in ,

L’instruction à la maison comme alternative à la scolarité (Partie II et fin)

Enfant, eleve de CP, avec sa nounou a la maison. Devoirs le soir apres l'ecoleeducation

L’instruction à la maison comme alternative à la scolarité (Partie II et fin)

IV une démarche pragmatique

Il fut décidé de le re-scolariser en quatrième au collège du village où nous habitions. Le premier trimestre de la classe de quatrième fut très dur. Pas du point de vue scolaire, Djamel avait un excellent niveau, légèrement en avance sur le programme, mais du point de vue humain.

Lui qui développait auparavant un sentiment de supériorité vis-à-vis des jeunes de son âge, devint la risée de sa classe : il ne parlait pas le même argot que ses camarades, il ne portait pas de vêtements de marques, il ne connaissait pas les codes comportementaux les plus élémentaires, il se tenait raide comme un piquet ce qui lui valut le surnom ‘ d’intellectuel ‘ qu’il prit comme une insulte.

Le second semestre fut, de son point de vue du moins, plus facile à vivre : il s’était fait de nouveaux copains et copines et avait appris les codes comportementaux de son âge. Il négociait également avec sa mère le renouvellement progressif de sa garde-robe qui commençait, malgré notre opposition farouche, à s’ornementer de logos de marques trop célèbres. Les groupes de chanteurs en vogue faisait une entrée discrète mais remarquée dans notre maison jusque-là si paisible.

Mais il apprenait trop vite et le troisième trimestre fut catastrophique. Les résultats scolaires, qui avaient déjà bien baissé au second trimestre, devenaient nettement inquiétants, l’énergie dépensée à la vie sociale étant perdue pour le travail scolaire. Djamel avait un peu trop bien intégré une bande de copains dont la caractéristique principale n’était pas de briller en classe. Il commençait à ‘ sécher ‘ les cours pour retrouver ses amis derrière le collège s’initiant aux longues heures de palabres à ‘ tenir les murs ‘……

Rassurés sur ses capacités d’intégration sociale, nous décidâmes d’une énergique reprise en main à base de nouvelle déscolarisation durant la classe de troisième. L’accès à la télévision, qui prenait une importance trop grande à notre goût, fut réglementé, les sorties strictement limitées. En un an, Djamel étudia l’intégralité de son programme de quatrième puis de troisième. Réticent au début, il parvint à faire une analyse critique de ce qui s’était passé au collège, notamment vis-à-vis des quelques écarts qu’il avait pu commettre par rapport à l’islam.

Grâce à cette nouvelle déscolarisation, il obtint de manière honorable le brevet des collèges qu’il présentât en candidat libre. Mais nous arrivions aux limites de l’instruction à domicile : le programme devenait de plus en plus difficile à suivre pour sa mère, il nous était impossible de réaliser les nombreux travaux pratiques prévus dans les différentes matières scientifiques, il nous fallait des bulletins scolaires de bon niveau si Djamel choisissait plus tard de s’orienter vers une filière technique ou scientifique.

D’un commun accord, nous décidâmes de re-scolariser Djamel en classe de seconde de manière à ce qu’il puisse s’orienter vers une première scientifique. Nous choisîmes un lycée privé où il serait plus suivi quant à son comportement.

Il y suit depuis une scolarité normale, avec des résultats scolaires moyens sans trop transgresser les principes de notre religion qu’il pratique maintenant assidûment. Il pense s’orienter vers des études supérieures scientifiques qu’il n’aurait jamais pût envisager si nous l’avions laissé dans le système scolaire traditionnel.

V autre enfant, autres difficultés

Nous pensions naïvement que les choses se passeraient plus sereinement avec la sœur de Djamel, Samira. D’un caractère plus facile, elle était, durant ses premières années scolaires, une élève studieuse et appliquée, n’ayant pas besoin d’un suivi particulier, montrant de bonnes capacités à l’apprentissage des notions de bases, ayant d’excellentes copines avec lesquelles elle partageait ses petits secrets, ayant des relations normalement conflictuelles avec les garçons de son âge qui de toute façon étaient des brutes qui ne comprenaient rien.

Au cours de sa scolarité primaire, elle apprit, grâce aux leçons attentives de son frère aîné et à la pratique assidue de l’aïkido, à se battre contre les garçons qu’elle arrivait à surpasser en combat singulier.

La dernière année d’école primaire fut cependant marquée par son refus de l’autorité de son maître d’école. Elle demanda alors d’être déscolarisée en classe de sixième ce que nous acceptâmes sans problème du fait de l’excellente expérience d’instruction à la maison que nous avions eue avec son frère.

La sixième se passa sans incident et d’un commun accord, elle fut inscrite en cinquième au collège du village. C’était le début de l’adolescence, les copines prirent une importance capitale, la manière de s’habiller aussi, la musique également…. Nous n’aimions pas beaucoup la tournure que prenaient ses centre d’intérêt, d’autant plus que, là encore, les résultats scolaires étaient en chute libre.

Nous avons alors compris qu’une reprise en main plus énergique de son éducation s’imposait, cela commençait par la déscolarisation en classe de quatrième, ce qu’elle accepta fort bien, mais aussi des discussions sur l’intérêt des relations filles-garçons, la manière dont les musulmans envisagent le mariage, l’intérêt de la musique….

L’instruction de Samira suit actuellement son cours à la maison, elle a de très bons résultats et porte maintenant un regard critique sur l’évolution de ses copines d’alors.

VI les leçons que nous en tirons.

