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L’islam à l’épreuve de ses origines

Depuis quelques dizaines d’années, une véritable révolution est en marche dans les milieux de la recherche islamologique[1]. Et pour cause, l’état actuel des connaissances historiques ébranle profondément l’historiographie musulmane des premiers temps de l’islam. Ces découvertes – qui s’affirment comme un enjeu majeur pour l’islam contemporain – sont accablantes pour la crédibilité du discours musulman et appellent une réflexion de fond sur ses prétentions à l’historicité.

Il n’est peut-être pas dans les prérequis du lecteur de verser dans l’étude historico-critique de l’apparition de l’islam, bien qu’il puisse être, parfois malgré lui, témoin de contre-vérités proférées sur ce sujet.

D’où l’intérêt de cet article qui s’attachera, en des termes simples, à poser des jalons notionnels au profit d’un large public en attente d’une pédagogie de vulgarisation : nous présenterons d’abord le récit des débuts de l’islam, tel que l’historiographie musulmane le rapporte, avant de le confronter à l’état actuel des connaissances historiques.

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INTRODUCTION

L’histoire des premiers temps de l’islam, telle que rapportée par la tradition musulmane, s’inscrit dans un contexte instable et agité : trois des quatre premiers califes sont assassinés ; d’incessantes luttes intestines opposent à mort les plus intimes compagnons du Prophète ; des guerres civiles à répétition, sur fond de conquête armée menée en terre non musulmane et d’autorité califale absolue exercée brutalement au sein de l’empire.

Dans cette période tourmentée, le Coran, Parole de Dieu, aurait été conservé de façon miraculeuse[1] tout comme le récit fidèle des faits et gestes du Prophète (hadīṯ). Problème : toute cette histoire a été consignée plusieurs siècles après la tenue supposée de ces événements.

Pire, l’état actuel des connaissances historiques ébranle les fondements de cette version de l’historiographie musulmane. En effet, les recherches archéologiques et scripturaires sur La Mecque tendent à démontrer qu’elle serait une création tardive des Califes[2]. Les études sur les manuscrits anciens du Coran révèlent des activités manifestes de réécritures et de corrections du texte[3] et attestent de la circulation de versions concurrentes jusqu’au 8ème siècle[4].

L’examen des témoignages non-musulmans contemporains du Prophète et des premières conquêtes arabes dresse un portrait de Muḥammad tout à fait étranger à la biographie convenue qu’en donnent Sīra[5] et Sunna. Quant aux recherches philologiques, elles établissent des soubassements syro-araméens du Coran réfutant les prétentions musulmanes de la pureté[6] arabe originelle[7] de la langue coranique.

Si l’apparition de l’islam est un fait historique encore peu connu, ces découvertes majeures sont accablantes pour la crédibilité du discours musulman et appellent une réflexion de fond sur ses prétentions à l’historicité. Il n’est peut-être pas dans les prérequis du lecteur de verser dans l’étude historico-critique des origines de l’islam.

Qu’il sache néanmoins qu’il peut parfois être, malgré lui, témoin de contre-vérités proférées sur ce sujet. C’est l’objet de cet article : nous présenterons d’abord le récit des débuts de l’islam, tel que l’historiographie musulmane le rapporte, avant de le confronter à l’état actuel des connaissances historiques.

L’ISLAM SELON LUI-MEME

Selon la tradition musulmane, c’est vers 610 qu’un homme, appelé Muḥammad, fait l’expérience mystique d’une révélation divine par l’entremise de l’ange Gabriel. Lors d’une méditation, en retrait de sa tribu mecquoise polythéiste, Dieu lui commande de prêcher à son entourage, distillant Sa Parole verset après verset. Devant l’hostilité de sa tribu, il est recueilli et protégé à Médine où il devient peu à peu chef de guerre et leader politique de la Oumma naissante.

La révélation lui enjoint alors de mener l’offensive contre les caravanes mecquoises[8] et de poser les bases d’une religion monothéiste organisée. Il fait éliminer ses adversaires : tribus juives médinoises des Qurayza[9] et des Qaynuqa[10] accusées de trahison ainsi que des poètes caricaturistes[11], des « hypocrites » (munāfiqūn)[12] et d’autres indésirables[13].

En 630, il s’empare définitivement de la Mecque, devenant ville sainte de la nouvelle religion, avant de poursuivre ses conquêtes dans toute la péninsule arabique, laquelle se serait unifiée autour de la langue arabe et de sa nouvelle identité religieuse. En 632, Muḥammad pratique son pèlerinage de l’adieu – islamisant de facto cette coutume anciennement polythéiste – avant de s’éteindre la même année à Médine.

Un de ses compagnons, Abū Bakr, devient alors Calife (ḫalīfa: « successeur »)[14] assumant le rôle de chef religieux, politique et militaire de la communauté musulmane. Il poursuit les conquêtes et mâte les tribus musulmanes récalcitrantes qui rejettent son autorité (« ḥurūb al-Ridda », guerres d’apostasie). Abū Bakr meurt en 634.

‘Umar prend sa succession et se rend célèbre par l’étendue de ses conquêtes, depuis les extrémités de la Tunisie d’aujourd’hui aux confins de l’actuel Iran. En 637-638, il entre à Jérusalem libérant le territoire de l’autorité byzantine. Il y érige un sanctuaire baptisé « mosquée d’Omar »[15] à l’emplacement désigné de l’ancien temple juif[16].

Après l’assassinat de ‘Umar en 644, Othman lui succède au pouvoir. Avec la mort des compagnons du Prophète et l’apparition de divergences, le troisième Calife fait compiler une vulgate officielle et unique du Coran. Il fait brûler toutes les autres versions concurrentes et fait diffuser sa vulgate en cinq exemplaires. Othman meurt assassiné en 656.

‘Alī, cousin et gendre du Prophète prend sa succession dans un contexte de crise, puisqu’advient la première « Guerre Civile » (Fitna)[17] durant laquelle de très intimes compagnons du Prophète s’affrontent jusqu’à s’entretuer[18]. ‘Alī meurt assassiné en 661 aboutissant à une querelle de succession et séparant les musulmans en trois regroupements distincts : les sunnites, les chiites[19] et les kharidjites.

En 661, le gouverneur de Syrie, Mu‘āwiyya, s’impose Calife par la force en faisant empoisonner l’un des fils d’Ali, Hasan. Mu‘āwiyya fonde la dynastie des Omeyyades en imposant son fils Yazid comme successeur lequel fait décapiter Hussein, le second fils de ‘Alī. Les Omeyyades perdurent jusqu’en 750 dans un contexte trouble et sanglant de deuxième « Guerre Civile » (Fitna) et d’incessantes luttes intestines.

Malgré le succès des conquêtes qui se poursuivent désormais de l’Asie Centrale jusqu’aux Francs, cette deuxième Fitna donne lieu à la bataille du Grand Zab en 750, dont l’issue fait chuter le califat omeyyade au profit d’un nouveau Calife, As-Saffāh (« le Sanguinaire ») et d’une nouvelle dynastie : les Abbassides. Ils gouvernent l’Empire musulman depuis une nouvelle capitale, Bagdad, symbole de l’influence des Perses dans l’empire avant d’être mise à sac par les Mongols au 13ème siècle puis remplacés par les Ottomans un siècle plus tard.

Voilà, brossé à grands traits, ce que l’islam rapporte de son apparition. Il faut préciser que cette trame historiographique est exclusivement fondée sur les textes musulmans et que les « faits » rapportés ne sont pas perçus comme tels par les chercheurs. A présent, confrontons cette histoire à l’état actuel des connaissances historiques.

L’ISLAM FACE A SON HISTORICITE

QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DE LA MECQUE ET DE LA KAABA ?

Un trou noir

Dans l’historiographie musulmane, la ville de la Mecque est un modèle de cité commerçante dont les fondements archéologiques et historiques se retrouveraient dans la littérature géographique de la fin de l’Antiquité que les Romains appelaient « l’Arabie Heureuse » (Felix Arabia). Une légende s’est ainsi largement répandue dans les milieux de l’apologétique musulmane selon laquelle le géographe grec Ptolémée aurait identifié La Mecque[20], baptisée « Makoraba » au 2ème siècle de notre ère. Problème : celle-ci est située dans l’actuel Yémen et n’a donc rien de commun avec la Mecque du Hedjaz[21].

Ce que l’on sait d’une absolue certitude, c’est qu’il ne subsiste absolument rien de la supposée Mecque originelle, rien. Un vide archéologique que les chantiers, pourtant titanesques, engagés ces dernières années par l’Arabie Saoudite n’ont réussi à combler. A ce néant s’y adjoint un autre. On ne trouve en effet aucune mention explicite de la Mecque avant la fin du 7ème siècle.

Rien du sanctuaire dans la charte de Médine où La Mecque n’est jamais mentionnée[22], pourtant considérée par la Tradition comme millénaire puisque remontant à Abraham. Rien de son commerce, des pèlerinages qui sont censés l’avoir enrichie, avoir forgé sa réputation d’incontournable carrefour caravanier.

Mecque islamique vs. Mecque historique

En outre, la description de la Mecque, telle qu’on la trouve dans le texte coranique, serait complètement incompatible avec la réalité historique. Les référents climato-géographiques rapportés par le Coran et les hadiths correspondraient au mieux à un environnement méditerranéen proche de la Syrie[23]. En effet, la topographie réelle de la Mecque avec son climat subtropical désertique, exclut l’existence d’activités agricoles, pastorales ou halieutiques[24] que la Tradition décrit pourtant dans les prêches prononcés par le Prophète auprès de ses contemporains mecquois.

Rappelons que le site de la Mecque est semblable à une cuve et était sujet à d’innombrables inondations, ainsi que le rapportent les chroniques des premiers siècles de l’islam tout au long des 7ème, 8ème, 9ème et 10ème siècles. En 960, une caravane de pèlerins égyptiens fut victime de ces torrents. Au point même, qu’en 1620, la Kaaba fut complètement détruite par une de ces catastrophes avant d’être reconstruite à zéro par le sultan Murād[25].

En outre, comme souligné précédemment, le climat de la région (subtropical désertique) interdit toute possibilité d’agriculture permettant aux nombreuses populations mecquoises décrites par la tradition musulmane de vivre sur le site actuel de La Mecque. Comment imaginer en effet la présence de plantations d’oliviers ou de troupeaux de moutons à des températures avoisinant les 50 degrés ? Comment admettre qu’on y cultivait le blé, les dattes, l’olivier, la vigne, les grenades[26] ?

Par ailleurs, la tradition musulmane évoque l‘existence de polythéistes à la Mecque dominés par la tribu des Quraych. Or, les recherches archéologiques font apparaître que tous les Arabes de la Péninsule, avec ceux de Syrie et de Palestine, étaient christianisés[27]. Et, contrairement à ce qu’affirme la tradition musulmane, la Mecque ne se situait pas non plus sur la route de l’encens, et ne constituait pas le carrefour commercial prestigieux décrit dans la Sira et la littérature du hadith.

Enfin, les recherches récentes d’un archéologue canadien, Dan Gibson, ont montré qu’aucune mosquée ne pointe sa qibla vers La Mecque avant 725 et que certaines des mosquées construites entre 640 et 725 pointaient très précisément la qibla vers Pétra en Jordanie. Il a montré de plus que c’est seulement à partir de 822 que toutes les nouvelles mosquées pointèrent leur qibla vers La Mecque.[28]

La Mecque historique se trouverait-elle en Syrie ?

On sait aujourd’hui qu’une tribu installée en Syrie, également appelée « Quraych », a fait l’objet de descriptions historiques conformes à celle du Coran et aux hadiths. Installée près de Lattaquié, grande cité portuaire de Syrie, cette tribu christianisée versée dans le commerce, abritait, jusqu’en 1920[29], les ruines d’un caravansérail[30], un lieu d’accueil de marchands nomades et de commerçants caravaniers[31].

De récentes critiques textuelles font valoir donc que La Mecque serait une création tardive des Califes omeyyades, datée du 7ème siècle[32]. En étudiant les descriptions de la ville dans les hadiths, la Sira et le Coran, elles concluent que certains lieux des origines de l’islam ne se trouveraient pas dans le Hedjaz, comme rapporté par la tradition musulmane, mais dans l’actuelle Syrie[33].

Signalons enfin qu’il existait plusieurs dizaines de « Qobba »[34] bien avant l’islam. Le culte de la pierre noire (bétyle), dont le récit biblique fait souvent mention, était largement répandu au Proche et Moyen-Orient, notamment à Petra, où l’on révérait la pierre noire de Dusares, symbole du culte solaire des Nabatéens au 4ème siècle[35].

La question reste posée

Comment donc expliquer qu’aucun témoin, pas un chroniqueur, ni aucun géographe n’ait, étonnement, rapporté l’existence de cette ville[36] ? Même des graffitis découverts en Arabie Saoudite, datés du 7ème siècle et présentés comme « islamiques », ne mentionnent nullement la Mecque, pas même son sanctuaire[37].

Dans le champ de l’archéologie, la question de l’existence de la Mecque reste donc posée selon Christian Robin, spécialiste de l’histoire de l’Arabie antique et des premiers siècles de l’islam. Ce dernier signale que, faute de fouilles entreprises sur le site, « l’archéologie ne peut être un argument historique »[38]. Le fait que la Mecque n’apparaisse dans aucun document avant la fin du 7ème est, juge-t-il, « peu significatif » puisque cela ne voudrait nullement dire qu’elle n’existait pas avant[39].

Il estime ainsi que « la tradition savante arabo-islamique rapporte de nombreuses données sur La Mecque avant Muhammad dont certaines paraissent plausibles » et « qu’il n’y a aucune raison de douter de l’existence d’un sanctuaire et d’une petite bourgade à La Mecque dès le début du 6ème siècle »[40]. Il considère au contraire que « les thèses prétendant que La Mecque n’existe pas avant l’islam relèvent davantage de la polémique idéologique que de l’histoire ». « C’est, poursuit-il, utilisé comme argument pour prouver que l’islam est issu d’une secte proche-orientale. Mais c’est un argument qui ne prouve rien. Il est utilisé en désespoir de cause parce qu’on ne sait rien sur les idées de ces sectes, seul argument qui serait déterminant »[41].

Ce qui est sûr c’est que l’islam, dès les origines, est une civilisation de naissance hybride entre le nomadisme et la culture urbaine. L’existence d’un urbanisme très ancien en Arabie et au Yémen fournit suffisamment d’ouvrages à l’archéologie pour ne pas être contestable. Contrairement à ce qui était instillé à l’époque coloniale, la thèse selon laquelle l’islam était une religion nécessairement nomade et limitée à ce milieu n’a plus droit de cité dans les cercles scientifiques[42].

QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DU PROPHETE DE L’ISLAM ?

« Muḥammad islamique » et « Muḥammad historique »

Les recherches récentes attestent qu’entre la mort du Prophète et la constitution de la Sira deux siècles plus tard, on a, à l’image de la Mecque, un véritable trou noir pour ce qui concerne les seuls écrits musulmans[43]. Rien n’émerge de l’histoire avant 50 de l’hégire (683) où le qualificatif « mḥmd » est mentionné pour la première fois sur une pièce de monnaie à l’effigie d’Abdallah Ibn al Zubayr, « anticalife », opposant aux Omeyyades et que la tradition musulmane décrit comme étant le « gouverneur de La Mecque (monnaie frappée cependant à Bishapur, dans l’actuel Iran).

D’autres documents font état de témoignages contemporains de Muḥammad et le décrivent, non pas comme un Prophète, mais comme un guerrier apocalyptique à l’aise et instruit dans l’histoire de Moïse (Pseudo Sébéos)[44]. Dans tel témoignage, il apparaît comme dans la proximité de personnes qui l’auraient « instruit ». Dans tel autre, il est présenté (Doctrina Jacobi) dans une discussion entre des Juifs comme pouvant être un possible candidat à la prophétie (c’est-à-dire « annoncer la venue du Messie »).

