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L’Islam, c’était mon destin

C’est à l’âge de 18 ans, le Bac en poche qu’Olivier Saint-Jean, un jeune de la banlieue parisienne décide de partir à la conquête du rêve américain avec pour seules armes un talent prometteur conjugué à un solide mental. Un rêve fou qui suscitait le scepticisme des plus optimistes de son entourage, la raillerie de certains, alors que d’autres espéraient entendre rapidement les éclats retentissants du rêve brisé à l’américaine.

Mais en partant aux États-Unis, Olivier allait droit vers son destin qui lui réservait une arme encore plus redoutable, la foi en Dieu, qui le propulsera au firmament du basket mondial. C’est l’histoire d’une rencontre avec l’Islam d’un jeune noir de Versailles dont les pages du ’’mektoub’’ étaient écrites dans le pays de l’oncle Sam, façonné par la culture blanche des Protestants Anglo-Saxons : les WASP. Quatre ans plus tard, Olivier Saint Jean décline sa nouvelle identité avec fierté. Elle se compose toujours de trois mots, mais qui appartiennent dorénavant au lexique de la langue arabe. Il est désormais Tariq Abdul-Wahad, le premier français à intégrer le prestigieux championnat de basket américain, considéré de loin comme le meilleur au monde et dans lequel ont évolué des super stars de la trempe de Michael Jordan ou encore de ’’Magic Johnson’’. En optant pour le prénom de Tariq, le joueur des Orlando ne pouvait pas mieux choisir. Ce prénom qu’il appréciait depuis toujours et dont il ignorait le sens prémonitoire signifie en effet’’ *l’autre non de Vénus considérée en tant que première étoile à apparaître le soir et dernière à disparaître le matin. La 86éme sourate du Coran porte également ce nom.’’

La nouvelle étoile du basket Tariq Abdul-Wahad, inspirée par le Ciel, allait maintenant rallier cette constellation d’autres étoiles qui brillent dans ce championnat planétaire qu’est la NBA. Véritable idole des jeunes des deux côtés de l’Atlantique, Tariq a le triomphe modeste. Il se définit seulement comme le ’’simple serviteur’’ de Dieu.

La présence de Tariq Abdul Wahad dans l’équipe de France qui disputait l’Euro-Basket au mois de juillet dernier, provoqua un engouement total de la part du public et des médias. Il était la grande attraction de ce championnat d’Europe de basket. Malgré les multiples sollicitations d’interviews dont il était l’objet, Tariq nous accorda un entretien exclusif de plus de deux heures dans lequel il se dévoile complètement. C’est l’homme que nous avons sollicité plus que la star mondiale de basket.

Tariq se distingue par une forte présence physique dont la démarche est la réplique du félin solitaire aux aguets. Son visage aux traits réguliers et aux multiples expressions est en état de grâce permanent. Quand il vous fixe, il vous transperce de ses yeux clairs, d’un regard qui semble en perpétuelle concentration, et que vient interrompre son sourire enjôleur. Sa réputation de joueur sanguin ne transparaît en aucun cas. Il est habité par une fausse nonchalance qui lui donne un air d’insouciance juvénile, qui dissimule en fait un individu passionné. La félicité intérieure qu’il vit est perceptible dès lors que l’on évoque Dieu. Avec Tariq, autant parler franc, la force de ses convictions transparaît dans l’intonation de sa voix, aux vraisaccents de vérité. Il ne connaît qu’un seul discours, celui de la franchise qui jaillit de sa sensibilité. Le défenseur de l’équipe d’Orlando passe rapidement à l’offensive pour défendre certaines injustices qui le frappent au cœur. n

Saïd BRANINE

Interview exclusive Tariq ABDUL-WAHAD

 La presse en général insiste sur ta conversion sans pour autant en exposer les raison. Mais avant d’aborder cette question, que connaissais-tu de l’Islam quand tu t’appelais Olivier Saint-Jean ?

Tariq ABDUL-WAHAD – J’avais une connaissance sommaire de l’Islam. Ma connaissance de la religion musulmane reposait sur les relations que j’entretenais avec des élèves musulmans du primaire jusqu’au lycée. Il y avait à la fois des musulmans culturels et ceux qui pratiquaient. Leur pratique de la religion était discrète, sans ostentation. Rien ne les distinguait réellement de nos autres camarades non musulmans. Je connaissais les quelques interdits les plus connus de l’Islam, tels que l’interdiction de consommer de la viande de porc, ou encore de l’alcool etc…). J’avais connaissance également de l’obligation pour tout musulman d’observer le jeûne durant le mois sacré de Ramadhan. Sans omettre bien sûr l’accomplissement des prières quotidiennes. Cependant je percevais chez certains musulmans des attitudes contradictoires entre les principes qu’ils affichaient et le respect de ces mêmes principes. Je me souviens aussi avoir posé une question sur ce qu’est l’Islam à un ami sur Paris que je n’ai plus revu d’ailleurs. Sa réponse fut brève et lapidaire ’’L’Islam , c’est croire en un Dieu unique dont Mohamed (sas) est le messager’’. Cette phrase s’est inscrite dans ma mémoire sans plus. En fait ce que je connaissais de l’Islam était connu du plus grand nombre.

