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Malek Bennabi et l’univers culturel francophone : 46 ans après la disparition du grand penseur

Le 31 Octobre 1973 nous quittait l’illustre penseur contemporain, professeur et homme de mission que fut Malek Bennabi (rahimahou Allah). A cette occasion, j’ai pu constater comme beaucoup d’autres d’ailleurs, que l’œuvre grandiose de cet illustre penseur n’est malheureusement citée qu’occasionnellement lors des anniversaires de son décès et lors des vacances de fin d’année, comme ces jours ci,  avec une certaine gêne dans maints pays francophones, notamment la France, qui regroupe des millions de musulmans. C’est pourquoi il m’a paru nécessaire de proposer cette problématique et d’en débattre à travers une recherche intitulée Malek Bennabi et la problématique de sa présence et son absence dans les milieux culturels de la francophonie.

Et ce, au cours d’un congrès international organisé sous l’égide de l’Université Hamed ben Khalifa de Qatar. Ce congrès – qui s’est déroulé du 2 au 4 février 2019 – a réuni éminents chercheurs et élèves du grand penseur qui ont débattu autour du thème : les questions de la renaissance dans la pensée de Malek Bennabi.  Par conséquent, les organisateurs de ce congrès, ont envoyé des invitations aux spécialistes en la matière, avec des questions pertinentes, entre autres :

•          Comment les sociétés et les nations s’éveillent-elles et réalisent-elles leur leadership et leur rayonnement culturel?

•          Comment les sociétés et les nations perdent-elles leur renaissance civilisationnelle et entrent-elles dans l’obscurité de l’humiliation et de la subordination culturelle?

•          Pourquoi les sociétés musulmanes ont-elles perdu leur renaissance culturelle? Quelles sont les conséquences? Comment ces sociétés  peuvent-elles retrouver leur renaissance culturelle ?

En ce qui me concerne, avec le recul et après presque une année, je fus vraiment désolé de ne pouvoir assister à ce congrès avec cette élite de chercheurs admirateurs  du professeur Malek Bennabi ainsi qu’avec ses fidèles élèves et amis, sachant que ma modeste contribution fut appréciée et sélectionnée parmi les 30 premières études par un jury d’universitaires spécialiste en la matière.

Je fus contraint, à ce moment-là,  de m’absenter juste une semaine avant le début des travaux du congrès de Doha.Ma recherche s’intéresse surtout à un aspect d’une importance cardinale pour les intellectuels francophones en général ainsi que pour la diaspora vivant dans des milieux francophones en particulier.Mon analyse – qui a un double but personnel et objectif – m’a amené aux constatations suivantes :

D’après le langage utilisé au cours des études universitaires et pré-universitaires du grand penseur Malek Bennabi ainsi que le langage utilisé dans les publications et les médias, outre les lectures avancées et la langue usitée dans les relations sociales étalée sur une longue durée, au plus profond de la société française, on peut conclure que Malek Bennabi fut un véritable francophone.

Car la langue française dont il usait avec brio lui permettait de tisser des liens avec son univers culturel spécifique et de là avec le monde culturel occidental contemporain dans une large mesure. C’est pourquoi sa langue française fut une langue d’une éloquence originale.

 Force est de constater donc que ses ouvrages ne pourront être compris qu’à travers la langue dans laquelle ils ont étés rédigés, aussi énormes soient les efforts déployés pour les traduire et les transmettre dans la langue arabe classique.

Malek Bennabi un des plus grands penseurs et écrivains du monde culturel francophone

 Nous ne devons pas oublier, compte tenu de ses compétences intellectuelles d’un niveau élevé, ainsi qu’une grande maîtrise d’une langue littéraire raffinée, d’une méthodologie scientifique minutieuse, du sérieux dans l’analyse, que tout cela implique que Malek Bennabi mérite une place à part entière dans la sphère culturelle francophone au même niveau que les grands écrivains et penseurs français, tout comme ceux ayant vécu sous la colonisation.

 Les questions qui se posent avec pertinence

Il découle de ce qui a été dit que les grandes questions qui doivent être soulevées sérieusement dans ma recherche, et auxquelles j’ai essayé de répondre en partie, et que les spécialistes doivent aborder, sont les suivantes :

1- Malek Bennabi a-t-il pu rendre sa pensée présente dans la sphère culturelle francophone aussi bien en Algérie et dans les pays du Maghreb arabe en particulier que dans le monde francophone en général ?