Ce n’est qu’au 9ème siècle que la biographie (sīra) du Prophète est rédigée pour la première fois dans un empire qui s’étend du Maroc à l’Inde, très loin du milieu originel, dans un contexte contrôlé par l’autorité califale. C’est d’ailleurs à partir du 10ème, que sont écrits le discours des origines, les premières exégèses coraniques (tafāsīr), les premières histoires de conquêtes islamiques (maġāzī) et un nombre invraisemblable de hadiths forgés à la demande des califes dans le but de légitimer leur autorité et d’expliquer le Coran en forçant son interprétation[45].

La prophétologie en tant que genre littéraire autonome est relativement récente dans l’histoire intellectuelle musulmane. L’ouvrage le plus connu en la matière le montre : il s’agit de la recension des traditions prophétologiques musulmanes (nourries avec un certain appareil de réserves d’Isrâ’îliyyât judaïques) attribuées à Ibn Kaṯīr (1300-1373), ce qui nous renvoie tout au plus à l’invasion moghole (13ème) contenus par les Mamelouks. Détail qui peut d’ailleurs faire sens étant donné le sentiment apocalyptique qu’a inspiré cette période.

En revanche, c’est à une époque bien plus proche de l’aube de l’islam que l’on place l’installation d’une pratique similaire : la lecture publique, commentée et apprise des récits d’expédition que l’on appelait maġāzī (récits des conquêtes), et qui en fait fournissait un cadre contextuel à un matériau beaucoup plus disparate : historique, juridique, et parfois littéraire. Les maġāzī sont si profondément installés dans la tradition musulmane qu’elles ont précédé l’éclosion du genre Sira[46].

Une figure messianiste ?

Malgré le nombre conséquent de témoignages externes d’époque, aucune chronique ne fait mention du Coran, d’islam ou de « musulman ». L’appellation « islam » elle-même deviendra le nom officiel de la nouvelle religion qu’en 720, date avant laquelle elle est systématiquement désignée par l’expression « religion d’Abraham »[47]. Pour « désigner les conquérants, jamais, à cette époque, n’apparaît chez eux un terme tiré du mot arabe muslim (musulman). Ceci donne à penser que les conquérants ne se désignaient pas eux-mêmes ainsi »[48]. Par exemple, on n’en trouve aucune référence dans le premier dialogue « islamo-chrétien » de Homs (644) entre le patriarche de Syrie Jean Ier (631-646) et Saïd ibn Amir, gouverneur et compagnon du Muḥammad[49].

Aucune mention d’islam ou de « musulmans » non plus dans les Homélies de Saint Sophrone de Jérusalem (634-639)[50], dans la Didascalie de Jacob[51] (634), dans la chronique de Thomas le Presbyte[52], rien dans le Sébéos (ou Pseudo-), rien dans la Lettre de Théodore, rien dans la Lettre de l’Académie de Jérusalem à la diaspora d’Egypte, rien dans le traité d’Arculfe (679 et 688), rien dans les témoignages de Théophane (758-817), de Jacques d’Edesse (640-708) ni de Jean de Damas (676-749). Même des graffitis décelés récemment en Arabie Saoudite n’en font allusion avant l’an 687[53].

Ce matériel historique contemporain aux débuts de l’islam, et composé de témoignages indépendants et concordants, évoque l’irruption d’« Arabes conquérants », conduits par un prophète « commerçant » et des « juifs » lors de la prise de Jérusalem et se pressant pour y édifier un lieu de prière :

« Que Dieu accorde à nos empereurs des sceptres robustes et puissants afin qu’ils brisent l’orgueil de tous les Barbares, et surtout des Saracènes (= Arabes des tentes) qui (…) se sont dressés soudainement contre nous et se livrent à un pillage total avec cruauté et sauvagerie… »[54]

Homélies de Saint Sophrone de Jérusalem (634-639)

« Mon frère Abraamès m’a écrit, dit Ioustos à Jacob, qu’un faux prophète est apparu.

“Lorsque le Candidat fut tué par les Saracènes, j’étais à Césarée – me dit Abraamès -, et j’allai en bateau à Sykamina6 On disait : Le Candidat a été tué ! Et nous, les juifs, nous étions dans une grande joie. On disait que le prophète était apparu, venant avec les Saracènes, et qu’il proclamait l’arrivée du Christ oint qui allait venir. (…) Je lui dis : Que me dis-tu du prophète qui est apparu avec les Saracènes ? Et il me répond en gémissant profondément : C’est un faux prophète : les prophètes viennent-ils armés de pied en cap?… (…) j’appris de ceux qui l’avaient rencontré qu’on ne trouve rien d’authentique dans ce prétendu prophète : il n’est question que de massacres. Il dit aussi qu’il détient les clés du Paradis, ce qui est incroyable.” Voilà ce que m’a écrit mon frère Abraamès d’Orient… »[55].

Didascalie de Jacob (634)

« Il y avait un des enfants d’Ismaël, du nom de Mahomet, un marchand. »[56]

Sébéos (ou Pseudo-)

«… et Mhmt (Mohammad) alla pour le commerce en terres de Palestine, des Arabayâ et de Phénicie des Tyriens. »[57]

Jacob d’Édesse (m. 708)

« En l’année 945 (…) eut lieu le combat des Romains et des Tayayê (= les Arabes) de Mahomet en Palestine, à 12 milles à l’est de Gaza. Les Romains s’enfuirent, abandonnant le patrice Bar Yardan que les Tayayê (= les Arabes) tuèrent. Furent tués là environ 4000 paysans pauvres de Palestine, chrétiens, juifs et samaritains. Et les Tayayê (= les Arabes) dévastèrent toute la région. »[58]

Chronique de Thomas le Presbyte

 « Aussitôt – entrés à Jérusalem -, en courant, ils arrivèrent au lieu qu’on appelle Capitole. Ils prirent avec eux des hommes, certains de force, d’autres de leur plein gré, afin de nettoyer ce lieu et d’édifier cette maudite chose, destinée à leur prière, qu’ils appellent une midzgitha (lieu de prière). Parmi ces hommes se trouvait Jean, archidiacre de Saint-Théodore-le-Martyr, parce qu’il était, de son métier, poseur de marbre. Il se laissa séduire par eux pour un gain malhonnête et il alla de son plein gré travailler là-bas. Il était très habile de ses mains ».[59]

Lettre de Théodore

« Sur cet emplacement célèbre où se dressait jadis le Temple magnifiquement construit, les Sarrasins (Saracinij) (= les Arabes) fréquentent maintenant une maison de prière quadrangulaire qu’ils ont construite de manière grossière (vili opère) sur ces ruines. Elle est faite de planches dressées et de grandes poutres. On dit de cette maison qu’elle peut accueillir 3 000 personnes à la fois. »[60]

Traité d’Arculfe (670)

« Ce fut la volonté de Dieu de nous avoir en faveur dès avant le royaume ismaélite, au temps où, conquérant la Terre sainte, ils l’arrachèrent des mains d’Edom. Lorsque les Arabes vinrent à Jérusalem, il y avait avec eux des hommes d’entre les Fils d’Israël qui leur montrèrent l’emplacement du Temple. »[61]

Lettre de l’Académie de Jérusalem à la diaspora d’Egypte

Or, tous ces témoignages d’époque sont incompatibles avec l’historiographie musulmane dès lors que, selon la Tradition, lors de la prise de Jérusalem, le Prophète est censé être déjà mort plusieurs d’année auparavant, que le nom du Calife Omar n’apparait nulle part, que les conquérants semblent motivés par le butin et le pouvoir, et que des leaders juifs sont à la tête des nouveaux conquérants arabes.

QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DU CORAN ?

Un long travail de réécriture ? [62]

Selon la tradition musulmane, la révélation reçue par Muḥammad aurait été transmise fidèlement au calife Othman qui l’aurait consignée par écrit. Selon la tradition donc, le Coran originel fixé en 656 serait parfaitement identique au Coran actuel. Or, aucun Coran d’Othman n’a jamais été retrouvé. Les quelques recueils qui ont ce nom aujourd’hui sont de « pieuses forgeries » selon François Déroche, ce qui signifie donc que tous les Coran d’Othman, s’ils ont existé, ont été détruits par les musulmans eux-mêmes.

Cependant, sous le califat omeyyade d’Abdelmalik, on détruisait encore des Corans non conformes et ce, jusqu’au 8ème siècle dans l’Empire abbasside[63]. Aucun Coran d’Othman n’a d’ailleurs jamais été retrouvé avant le 9ème siècle où des fragments indiquent que l’histoire de son écriture ne s’est pas faite comme l’affirme la Tradition : un long travail de réécriture se serait poursuivi après les années 650, avec des reprises du texte, de lavage et de correction[64].

Les manuscrits coraniques les plus anciens dont on dispose ont été retrouvés en 1972 à Sanaa au Yémen, identifiés par la suite par le paléographe allemand Gerd Rüdiger Puin. Datés, pour certains, de la deuxième moitié du 7ème siècle, ces écrits sont probablement rescapés d’autodafés ordonnés par les califes dans leur lutte, dans les premiers temps de l’islam, contre les versions coraniques hétérodoxes. L’examen de ces feuillets qui se poursuit encore aujourd’hui est proprement renversant puisque ceux-ci témoignent de versions non-conformes à l’édition définitive d’Othman.

Enfin, certains récits issus de la littérature du hadith admettent explicitement la réalité de retouches tardives du texte coranique[65] notamment ce fameux récit relatant les circonstances de l’abrogation du verset de la lapidation lequel aurait été mangé par une chèvre[66].

Un lectionnaire judéo-nazaréen ?

D’autres études critiques du Coran[67] font état de l’expression d’idées juives post-chrétiennes. L’exemple le plus emblématique étant ce célèbre passage du Coran condamnant une forme imaginaire du christianisme[68] qui sont, en fait, une mauvaise compréhension par la tradition musulmane du sens réel du texte coranique. Ainsi par exemple, la mystérieuse triade divine composée de Marie et Jésus :

« Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu ? ».

(Coran : V-116)

Le rejet de Jésus comme Fils de Dieu et Seigneur :

« Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : “En vérité, Allah c’est le Messie, fils de Marie.” »

(Coran : V-72)

« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allah, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique ».

(Coran : IX-31)

Le refus de sa crucifixion :

« et à cause de leur parole: « Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d’Allah»… Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux semblant! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude: ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué »

(Coran : IV-157).

Il en est de même de la Marie coranique présentée à la fois comme mère de Jésus, sœur d’Aaron et de Moïse prêtant le flanc aux confusions suivantes : « Imran, père de Moïse » = « Imran, père de Marie » ; « Marie mère de Jésus » = « Marie sœur de Moïse ».

« Puis elle vint auprès des siens en le portant [le bébé]. Ils dirent : “Ô Marie, tu as fait une chose monstrueuse !  “Ô Sœur de Haroun (Aaron), ton père (Imran) n’était pas un homme de mal et ta mère n’était pas une prostituée”. »

(Coran : XVIII, 27-28)

D’autres rapprochements ont été établis de façon certaine avec des influences proprement chrétiennes. Ainsi par exemple : l’interprétation musulmane du Paraclet de l’Évangile de Jean comme préfigurant la venue de Muḥammad s’avère être une interpolation d’apologétique musulmane puisque ce rapprochement n’offre aucune correspondance possible[69].

« Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur (Paraclet : « paraklètos »), afin qu’il demeure éternellement avec vous »

(Jean : chapitre 14, verset 16)

« Quand Jésus, fils de Marie, dit : « Enfants d’Israël ! Je suis le messager de Dieu envoyé vers vous, confirmant ce qui est devant moi de la Torah et annonçant un messager qui viendra après moi dont le nom sera Ahmad (« périklutos ») ».

(Coran : LXI-6).

La christologie coranique telle que décrite dans ces versets ne correspond à aucune conception chrétienne orthodoxe si ce n’est dans la croyance judéo-nazaréenne décrite par Edouard-Marie Gallez[70]. Sa thèse, fournie, argumentée et bâtie sur des recoupements de textes littéraires et apocalyptiques de traditions araméennes, juives, arabes et syriaques, et sur l’exégèse scientifique du texte coranique[71], établit que Muḥammad aurait été un membre d’une secte messianiste judéo-nazaréenne.

Selon Gallez, le « Prophète » serait parvenu à fédérer des tribus arabes autour de lui pour s’emparer de Jérusalem où, selon cette croyance, le Messie était censé faire son retour. Cependant, une fois Muḥammad mort et la ville sainte conquise, le Christ ne revenant pas, les Arabes se seraient désolidarisés des judéo-nazaréens et auraient sélectionné dans les textes laissés par les prédicateurs judéonazaréens de quoi constituer un nouveau livre sacré, qui deviendra peu à peu le Coran, et auraient réécrit l’histoire de leurs origines – inventant notamment la prophétie de Muhammad – pour légitimer religieusement le pouvoir qu’ils avaient conquis[72].

Des passages coraniques tirés du Talmud ?

La tradition talmudique juive n’est pas en reste puisque des emprunts aurait été pratiqués notamment dans ce passage du traité de Sanhédrin écrit plusieurs siècles avant l’islam :

« C’est pour cela que l’homme a été créé seul, pour t’apprendre que celui qui ôte la vie à un fils d’Israël, détruit un monde entier ; et celui qui sauve la vie d’un fils d’Israël, sauve un monde entier. »

(Traité Sanhedrin, chapitre 5, Mishna 5)

 « C’est pourquoi Nous (Dieu) avons prescrit pour les Enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes ».

(Coran : V-32)

Outre des passages narratifs repris allusivement[73], des passages du texte biblique sont mentionnés, partiellement mot à mot[74]. Ainsi par exemple :

« Nous avons écrit dans les psaumes, après le Rappel : En vérité mes serviteurs justes hériteront (yarithû) de la terre (ard) »

(Coran : XXI-105)

« Les justes hériteront (yirshû) de la terre (eretz), ils y vivront en paix ».

(verset 29 du psaume 37)

 Ou :

« Et le ciel disparut comme un livre qu’on roule »

Apocalypse 6, 14

 « Le Jour où nous plierons le ciel comme on plie un rouleau sur lequel on écrit ».

Coran 21, 104

 Ou encore :

 « Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle […]. Voici je fais l’univers nouveau […]. Écris : ces paroles sont certaines et vraies ».

Apocalypse 21, 1-8

« De même que nous avons initié la création à son début, nous la ferons être à nouveau. C’est une promesse qui nous engage ; oui nous l’accomplirons ».

(Coran 21, 104)

Le Coran : un lectionnaire judéo-nazaréen ?

Par ailleurs, l’expression même de « Qur’ân » serait une reprise de celle d’« Évangile » (« bonne nouvelle ») ou de « Qeryana », lectionnaire chrétien syriaque[75]. Ces lectionnaires étaient des recueils disparates de prières, de chants et de textes sacrés qui, une fois assemblés, ne présentaient aucune cohérence d’ensemble même si on observe toutefois une certaine cohérence rhétorique dans certaines sourates[76]. Quant aux expressions « sourate » (sūra) et « verset » (āya), elles ont une correspondance en syriaque : « sûrtâ » (« passage d’écriture lue ») et « āthâ » (« signe, marque d’écriture ») »[77].

On trouve en outre des « échos » comme un passage du De paradiso de saint Éphrem (4ème siècle) portant sur une description de raisin devenant, dans le Coran, une description d’houris paradisiaques[78] :

« Qui s’abstient de vin ici-bas, les raisins du paradis soupirent après lui. Chacune d’entre elles [?] lui tend un raisin suspendu. Et si quelqu’un a vécu dans la chasteté, elles le reçoivent dans leur sein pur, parce que comme moine il n’est pas tombé dans le sein et le lit de l’amour terrestre »

(De paradiso, Hymne 7, 18).

 « Nous leur donnerons pour épouses des houris ( « raisins », selon une correspondance syriaque opérée par Luxenberg[79]) aux grands yeux. Ils y demanderont en toute quiétude toutes sortes de fruits »

(Coran : XLIV-54).

« Nous les avons créées à la perfection, nous les avons faites vierges, gracieuses, toutes de même âge »

(Coran : LVI-35).

