E’temad est une célèbre réalisatrice et scénariste iranienne internationalement connue. Elle est souvent décrite comme la «Première Dame du cinéma iranien», après avoir reçu le meilleur prix du scénario au 71e Festival international du film de Venise.  De plus, en sciences, tout en rompant les frontières liées au genre, la première femme musulmane et le premier Iranien à se rendre à la station spatiale internationale était Mme Anousheh Ansari en 2006. De même, Mme Maryam Mirzakhani a fait de l’histoire en 2014 en tant que première femme et la première Iranienne à être honorée du prix le plus prestigieux en mathématiques, la médaille Fields. Elle est actuellement professeur de mathématiques à l’Université de Stanford.(6)

Est-ce étonnant de la part des héritiers de l’empire perse de Darius ?

 Du point de vue contribution au patrimoine de l´humanité, on doit aux Perses la diffusion de l’alphabet et l’écriture, la Route de la soie, les contes des Mille et Une Nuits. Pour l’histoire, la Perse (Iran actuel) était le berceau d’une civilisation aboutie .  Elle a toujours eu une grande contribution aux progrès mathématiques et scientifiques grâce aux grands hommes comme al-Khawarizmi (l’inventeur de l’algèbre), Omar Khayyam (résolution des équations du 3e degré par la méthode graphique…), Al Birouni, Avicenne, Kashani, Nasserdine Attoussi Razi,dit Al Razes (médecin et chimiste) et beaucoup d’autres.(7) (8)
Beaucoup de  scientifiques de l’âge d’or musulman  étaient persans et musulmans ! Ils n’étaient pas, il faut le souligner uniquement , arabes ! Plus près de nous, Ebay est une création de M. Omidyar, le vice-président de Google est M. Omid Kordestani, le maire de Beverly Hills est Jamshid Delshad… Shirin Ebadi est la seule femme musulmane à avoir reçu le prix Nobel. Au niveau scientifique, ces dernières années, on pourra retenir le nom du Pr Ali Javan, l’inventeur du laser à gaz (1960). En médecine, le cœur artificiel a été inventé par le Dr Toffy Musivand. La première greffe de rein est iranienne (1967 à Chiraz) et de même la première greffe de foie (1995).(7) (8)
De nos jours, l’Iran est une puissance technologique performante. Elle est à des années-lumière des autres pays musulmans. Elle fabrique ses chars, ses avions et ses drones. Selon le Global Security (organe du Pentagone), l’armée de l’air iranienne est, quant à elle, capable de construire des avions de chasse type F4, des F5 et des F-17. Sa marine compte six sous-marins type SSK Kilo et serait en train d’en terminer quatre autres. Ses missiles sont très divers, de courte, moyenne et longue portée. Par ailleurs, l’Iran a créé et mis sur orbite son premier satellite.(8)
Dans un article élogieux, publié le 18 août 2008, le journal américain Newsweek, que l’on ne peut pas soupçonner pourtant d’empathie avec l’Iran, décrit le miracle : «On y relève quelques éléments aussi intéressants que… surprenants ! En 2003, surprise des responsables du département d’Electronical Engineering de l’Université de Stanford, qui constatent que les meilleurs étudiants aux difficiles épreuves d’admission à leur cycle Ph.D. proviennent d’un même pays et d’un même établissement : la Sharif University of Science and Technology en Iran. Sharif dispense, selon de nombreux spécialistes, l’un des meilleurs programmes ‘’undergraduate’’ (niveau licence) du monde en electronical engineering en compétition avec le MIT, Caltech, Stanford, Tsinghua et Cambridge » (9)
« Les parents privilégient, s’agissant de l’orientation scolaire de leurs enfants, les formations d’ingénieurs et la médecine aux autres disciplines. Une sélection rigoureuse : chaque année 1 500 000 lycéens passent un examen d’entrée à l’université, 10% d’entre eux s’orientent vers les universités publiques les plus prestigieuses et 1% parmi les plus brillants, telles que Sharif. Un excellent corps enseignant scientifique. Priorité est donnée aux sciences dans les programmes scientifiques des lycées. Un succès certes surprenant, mais qui — c’est certain — ne doit rien au hasard.(9)
Enfin  sans oublier la Shirin Ebadi prix Nobel de Littérature, on sait aussi  qu’il y a plusieurs commandants de bord femmes dans la compagnie Iran Air. Cerise sur le gâteau, c’est une femme qui vient d’être nommée P-DG de la société ; en effet : «Riche d’un parcours sans faute qui parle pour elle et de compétences remarquables qui l’ont imposée dans un secteur industriel dominé par la gent masculine, Farzaneh Sharafbafi est la première femme iranienne à se voir confier les commandes de Iran Air, la compagnie aérienne nationale, installée dans un prestigieux bureau dont elle fera son cockpit pour bien la piloter et lui assurer un nouvel envol. A 44 ans, cette experte connue et reconnue de tous, titulaire d’un doctorat en aérospatiale, qui enseigna à l’Université technologique Amir-Kebir, puis à l’Université d’ingénierie aéronautique Shahid Sattari, avant d’être promue directrice du département de recherche d’Iran Air, entre dans l’histoire de son pays en pulvérisant l’un des plafonds de verre les plus durs qui soient. Nommée P-DG du fleuron de l’aviation de la République islamique d’Iran, créé en 1944, par le ministère iranien du Logement et du Développement urbain, Farzaneh Sharafbafi est propulsée tout en haut d’une pyramide qui, loin de lui donner le vertige, lui donne plutôt des ailes.»(10)