C’est surtout aux États-Unis que ton intérêt pour l’islam s’est révélé ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Exactement. Je suis donc allé aux États-Unis en 1993. Durant deux années ma perception de l’Islam était toujours aussi générale et superficielle. L’Islam était toujours pour moi cette religion monothéiste dont j’avais fréquenté les fidèles à l’école en France. La rencontre avec Mustapha, un musulman d’origine égyptienne à l’université de San José State où j’étais étudiant en histoire de l’art, me donne l’occasion de percevoir une image puissante de l’Islam.

 Quelle est exactement cette image puissante de l’Islam dont tu parles ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Celle d’une religion qui façonne et construit un individu jusque dans la manière de mouvoir ses membres. Cet individu dégageait une sérénité phénoménale. Il semblait habiter par une force intérieure. Il était d’un calme olympien, toujours disponible et souriant, et d’une grande affabilité, magnanime et tolérant. Il était d’une intégrité scrupuleuse. L’environnement extérieur, le stress à l’américaine ne semblaient avoir aucun effet sur lui. Un tel individu détonnait dans une société américaine fondée sur la réussite individuelle qui confine à l’égoïsme. Mustapha faisait preuve d’une grande humilité dans son rapport à Dieu. Il essayait d’être bon musulman du mieux qu’il le pouvait sans verser dans l’autosatisfaction. Il débordait de spiritualité !

 C’est lui qui t’a initié à l’Islam ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Je ne pense pas qu’il faille dire les choses ainsi. Mustapha est bien sûr devenu mon ami. Mais on ne vient pas à l’Islam par le biais d’une personne. Mustapha était un individu brillant intellectuellement. Nous avions des sujets de discussions très approfondis, ceux d’étudiants qui avaient soif d’apprendre. Mais il faut que tu saches que ces sujets ne portaient pas essentiellement sur l’Islam.

 En fait, c’est plutôt cette image forte du musulman qu’il incarnait qui t’a donc incité à en savoir plus sur l’Islam ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Exactement. J’ai donc voulu en savoir d’avantage sur cette religion tant décriée. Je voulais appréhender l’Islam de l’intérieur. Je voulais d’autant plus en savoir davantage, que je m’interrogeais depuis quelques temps. Il ne s’agissait ni d’une angoisse, ni d’une crise existentielle. Mais d’une phase de doute profond. Mes interrogations étaient celles d’un individu qui s’interrogeait sur le sens de la présence sur terre de l’homme, sur le mystère de la vie. Pourquoi sommes-nous sur terre, est-ce par hasard ? y a t-il une raison ?

 Tu parles de religion tant décriée, est-ce que tu as été influencé dans ta perception de l’Islam par l’image négative véhiculée par certains médias ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Non justement, Subhâna’Llâh (Gloire à Dieu), pas une seule fois ! Aussi bien en France, qu’aux États-Unis. Tous ces clichés d’une religion qu’on associe à la violence, au terrorisme à l’intolérance, à coup de reportages télévisés tronqués, de manchettes dans les journaux et, de “unes” dans les magazines affichés en poster dans les kiosques n’ont eu aucun impact sur moi… Toute cette islamophobie et cette lutte sournoise contre l’Islam savamment orchestrée par certains médias malveillants, n’ont jamais réussi à m’atteindre. Je n’ai jamais eu en moi l’once d’une opinion négative sur l’Islam. Avec du recul, j’y vois là comme un signe de ma future conversion à l’Islam.

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Pour en revenir à ta rencontre avec ton ami Mustapha et cette période ou tu t’interrogeais ; tu as donc trouvé dans l’Islam les réponses à tes questions ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Il faut remarquer que Mustapha n’a jamais cherché à me convaincre, ni à m’influencer. Il se contentait d’apporter des éclairages sur certains aspects de la religion musulmane. Ma démarche de découvrir cette religion s’est faite d’une manière autonome. Je me suis mis à lire des traductions du Coran, puis des commentaires. Pendant une période, je dévorais même. Je lisais tout ce qui avait trait à cette religion sans idées préconçues. Ma démarche était de savoir, de comprendre, de découvrir. J’eus des réponses rapides à mes interrogations. Aucune idéologie, aucune philosophie, aucune autre religion ne m’avait donné jusque là ces réponses. Face à ces réponses, je ne me contentais pas de les enregistrer d’une manière béate. Je les soumettais à un maximum d’examen critique. Je les remettais en cause. Je questionnais ces réponses. Plus je questionnais ces réponses, et plus je me rapprochais de la vérité. Je sentais aussi comme des signes.