« Quand on leur dit : « Suivezce que Dieu a fait descendre », ils disent : « Non, mais nous suivrons les coutumes de nos ancêtres. » Quoi ! Et si leurs ancêtres n’avaient rien raisonné et s’ils n’avaient pas été dans la bonne direction ? »

(Coran : II-170).

 « Voilà les religions que leur ont transmises leurs ancêtres et qu’ils s’obstinent à protéger et à défendre »

(Institutions divines, II, 6, 7).

Enfin, certains passages des dialogues initiatiques de l’Hermès Trismégiste rédigés autour du 1er siècle avant notre ère trouvent un écho dans le Coran, comme si celui-ci répondait aux questions posées plusieurs siècles auparavant[80] :

Qui a tracé les cercles des yeux ? Qui a foré les trous des narines et des oreilles ? Qui a fait l’ouverture de la bouche ? Qui a tendu les muscles et les a attachés ?

(Corpus hermeticum, V, 6).

« C’est nous qui avons donné à l’homme l’ouïe et la vue ».

(Coran : 76-2).

« Nous les avons créés, nous avons fixé solidement leurs jointures ».

(Coran : 76-28).

Dernier élément probablement hérité de la tradition judaïque : la profession de foi. La croyance musulmane s’affirme, dans la formulation de sa šahāda, de façon antitrinitaire, en opposition à la foi chrétienne. Or, cette formulation antitrinitaire est employée plusieurs siècles avant l’islam dans un des textes les plus importants qui nous soit parvenu de « la mouvance judéognostique au 2ème siècle » [81] : les Homélies pseudo-clémentines où la foi chrétienne est caricaturée sous la forme « d’associationisme ». Une de ces formules que l’on retrouve dans ce texte est l’exacte première partie de la šahāda musulmane :

« J’atteste de ce que Dieu est un et il n’y a pas de dieu excepté Lui »[82]

 QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DES HADITHS ?

 L’emprise califale

Il faut d’abord resituer le contexte : le cinquième calife omeyyade Abd al-Malik (m. 705) entreprend de légitimer la supériorité des Arabes sur toutes les autres cultures. Il arabise l’administration de l’empire en créant un service de poste, en imposant l’arabe comme langue officielle de la cour, laquelle est codifiée par les grammairiens musulmans. Le texte coranique est ainsi fixé[83] pour ensuite être diffusé dans l’empire à l’usage des dignitaires religieux.

Cependant, les siècles qui suivent s’inscrivent dans une période où le texte coranique devient de plus en plus difficile à comprendre étant donné la nature consonantique du texte (rasm) et l’absence de tradition orale : les copistes ne savaient donc pas ce qu’il signifiait. Ce qui provoqua une rupture avec le milieu araméen d’origine, et une perte du sens des mots araméens ou d’inspiration araméenne (exemple : le maysir et la miserah).

La nécessité de clarifier certains passages conduira à la prolifération d’une véritable industrie du hadiths destinés à l’exégèse du récit coranique. La biographie officielle du Prophète (sīra) n’est pas encore établie au début du 9ème siècle mais sera convenue dans un contexte d’autorité politico-religieuse de califes abbassides contrôlant la production de ce discours de façon rémunérée[84]. C’est ainsi que dans la première moitié du 9ème siècle, des scribes officiels assujettis au calife entreprendront de dresser sa généalogie et tous les épisodes-clés de sa vie.

Ce n’est qu’au 10ème siècle qu’advient la fixation définitive d’un récit musulman présenté comme « historique » sur les premiers temps de l’islam avant que trois dogmes majeurs viennent cristalliser le discours officiel de l’islam à savoir :

– le dogme du « Coran incréé »[85] érigeant le texte coranique au rang de texte sacré et intouchable;

– le dogme de « l’abrogeant et de l’abrogé » visant à dépasser les contradictions du discours coranique faisant prévaloir les sourates les plus tardives (dites « médinoises ») composées majoritairement de commandements politiques et guerriers sur les sourates « mecquoises » composées, elles, d’appels à la tolérance. Cette doctrine permettra d’introduire la notion de minorité/majorité musulmane selon laquelle des musulmans sous autorité impie pourraient, à l’image de Muḥammad, faire œuvre de tolérance tandis qu’en situation majoritaire, ils pourraient prôner le rapport de force ;

– la fin de « l’effort d’interprétation » (iǧtihād) rendant impossible de critiquer la teneur du discours islamique officiel.

Dans une optique extérieure à la foi musulmane, ces dogmes post-coraniques semblent destinés à étayer la foi et à justifier la thèse traditionnaliste (sunnite) du caractère incréé du Coran dont la pensée et la doctrine se construisent sur plusieurs siècles après la mort du Prophète. Ainsi passe-t-elle outre les études récentes sur l’histoire de la constitution du texte coranique qui sont pourtant abondantes.

L’impossible tradition d’oralité ?

La tradition musulmane avance que les hadiths – comme le Coran – se seraient transmis oralement à l’identique depuis le vivant de Muhammad jusqu’à l’édition des premiers recueils aux 9ème et 10ème siècles. Selon cette version, la « mémoire coranique et prophétique » aurait donc été impossible à falsifier puisqu’apprise par cœur et conservée par des milliers de mémorisateurs (huffāẓ) qui auraient transmis les récitatifs pendant les premiers siècles.

Cependant, six éléments factuels mettent à mal cette possibilité de transmission orale et plaident plutôt pour l’hypothèse d’un long processus d’écriture et de réécriture :

– le nombre toujours plus croissant de hadiths à mesure qu’on s’éloigne des faits supposés ;

– le somme considérable de « faux » hadiths, jugés apocryphes[86] récusant l’infaillibilité revendiquée de ces mémorisateurs ;

– l’absence de procédés formels de mémorisation comme on en trouve dans toute civilisation d’oralité ;

– l’impossibilité physiologique de retenir 200 000 hadiths comme le prétendait Boukhari, l’un des plus célèbres traditionnistes ;

– le fait qu’Abū Hurayra soit à l’origine d’1/3 des hadiths sahihs[87] alors qu’il n’a fréquenté le Prophète que 2 années et qu’Abū Bakr, compagnon de longue date et premier calife de l’Islam, n’en ait rapporté qu’une centaine.

Des chaînes de transmission infaillibles ?

La nature purement déclarative des hadiths et le caractère parfois insensé de certains récits, a poussé le discours musulman à défendre leur légitimité. C’est ainsi que la chaîne de transmission va jouer un rôle de première importance dans la recherche de fiabilité des transmetteurs.

C’est donc près de trois siècles après la mort du Prophète que les « grands compilateurs » de hadiths vont œuvrer à partir de cette chaîne de transmission orale bien qu’elle-même soit aussi de nature purement déclarative. Parmi les recueils considérés comme sérieux par le discours musulman figurent évidemment ceux de Buḫārī et Muslim qui comptent à eux deux près de 7 000 hadiths différents, soit un récit par journée vécue par le Prophète. D’autres compilateurs viennent compléter ce premier « noyau » de hadiths : le Sunan al-Suġra d’al-Nasā’ī ainsi que ceux d’Abū Dawūd, d’al-Tirmiḏī et d’Ibn Maǧah. En comptabilisant la somme des hadiths parvenus à ce jour, on atteint un nombre dépassant le million et demi de récits.

En opérant un tour d’horizon sur l’état actuel des recherches sur le hadith, on croise des études faisant état d’un hiatus dans la transmission de certains d’entre eux. On se réfèrera notamment à celles de Juynboll Gautier[88] qui a œuvré pour un nouvelle méthodologie du recensement du hadith et de Jonathan Brown[89] qui met en lumière les causes historiques expliquant pourquoi les sunnites ont retenu Buḫārī et Muslim aux dépens d’autres traditionalistes comme Daraqutni par exemple.

Or, la méthodologie de recensement des hadiths de Buḫārī est limitée par le fait qu‘il se contentait de considérer un hadith recevable dès lors que les deux maillons de transmission avaient vécu la même époque sans s’assurer qu’ils se soient rencontrés (précaution préalable prise par Muslim). Par ailleurs, après lectures d’articles de Mohammed Hocine Benkheira, nombre de hadiths rapportés par Abu Hurayra seraient peut-être tirés de la tradition des isrā’īlliyyāt rapportée par le juif yéménite Ka‘b Aḫbār. D’où le scepticisme de nombre de musulmans face aux histoires « étranges » d’Abu Hurayra (connait-on celle du singe et de la guenon lapidés pour avoir copulé en public ?).

Enfin, d’autres chercheurs ont mis le doigt sur une « mode » apparue après le 3ème siècle hégirien qui consistait à reprendre des hadiths portant sur le vécu de ‘Umar et d’Abû Bakr qu’on aurait attribués à Mu‘âwiya pour défendre sa légitimité. Une première conclusion est de considérer qu’il y a un travail de réforme considérable à conduire sur les hadiths car nombre d’entre eux que l’on considère comme authentiques, n’en sont pas. Dès lors, comment ne pas écarter les hadiths « authentiques » qui sont problématiques sans craindre le ridicule ? Comment considérer, par exemple, la méthode pour le moins grotesque d’un Karim al-Hanifi dont les sélections de hadiths s’apparentent moins à une sélection historico-critique qu’à des arguties douteuses consistant à pinailler sur de supposés « fautes de copiste » ?

CONCLUSION

Pour conclure cette modeste contribution, il me paraît opportun de souligner que les travaux évoqués ci-avant, si leurs hypothèses devenaient avérées, sont encore loin de nous livrer une analyse claire de leurs tenants et aboutissants. Le dictionnaire le plus employé à son endroit, on le constatera aisément dans certains milieux, est celui des passions entourant cette question.

Je précise donc n’avoir ni l’aptitude ni l’audace de manier le ton de la confiance et de l’affirmation. D’une part, il faut se convaincre que l’histoire est redoutablement humaine, bien plus complexe que ce que les discours laissent accroire. La démarche historique consiste à interpréter les faits et les témoignages pour ce qu’ils sont. L’historien raisonne en termes de probabilités qu’il atteint par la convergence d’éléments probants, laquelle peut aboutir à des certitudes. Il ne cherche donc pas à trouver la vérité, mais à s’en approcher continuellement avec les égards et précautions qui siéent à toute démarche scientifique.

D’autre part, je ne veux pas laisser suggérer en conclusion d’article que tout le travail d’analyse a été dûment conduit (bien au contraire). A ce stade de ma synthèse, le lecteur se retrouve devant une masse de faits et d’interprétations très conséquentes mais dont l’exploitation ne peut, dans le cadre de cette modeste contribution, être exhaustive. Il aurait fallu pour cela que je puisse accorder une même part de soin et de temps à d’innombrables champs épistémologiques : paléographie, codicologie, épigraphie, rhétorique, sémantique, etc. Je me suis donc borné à délivrer, en quelques dizaines de pages, la synthèse des travaux historico-critiques déjà existants.

Enfin, ce sujet de travail cache probablement beaucoup plus de complexité que son intitulé le laisse voir. Il se pourrait peut-être même que, durant les années à venir, certaines interprétations soient finalement écartées. Par conséquent, le lecteur intéressé pourra se tourner vers des travaux d’analyse beaucoup plus élaborés et légitimant, eu égard à la problématique posée.

 

Notes

[1] R. Blachère, Introduction au Coran…, p. 27; Jacqueline Chabbi, Le seigneur des tribus. L’islam de Mahomet, Paris, 1997, p. 65 : « La représentation d’une fixation du texte coranique en un laps de temps aussi court et durant une période aussi positive à tous les points de vue est très satisfaisante pour la croyance ». Cité par Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité..

[2] R. Kerr, “Le Coran n’a pris naissance ni à la Mecque, ni à Médine”, https://www.academia.edu/8225103/Le_Coran_na_pris_naissance_ni_a_La_Mecque_ni_a_Medine ;

[3] Le site coranica.de publie les clichés des plus anciens manuscrits coraniques découverts à ce jour, dits de Sanaa. On y trouve les traces de l’entreprise de réécriture évoquée ci-avant : http://www.corpuscoranicum.de/

[4] Un séminaire de recherche sur le sujet https://enseignements-2016.ehess.fr/2016/ue/1491/

[5] La légitimité de l’auteur, Muḥammad Ibn Ishâq Ibn Yasâr fut même contestée par certains grands noms de l’islam qui le traitèrent de faussaire (« mudallis ») : cf.  Mu’jam al-Udaba’ de Rumi ; Ta’rif ahl al-Qadis d’al-‘Asqalani).

[6] « Muḥammad parle « selon une langue arabe claire » (S. 16, 103 : « bi-lisānin ʿarabiyyinmubīn »). Cependant, « mubīn » n’est pas un adjectif mais un participe actif : « en langue arabe rendue claire », c’est-à-dire interprétée. Les exégètes et juristes de la sunna ont eux aussi défendu l’excellence de la langue coranique, ainsi Ṭabarī : voir Claude Gilliot, « Langue et Coran selon al-Ṭabarī », dans Studia Islamica, t. 68, 1988, p. 79-106 » dans Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité… 2017.

[7] Catherine Pennacchio, « Les emprunts lexicaux dans le Coran », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem , p. 31 [En ligne], 22 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2012, Consulté le 26 mai 2017.

[8] Razzias.

[9] Maxime Rodinson, Mahomet, Essais Seuil, 1968, réédition mai 1994, p. 247.

[10] Boukhari, hadith (n°1578-1580) et Ibn Ishaq, Muhammad tome II, Paris, éditions Albouraq, 2001, p 597 p., p 562

[11]  Boukhari, hadith (n°1581) et Ibn Ishaq, Muhammad tome II, Paris, éditions Albouraq, 2001, p 597 p., p 562

[12] Mathieu Tillier et Thierry Bianquis, « De Muhammad à l’assassinat de ‘Alî », in Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (dirs.), Les débuts du monde musulman, viie – xe siècle. De Muhammad aux dynasties autonomes, éd. P.U.F./Nouvelle Clio, 2012, p. 83.

[13] Dont l’assassinat « prophétique » commandé contre Sallâm ben Abu al-Huqayq (Boukhari, n° 1582)

[14] Selon le sens donné au mot par la tradition musulmane – le Coran lui-même atteste le sens de « lieutenant » ou « gestionnaire » (de Dieu).

[15] L’existence d’un sanctuaire reconstruit sur le Mont du Temple sous Omar est attestée par des témoins locaux (Théodore, le pèlerin Arculfe), par la tradition chrétienne (Pseudo-Sébéos), la tradition juive (Les secrets du Rabbi Simon Ben Yohai), et par la tradition musulmane (le Juif Ka’b al-Ahbar qui y aurait construit une « synagogue »). Précisons néanmoins que le nom de « mosquée d’Omar » donné au Temple reconstruit est une hypothèse, au regard de la persistance de ce nom toujours utilisé aujourd’hui pour désigner le Dôme du Rocher.

[16] Remplacé un siècle plus tard par un autre édifice, le Dôme du Rocher, construit à la fin du 7e siècle par le Calife omeyyade Abd Al-Malik.

[17] Schisme politico-religieux ayant entrainé une guerre civile.

[18] Deux affrontements ont ainsi marqué ces dissensions intestines : la Bataille du Chameau (656) durant laquelle Aicha, épouse du Prophète, luttera frontalement contre Ali, cousin et gendre de Mohammed ; la Bataille de Siffin (657) qui opposera de proches Compagnons tels que les deux fils d’Ali (Hassan et Hussein), ‘Amr ibn al-‘As, ‘Ammar Ibn Yâssir et tant d’autres.

[19] Les chiites accusent toujours les sunnites de falsification du texte coranique et d’altération de l’histoire.

[20] Si l’on souscrit à cette audacieuse hypothèse de l’identification de Makoraba à La Mecque, pourquoi n’y a-t-il aucun autre témoignage de La Mecque entre le 2nd siècle et 670 environ (si l’on considère le témoignage d’un moine irakien mentionnant un « sanctuaire d’Abraham » dans le désert comme désignant La Mecque) ? Ou sont les traces du commerce mecquois avant et aussi après Mahomet (cf. P. Crone, Meccan Trade).