2- Si la pensée de Malek Bennabi fut présente, l’avait-elle été suffisamment, compte tenu des hautes compétences intellectuelles et des écrits de haut niveau qu’il a produits en français ?

3- Si sa présence fut faible, limitée ou marginale, alors que pouvaient en être les causes, et qu’elles leçons doivent-elles être tirées du point de vue culturel, politique et civilisationnel?

 Après cela, dans la même étude, j’ai posé le problème des responsabilités individuelles et collectives qui incombent à chacun, en soulevant les questions suivantes :

  • Quelle est la responsabilité de Malek Bennabi lui-même  dans cette absence et cette marginalisation ?
  • Quelle est la responsabilité des élites intellectuelles et politiques francophones ?
  • Quelle est la responsabilité de ses élèves ?
  • Malek Bennabi fut-il victime de ses propres pensées profondes et originales ?
  • Ou bien cela est-il dû à son style de pensée et sa méthode rigide ?
  • Ou enfin est-ce en raison du bas niveau culturel et civilisationnel qui a laissé son empreinte sur de larges franges de la Oumma (Communauté musulmane) ?

 Tisser un lien entre les générations d’immigrés avec les points essentiels et utiles dans la pensée du professeur Malek Bennabi 

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 Voilà les questions que mon étude a suscitées, a voulu poser et aider à y répondre dans la mesure du possible en essayant de suivre les ouvrages de notre grand penseur dans l’univers culturel francophone aussi bien en Algérie et au Maghreb arabe en particulier que dans les milieux culturels francophones en général.

 L’humble serviteur d’Allah que je suis, de par ma maîtrise des deux langues (arabe et française), vivant depuis longtemps en Europe occidentale, et travaillant dans le domaine culturel et médiatique, en plus de l’intérêt que je porte à la pensée de Malek Bennabi depuis plus de 25 ans, et ma volonté tenace d’inculquer aux jeunes générations d’immigrés ce qui me paraît essentiel et fructueux dans l’œuvre de l’illustre penseur, j’ai eu l’intention d’analyser ce sujet par cette modeste recherche, avec le souhait qu’elle aidera à éclaircir cet aspect dans la vie de ce penseur créatif et le devenir de son œuvre colossale, sachant qu’en ce moment de nouvelles générations de jeunes musulmans et musulmanes en Europe et en Asie tout particulièrement s’intéressent énormément aux écrits de Malek Bennabi. Il va sans dire que ces générations ont fort besoin d’orientations et de conseils !

 En hommage à notre cher penseur décédé il y a 46 ans, et avec la coïncidence du Hirak à travers différentes Wilayas d’Algérie passant par des phases décisives dans l’histoire de ce pays, surtout à Alger où eut lieu la Foire du livre entre le 30 octobre et le 9 novembre, et par la même occasion la diffusion d’un certain nombre de livres de Malek Bennabi, je suis heureux de citer la dédicace écrite par le professeur Dr Tayeb Berghout à son livre Introduction aux lois naturelles (Sunan) du devenir successoral, qui constitue un condensé des ouvrages et expériences illustrant le saint verset de la sourate Le Tonnerre (Ar-Raad, verset 11) : “Dieu ne change l’état d’un peuple que si celui-ci se change lui-même“, verset qui est en résonance avec le contexte du soulèvement pacifique que vit l’Algérie depuis des mois.

 Dédicace à Malek Bennabi, 46 ans après sa disparition.

 A l’homme qui nous enseignait et inculquait dans nos esprits que la méthodologie scientifique est l’essence même du savoir.

Que la méthodologie imprégnant la connaissance est la base de toute originalité, de toute efficacité, de toute durabilité de l’effort humain.

 Que commettre des erreurs tout en appliquant les règles méthodologiques est plus toléré que la justesse dans l’anarchie.

 Que le chemin qui est loin des règles de la méthodologie est toujours le plus long chemin menant vers les desseins et les buts recherchés.

 Que la méthodologie scientifique équilibrée est un antidote contre les fléaux de l’action anarchique, du bavardage vide, de l’illogisme et de l’inefficacité qui isolent la vérité par suite d’un simplisme verbal, et d’un discours versant dans l’exagération et la démesure.