Tu veux dire que parallèlement à tes recherches venaient se greffer des signes annoncia-teurs de ta conversion ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Oui, ce sont des choses que tu sens. Des chose que tu perçois avec le recul, et longtemps après ta conversion comme des signes, ainsi que je te l’ai précisé auparavant. Mais laisse moi te raconter deux anecdotes.

Un été, je me suis rendu en France. Je n’étais pas encore musulman. J’étais encore en pleine recherche et réflexion sur l’Islam. J’avais rendez-vous avec un ami dans le métro qui m’annonce qu’il sera en retard. Il m’affirme également qu’il y aura quelqu’un d’autre qui nous attendrait également dans le métro. Il me brosse le portrait de son ami en question. Je le rencontre. Nous nous mettons à discuter. C’est alors qu’il m’apprend qu’il souhaite poursuivre des études aux États-Unis. Il était en contact avec une Université aux États-Unis dont le montant des études était beaucoup trop élevé. J’ai été séduit par son projet d’étude. Aussi, je lui ai donc tout naturellement proposé de l’aider. Je l’oriente alors sur mon Université où le coût des études est moindre. Je lui annonce également que je le prendrai en charge et qu’il n’a donc pas à se soucier des frais de logement. Or il s’avère aussi que c’est un musulman très pratiquant. Je lui ai donc proposé de partager mon appartement. Il m’invite alors à rencontrer sa famille le lendemain.

La rencontre avec son père m’a impressionné. Il me rappelait Mustapha en plus âgé. Il y avait en lui cette sagesse que confère l’âge et qui donne un supplément d’âme, une dimension supplémentaire à la foi. Le frère en question est donc venu vivre avec moi. Avec le recul, je l’interprète encore comme un signe.

Et la seconde anecdote…

Tariq ABDUL-WAHAD- La seconde anecdote que j’interprète également comme un signe, s’est déroulée aux États-Unis. Mustapha connaissait bien sûr mon intérêt pour l’Islam. Nous nous étions perdus de vue depuis trois semaines. Je cherchais en vain à le joindre pour lui annoncer le grand jour : ma conversion à l’Islam. Ce jour-là, le 8 novembre 1997, je devais me rendre à la mosquée pour accomplir le rituel de la chahada.

C’est alors que je rencontre Mustapha, qui figure toi, essayait de me joindre à son tour pour me dire qu’il fallait que je me rende également à la mosquée. Il sentait que la foi en Dieu arrivait à maturation. Il ne pouvait pas me laisser partir comme cela. On s’est donc retrouvé nez à nez par hasard et on a beaucoup ri à ce sujet. Nous étions très émus ! Nous avions exactement les mêmes intentions au même jour. Je te le dis, et c’est pour moi comme une intime conviction, comme une certitude  : mon destin c’était l’Islam !

Tu es donc devenu musulman ce 8 novembre 1997 pourquoi avoir choisi le prénom de Tariq ?

Tariq ABDUL-WAHAD – C’était un prénom que j’aimais déjà avant ma conversion. Quant à Abdul-Wahad, c’est un nom qui sonne très bien et dont j’apprécie le sens. Comme tu dois certainement le savoir, Abdul veut dire serviteur, esclave et Wahad, c’est le Dieu unique.

Comment tes proches ont réagi à ta conversion ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Mes amis l’ont bien vécu. Leurs sentiments à mon égard n’ont pas évolué d’un iota. Ils sont tout simplement restés mes amis. Pour ma famille, ce fut plus difficile à accepter. Ma mère était particulièrement proche de moi. Elle nous a élevé seule avec mon frère. Elle a eu du mal à tout accepter immédiatement. C’est la réaction d’une mère pour son fils. Il faut dire que les événement me concernant se sont rapidement enchaînés. Je me suis marié peu de temps après ma conversion. J’ai par la suite eu des enfants. Ma mère n’a pas nécessairement saisi le chemin dans lequel je m’engageais. Mais je suis convaincu, qu’elle comprendra rapidement Inch‘ Allâh, que la voie que j’ai choisie est la bonne.Si quelqu’un t’interpelle en t’appelant Olivier…

Tariq ABDUL-WAHAD:Je ne lui réponds pas !

IMême à ta mère ?

Tariq ABDUL-WAHAD – Même à ma mère. Bien que je ne lui aie pas imposé de m’appeler Tariq, elle m’appelle par mon prénom de musulman. Pour mes parents et mes proches, il a fallu passer par une période d’adaptation. Ce qui est parfaitement compréhensible. En revanche quelqu’un que je ne connais pas et qui m’appelle volontairement Olivier, je considère cela comme une provocation. Le Prophète (sas) lorsqu’il entendait quelque chose qui ne lui plaisait pas, ne répondait pas tout simplement. Telle est mon attitude !

Lorsque tu t’es converti à l’Islam, t’es-tu interrogé sur l’authenticité de ta foi ?

Tariq ABDUL-WAHAD : Oui bien sûr. ……

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