[21] CRONE (Patricia), Meccan trade and the rise of Islam, Princeton, Princeton University Press, 1987, VII+300 p ; Suggested Solutions for Issues Concerning The Location of Mecca in Ptolemy’s Geography Dan Gibson, 2013.

[22] A. de Premare, Les Fondations de l’Islam, 2002, p. 27

[23] Patricia Crone, How Did the Quranic Pagans Make a Living?, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, Vol. 68, No. 3 (2005), pp. 387-399

[24] P. Crone : How did the quranic pagans make a living ? ; Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism – The making of the islamic world, Cambridge University Press, 1977, 279 p.

[25]  IMA – Catalogue d’exposition – Hajj – Le pèlerinage à la Mecque – page 55. Il y a eu de plus une grande rénovation en 1996. On a remplacé alors la plupart des pierres, et transformé l’édifice : https://muslimmatters.org/2012/11/15/ten-things-you-didnt-know-about-the-kaaba/

[26] « Les jardins de raisins, l’olive et la grenade, semblables ou différents les un des autres; Regardez leurs fruits au moment de leur production et de leur mûrissement » (Coran : VI-99) ; « (…) l’olive et la grenade, d’espèces semblables et différentes. Mangez de leurs fruits, quand ils en produisent ; et acquittez-en les droits le jour de la récolte. Et ne gaspillez point car Il n’aime pas les gaspilleurs (Coran : VI-141) ; « Nous avons produit pour vous des jardins de palmiers et de vignes, dans lesquels vous avez des fruits abondants et desquels vous mangez » (Coran : XXIII-19).

[27] L’Arabie chrétienne avec Christian Robin, https://www.franceculture.fr/emissions/foi-et-tradition-12-13/larabie-chretienne-avec-christian-robin ; « La péninsule Arabique à la veille de la prédication muḥammadienne », dans Les débuts du Monde musulman (VIIe -Xe siècle). De Muhammad aux dynasties autonomes, sous la direction de Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (Nouvelle Clio), Paris (Presses universitaires de France), 2012, pp. 5-33 et XIV-XV

[28] Sauf la mosquée du Dôme du Rocher (Jérusalem) qui est dépourvue de qibla. M. Cuypers et G. Gobillot, Le Coran…, p. 23 sqq. La religion arabe ancienne patrimoniale influença profondément Muḥammad : voir Kurt Rudolph, « Die Anfänge Mohammeds im Lichte der Religionsgeschichte », dans Festschrift Walter Baetke, éd. Kurt Rudolph, Rolf Heller et Ernst Walter, Weimar, 1966, p. 298-326.

[29] Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, Geuthner 1927 : ce caravansérail figurait encore sur la carte de Syrie réalisée en 1927 par René Dussaud sous le nom de Khân el-Qurashiyé.

[30] Caravansérail = base arrière ; lieu de stockage des marchandises, d’habitation pour les familles, d’élevage des chameaux.

[31] Leur présence dans la région est signalée par le chroniqueur syrien Narsaï (5ème siècle) qui se plaignait en effet des terribles razzias lancées par cette tribu.

[32] Robert Kerr, The Language of the Koran (2013). Edouard-Marie Gallez, Le Messie et son Prophète, Paris, Editions de Paris, 2005-2010.

[33] Patricia Crone, « How Did the Quranic Pagans Make a Living? », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, 2005 ; Christian Robin, « La péninsule arabique à la veille de la prédication muhhammadienne », dans Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (dirs.), Les débuts du monde musulman, viie – xe siècle : De Muhammad aux dynasties autonomes, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », 2012 (ISBN 978-2-13-055762-3), p. 28 ; Cf. documentaire The Sacred City de Dan Gibson.

[34] Henri Lammens parle de Qobba (tente tabernacle) mais pas de Kaaba : « On utilisait pour cette translation des qobba, sortes de pavillons-tabernacles en cuir de couleur rouge. Ces processions se terminaient par le septuple tawâf, la circumambulation rituelle autour du sanctuaire. » L’islam : croyances et institutions (3e éd. rev. et augm.) / H. Lammens et Henri Lammens, « Le culte des bétyles et les processions religieuses chez les Arabes préislamites », ifao.egnet.net, Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 1920, p. 39–101 ; Claude Gilliot, « Origines et fixation du texte coranique », Études, vol. 12, t. 409,‎ 2008, p. 643–652.

[35] Dan Gibson mentionne par ailleurs l’existence d’autres « pierres noires » dans Quranic Geography, p.294 ; Cf. témoignages de Maxime de Tyr, Dissertations, II Chapitre 8 (2ème siècle), Clément d’Alexandrie, etc.

[36] Sur l’inexistence de la Mecque, on se référera à Dan Gibson, Quranic Geography, 2011.

[37] Imbert, F. « L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles, Écriture de l’histoire et processus de canonisation dans les premiers siècles de l’islam » in Revue des études du monde musulman et de la Méditerranée, no 129, juillet 2011

[38] Correspondance datée du 24/02/18.

[39] Ibid.

[40] Ibid.

[41] Ibid.

[42] C’était une notion qui a également épaissi la soupe doctrinale du kémalisme turc par exemple : en 1918, alors que l’Empire ottoman s’écroule, Atatturk fait feu de tout bois pour se séparer de l’arabité. Il fait inscrire dans les livres d’école que « l’islam est une religion de gardien de chèvre et de chameau » en rupture avec la civilisation moderne que lui entend promouvoir au mépris de l’histoire strictement factuelle des Turcs dont on connait les origines nomades d’Asie Centrale. Le meilleur indicateur étant la laine d’Angora, symbole de la culture nomade des Turcs.

[43] On a retrouvé de nombreux témoignages et écrits non musulmans.

[44] Des « Nazaréens » aux « Emigrés », Strasbourg II, 2004, 2 vol., 369 p., 403 p. (Théologie catholique) Edité à Versailles par les Editions de Paris en 3 volumes sous le titre Le messie et son prophète : aux origines de l’islam (tome I), du Muhammad des califes au Muhammad de l’histoire (Tome II), histoire et légendologie, annexes (Tome III), 2005, 582 p.

[45] Se référer à la thèse intitulée Des « Nazaréens » aux « Emigrés », Strasbourg II, 2004, 2 vol., 369 p., 403 p. (Théologie catholique) Edité à Versailles par les Editions de Paris en 3 volumes sous le titre Le messie et son prophète : aux origines de l’islam (tome I), du Muhammad des califes au Muhammad de l’histoire (Tome II), histoire et légendologie, annexes (Tome III), 2005, 582 p.

[46] Focalisé quant à lui sur la vie du prophète, et représenté à la conscience collective à travers les noms d’Ibn Ishaq et d’Ibn Hisham.

[47] A ce sujet, se référer aux travaux de Manfred Kropp.

[48] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, p. 30.

[49] Manuscrit de 875 dans laquelle est recopiée la lettre de Mar Jean (Jean 1er)

[50] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, pp. 153

[51] Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism – The making of the islamic world, Cambridge University Press, 1977, 279 p.

[52] Chronica minora, traduction partielle d’Alfred-Louis de Prémare, dans les Les Fondations de l’islam, édition du Seuil, 2002, pp. 147, 385-386.

[53] Christian Robin, « Les écritures de l’Arabie avant l’Islam », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, vol. 61,‎ 1991, p. 127–13

[54] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, p. 152-153

[55] Ibid. p. 148

[56] Ibid. p. 37

[57] Ibid. p 37

[58] Ibid. p146

[59] Ibid. p. 165.

[60] Ibid. p. 166.

[61] Ibid. p. 161

[62] Pour certains chercheurs, le Coran serait une oeuvre collective : Jean-Jacques Walter, Marie-Thérèse Urvoy (dir.), Le Coran révélé par la Théorie des Codes, p. 25 ; Gilliot, Claude, « Reconstruction critique du Coran ou comment en finir avec les merveilles de la lampe d’Aladin ? » « A critical reconstruction of the Koran or how can we put an end to the wonders of Aladin’s lamp ? » (2007) (updated and revised 8 December. 2013) G.3. 113 ; Edouard-Marie Gallez, Le Messie et son Prophète, Paris, Editions de Paris, 2005-2010

[63] Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. Jean-Baptiste Amadieu, Jean-Marc Joubert, François Ploton-Nicollet. L’hypercritique et le littéralisme dans la démarche historienne, Mar 2012, La Roche sur Yon, France. Etudes et rencontres de l’école des chartes, 48, 2016, Les sources au coeur de l’épistémologie historique et littéraire.

[64] Hanane Harrath, « L’inavouable vérité des manuscrits de Sanaa », Le Courrier de l’Atlas, no 24,‎ 16 mars 2009. On consultera également les manuscrits dits de Tübingen (http://www.islamic-awareness.org/Quran/Text/Mss/soth.html) et de Wetzstein II 1913 (http://www.corpuscoranicum.de/handschriften/index/sure/89/vers/7/handschrift/163).

[65]Cf.http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=158&hid=1091&pid=106373; http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=681&pid=334147&hid=1270  ; http://library.islamweb.net/newlibrary/display_book.php?flag=1&bk_no=53&ID=2944 ; http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=681&pid=335107&hid=3088

[66] Sunnan Ibn Maja, Volume 1, pages 625 et 626  (Hadith 1944) : « Abu Salma Yahia bin Khalaf a dit : Abd al-Aalla a raconté d’après Mohammed bin Ishaak, d’après Abdallah bin Abi Bakr, d’après Amarat, d’après Aicha [1] et aussi d’après Abd al-Rahman bin al-Qassim d’après son père, d’après Aicha qui a dit : « Les versets sur la lapidation et l’allaitement de l’adulte dix fois ont été révélés. Ils étaient dans un document sous mon lit. Quand le prophète est décédé et nous nous sommes occupés de sa mort, un animal domestique [2] est rentré et les a mangés ».

[67] Menées par Edouard-Marie Gallez et André Moussali.

[68] La Trinité chrétienne n’a jamais comporté Marie : Adolf von Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Tübingen, 1909-1910 ; voir aussi T. Andrae, Les origines de l’islam…, p. 209-210.

[69] Correspondance réfutée notamment à partir des textes musulmans : http://www.lemessieetsonprophete.com/annexes/s.61,6_ahmad.htm

[70] Édouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète. Aux origines de l’islam, Paris, 2005.

[71] Première preuve, selon son auteur, de l’existence des Judéonazaréens et de leur rôle dans la genèse de l’islam.

[72] CRONE (Patricia), Meccan trade and the rise of Islam, Princeton, Princeton University Press, 1987, VII+300 p. Signalons que cette thèse d’un messianisme islamique primitif, déjà développée par P. Crone et M. Cook, a néanmoins fait l’objet d’interprétations divergentes voire d’objections par d’autres islamologues tel que Fred Donner. https://remmm.revues.org/246

[73] Comme l’épisode des visiteurs de Mambré (Coran 11, 69 ; 51, 24-26 ; 11, 70 ; Genèse 18, 2, 3, 23) ou celui du veau d’or (Coran 7, 148-153 ; Exode 32, 22-25).

[74] « Exemple de références bibliques dans le Coran » par Geneviève Gobillot, dans Bible et Coran, Le Monde de la Bible.

[75] Claude Gilliot, « Le Coran, production littéraire de l’Antiquité tardive ou Mahomet interprète dans le “lectionnaire arabe” de La Mecque », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [Online], 129 | July 2011, Online since 05 January 2012 p. 35.

[76] Michel  Cuypers,  Le  Festin.  une  lecture  de  la sourate  al-Mā’ida Paris, Lethielleux, Rhétorique sémitique, 2007, 453 p.

[77] Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. Jean-Baptiste Amadieu, Jean-Marc Joubert, François Ploton-Nicollet. L’hypercritique et le littéralisme dans la démarche historienne, Mar 2012, La Roche sur Yon, France. Etudes et rencontres de l’école des chartes, 48, 2016, Les sources au coeur de l’épistémologie historique et littéraire, p. 201.

[78] Tor Andrae, Der Ursprung des Islams und das Christentum, 3 t., Uppsala, 1923-1925 ; id., Les origines de l’islam et le christianisme, trad. fr. Jules Roche, Paris, 1955, p. 153-154; Edmund Beck, « Les houris du Coran et Éphrem le Syrien », dans Mélanges de l’Institut dominicain d’études orientales du Caire, t. 6, 1959-1961, p. 405-408.

[79] Christoph Luxenberg, The Syro-Aramaic reading of the Koran: a contribution to the decoding of the language of the Koran, éd. Verlag Hans Schiler, 2007

[80] M. Cuypers et G. Gobillot, Le Coran, p.62 cité par Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. p.61

[81] “Eis estin o Theos kai plên autou ouk estin Theos”, Hom. pseudoclém., 16, 7.9. Cité par Edouard-M. Gallez dans La Shahâdah islamique primitive, avec des extraits de : Le messie et son prophète.

[82] “Eis estin o Theos kai plên autou ouk estin Theos”, Hom. pseudoclém., 16, 7.9. Cité par Edouard-M. Gallez dans La Shahâdah islamique primitive, avec des extraits de : Le messie et son prophète.

[83] Le squelette consonantique est déterminé et voyellisé.

[84] Cf. J. Schacht, A revaluation of Islamic Traditions, dans JRAS, 1949; Medieval Islamic Historiography: Remembering Rebellion, Heather N. Keaney, Routledge, 2013. Exemple : « J’ai entendu Ali bin Al-Madini dire : Je suis rentré chez l’Emir des Croyants {calife} et il m’a dit : – Est-ce que tu connais un hadith avec une bonne chaine de narration au sujet de quelqu’un qui insulte le prophète et qui est tué ? J’ai dit : oui, et je lui ai cité le hadith d’Abd al-Razak, d’après Maamar, d’après Simak bin al-Fazhl, d’après Ourwa bin Mohammed d’après un homme de {la tribu de} Bilqayn qui avait dit : “un homme insultait le prophète. Le prophète a donc dit : qui me règle le compte de mon ennemi ? Khalid ibn al-Walid a répondu : moi. Le prophète l’a donc envoyé à l’homme pour le tuer”. L’Emir des Croyants répondit : ceci n’est pas une chaine de narration. Il est raconté d’après un homme. Je lui ai dit : O Emir des Croyants, cet homme est bien connu et il est venu prêter allégeance au prophète. Il est célèbre et bien connu. Il continua : il a donc ordonné qu’on me donne mille dinars. » :  Ibn Hazm, al Mouhalaa Ibn Hazm, vol. 11, page 413 ; Ibn Taymiya, al Sarimou al-Masloul, p. 59. Traduction sur https://islamlab.com/un-calife-achete-un-hadith-pour-1000-dinars/

[85] Prémare, Alfred-Louis. « Le Coran ou la fabrication de l’incréé », Médium, vol. 3, no. 2, 2005, p. 3-30.

[86] La tradition musulmane elle-même compte près de 1 400 000 « faux » hadiths sur les 1 500 000 recensés : seulement 20 000 hadiths sont jugés « authentiques » (sahih).

[87] Près de 5300 hadiths à lui seul.

[88] Encyclopedia of Canonical Ḥadīth. Leyde, Brill, 2007

[89] The Canonization of al-Bukhârî and Muslim. The Formation and Function of the Sunnî Hadîth Canon, 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

L’histoire des premiers temps de l’islam, telle que rapportée par la tradition musulmane, s’inscrit dans un contexte instable et agité : trois des quatre premiers califes sont assassinés ; d’incessantes luttes intestines opposent à mort les plus intimes compagnons du Prophète ; des guerres civiles à répétition sur fond de conquête armée menée en terre non musulmane et d’autorité califale absolue exercée brutalement au sein de l’empire. Dans cette période tourmentée, le Coran, Parole de Dieu, aurait été conservé de façon miraculeuse[2] tout comme le récit fidèle des faits et gestes du Prophète (hadīṯ). Problème : toute cette histoire a été consignée plusieurs siècles après la tenue supposée de ces évènements.