Grigori Perelman : L’art pour l’art des mathématiques pures

 Dans le même ordre de l’effort, il existe des personnes non obnubilées par l’appât du gain ou la célébrité à tout prix, même si la morale est piétinée. Ainsi, le mathématicien russe Grigori Perelman a refusé la médaille Fields, considérée comme le «Nobel des mathématiques», octroyée en août 2006 pour ses recherches sur la «conjecture de Poincaré», un casse-tête vieux de plus de cent ans. Mieux encore, l’Institut de mathématiques Clay lui a décerné le prix du Millénaire le 18 mars 2010 doté de 1 million de dollars Gregori . Perelman refuse le prix comme il refuse toutes les distinctions. Il vit reclus avec sa vieille mère dans un logement dénué de tout confort au quartier populaire de Saint-Pétersbourg. On comprend alors le mépris qu’il eut quand on lui demanda pourquoi il refusait 1 million de dollars : «Je sais comment gouverner l’Univers. Pourquoi devrais-je courir après un million ?!»

Ce que je crois

 Le système éducatif algérien est malade du fait d’une lente détérioration de l’acte pédagogique et de la tentation de la facilité et en faisant dans le quantitatif ,nous avons autant de candidats au baccalauréat que la France ou l’Iran mais que valent ils ? Si la massification de l’enseignement était légitime à l’indépendance , du fait que le système colonial n’a formé qu’un millier de cadres en 132 ans d’oeuvre positive, ceci ne peut plus être invoqué. Nous devons regarder vers le futur. Cependant, comment voulons nous faire émerger les disciplines scientifiques si on sait que les lycées techniques creusets des bas les plus durs ( Mathématiques techniques) ont été carrément supprimés que les maths ne représentent que 2 % du total des élèves du secondaires, alors que ce chiffre est de 35% en Allemagne  ( Un étudiant sur 3 est en science et en technologie). Il est de 25 % en Iran ; Comment voulons nous développer le pays avec un ventre mou de candidats aux bas à 40 % en lettres , et 40% dans un bac sciences qui n’a de sciences que le nom, tant il est vrai que l’on peut réussir à ce bac sans compter sur les maths, la physique- chimie ou les sciences !  Cerise sur le gâteau le laminage des matières scientifiques est consacré dans  les études supérieures  avec la disparition des filières d’ingénieurs et de techniciens ! C’est dire si le mal est profond !
Il  n’y a pas de miracle car le laminage par le bas au nom d’une hypothétique justice, achève de faire disparaitre ce qui reste d’articulé et de rationnel dans ce pays.   Il nous faut une élite ! certes des conditions objectives doivent être mises en œuvre pour que les meilleurs réussissent indépendamment de la naissance, du népotisme ou de la corruption par l’argent.  Tout un tas de valeurs qui n’ont pas cours en  Algérie avec la mentalité de ma’aliche ( cela ne fait rien) Ce qui explique l’échec de  l’école et la corruption de l’université où  on apprend que c’est une mode voire un sport national que  de faire que tout s’achète ; Un examen, un jury d’examen, une thèse, un examen de résidanat. Il suffit de mettre le prix. C’est peut être cela et avant tout le drame du système éducatif algérien où les rares diplômés qui ont un niveau se dépêchent de quitter le pays qui les a formé –aidés en cela par les pays qui ont fait de l’émigration choisie  la nouvelle façon de laminer les pays vulnérables en leur aspirant leurs élites-. C’est tout cela que nous devons analyser dans le calme et la sérénité pour repartir du bon  pied