L’instruction à la maison est une expérience unique qui permet des relations parents-enfants d’une très grande qualité, surtout au moment de l’adolescence où l’enfant a une tendance naturelle à ne pas communiquer avec son milieu familial. Cette période sera, nous en sommes convaincus, à la base de relations caractérisées par l’harmonie que nous souhaitons préserver au sein de notre famille. Mais le prix à payer est assez lourd et ne peut être conseillé à tout le monde.

Publicité
Publicité
Publicité

Il y a d’abord les conditions préalables :

Il nous semble obligatoire qu’au moins un des parents ne travaille pas de manière à pouvoir se consacrer à plein temps à l’instruction des enfants restés à la maison. Il est en effet hors de question de confier la supervision de l’éducation des adolescents à un étranger au couple parental. Il s’agit le plus souvent de la maman qui, pour pouvoir accomplir cette tâche, doit être d’un niveau universitaire.

À ce propos, il persiste en France des musulmans qui restent convaincus de l’inutilité des études pour leurs filles. Ce sont souvent les mêmes qui exigent que leurs épouses soient soignées par des femmes gynécologues, de préférence musulmanes. Comment exiger des femmes médecin musulmanes et interdire par ailleurs aux jeunes musulmanes de faire des études ?

Le niveau d’étude de nos filles conditionne directement le niveau des études de nos futurs petits-enfants. Si nous interdisons à nos filles d’étudier, ne nous étonnons pas de rester dans les couches sociales les plus défavorisées de la société française.

C’est bien grâce au niveau universitaire de mon épouse et grâce à sa disponibilité que nous avons pu opter pour l’instruction à la maison de nos enfants.

La deuxième condition indispensable est la disposition d’une chambre réservée à chaque enfant, dans laquelle on pourra aménager un poste de travail adapté.

Un minimum d’adhésion et de collaboration de l’enfant est également nécessaire. En matière d’éducation, il ne faut jamais oublier de tenir compte du libre-arbitre de l’enfant. Si on peut contraindre un enfant à des choix qui ne lui plaisent pas, il risque de nous les faire payer trop cher au moment de son adolescence, période propice à toutes les révoltes. En l’occurrence, la discussion vaut toujours mieux que la contrainte.

La motivation du parent qui prend cette charge doit également être importante dans la mesure où on imagine difficilement comme une année scolaire peut être longue.

Le coût humain est assez lourd en termes d’investissement en temps, surtout lorsqu’il existe plusieurs adolescents à la maison. La charge financière, composée des manuels scolaires et de la rémunération des professeurs, est lourde mais dans un rapport de deux fois la charge financière d’une scolarité normale.

Par contre, les gains que nous en avons tirés sont indiscutables. Nous sommes convaincus que nos deux premiers enfants n’auraient jamais acquis les bases scolaires ni jamais atteint le niveau qu’ils ont maintenant si nous les avions laissés dans l’éducation de masse. Par ailleurs, les relations humaines que nous avons en termes de communication, d’échanges et d’activités en communs, sont d’une qualité difficile à atteindre dans un autre contexte.

Il suffit pour cela de compter le temps passé avec nos enfants : si nous les envoyons toute la journée dans le système scolaire et que le soir, rentrant fatigués du travail, nous les confions également à la télévision pour avoir la paix. Si, par ailleurs, l’ambiance à la maison n’est pas harmonieuse et propice aux discussions et qu’ils ont des activités durant le week-end en dehors de la maison, quand pouvons-nous avoir des relations de qualité avec eux ? Comment espérer alors, durant la courte période de leur éducation, pouvoir leur transmettre les valeurs morales et religieuses qui sont les nôtres ?

En France, nous avons constaté, mon épouse et moi-même, que le système scolaire de masse est bien organisé et qu’il convient parfaitement aux enfants allant en école maternelle et primaire. Certains parents musulmans hésitent à confier leur enfant à l’école primaire sachant qu’on y fêtera des événements païens ou chrétiens comme Halloween, Noël, Mardi gras….

Plutôt que d’enfermer l’enfant dans un cocon, nous sommes convaincus que le confier à une école où il côtoiera différentes croyances est une richesse pour lui et pour ses petits camarades. Il faut lui faire prendre conscience des différences qui existent entre nos croyances, nos fêtes, nos pratiques et celles des autres. Cette confrontation aux autres fait partie de l’apprentissage de l’identité. La période de l’école primaire nous semble être la bonne période pour cela et, en la matière, la parole des parents surpasse de très loin, à ces âges, la parole des enseignants.

De même qu’au lycée, la plupart des adolescents ont déjà pris de sérieuses options sur leurs choix fondamentaux, religieux et moraux. La période la plus critique est bien celle du collège durant laquelle l’adolescent, commençant à remettre en question l’éducation et l’autorité de ses parents, subit de très nombreuses influences contradictoires sans avoir vraiment fait ses choix fondamentaux. Il faut alors être très attentif, très pragmatique et ne pas hésiter à envisager des solutions originales qui permettront ensuite à l’adolescent de ne pas regretter ce qu’il aurait été poussé à faire durant cette période.

La déscolarisation combinée avec de l’instruction à la maison peut alors être une solution intéressante pourvu qu’elle soit adaptée à la situation particulière de l’enfant et de son entourage familial.

Docteur Abdallah

Par souci de protection de la vie privée, les prénoms sont des pseudonymes.

Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0

L’instruction à la maison comme alternative à la scolarité (Partie 1/2)

L’existence des Djinns