 

Pire, l’état actuel des connaissances historiques ébranle les fondements de cette version de l’historiographie musulmane. En effet, les recherches archéologiques et scripturaires sur La Mecque tendent à démontrer qu’elle serait une création tardive des Califes[3]. Les études sur les manuscrits anciens du Coran révèlent des activités manifestes de réécritures et de corrections du texte[4] et attestent de la circulation de versions concurrentes jusqu’au 8ème siècle[5]. L’examen des témoignages non-musulmans contemporains du Prophète et des premières conquêtes arabes dresse un portrait de Muḥammad tout à fait étranger à la biographie convenue qu’en donnent Sīra[6] et Sunna. Quant aux recherches philologiques, elles établissent des soubassements syro-araméens du Coran réfutant les prétentions musulmanes de la pureté[7] arabe originelle[8] de la langue coranique.

 

Si l’apparition de l’islam est un fait historique encore peu connu, ces découvertes majeures sont accablantes pour la crédibilité du discours musulman et appellent une réflexion de fond sur ses prétentions à l’historicité. Il n’est peut-être pas dans les prérequis du lecteur de verser dans l’étude historico-critique des origines de l’islam. Qu’il sache néanmoins qu’il peut parfois être malgré lui témoin de contre-vérités proférées sur ce sujet. C’est l’objet de cet article : nous présenterons d’abord le récit des débuts de l’islam tel que l’historiographie musulmane le rapporte avant de le confronter à l’état actuel des connaissances historiques.

  1. L’ISLAM SELON LUI-MEME

 

Selon la tradition musulmane, c’est vers 610 qu’un homme, appelé Muḥammad, fait l’expérience mystique d’une révélation divine par l’entremise de l’ange Gabriel. Lors d’une méditation, en retrait de sa tribu mecquoise polythéiste, Dieu lui commande de prêcher à son entourage, distillant Sa Parole verset après verset. Devant l’hostilité de sa tribu, il est recueilli et protégé à Médine où il devient peu à peu chef de guerre et leader politique de la Oumma naissante. La révélation lui enjoint alors de mener l’offensive contre les caravanes mecquoises[9] et de poser les bases d’une religion monothéiste organisée. Il fait éliminer ses adversaires : tribus juives médinoises des Qurayza[10] et des Qaynuqa[11] accusées de trahison ainsi que des poètes caricaturistes[12], des « hypocrites » (munāfiqūn)[13] et d’autres indésirables[14].

 

En 630, il s’empare définitivement de la Mecque, devenant ville sainte de la nouvelle religion, avant de poursuivre ses conquêtes dans toute la péninsule arabique laquelle se serait unifiée autour de la langue arabe et de sa nouvelle identité religieuse. En 632, Muḥammad pratique son pèlerinage de l’adieu – islamisant de facto cette coutume anciennement polythéiste – avant de s’éteindre la même année à Médine.

 

Un de ses compagnons, Abū Bakr, devient alors Calife (ḫalīfa: « successeur »)[15] assumant le rôle de chef religieux, politique et militaire de la communauté musulmane. Il poursuit les conquêtes et mâte les tribus musulmanes récalcitrantes qui rejettent son autorité (« ḥurūb al-Ridda », guerres d’apostasie). Abū Bakr meurt en 634.

 

‘Umar prend sa succession et se rend célèbre par l’étendue de ses conquêtes depuis les extrémités de la Tunisie d’aujourd’hui aux confins de l’actuel Iran. En 637-638, il entre à Jérusalem libérant le territoire de l’autorité byzantine. Il y érige un sanctuaire baptisé « mosquée d’Omar »[16] à l’emplacement désigné de l’ancien temple juif[17].

 

Après l’assassinat de ‘Umar en 644, Othman lui succède au pouvoir. Avec la mort des compagnons du Prophète et l’apparition de divergences, le troisième Calife fait compiler une vulgate officielle et unique du Coran. Il fait brûler toutes les autres versions concurrentes et fait diffuser sa vulgate en cinq exemplaires. Othman meurt assassiné en 656.

 

‘Alī, cousin et gendre du Prophète prend sa succession dans un contexte de crise puisqu’advient la première « Guerre Civile » (Fitna)[18] durant laquelle de très intimes compagnons du Prophète s’affrontent jusqu’à s’entretuer[19]. ‘Alī meurt assassiné en 661 aboutissant à une querelle de succession et séparant les musulmans en trois regroupements distincts : les sunnites, les chiites[20] et les kharidjites.

 

En 661, le gouverneur de Syrie, Mu‘āwiyya, s’impose Calife par la force en faisant empoisonner l’un des fils d’Ali, Hasan. Mu‘āwiyya fonde la dynastie des Omeyyades en imposant son fils Yazid comme successeur lequel fait décapiter Hussein, le second fils de ‘Alī. Les Omeyyades perdurent jusqu’en 750 dans un contexte trouble et sanglant de deuxième « Guerre Civile » (Fitna) et d’incessantes luttes intestines.

Malgré le succès des conquêtes qui se poursuivent désormais de l’Asie Centrale jusqu’aux Francs, cette deuxième Fitna donne lieu à la bataille du Grand Zab en 750, dont l’issue fait chuter le califat omeyyade au profit d’un nouveau Calife, As-Saffāh (« le Sanguinaire ») et d’une nouvelle dynastie : les Abbassides. Ils gouvernent l’Empire musulman depuis une nouvelle capitale, Bagdad, symbole de l’influence des Perses dans l’empire avant d’être mise à sac par les Mongols au 13ème siècle puis remplacés par les Ottomans un siècle plus tard.

Voilà, brossé à grands traits, ce que l’islam rapporte de son apparition. Il faut préciser que cette trame historiographique est exclusivement fondée sur les textes musulmans et que les « faits » rapportés ne sont pas perçus comme tels par les chercheurs. A présent, confrontons cette histoire à l’état actuel des connaissances historiques.

 

 

 

 

 

 

  1. L’ISLAM FACE A SON HISTORICITE

 

 

  1. QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DE LA MECQUE ET DE LA KAABA ?

 

Un trou noir

 

Dans l’historiographie musulmane, la ville de la Mecque est un modèle de cité commerçante dont les fondements archéologiques et historiques se retrouveraient dans la littérature géographique de la fin de l’Antiquité que les Romains appelaient « l’Arabie Heureuse » (Felix Arabia). Une légende s’est ainsi largement répandue dans les milieux de l’apologétique musulmane selon laquelle le géographe grec Ptolémée aurait identifié La Mecque[21], baptisée « Makoraba » au 2ème siècle de notre ère. Problème : celle-ci est située dans l’actuel Yémen et n’a donc rien de commun avec la Mecque du Hedjaz[22].

 

Ce que l’on sait d’une absolue certitude c’est qu’il ne subsiste absolument rien de la supposée Mecque originelle, rien. Un vide archéologique que les chantiers, pourtant titanesques, engagés ces dernières années par l’Arabie Saoudite n’ont réussi à combler. A ce néant s’y adjoint un autre. On ne trouve en effet aucune mention explicite de la Mecque avant la fin du 7ème siècle. Rien du sanctuaire dans la charte de Médine où La Mecque n’est jamais mentionnée[23], pourtant considérée par la Tradition comme millénaire puisque remontant à Abraham. Rien de son commerce, des pèlerinages qui sont censés l’avoir enrichie, avoir forgé sa réputation d’incontournable carrefour caravanier.

 

Mecque islamique vs. Mecque historique

 

En outre, la description de la Mecque telle qu’on la trouve dans le texte coranique serait complètement incompatible avec la réalité historique. Les référents climato-géographiques rapportés par le Coran et les hadiths correspondraient au mieux à un environnement méditerranéen proche de la Syrie[24]. En effet, la topographie réelle de la Mecque avec son climat subtropical désertique, exclut l’existence d’activités agricoles, pastorales ou halieutiques[25] que la Tradition décrit pourtant dans les prêches prononcés par le Prophète auprès de ses contemporains mecquois.

 

Rappelons que le site de la Mecque est semblable à une cuve et était sujet à d’innombrables inondations ainsi que le rapportent les chroniques des premiers siècles de l’islam tout au long des 7ème, 8ème, 9ème et 10ème siècles. En 960, une caravane de pèlerins égyptiens fut victime de ces torrents. Au point même, qu’en 1620, la Kaaba fut complétement détruite par une de ces catastrophes avant d’être reconstruite à zéro par le sultan Murād[26].

 

En outre, comme souligné précédemment, le climat de la région (subtropical désertique) interdit toute possibilité d’agriculture permettant aux nombreuses populations mecquoises décrites par la tradition musulmane de vivre sur le site actuel de La Mecque. Comment imaginer en effet la présence de plantations d’oliviers ou de troupeaux de moutons à des températures avoisinant les 50 degrés ? Comment admettre qu’on y cultivait le blé, les dattes, l’olivier, la vigne, les grenades[27] ?

 

Par ailleurs, la tradition musulmane évoque l‘existence de polythéistes à la Mecque dominés par la tribu des Quraych. Or les recherches archéologiques font apparaître que tous les Arabes de la Péninsule, avec ceux de Syrie et de Palestine, étaient christianisés[28]. Et, contrairement à ce qu’affirme la tradition musulmane, la Mecque ne se situait pas non plus sur la route de l’encens, et ne constituait pas le carrefour commercial prestigieux décrit dans la Sira et la littérature du hadith. Enfin, les recherches récentes d’un archéologue canadien, Dan Gibson, ont montré qu’aucune mosquée ne pointe sa qibla vers La Mecque avant 725 et que certaines des mosquées construites entre 640 et 725 pointaient très précisément la qibla vers Pétra en Jordanie. Il a montré de plus que c’est seulement à partir de 822 que toutes les nouvelles mosquées pointèrent leur qibla vers La Mecque.[29]

 

La Mecque historique se trouverait-elle en Syrie ?

 

On sait aujourd’hui qu’une tribu installée en Syrie également appelée « Quraych » a fait l’objet de descriptions historiques conformes à celle du Coran et aux hadiths. Installée près de Lattaquié, grande cité portuaire de Syrie, cette tribu christianisée versée dans le commerce, abritait, jusqu’en 1920[30], les ruines d’un caravansérail[31], un lieu d’accueil de marchands nomades et de commerçants caravaniers[32].

 

De récentes critiques textuelles font valoir donc que La Mecque serait une création tardive des Califes omeyyades datée du 7ème siècle[33]. En étudiant les descriptions de la ville dans les hadiths, la Sira et le Coran, elles concluent que certains lieux des origines de l’islam ne se trouveraient pas dans le Hedjaz, comme rapporté par la tradition musulmane, mais dans l’actuelle Syrie[34].

 

Signalons enfin qu’il existait plusieurs dizaines de « Qobba »[35] bien avant l’islam. Le culte de la pierre noire (bétyle), dont le récit biblique fait souvent mention, était largement répandu au Proche et Moyen-Orient, notamment à Petra, où l’on révéré la pierre noire de Dusares, symbole du culte solaire des Nabatéens au 4ème siècle[36].

 

 

La question reste posée

 

Comment donc expliquer qu’aucun témoin, pas un chroniqueur, ni aucun géographe n’ait, étonnement, rapporté l’existence de cette ville[37] ? Même des graffitis découverts en Arabie Saoudite datés du 7ème siècle et présentés comme « islamiques » ne mentionnent nullement la Mecque, pas même son sanctuaire[38].

 

Dans le champ de l’archéologie, la question de l’existence de la Mecque reste donc posée selon Christian Robin, spécialiste de l’histoire de l’Arabie antique et des premiers siècles de l’islam. Ce dernier signale que, faute de fouilles entreprises sur le site, « l’archéologie ne peut être un argument historique »[39]. Le fait que la Mecque n’apparaisse dans aucun document avant la fin du 7ème est, juge-t-il, « peu significatif » puisque cela ne voudrait nullement dire qu’elle n’existait pas avant[40].

 

Il estime ainsi que « la tradition savante arabo-islamique rapporte de nombreuses données sur La Mecque avant Muhammad dont certaines paraissent plausibles » et « qu’il n’y a aucune raison de douter de l’existence d’un sanctuaire et d’une petite bourgade à La Mecque dès le début du 6ème siècle »[41]. Il considère au contraire que « les thèses prétendant que La Mecque n’existe pas avant l’islam relèvent davantage de la polémique idéologique que de l’histoire ». « C’est, poursuit-il, utilisé comme argument pour prouver que l’islam est issu d’une secte proche-orientale. Mais c’est un argument qui ne prouve rien. Il est utilisé en désespoir de cause parce qu’on ne sait rien sur les idées de ces sectes, seul argument qui serait déterminant »[42].

 

Ce qui est sûr c’est que l’islam, dès les origines, est une civilisation de naissance hybride entre le nomadisme et la culture urbaine. L’existence d’un urbanisme très ancien en Arabie et au Yémen fournit suffisamment d’ouvrages à l’archéologie pour ne pas être contestable. Contrairement à ce qui était instillé à l’époque coloniale, la thèse selon laquelle l’islam était une religion nécessairement nomade et limitée à ce milieu n’a plus droit de cité dans les cercles scientifiques[43].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DU PROPHETE DE L’ISLAM ?

 

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« Muḥammad islamique » et « Muḥammad historique »

 

Les recherches récentes attestent qu’entre la mort du Prophète et la constitution de la Sira deux siècles plus tard, on a, à l’image de la Mecque, un véritable trou noir pour ce qui concerne les seuls écrits musulmans[44]. Rien n’émerge de l’histoire avant 50 de l’hégire (683) où le qualificatif « mḥmd » est mentionné pour la première fois sur une pièce de monnaie à l’effigie d’Abdallah Ibn al Zubayr, « anticalife », opposant aux Omeyyades et que la tradition musulmane décrit comme étant le « gouverneur de La Mecque (monnaie frappée cependant à Bishapur, dans l’actuel Iran).

D’autres documents font état de témoignages contemporains de Muḥammad et le décrivent non pas comme un Prophète mais comme un guerrier apocalyptique à l’aise et instruit dans l’histoire de Moïse (Pseudo Sébéos)[45]. Dans tel témoignage, il apparaît comme dans la proximité de personnes qui l’auraient « instruit ». Dans tel autre, il est présenté (Doctrina Jacobi) dans une discussion entre des Juifs comme pouvant être un possible candidat à la prophétie (c’est-à-dire « annoncer la venue du Messie »).

Ce n’est qu’au 9ème siècle que la biographie (sīra) du Prophète est rédigée pour la première fois dans un empire qui s’étend du Maroc à l’Inde, très loin du milieu originel, dans un contexte contrôlé par l’autorité califale. C’est d’ailleurs à partir du 10ème, que sont écrits le discours des origines, les premières exégèses coraniques (tafāsīr), les premières histoires de conquêtes islamiques (maġāzī) et un nombre invraisemblable de hadiths forgés à la demande des califes dans le but de légitimer leur autorité et d’expliquer le Coran en forçant son interprétation[46].

La prophétologie en tant que genre littéraire autonome est relativement récente dans l’histoire intellectuelle musulmane. L’ouvrage le plus connu en la matière le montre : il s’agit de la recension des traditions prophétologiques musulmanes (nourries avec un certain appareil de réserves d’Isrâ’îliyyât judaïques) attribuées à Ibn Kaṯīr (1300-1373), ce qui nous renvoie tout au plus à l’invasion moghole (13ème) contenus par les Mamelouks… Détail qui peut d’ailleurs faire sens étant donné le sentiment apocalyptique qu’a inspiré cette période.

En revanche, c’est à une époque bien plus proche de l’aube de l’islam que l’on place l’installation d’une pratique similaire : la lecture publique, commentée et apprise des récits d’expédition que l’on appelait maġāzī (récits des conquêtes), et qui en fait fournissait un cadre contextuel à un matériau beaucoup plus disparate : historique, juridique, et parfois littéraire. Les maġāzī sont si profondément installés dans la tradition musulmane qu’elles ont précédé l’éclosion du genre Sira[47].

 

Une figure messianiste ?

