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Maati Monjib : “C’est la police politique qui gouverne au Maroc. L’atmosphère est irrespirable”

L’historien et défenseur des droits humains Maati Monjib a été arrêté ce mardi décembre à Rabat. Cet intellectuel critique était depuis plusieurs années sous surveillance, harcelé par la police et la justice, dans le collimateur du pouvoir monarchique. Entretien réalisé avant son incarcération par Mediapart et l’Humanité.

Il y a un mois, le 23 novembre, douze organisations internationales de défense des droits humains dont l’ONG Human Rights Watch appelaient les autorités marocaines à mettre fin à la campagne de « harcèlement policier et judiciaire » que subit depuis plusieurs années l’intellectuel et opposant marocain Maati Monjib. Leur appel aura été vain.

Maati Monjib, l’une des voix critiques les plus emblématiques du règne de Mohammed VI, à l’origine de l’Association pour le journalisme d’investigation, a été arrêté mardi 29 décembre et incarcéré à la prison d’El Arjat dans la banlieue de Rabat. Cet historien, défenseur des droits humains, venait de s’asseoir à la table d’un restaurant de la capitale en compagnie du journaliste et activiste Abdellatif El Hamamouchi lorsque des hommes en tenue civile, débarqués de deux voitures de police, ont procédé à son interpellation.

L’incarcération de Maati Monjib fait suite à une enquête ouverte au début du mois d’octobre par la justice marocaine qui le soupçonne de « blanchiment de capitaux ». Selon le communiqué du procureur du roi, publié à l’époque, le parquet a été saisi par une unité spécialisée pour « un inventaire de transferts de fonds importants et une liste de biens immobiliers » qui « ne correspondent pas aux revenus habituels déclarés par M. Monjib et les membres de sa famille ».

A la fin du mois d’octobre, Maati Monjib et des membres de sa famille ont été convoqués par la Brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca. Pour l’intellectuel, qui attend depuis 2015 d’être jugé pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État » avec six autres journalistes et militants des droits humains, les faits ne sont « pas nouveaux » et figurent déjà dans l’acte d’accusation de son procès déjà vingt fois reporté. C’est seulement, à ses yeux, une nouvelle étape dans le « harcèlement médiatique et judiciaire » que lui fait subir « la police politique marocaine ».

« Je suis innocent », clame l’universitaire qui a déjà observé plusieurs grèves de la faim pour dénoncer l’acharnement du régime, qui, au-delà de sa personne, n’épargne plus sa famille. Selon lui, ces poursuites correspondent à des représailles, après ses déclarations publiques pointant le « rôle de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST, renseignement intérieur) dans la répression des opposants et la gestion des affaires politiques et médiatiques au Maroc ».

Au mois de septembre dernier, dans le cadre de notre enquête pour  Mediapart et l’Humanité sur l’affaire Omar Radi, du nom de ce journaliste pris pour cible par le pouvoir marocain, aujourd’hui accusé de viol, ce qu’il nie farouchement, nous nous étions longuement entretenues avec Maati Monjib. Il se sentait traqué, jusque dans ses séjours en France, sous la menace d’une épée de Damoclès. Nous avions conduit cet entretien par visioconférence. Preuve qu’il était surveillé : un intrus s’était brièvement invité dans notre conversation, pourtant accessible seulement via un lien confidentiel. Nous publions aujourd’hui ces échanges in extenso.

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Où en est la procédure à votre encontre pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », dans l’affaire de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation?

Maati Monjib. Je dois comparaître en justice ce 1er octobre. C’est la vingtième fois que je suis convoqué depuis 2015 : quatre audiences par an !

Comment expliquez-vous l’étirement de ce procès qui n’a jamais vraiment eu lieu ? 

MAATI MONJIB. Ils tiennent à laisser une épée de Damoclès au-dessus de la tête de la personne poursuivie et de toutes celles qui lui ressemblent. Pour faire peur à tout le monde. L’affaire est politiquement sensible, scrutée au niveau international. L’intervention de grandes ONG et de la presse internationale nous a sauvé la mise, jusque-là. Le soutien extérieur et l’appui de personnalités marocaines m’ont en fait protégé d’une condamnation. De grands résistants comme Abderrahmane Youssoufi ont adressé au roi une lettre lui demandant que cesse ce harcèlement d’un historien spécialiste du mouvement national. Cette génération me connait : j’ai consacré ma thèse à la lutte de pouvoir entre le mouvement national, les libérateurs du Maroc, et la monarchie. Noam Chomsky et Richard Falk ont protesté ; le Washington Post et le New York Times ont évoqué l’affaire dans des éditoriaux : cela faisait mal à l’image du Maroc. Et puis la grève de la faim que j’ai observée en 2015 a eu son effet. Du coup, le pouvoir a décidé de laisser la patate chaude entre les mains des juges, priés de « gérer » l’affaire. Ce qui ne veut rien dire. D’où le report incessant du procès, dans l’attente de nouvelles instructions, alors que sur le plan judiciaire, le dossier est vide. Ils espèrent me voir quitter le Maroc, car en restant, en m’exprimant comme je l’entends, j’encourage les voix libres.

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