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L’Islam se fait une place dans les kiosques

Discrètement mais sûrement, la presse musulmane se développe. Entre religion et société, elle répond à un nouveau besoin identitaire.

Quoi de neuf sur le marché du mariage  ? Abdallah, 30 ans, fonctionnaire à Lyon, recherche “une soeur pratiquante, douce, sensible et sérieuse”. Il ajoute, en s’excusant presque, qu’il est “européen” et converti de fraîche date – ce que le groupe qu’il vise n’apprécie pas tellement. Abdulwahad, 30 ans également, clandestin tunisien, travaille comme maçon dans la région de Toulouse. Abdelakim est enseignant, Halim vit à Londres, Akim écrit de Bruxelles. Les futures épouses doivent être bien élevées et aimer les enfants. Elles auront en retour la perspective réjouissante de s’entendre lire “une sourate différente du Coran chaque soir”.

Ses annonces matrimoniales et ses divers forums de discussion ont fait de oumma.com, le site Internet d’Islam de France, une revue culturelle plutôt ambitieuse, un succès public sans pareil chez les jeunes musulmans français. Depuis septembre, il reçoit en moyenne 700 000 visites par mois – une pénétration du marché dont les autres médias ne peuvent que rêver. Car la population musulmane de France est estimée au maximum à 5 millions de personnes.

Quand on regarde les forums de discussion, on peut supposer que la plupart des visiteurs sont des adultes ayant un emploi, les enfants des immigrés arabes. Pour Michel Hilal Renard, le rédacteur en chef, Français converti, il n’y avait auparavant que deux groupes de musulmans en France : les travailleurs immigrés et les réfugiés politiques. “Leurs enfants prennent conscience qu’ils sont d’ici et recherchent des formes appropriées pour articuler leurs préoccupations les plus profondes.”

’Islam de France’ a été fondée au cours de l’hiver 1998 pour accompagner ce nouveau groupe de Français dans sa recherche d’identité intellectuelle. Il est plus facile, c’est du moins le programme qui figure sur la couverture, “de sortir l’islam de son ghetto que de boire l’océan”. Trois ans plus tard, la revue existe toujours et a bâti un nouveau cercle d’auteurs. Le n° 8 paraît dans quelques jours, et un numéro spécial est annoncé sur le thème “L’islam permet-il la liberté d’opinion ?”

’Islam de France’, ’La Médina’, un magazine en couleurs, et ’Hawwa’, une revue féminine, sont imprimés en Espagne. La présentation de ’Hawwa’ et de ’La Médina’ rappelle les brochures des chambres de commerce ou des compagnies aériennes. ’Hawwa’ est le plus récent. Son n° 3, consacré au “Mariage en Islam”, vient de paraître. Outre un entretien avec des lycéens, on y trouve un article sur la sexualité féminine écrit par une femme médecin pratiquante et un reportage sans la moindre distance sur une famille polygame de France – un homme, deux femmes et sept enfants.
sur internet, des questions très spécifiques

’Hawwa’ ne contient pratiquement pas de publicité, et les annonces sont rares dans ’La Médina’. Le financement reste obscur. “Nous payons tout de notre poche”, élude Hakim el-Ghissasi, le rédacteur en chef de ce magazine. Pour 80 pages en couleurs tous les trois mois ? Mais, au début de notre entretien, il s’est tellement plaint, et de façon convaincante, de la vive méfiance des services de renseignements français, que l’on n’insistera pas sur l’origine des fonds. Le cinquième numéro de ’La Médina’ est consacré aux particularités du marché de la viande pour musulmans. La demande de viande halal est particulièrement forte les jours de fête religieuse ; 3 500 boucheries affirment en vendre, mais il n’existe aucun label de garantie. ’La Médina’ propose, entre autres, de créer une association d’experts qui surveilleraient l’abattage des bêtes dans douze abattoirs. Le label coûterait 40 centimes par kilo. Cela suffirait-il pour couvrir les frais de contrôle ? Ou pour plus, écrit dans le même numéro Christian Delorme, un prêtre qui s’occupe des jeunes [dans les banlieues] à Lyon, comme financer une organisation néofondamentaliste ? La Médina ne paraît pas être l’organe de propagande d’une tendance de l’islam français.

Ces revues constituent des produits nouveaux destinés à un public nouveau. Trouveront-elles assez de lecteurs pour garder la tête hors de l’eau ? Le public potentiel ne se tournera-t-il pas vers Internet pour trouver les réponses à ses préoccupations qui ne sont pas couvertes par le marché de la presse ? Il vient de familles dans lesquelles la lecture était quasiment absente.

Un site comme oumma.com est plus rapide et plus souple. Dans ses forums, il apporte des réponses à des questions très spécifiques : la religion permet-elle de mettre du vernis à ongles ; que dois-je faire quand la police lâche ses chiens sur moi ? La liste des mots clés et le nombre des textes envoyés donnent un regard objectif sur les priorités de ces nouveaux Français. La politique n’en fait d’ailleurs pas partie – ils ne sont pas encore intégrés à ce point.

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Jacqueline Hénard

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