 

Malgré le nombre conséquent de témoignages externes d’époque, aucune chronique ne fait mention du Coran, d’islam ou de « musulman ». L’appellation « islam » elle-même deviendra le nom officiel de la nouvelle religion qu’en 720, date avant laquelle elle est systématiquement désignée par l’expression « religion d’Abraham »[48]. Pour « désigner les conquérants, jamais, à cette époque, n’apparaît chez eux un terme tiré du mot arabe muslim (musulman). Ceci donne à penser que les conquérants ne se désignaient pas eux-mêmes ainsi »[49]. Par exemple, on n’en trouve aucune référence dans le premier dialogue « islamo-chrétien » de Homs (644) entre le patriarche de Syrie Jean Ier (631-646) et Saïd ibn Amir, gouverneur et compagnon du Muḥammad[50].

 

Aucune mention d’islam ou de « musulmans » non plus dans les Homélies de Saint Sophrone de Jérusalem (634-639)[51], dans la Didascalie de Jacob[52] (634), dans la chronique de Thomas le Presbyte[53], rien dans le Sébéos (ou Pseudo-), rien dans la Lettre de Théodore, rien dans la Lettre de l’Académie de Jérusalem à la diaspora d’Egypte, rien dans le traité d’Arculfe (679 et 688), rien dans les témoignages de Théophane (758-817), de Jacques d’Edesse (640-708) ni de Jean de Damas (676-749). Même des graffitis décelés récemment en Arabie Saoudite n’en font allusion avant l’an 687[54].

 

Ce matériel historique contemporain aux débuts de l’islam, et composé de témoignages indépendants et concordants, évoque l’irruption d’« Arabes conquérants », conduits par un prophète « commerçant » et des « juifs » lors de la prise de Jérusalem et se pressant pour y édifier un lieu de prière :

 

 

« Que Dieu accorde à nos empereurs des sceptres robustes et puissants afin qu’ils brisent l’orgueil de tous les Barbares, et surtout des Saracènes (= Arabes des tentes) qui (…) se sont dressés soudainement contre nous et se livrent à un pillage total avec cruauté et sauvagerie… »[55]

Homélies de Saint Sophrone de Jérusalem (634-639)

 

 

« Mon frère Abraamès m’a écrit, dit Ioustos à Jacob, qu’un faux prophète est apparu.

“Lorsque le Candidat fut tué par les Saracènes, j’étais à Césarée – me dit Abraamès -, et j’allai en bateau à Sykamina6 On disait : Le Candidat a été tué ! Et nous, les juifs, nous étions dans une grande joie. On disait que le prophète était apparu, venant avec les Saracènes, et qu’il proclamait l’arrivée du Christ oint qui allait venir. (…) Je lui dis : Que me dis-tu du prophète qui est apparu avec les Saracènes ? Et il me répond en gémissant profondément : C’est un faux prophète : les prophètes viennent-ils armés de pied en cap?… (…) j’appris de ceux qui l’avaient rencontré qu’on ne trouve rien d’authentique dans ce prétendu prophète : il n’est question que de massacres. Il dit aussi qu’il détient les clés du Paradis, ce qui est incroyable.” Voilà ce que m’a écrit mon frère Abraamès d’Orient… »[56].

Didascalie de Jacob (634)

 

 

« Il y avait un des enfants d’Ismaël, du nom de Mahomet, un marchand. »[57]

Sébéos (ou Pseudo-)

 

«… et Mhmt (Mohammad) alla pour le commerce en terres de Palestine, des Arabayâ et de Phénicie des Tyriens. »[58]

Jacob d’Édesse (m. 708)

 

 

« En l’année 945 (…) eut lieu le combat des Romains et des Tayayê (= les Arabes) de Mahomet en Palestine, à 12 milles à l’est de Gaza. Les Romains s’enfuirent, abandonnant le patrice Bar Yardan que les Tayayê (= les Arabes) tuèrent. Furent tués là environ 4000 paysans pauvres de Palestine, chrétiens, juifs et samaritains. Et les Tayayê (= les Arabes) dévastèrent toute la région. »[59]

Chronique de Thomas le Presbyte

 

« Aussitôt – entrés à Jérusalem -, en courant, ils arrivèrent au lieu qu’on appelle Capitole. Ils prirent avec eux des hommes, certains de force, d’autres de leur plein gré, afin de nettoyer ce lieu et d’édifier cette maudite chose, destinée à leur prière, qu’ils appellent une midzgitha (lieu de prière). Parmi ces hommes se trouvait Jean, archidiacre de Saint-Théodore-le-Martyr, parce qu’il était, de son métier, poseur de marbre. Il se laissa séduire par eux pour un gain malhonnête et il alla de son plein gré travailler là-bas. Il était très habile de ses mains ».[60]

Lettre de Théodore

 

« Sur cet emplacement célèbre où se dressait jadis le Temple magnifiquement construit, les Sarrasins (Saracinij) (= les Arabes) fréquentent maintenant une maison de prière quadrangulaire qu’ils ont construite de manière grossière (vili opère) sur ces ruines. Elle est faite de planches dressées et de grandes poutres. On dit de cette maison qu’elle peut accueillir 3 000 personnes à la fois. »[61]

Traité d’Arculfe (670)

 

« Ce fut la volonté de Dieu de nous avoir en faveur dès avant le royaume ismaélite, au temps où, conquérant la Terre sainte, ils l’arrachèrent des mains d’Edom. Lorsque les Arabes vinrent à Jérusalem, il y avait avec eux des hommes d’entre les Fils d’Israël qui leur montrèrent l’emplacement du Temple. »[62]

Lettre de l’Académie de Jérusalem à la diaspora d’Egypte

 

 

Or, tous ces témoignages d’époque sont incompatibles avec l’historiographie musulmane dès lors que, selon la Tradition, lors de la prise de Jérusalem, le Prophète est censé être déjà mort plusieurs d’année auparavant, que le nom du Calife Omar n’apparait nulle part, que les conquérants semblent motivés par le butin et le pouvoir, et que des leaders juifs sont à la tête des nouveaux conquérants arabes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DU CORAN ?

 

 

Un long travail de réécriture ? [63]

 

Selon la tradition musulmane, la révélation reçue par Muḥammad aurait été transmise fidèlement au calife Othman qui l’aurait consignée par écrit. Selon la tradition donc, le Coran originel fixé en 656 serait parfaitement identique au Coran actuel. Or, aucun Coran d’Othman n’a jamais été retrouvé. Les quelques recueils qui ont ce nom aujourd’hui sont de « pieuses forgeries » selon François Déroche, ce qui signifie donc que tous les Coran d’Othman, s’ils ont existé, ont été détruits par les musulmans eux-mêmes.

 

Cependant, sous le califat omeyyade d’Abdelmalik, on détruisait encore des Corans non conformes et ce, jusqu’au 8ème siècle dans l’Empire abbasside[64]. Aucun Coran d’Othman n’a d’ailleurs jamais été retrouvé avant le 9ème siècle où des fragments indiquent que l’histoire de son écriture ne s’est pas faite comme l’affirme la Tradition : un long travail de réécriture se serait poursuivi après les années 650, avec des reprises du texte, de lavage et de correction[65].

 

Les manuscrits coraniques les plus anciens dont on dispose ont été retrouvés en 1972 à Sanaa au Yémen, identifiés par la suite par le paléographe allemand Gerd Rüdiger Puin. Datés, pour certains, de la deuxième moitié du 7ème siècle, ces écrits sont probablement rescapés d’autodafés ordonnés par les califes dans leur lutte, dans les premiers temps de l’islam, contre les versions coraniques hétérodoxes. L’examen de ces feuillets qui se poursuit encore aujourd’hui est proprement renversant puisque ceux-ci témoignent de versions non-conformes à l’édition définitive d’Othman.

 

Enfin, certains récits issus de la littérature du hadith admettent explicitement la réalité de retouches tardives du texte coranique[66] notamment ce fameux récit relatant les circonstances de l’abrogation du verset de la lapidation lequel aurait été mangé par une chèvre[67].

 

Un lectionnaire judéo-nazaréen ?

 

D’autres études critiques du Coran[68] font état de l’expression d’idées juives post-chrétiennes. L’exemple le plus emblématique étant ce célèbre passage du Coran condamnant une forme imaginaire du christianisme[69] qui sont, en fait, une mauvaise compréhension par la tradition musulmane du sens réel du texte coranique. Ainsi par exemple, la mystérieuse triade divine composée de Marie et Jésus :

 

« Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu ? ».

(Coran : V-116)

 

Le rejet de Jésus comme Fils de Dieu et Seigneur :

 

« Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : “En vérité, Allah c’est le Messie, fils de Marie.” »

(Coran : V-72)

 

« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allah, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique ».

(Coran : IX-31)

 

Le refus de sa crucifixion :

 

« et à cause de leur parole: « Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d’Allah»… Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux semblant! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude: ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué »

(Coran : IV-157).

 

 

Il en est de même de la Marie coranique présentée à la fois comme mère de Jésus, sœur d’Aaron et de Moïse prêtant le flanc aux confusions suivantes : « Imran, père de Moïse » = « Imran, père de Marie » ; « Marie mère de Jésus » = « Marie sœur de Moïse ».

 

« Puis elle vint auprès des siens en le portant [le bébé]. Ils dirent : “Ô Marie, tu as fait une chose monstrueuse !  “Ô Sœur de Haroun (Aaron), ton père (Imran) n’était pas un homme de mal et ta mère n’était pas une prostituée”. »

(Coran : XVIII, 27-28)

 

D’autres rapprochements ont été établis de façon certaine avec des influences proprement chrétiennes. Ainsi par exemple : l’interprétation musulmane du Paraclet de l’Évangile de Jean comme préfigurant la venue de Muḥammad s’avère être une interpolation d’apologétique musulmane puisque ce rapprochement n’offre aucune correspondance possible[70].

 

« Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur (Paraclet : « paraklètos »), afin qu’il demeure éternellement avec vous »

(Jean : chapitre 14, verset 16)

 

« Quand Jésus, fils de Marie, dit : « Enfants d’Israël ! Je suis le messager de Dieu envoyé vers vous, confirmant ce qui est devant moi de la Torah et annonçant un messager qui viendra après moi dont le nom sera Ahmad (« périklutos ») ».

(Coran : LXI-6).

 

La christologie coranique telle que décrite dans ces versets ne correspond à aucune conception chrétienne orthodoxe si ce n’est dans la croyance judéo-nazaréenne décrite par Edouard-Marie Gallez[71]. Sa thèse, fournie, argumentée et bâtie sur des recoupements de textes littéraires et apocalyptiques de traditions araméennes, juives, arabes et syriaques, et sur l’exégèse scientifique du texte coranique[72], établit que Muḥammad aurait été un membre d’une secte messianiste judéo-nazaréenne.

 

Selon Gallez, le « Prophète » serait parvenu à fédérer des tribus arabes autour de lui pour s’emparer de Jérusalem où, selon cette croyance, le Messie était censé faire son retour. Cependant, une fois Muḥammad mort et la ville sainte conquise, le Christ ne revenant pas, les Arabes se seraient désolidarisés des judéo-nazaréens et auraient sélectionné dans les textes laissés par les prédicateurs judéonazaréens de quoi constituer un nouveau livre sacré, qui deviendra peu à peu le Coran, et auraient réécrit l’histoire de leurs origines – inventant notamment la prophétie de Muhammad – pour légitimer religieusement le pouvoir qu’ils avaient conquis[73].

 

 

 

 

Des passages coraniques tirés du Talmud ?

 

La tradition talmudique juive n’est pas en reste puisque des emprunts aurait été pratiqués notamment dans ce passage du traité de Sanhédrin écrit plusieurs siècles avant l’islam :

 

« C’est pour cela que l’homme a été créé seul, pour t’apprendre que celui qui ôte la vie à un fils d’Israël, détruit un monde entier ; et celui qui sauve la vie d’un fils d’Israël, sauve un monde entier. »

(Traité Sanhedrin, chapitre 5, Mishna 5)

 

« C’est pourquoi Nous (Dieu) avons prescrit pour les Enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes ».

(Coran : V-32)

 

 

Outre des passages narratifs repris allusivement[74], des passages du texte biblique sont mentionnés, partiellement mot à mot[75]. Ainsi par exemple :

 

« Nous avons écrit dans les psaumes, après le Rappel : En vérité mes serviteurs justes hériteront (yarithû) de la terre (ard) »

(Coran : XXI-105)

 

« Les justes hériteront (yirshû) de la terre (eretz), ils y vivront en paix ».

(verset 29 du psaume 37)

 

Ou :

 

« Et le ciel disparut comme un livre qu’on roule »

Apocalypse 6, 14

 

« Le Jour où nous plierons le ciel comme on plie un rouleau sur lequel on écrit ».

Coran 21, 104

 

Ou encore :

 

« Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle […]. Voici je fais l’univers nouveau […]. Écris : ces paroles sont certaines et vraies ».

Apocalypse 21, 1-8

 

« De même que nous avons initié la création à son début, nous la ferons être à nouveau. C’est une promesse qui nous engage ; oui nous l’accomplirons ».

(Coran 21, 104)

 

 

Le Coran : un lectionnaire judéo-nazaréen ?

 

Par ailleurs, l’expression même de « Qur’ân » serait une reprise de celle d’« Évangile » (« bonne nouvelle ») ou de « Qeryana », lectionnaire chrétien syriaque[76]. Ces lectionnaires étaient des recueils disparates de prières, de chants et de textes sacrés qui, une fois assemblés, ne présentaient aucune cohérence d’ensemble même si on observe toutefois une certaine cohérence rhétorique dans certaines sourates[77]. Quant aux expressions « sourate » (sūra) et « verset » (āya), elles ont une correspondance en syriaque : « sûrtâ » (« passage d’écriture lue ») et « āthâ » (« signe, marque d’écriture ») »[78].

 

On trouve en outre des « échos » comme un passage du De paradiso de saint Éphrem (4ème siècle) portant sur une description de raisin devenant, dans le Coran, une description d’houris paradisiaques[79] :

 

« Qui s’abstient de vin ici-bas, les raisins du paradis soupirent après lui. Chacune d’entre elles [?] lui tend un raisin suspendu. Et si quelqu’un a vécu dans la chasteté, elles le reçoivent dans leur sein pur, parce que comme moine il n’est pas tombé dans le sein et le lit de l’amour terrestre »

(De paradiso, Hymne 7, 18).

 

« Nous leur donnerons pour épouses des houris ( « raisins », selon une correspondance syriaque opérée par Luxenberg[80]) aux grands yeux. Ils y demanderont en toute quiétude toutes sortes de fruits »

(Coran : XLIV-54).

 

« Nous les avons créées à la perfection, nous les avons faites vierges, gracieuses, toutes de même âge »

(Coran : LVI-35).

 

 

« Quand on leur dit : « Suivezce que Dieu a fait descendre », ils disent : « Non, mais nous suivrons les coutumes de nos ancêtres. » Quoi ! Et si leurs ancêtres n’avaient rien raisonné et s’ils n’avaient pas été dans la bonne direction ? »

(Coran : II-170).

 

« Voilà les religions que leur ont transmises leurs ancêtres et qu’ils s’obstinent à protéger et à défendre »

(Institutions divines, II, 6, 7).

 

 

Enfin, certains passages des dialogues initiatiques de l’Hermès Trismégiste rédigés autour du 1er siècle avant notre ère trouvent un écho dans le Coran, comme si celui-ci répondait aux questions posées plusieurs siècles auparavant[81] :

Qui a tracé les cercles des yeux ? Qui a foré les trous des narines et des oreilles ? Qui a fait l’ouverture de la bouche ? Qui a tendu les muscles et les a attachés ?

(Corpus hermeticum, V, 6).

 

« C’est nous qui avons donné à l’homme l’ouïe et la vue ».

(Coran : 76-2).

 

« Nous les avons créés, nous avons fixé solidement leurs jointures ».

(Coran : 76-28).