 Que le changement psychologique est la logique du mouvement historique par excellence, son point de départ, et la base du changement dans la civilisation en harmonie avec lois naturelles conçues par le Créateur pour gérer les sociétés humaines.

 Que la vraie richesse des nations ne se mesure nullement par les biens matériels qui sont en sa possession mais plutôt par son fond d’idées vivantes, directrices, et rénovatrices. C’est cela le vrai capital de la société

 Et de là, une nouvelle construction de la civilisation,  une civilisation nouvelle qui commence, poursuit son chemin, donnera le meilleur d’elle-même par une renaissance d’idées, non pas de choses et d’apparences.

 Que la prise de conscience des lois socio-historiques doit être le but autour duquel gravite l’effort éducatif afin de bâtir un esprit méthodologique organisé et capable de créativité, de progrès et de dépassement.

 Que l’éducation doit avoir pour mission d’enseigner aux générations musulmanes que l’histoire ne se fait pas en se précipitant dans des voies qui ont été déjà tracées et scrutées mais par la découverte de voies nouvelles et des méthodes nouvelles de travail.

 A l’homme qui nous enseignait d’apprendre de lui ce qu’il possédait comme connaissances sans refuser les connaissances d’autrui. Lorsqu’on lui posait une question hors de sa spécialité, il disait humblement : “Allez-voir un tel ou un tel.”

 A notre grand professeur Malek Bennabi précurseur des études sur la civilisation musulmane contemporaine, je dédie cet ouvrage.

 Qu’Allah Tout Puissant comble notre maître Malek Bennabi de Sa miséricorde et de Sa bénédiction et le récompense ainsi que ses fidèles élèves, et couronne leurs efforts de tout ce qui est bénéfique et fructueux pour notre pays et son vaillant peuple.

 Qu’Allah nous guide vers le chemin de la raison et de la rectitude, ainsi que notre jeunesse ! Amin.

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4 commentaires

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  1. Sans conteste, Malek Bennabi demeure un grand penseur. Et comme, malheureusement, «nul n’est prophète dans son pays», continuons donc à végéter et à cultiver la médiocrité dans ses formes les plus hideuses.
    Cela fait très mal, surtout lorsqu’on apprend que l’oeuvre de M. Bennabi est étudiée, et depuis de longues années déjà, dans les plus prestigieuses universités américaines, pour ne citer que celles-ci !

  2. Malek Benabi qui mourut dans l’Algérie indépendante des années 70 a vécu les indépendances, a lutté pour elles et les a théorisé. Sa définition de la décadence des sociétés devenues colonisables ( son concept est celui de la “colonisabilité” ) est il intéressant aujourd’hui?

    Et bien oui, si l’on réalise que le monsieur fut en fait un islamiste, fondateur d’une organisation religieuse interdite en Algérie peut avant sa mort, partisan de l’application de la charia et auteur d’une preuve “scientifique” de la divinité du coran, tout un programme. La colonisabilité, c’est la faiblesse à porter haut et fort le drapeau de la superstition, c’est cela ?

    Et bien cette doctrine, celle de la renaissance de la puissance collective musulmane, en fait fasciste, est celle des frères musulmans.

    Que des occidentaux d’origine africaine puissent s’inspirer en quoique ce soit de ce monsieur est tout simplement navrant. Quand à la référence à la “Oumma” musulmane, au delà de l’appartenance à la nation dans laquelle on vit, elle est tout simplement, dans ce contexte, inappropriée.

  3. Je suis un grand admirateur du professeur Malek Bennabi. Nul n’est prophète en son pays!
    Ils sont les deux étoiles filantes du Maghreb oubliés de l’histoire, lui et le grand sociologue Ibn Khaldoun. Je le vois assis à coté du prophète au Firdous Al Aala.

  4. Lorsque j’étais étudiant ( français d’origine maghrebine) et que je me posais de nombreuses questions sur notre existence en général et notre condition de musulman en Europe en particulier,
    je suis tombé presque par hasard sur un livre de Malek Bennabi au titre accrocheur : ” Le problème des idées dans Le monde musulman”. Cette lecture m’a bouleversé très profondément. C’était dans les années 90……..Aujourd’hui, je me dis que ce penseur mérite qu’on l’étudie à titre individuel au moins. On éviterait les pièges qui éloignent de l’authenticité et l’efficacité !

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