Les vrais défis du pays sont d’avoir une vision pour le futur, non pas celle de suivre cette jeunesse dans l’air du temps, mais de lui indiquer le devoir envers le pays, par la contribution de chacun. A quoi rime tout ce cirque qui consiste à singer les autres, pas dans le travail, la sueur, l’effort, la créativité et les nuits blanches, mais dans celui de l’amusement, de la drogue, de la Star’ ac, des «acteurs» que l’on fait venir à coup de centaines de milliers de dollars ou de chanteurs (es) qui ramassent en une nuit ce que de besogneux gagnent en une vie, ou encore des footballeurs offshore qui nous donnent l’illusion du bonheur alors que le vrai bonheur est dans la conviction d’avoir été utile et d’avoir contribué à l’édification du vivre-ensemble et à la protection du bien commun le plus cher  celui qui est la prunelle de nos yeux à savoir l’éducation sans complaisance ni approximation de nos enfants
Imaginons pour rêver qu’il y ait en Algérien des concours de performance en tout, en sport, aux jeux d’échecs, en mathématiques… Imaginons qu’à la place des troubadours invités à prix d’or, on invite des personnalités scientifiques comme Gregori Perelman qui viendront prêcher la bonne parole et susciter des vocations. Ce sont les premiers pas vers la rédemption. A ce propos le passage –invité par l’ambassade de France-  à Alger du  brillant mathématicien français  Cedric Villani à peine 44 ans  médaille Fields des mathématiques à  37ans ,  professeur à l’université Claude-Bernard-Lyon-I, s’est passé dans l’anonymat. Je suis sûr que ces références universelles  apporteront par leur présence, leur aura, une dimension formidable à la quête de la science dans ce pays. Imaginons que l’on fasse des Olympiades de la performance et qu’on récompense les meilleurs.
De sursis en sursis, la crise morale est toujours là ! Comment la conjurer  au-delà du fait d’un consensus des partis politiciens qui font de l’école et de l’université une caisse de résonance. Il nous faut un projet dans la durée ! Imaginons cette jeunesse -en panne d’espérance- soit fascinée par l’avenir elle serait prête à se défoncer pour le pays, c’est aux hommes politiques de leur donner du grain à moudre au lieu de les habituer à la pente dangereuse de la facilité, porteuse de tous les dangers. La brillante performance de la jeune iranienne ne doit rien au hasard, elle est issue d’un creuset de l’élite, mot encore tabou en Algérie. Jusqu’à quand nous ne comprendrons pas qu’il faut faire la place aux légitimités du neurone ?
Mettons en place comme en Iran et dans tous les pays qui se respectent et respectent la science, pour commencer, une organisation pour le développement des talents brillants. C’est un chantier difficile, mais les générations futures seront reconnaissantes de leur avoir indiqué la seul vraie voie qui permet de projeter l’Algérie dans la modernité.
La mort prématurée de Maryam Mirzakani est une grande perte pour la science, pour la condition de la femme en terme d’icône . Puisse son parcours susciter des vocations chez nos jeunes en Algérie et enfin faire émerger dans le pays des vocations mathématiques qui ont disparu dans le pays La science est la seule défense immunitaire du pays dans un monde qui ne fait pas de place aux faibles et aux incompétents.
Amen.
1 . http://www.tehrantimes.com/news/415087/Iranian-math-genius-Fields-Medal-winner-Mirzakhani-passes-away
2.Maryam Mirzakhani Encyclopédie Wikipédia
3.Chems Eddine Chitour http://www.mondialisation.ca/misere-morale-en-algerie-le-mimetisme-ravageur-dun-occident-pervers/5402123
4.Aissa Hirèche : Concours de l’élection de miss Algérie L’Expression du 8- 9-2014
5.http://libeteheran.blogs.liberation.fr/lettres_de_/2014/08/fields.html
6.. http://www.tehrantimes.com/news/246969/The-women-of-Islamic-Republic
7.Chems Eddine Chitour septembre 7, 2011 http://www.mondialisation.ca/le-d-veloppement-technologique-de-l-iran-un-r-sistant-contre-le-nouvel-ordre-mondial/26435
8.Farsnews – Le 1er vol de l´avion de combat, «la foudre», «made in Iran». 5 août 2007
9.Daniel Laurent. Et si l’Iran nous donnait des leçons en matière d’enseignement supérieur ? Education/Recherche, jeudi 28 août 2008.
10.https://oumma.com/liran-nomme-premiere-femme-pdg-de-iran-air-compagnie-aerienne-nationale/?
 
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
 
 

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