 

 

Dernier élément probablement hérité de la tradition judaïque : la profession de foi. La croyance musulmane s’affirme, dans la formulation de sa šahāda, de façon antitrinitaire, en opposition à la foi chrétienne. Or, cette formulation antitrinitaire est employée plusieurs siècles avant l’islam dans un des textes les plus importants qui nous soit parvenu de « la mouvance judéognostique au 2ème siècle » [82] : les Homélies pseudo-clémentines où la foi chrétienne est caricaturée sous la forme « d’associationisme ». Une de ces formules que l’on retrouve dans ce texte est l’exacte première partie de la šahāda musulmane :

 

« J’atteste de ce que Dieu est un et il n’y a pas de dieu excepté Lui »[83]

 

  1. QUE SAIT-ON HISTORIQUEMENT DES HADITHS ?

 

 

L’emprise califale

 

Il faut d’abord resituer le contexte : le cinquième calife omeyyade Abd al-Malik (m. 705) entreprend de légitimer la supériorité des Arabes sur toutes les autres cultures. Il arabise l’administration de l’empire en créant un service de poste, en imposant l’arabe comme langue officielle de la cour, laquelle est codifiée par les grammairiens musulmans. Le texte coranique est ainsi fixé[84] pour ensuite être diffusé dans l’empire à l’usage des dignitaires religieux.

 

Cependant, les siècles qui suivent s’inscrivent dans une période où le texte coranique devient de plus en plus difficile à comprendre étant donné la nature consonantique du texte (rasm) et l’absence de tradition orale : les copistes ne savaient donc pas ce qu’il signifiait. Ce qui provoqua une rupture avec le milieu araméen d’origine, et une perte du sens des mots araméens ou d’inspiration araméenne (exemple : le maysir et la miserah).

 

La nécessité de clarifier certains passages conduira à la prolifération d’une véritable industrie du hadiths destinés à l’exégèse du récit coranique. La biographie officielle du Prophète (sīra) n’est pas encore établie au début du 9ème siècle mais sera convenue dans un contexte d’autorité politico-religieuse de califes abbassides contrôlant la production de ce discours de façon rémunérée[85]. C’est ainsi que dans la première moitié du 9ème siècle, des scribes officiels assujettis au calife entreprendront de dresser sa généalogie et tous les épisodes-clés de sa vie.

 

Ce n’est qu’au 10ème siècle qu’advient la fixation définitive d’un récit musulman présenté comme « historique » sur les premiers temps de l’islam avant que trois dogmes majeurs viennent cristalliser le discours officiel de l’islam à savoir :

 

– le dogme du « Coran incréé »[86] érigeant le texte coranique au rang de texte sacré et intouchable ;

 

– le dogme de « l’abrogeant et de l’abrogé » visant à dépasser les contradictions du discours coranique faisant prévaloir les sourates les plus tardives (dites « médinoises ») composées majoritairement de commandements politiques et guerriers sur les sourates « mecquoises » composées, elles, d’appels à la tolérance. Cette doctrine permettra d’introduire la notion de minorité/majorité musulmane selon laquelle des musulmans sous autorité impie pourraient, à l’image de Muḥammad, faire œuvre de tolérance tandis qu’en situation majoritaire, ils pourraient prôner le rapport de force ;

 

– la fin de « l’effort d’interprétation » (iǧtihād) rendant impossible de critiquer la teneur du discours islamique officiel.

 

Dans une optique extérieure à la foi musulmane, ces dogmes post-coraniques semblent destinés à étayer la foi et à justifier la thèse traditionnaliste (sunnite) du caractère incréé du Coran dont la pensée et la doctrine se construisent sur plusieurs siècles après la mort du Prophète. Ainsi passe-t-elle outre les études récentes sur l’histoire de la constitution du texte coranique qui sont pourtant abondantes.

 

L’impossible tradition d’oralité ?

 

La tradition musulmane avance que les hadiths – comme le Coran – se seraient transmis oralement à l’identique depuis le vivant de Muhammad jusqu’à l’édition des premiers recueils aux 9ème et 10ème siècles. Selon cette version, la « mémoire coranique et prophétique » aurait donc été impossible à falsifier puisqu’apprise par cœur et conservée par des milliers de mémorisateurs (huffāẓ) qui auraient transmis les récitatifs pendant les premiers siècles.

 

Cependant, six éléments factuels mettent à mal cette possibilité de transmission orale et plaident plutôt pour l’hypothèse d’un long processus d’écriture et de réécriture :

 

– le nombre toujours plus croissant de hadiths à mesure qu’on s’éloigne des faits supposés ;

 

– le somme considérable de « faux » hadiths, jugés apocryphes[87] récusant l’infaillibilité revendiquée de ces mémorisateurs ;

 

– l’absence de procédés formels de mémorisation comme on en trouve dans toute civilisation d’oralité ;

 

– l’impossibilité physiologique de retenir 200 000 hadiths comme le prétendait Boukhari, l’un des plus célèbres traditionnistes ;

 

– le fait qu’Abū Hurayra soit à l’origine d’1/3 des hadiths sahihs[88] alors qu’il n’a fréquenté le Prophète que 2 années et qu’Abū Bakr, compagnon de longue date et premier calife de l’Islam, n’en ait rapporté qu’une centaine.

 

 

Des chaînes de transmission infaillibles ?

 

La nature purement déclarative des hadiths et le caractère parfois insensé de certains récits, a poussé le discours musulman à défendre leur légitimité. C’est ainsi que la chaîne de transmission va jouer un rôle de première importance dans la recherche de fiabilité des transmetteurs.

 

C’est donc près de trois siècles après la mort du Prophète que les « grands compilateurs » de hadiths vont œuvrer à partir de cette chaîne de transmission orale bien qu’elle-même soit aussi de nature purement déclarative. Parmi les recueils considérés comme sérieux par le discours musulman figurent évidemment ceux de Buḫārī et Muslim qui comptent à eux deux près de 7 000 hadiths différents, soit un récit par journée vécue par le Prophète. D’autres compilateurs viennent compléter ce premier « noyau » de hadiths : le Sunan al-Suġra d’al-Nasā’ī ainsi que ceux d’Abū Dawūd, d’al-Tirmiḏī et d’Ibn Maǧah. En comptabilisant la somme des hadiths parvenus à ce jour, on atteint un nombre dépassant le million et demi de récits.

 

En opérant un tour d’horizon sur l’état actuel des recherches sur le hadith, on croise des études faisant état d’un hiatus dans la transmission de certains d’entre eux. On se réfèrera notamment à celles de Juynboll Gautier[89] qui a œuvré pour un nouvelle méthodologie du recensement du hadith et de Jonathan Brown[90] qui met en lumière les causes historiques expliquant pourquoi les sunnites ont retenu Buḫārī et Muslim aux dépens d’autres traditionalistes comme Daraqutni par exemple.

 

Or, la méthodologie de recensement des hadiths de Buḫārī est limitée par le fait qu‘il se contentait de considérer un hadith recevable dès lors que les deux maillons de transmission avaient vécu la même époque sans s’assurer qu’ils se soient rencontrés (précaution préalable prise par Muslim). Par ailleurs, après lectures d’articles de Mohammed Hocine Benkheira, nombre de hadiths rapportés par Abu Hurayra seraient peut-être tirés de la tradition des isrā’īlliyyāt rapportée par le juif yéménite Ka‘b Aḫbār. D’où le scepticisme de nombre de musulmans face aux histoires « étranges » d’Abu Hurayra (connait-on celle du singe et de la guenon lapidés pour avoir copulé en public ?).

 

Enfin, d’autres chercheurs ont mis le doigt sur une « mode » apparue après le 3ème siècle hégirien qui consistait à reprendre des hadiths portant sur le vécu de ‘Umar et d’Abû Bakr qu’on aurait attribués à Mu‘âwiya pour défendre sa légitimité. Une première conclusion est de considérer qu’il y a un travail de réforme considérable à conduire sur les hadiths car nombre d’entre eux que l’on considère comme authentiques, n’en sont pas. Dès lors, comment ne pas écarter les hadiths « authentiques » qui sont problématiques sans craindre le ridicule ? Comment considérer, par exemple, la méthode pour le moins grotesque d’un Karim al-Hanifi dont les sélections de hadiths s’apparentent moins à une sélection historico-critique qu’à des arguties douteuses consistant à pinailler sur de supposés « fautes de copiste » ?

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Pour conclure cette modeste contribution, il me paraît opportun de souligner que les travaux évoqués ci-avant, si leurs hypothèses devenaient avérées, sont encore loin de nous livrer une analyse claire de leurs tenants et aboutissants. Le dictionnaire le plus employé à son endroit, on le constatera aisément dans certains milieux, est celui des passions entourant cette question.

 

Je précise donc n’avoir ni l’aptitude ni l’audace de manier le ton de la confiance et de l’affirmation. D’une part, il faut se convaincre que l’histoire est redoutablement humaine, bien plus complexe que ce que les discours laissent accroire. La démarche historique consiste à interpréter les faits et les témoignages pour ce qu’ils sont. L’historien raisonne en termes de probabilités qu’il atteint par la convergence d’éléments probants laquelle peut aboutir à des certitudes. Il ne cherche donc pas à trouver la vérité mais à s’en approcher continuellement avec les égards et précautions qui siéent à toute démarche scientifique.

 

D’autre part, je ne veux pas laisser suggérer en conclusion d’article que tout le travail d’analyse a été dûment conduit (bien au contraire). A ce stade de ma synthèse, le lecteur se retrouve devant une masse de faits et d’interprétations très conséquentes mais dont l’exploitation ne peut, dans le cadre de cette modeste contribution, être exhaustive. Il aurait fallu pour cela que je puisse accorder une même part de soin et de temps à d’innombrables champs épistémologiques : paléographie, codicologie, épigraphie, rhétorique, sémantique, etc. Je me suis donc borné à délivrer en quelques dizaines de pages la synthèse des travaux historico-critiques déjà existants.

 

Enfin, ce sujet de travail cache probablement beaucoup plus de complexité que son intitulé le laisse voir. Il se pourrait peut-être même que, durant les années à venir, certaines interprétations soient finalement écartées. Par conséquent, le lecteur intéressé pourra se tourner vers des travaux d’analyse beaucoup plus élaborés et légitimant eut égard à la problématique posée.

[1] Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism – The making of the islamic world, Cambridge University Press, 1977, 279 p. ; HOYLAND (Robert G.), Seeing Islam as others saw it, a survey and evaluation of Christian, Jewish and Zoroatrian writings on early Islam, Princeton, Darwin Press, (« Studies in late antiquity and early Islam, 13 »), 2001, c 1997, XVIII-872 p. ; PREMARE (Alfred Louis de), Les fondations de l’Islam, entre écriture et histoire, Paris, Seuil, (« L’Univers Historique »), 2002, 442 p ; Patricia Crone, « How Did the Quranic Pagans Make a Living? » [archive], Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, 2005 ;

[2] R. Blachère, Introduction au Coran…, p. 27; Jacqueline Chabbi, Le seigneur des tribus. L’islam de Mahomet, Paris, 1997, p. 65 : « La représentation d’une fixation du texte coranique en un laps de temps aussi court et durant une période aussi positive à tous les points de vue est très satisfaisante pour la croyance ». Cité par Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité..

[3] R. Kerr, “Le Coran n’a pris naissance ni à la Mecque, ni à Médine”, https://www.academia.edu/8225103/Le_Coran_na_pris_naissance_ni_a_La_Mecque_ni_a_Medine ;

[4] Le site coranica.de publie les clichés des plus anciens manuscrits coraniques découverts à ce jour, dits de Sanaa. On y trouve les traces de l’entreprise de réécriture évoquée ci-avant : http://www.corpuscoranicum.de/

[5] Un séminaire de recherche sur le sujet https://enseignements-2016.ehess.fr/2016/ue/1491/

[6] La légitimité de l’auteur, Muḥammad Ibn Ishâq Ibn Yasâr fut même contestée par certains grands noms de l’islam qui le traitèrent de faussaire (« mudallis ») : cf.  Mu’jam al-Udaba’ de Rumi ; Ta’rif ahl al-Qadis d’al-‘Asqalani).

[7] « Muḥammad parle « selon une langue arabe claire » (S. 16, 103 : « bi-lisānin ʿarabiyyinmubīn »). Cependant, « mubīn » n’est pas un adjectif mais un participe actif : « en langue arabe rendue claire », c’est-à-dire interprétée. Les exégètes et juristes de la sunna ont eux aussi défendu l’excellence de la langue coranique, ainsi Ṭabarī : voir Claude Gilliot, « Langue et Coran selon al-Ṭabarī », dans Studia Islamica, t. 68, 1988, p. 79-106 » dans Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité… 2017.

[8] Catherine Pennacchio, « Les emprunts lexicaux dans le Coran », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem , p. 31 [En ligne], 22 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2012, Consulté le 26 mai 2017.

[9] Razzias.

[10] Maxime Rodinson, Mahomet, Essais Seuil, 1968, réédition mai 1994, p. 247.

[11] Boukhari, hadith (n°1578-1580) et Ibn Ishaq, Muhammad tome II, Paris, éditions Albouraq, 2001, p 597 p., p 562

[12]  Boukhari, hadith (n°1581) et Ibn Ishaq, Muhammad tome II, Paris, éditions Albouraq, 2001, p 597 p., p 562

[13] Mathieu Tillier et Thierry Bianquis, « De Muhammad à l’assassinat de ‘Alî », in Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (dirs.), Les débuts du monde musulman, viie – xe siècle. De Muhammad aux dynasties autonomes, éd. P.U.F./Nouvelle Clio, 2012, p. 83.

[14] Dont l’assassinat « prophétique » commandé contre Sallâm ben Abu al-Huqayq (Boukhari, n° 1582)

[15] Selon le sens donné au mot par la tradition musulmane – le Coran lui-même atteste le sens de « lieutenant » ou « gestionnaire » (de Dieu).

[16] L’existence d’un sanctuaire reconstruit sur le Mont du Temple sous Omar est attestée par des témoins locaux (Théodore, le pèlerin Arculfe), par la tradition chrétienne (Pseudo-Sébéos), la tradition juive (Les secrets du Rabbi Simon Ben Yohai), et par la tradition musulmane (le Juif Ka’b al-Ahbar qui y aurait construit une « synagogue »). Précisons néanmoins que le nom de « mosquée d’Omar » donné au Temple reconstruit est une hypothèse, au regard de la persistance de ce nom toujours utilisé aujourd’hui pour désigner le Dôme du Rocher.

[17] Remplacé un siècle plus tard par un autre édifice, le Dôme du Rocher, construit à la fin du 7e siècle par le Calife omeyyade Abd Al-Malik.

[18] Schisme politico-religieux ayant entrainé une guerre civile.

[19] Deux affrontements ont ainsi marqué ces dissensions intestines : la Bataille du Chameau (656) durant laquelle Aicha, épouse du Prophète, luttera frontalement contre Ali, cousin et gendre de Mohammed ; la Bataille de Siffin (657) qui opposera de proches Compagnons tels que les deux fils d’Ali (Hassan et Hussein), ‘Amr ibn al-‘As, ‘Ammar Ibn Yâssir et tant d’autres.

[20] Les chiites accusent toujours les sunnites de falsification du texte coranique et d’altération de l’histoire.

[21] Si l’on souscrit à cette audacieuse hypothèse de l’identification de Makoraba à La Mecque, pourquoi n’y a-t-il aucun autre témoignage de La Mecque entre le 2nd siècle et 670 environ (si l’on considère le témoignage d’un moine irakien mentionnant un « sanctuaire d’Abraham » dans le désert comme désignant La Mecque) ? Ou sont les traces du commerce mecquois avant et aussi après Mahomet (cf. P. Crone, Meccan Trade).

[22] CRONE (Patricia), Meccan trade and the rise of Islam, Princeton, Princeton University Press, 1987, VII+300 p ; Suggested Solutions for Issues Concerning The Location of Mecca in Ptolemy’s Geography Dan Gibson, 2013.

[23] A. de Premare, Les Fondations de l’Islam, 2002, p. 27

[24] Patricia Crone, How Did the Quranic Pagans Make a Living?, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, Vol. 68, No. 3 (2005), pp. 387-399

[25] P. Crone : How did the quranic pagans make a living ? ; Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism – The making of the islamic world, Cambridge University Press, 1977, 279 p.

[26]  IMA – Catalogue d’exposition – Hajj – Le pèlerinage à la Mecque – page 55. Il y a eu de plus une grande rénovation en 1996. On a remplacé alors la plupart des pierres, et transformé l’édifice : https://muslimmatters.org/2012/11/15/ten-things-you-didnt-know-about-the-kaaba/

[27] « Les jardins de raisins, l’olive et la grenade, semblables ou différents les un des autres; Regardez leurs fruits au moment de leur production et de leur mûrissement » (Coran : VI-99) ; « (…) l’olive et la grenade, d’espèces semblables et différentes. Mangez de leurs fruits, quand ils en produisent ; et acquittez-en les droits le jour de la récolte. Et ne gaspillez point car Il n’aime pas les gaspilleurs (Coran : VI-141) ; « Nous avons produit pour vous des jardins de palmiers et de vignes, dans lesquels vous avez des fruits abondants et desquels vous mangez » (Coran : XXIII-19).

[28] L’Arabie chrétienne avec Christian Robin, https://www.franceculture.fr/emissions/foi-et-tradition-12-13/larabie-chretienne-avec-christian-robin ; « La péninsule Arabique à la veille de la prédication muḥammadienne », dans Les débuts du Monde musulman (VIIe -Xe siècle). De Muhammad aux dynasties autonomes, sous la direction de Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (Nouvelle Clio), Paris (Presses universitaires de France), 2012, pp. 5-33 et XIV-XV

[29] Sauf la mosquée du Dôme du Rocher (Jérusalem) qui est dépourvue de qibla. M. Cuypers et G. Gobillot, Le Coran…, p. 23 sqq. La religion arabe ancienne patrimoniale influença profondément Muḥammad : voir Kurt Rudolph, « Die Anfänge Mohammeds im Lichte der Religionsgeschichte », dans Festschrift Walter Baetke, éd. Kurt Rudolph, Rolf Heller et Ernst Walter, Weimar, 1966, p. 298-326.

[30] Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, Geuthner 1927 : ce caravansérail figurait encore sur la carte de Syrie réalisée en 1927 par René Dussaud sous le nom de Khân el-Qurashiyé.

[31] Caravansérail = base arrière ; lieu de stockage des marchandises, d’habitation pour les familles, d’élevage des chameaux.

[32] Leur présence dans la région est signalée par le chroniqueur syrien Narsaï (5ème siècle) qui se plaignait en effet des terribles razzias lancées par cette tribu.

[33] Robert Kerr, The Language of the Koran (2013). Edouard-Marie Gallez, Le Messie et son Prophète, Paris, Editions de Paris, 2005-2010.

[34] Patricia Crone, « How Did the Quranic Pagans Make a Living? », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, 2005 ; Christian Robin, « La péninsule arabique à la veille de la prédication muhhammadienne », dans Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (dirs.), Les débuts du monde musulman, viie – xe siècle : De Muhammad aux dynasties autonomes, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », 2012 (ISBN 978-2-13-055762-3), p. 28 ; Cf. documentaire The Sacred City de Dan Gibson.

[35] Henri Lammens parle de Qobba (tente tabernacle) mais pas de Kaaba : « On utilisait pour cette translation des qobba, sortes de pavillons-tabernacles en cuir de couleur rouge. Ces processions se terminaient par le septuple tawâf, la circumambulation rituelle autour du sanctuaire. » L’islam : croyances et institutions (3e éd. rev. et augm.) / H. Lammens et Henri Lammens, « Le culte des bétyles et les processions religieuses chez les Arabes préislamites », ifao.egnet.net, Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 1920, p. 39–101 ; Claude Gilliot, « Origines et fixation du texte coranique », Études, vol. 12, t. 409,‎ 2008, p. 643–652.

[36] Dan Gibson mentionne par ailleurs l’existence d’autres « pierres noires » dans Quranic Geography, p.294 ; Cf. témoignages de Maxime de Tyr, Dissertations, II Chapitre 8 (2ème siècle), Clément d’Alexandrie, etc.

[37] Sur l’inexistence de la Mecque, on se référera à Dan Gibson, Quranic Geography, 2011.

[38] Imbert, F. « L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles, Écriture de l’histoire et processus de canonisation dans les premiers siècles de l’islam » in Revue des études du monde musulman et de la Méditerranée, no 129, juillet 2011

[39] Correspondance datée du 24/02/18.

[40] Ibid.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] C’était une notion qui a également épaissi la soupe doctrinale du kémalisme turc par exemple : en 1918, alors que l’Empire ottoman s’écroule, Atatturk fait feu de tout bois pour se séparer de l’arabité. Il fait inscrire dans les livres d’école que « l’islam est une religion de gardien de chèvre et de chameau » en rupture avec la civilisation moderne que lui entend promouvoir au mépris de l’histoire strictement factuelle des Turcs dont on connait les origines nomades d’Asie Centrale. Le meilleur indicateur étant la laine d’Angora, symbole de la culture nomade des Turcs.

[44] On a retrouvé de nombreux témoignages et écrits non musulmans.

[45] Des « Nazaréens » aux « Emigrés », Strasbourg II, 2004, 2 vol., 369 p., 403 p. (Théologie catholique) Edité à Versailles par les Editions de Paris en 3 volumes sous le titre Le messie et son prophète : aux origines de l’islam (tome I), du Muhammad des califes au Muhammad de l’histoire (Tome II), histoire et légendologie, annexes (Tome III), 2005, 582 p.

[46] Se référer à la thèse intitulée Des « Nazaréens » aux « Emigrés », Strasbourg II, 2004, 2 vol., 369 p., 403 p. (Théologie catholique) Edité à Versailles par les Editions de Paris en 3 volumes sous le titre Le messie et son prophète : aux origines de l’islam (tome I), du Muhammad des califes au Muhammad de l’histoire (Tome II), histoire et légendologie, annexes (Tome III), 2005, 582 p.

[47] Focalisé quant à lui sur la vie du prophète, et représenté à la conscience collective à travers les noms d’Ibn Ishaq et d’Ibn Hisham.

[48] A ce sujet, se référer aux travaux de Manfred Kropp.

[49] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, p. 30.

[50] Manuscrit de 875 dans laquelle est recopiée la lettre de Mar Jean (Jean 1er)

[51] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, pp. 153

[52] Patricia Crone et Michael Cook, Hagarism – The making of the islamic world, Cambridge University Press, 1977, 279 p.

[53] Chronica minora, traduction partielle d’Alfred-Louis de Prémare, dans les Les Fondations de l’islam, édition du Seuil, 2002, pp. 147, 385-386.

[54] Christian Robin, « Les écritures de l’Arabie avant l’Islam », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, vol. 61,‎ 1991, p. 127–13

[55] Alfred-Louis de Prémare, Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire, Le Seuil, 2002, p. 152-153

[56] Ibid. p. 148

[57] Ibid. p. 37

[58] Ibid. p 37

[59] Ibid. p146

[60] Ibid. p. 165.

[61] Ibid. p. 166.

[62] Ibid. p. 161

[63] Pour certains chercheurs, le Coran serait une oeuvre collective : Jean-Jacques Walter, Marie-Thérèse Urvoy (dir.), Le Coran révélé par la Théorie des Codes, p. 25 ; Gilliot, Claude, « Reconstruction critique du Coran ou comment en finir avec les merveilles de la lampe d’Aladin ? » « A critical reconstruction of the Koran or how can we put an end to the wonders of Aladin’s lamp ? » (2007) (updated and revised 8 December. 2013) G.3. 113 ; Edouard-Marie Gallez, Le Messie et son Prophète, Paris, Editions de Paris, 2005-2010

[64] Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. Jean-Baptiste Amadieu, Jean-Marc Joubert, François Ploton-Nicollet. L’hypercritique et le littéralisme dans la démarche historienne, Mar 2012, La Roche sur Yon, France. Etudes et rencontres de l’école des chartes, 48, 2016, Les sources au coeur de l’épistémologie historique et littéraire.

[65] Hanane Harrath, « L’inavouable vérité des manuscrits de Sanaa », Le Courrier de l’Atlas, no 24,‎ 16 mars 2009. On consultera également les manuscrits dits de Tübingen (http://www.islamic-awareness.org/Quran/Text/Mss/soth.html) et de Wetzstein II 1913 (http://www.corpuscoranicum.de/handschriften/index/sure/89/vers/7/handschrift/163).

[66]Cf.http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=158&hid=1091&pid=106373; http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=681&pid=334147&hid=1270  ; http://library.islamweb.net/newlibrary/display_book.php?flag=1&bk_no=53&ID=2944 ; http://library.islamweb.net/hadith/display_hbook.php?bk_no=681&pid=335107&hid=3088

[67] Sunnan Ibn Maja, Volume 1, pages 625 et 626  (Hadith 1944) : « Abu Salma Yahia bin Khalaf a dit : Abd al-Aalla a raconté d’après Mohammed bin Ishaak, d’après Abdallah bin Abi Bakr, d’après Amarat, d’après Aicha [1] et aussi d’après Abd al-Rahman bin al-Qassim d’après son père, d’après Aicha qui a dit : « Les versets sur la lapidation et l’allaitement de l’adulte dix fois ont été révélés. Ils étaient dans un document sous mon lit. Quand le prophète est décédé et nous nous sommes occupés de sa mort, un animal domestique [2] est rentré et les a mangés ».

[68] Menées par Edouard-Marie Gallez et André Moussali.

[69] La Trinité chrétienne n’a jamais comporté Marie : Adolf von Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Tübingen, 1909-1910 ; voir aussi T. Andrae, Les origines de l’islam…, p. 209-210.

[70] Correspondance réfutée notamment à partir des textes musulmans : http://www.lemessieetsonprophete.com/annexes/s.61,6_ahmad.htm

[71] Édouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète. Aux origines de l’islam, Paris, 2005.

[72] Première preuve, selon son auteur, de l’existence des Judéonazaréens et de leur rôle dans la genèse de l’islam.

[73] CRONE (Patricia), Meccan trade and the rise of Islam, Princeton, Princeton University Press, 1987, VII+300 p. Signalons que cette thèse d’un messianisme islamique primitif, déjà développée par P. Crone et M. Cook, a néanmoins fait l’objet d’interprétations divergentes voire d’objections par d’autres islamologues tel que Fred Donner. https://remmm.revues.org/246

[74] Comme l’épisode des visiteurs de Mambré (Coran 11, 69 ; 51, 24-26 ; 11, 70 ; Genèse 18, 2, 3, 23) ou celui du veau d’or (Coran 7, 148-153 ; Exode 32, 22-25).

[75] « Exemple de références bibliques dans le Coran » par Geneviève Gobillot, dans Bible et Coran, Le Monde de la Bible.

[76] Claude Gilliot, « Le Coran, production littéraire de l’Antiquité tardive ou Mahomet interprète dans le “lectionnaire arabe” de La Mecque », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [Online], 129 | July 2011, Online since 05 January 2012 p. 35.

[77] Michel  Cuypers,  Le  Festin.  une  lecture  de  la sourate  al-Mā’ida Paris, Lethielleux, Rhétorique sémitique, 2007, 453 p.

[78] Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. Jean-Baptiste Amadieu, Jean-Marc Joubert, François Ploton-Nicollet. L’hypercritique et le littéralisme dans la démarche historienne, Mar 2012, La Roche sur Yon, France. Etudes et rencontres de l’école des chartes, 48, 2016, Les sources au coeur de l’épistémologie historique et littéraire, p. 201.

[79] Tor Andrae, Der Ursprung des Islams und das Christentum, 3 t., Uppsala, 1923-1925 ; id., Les origines de l’islam et le christianisme, trad. fr. Jules Roche, Paris, 1955, p. 153-154; Edmund Beck, « Les houris du Coran et Éphrem le Syrien », dans Mélanges de l’Institut dominicain d’études orientales du Caire, t. 6, 1959-1961, p. 405-408.

[80] Christoph Luxenberg, The Syro-Aramaic reading of the Koran: a contribution to the decoding of the language of the Koran, éd. Verlag Hans Schiler, 2007

[81] M. Cuypers et G. Gobillot, Le Coran, p.62 cité par Olivier Hanne. Le Coran à l’épreuve de la critique historico-philologique. Ecueils de l’hypercritique, impasses de la littéralité.. p.61

[82] “Eis estin o Theos kai plên autou ouk estin Theos”, Hom. pseudoclém., 16, 7.9. Cité par Edouard-M. Gallez dans La Shahâdah islamique primitive, avec des extraits de : Le messie et son prophète.

[83] “Eis estin o Theos kai plên autou ouk estin Theos”, Hom. pseudoclém., 16, 7.9. Cité par Edouard-M. Gallez dans La Shahâdah islamique primitive, avec des extraits de : Le messie et son prophète.

[84] Le squelette consonantique est déterminé et voyellisé.

[85] Cf. J. Schacht, A revaluation of Islamic Traditions, dans JRAS, 1949; Medieval Islamic Historiography: Remembering Rebellion, Heather N. Keaney, Routledge, 2013. Exemple : « J’ai entendu Ali bin Al-Madini dire : Je suis rentré chez l’Emir des Croyants {calife} et il m’a dit : – Est-ce que tu connais un hadith avec une bonne chaine de narration au sujet de quelqu’un qui insulte le prophète et qui est tué ? J’ai dit : oui, et je lui ai cité le hadith d’Abd al-Razak, d’après Maamar, d’après Simak bin al-Fazhl, d’après Ourwa bin Mohammed d’après un homme de {la tribu de} Bilqayn qui avait dit : “un homme insultait le prophète. Le prophète a donc dit : qui me règle le compte de mon ennemi ? Khalid ibn al-Walid a répondu : moi. Le prophète l’a donc envoyé à l’homme pour le tuer”. L’Emir des Croyants répondit : ceci n’est pas une chaine de narration. Il est raconté d’après un homme. Je lui ai dit : O Emir des Croyants, cet homme est bien connu et il est venu prêter allégeance au prophète. Il est célèbre et bien connu. Il continua : il a donc ordonné qu’on me donne mille dinars. » :  Ibn Hazm, al Mouhalaa Ibn Hazm, vol. 11, page 413 ; Ibn Taymiya, al Sarimou al-Masloul, p. 59. Traduction sur https://islamlab.com/un-calife-achete-un-hadith-pour-1000-dinars/

[86] Prémare, Alfred-Louis. « Le Coran ou la fabrication de l’incréé », Médium, vol. 3, no. 2, 2005, p. 3-30.

[87] La tradition musulmane elle-même compte près de 1 400 000 « faux » hadiths sur les 1 500 000 recensés : seulement 20 000 hadiths sont jugés « authentiques » (sahih).

[88] Près de 5300 hadiths à lui seul.

[89] Encyclopedia of Canonical Ḥadīth. Leyde, Brill, 2007

[90] The Canonization of al-Bukhârî and Muslim. The Formation and Function of the Sunnî Hadîth Canon, 2007

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  1. Salam Water Water, non seulement nos premiers califes ne se protégeaient quasiment pas, pas de garde, mais en plus, ils ne fermaient pas la porte de leur demeure aux solliciteurs et quémandeurs, on y rentrait comme dans un moulin. Le meurtrier du calife et compagnon Omar, rathia Allahu hanhu devait le savoir. Peut-être que c’était une vengeance après la conquête de la Perse, enfin, le calife Omar était beaucoup moins gardé que les empereurs Perses et leurs cataphractaires.

    Omar s’exposait, il se sentait aimé, il était trop confiant. Humble malgré la gloire, il rapiéça son habit jusqu’à la fin de sa vie selon Ibnou-Khaldoun, refusant de rien prendre dans le trésor. Oui, car nos premiers califes n’avaient pas d’indemnité, ils vivaient de leurs propres biens et travaux, ils étaient bénévoles.

    Croissant de lune.

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