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« L’immortalité est le fruit d’un combat …intérieur »

Chroniques d’un croyant (perplexe).

« Cette religion redeviendra étrange comme elle le fut à son commencement ; alors, heureux les étrangers, ceux-là mêmes qui feront revivre ma conduite morale après que les hommes l’auront faite disparaître ». C’est ainsi que le Prophète de la miséricorde caractérisa notre temps. Ailleurs, il rappela que ces mêmes êtres, étrangers au monde de l’oubli moral qu’est la modernité, « vivront leur religion dans la solitude et l’anonymat, ne trouvant personne pour les amener au bien ».

Le Prophète voulut ainsi, exprimer et avertir les générations des temps modernes de la difficulté qu’ils auront à identifier l’Islam dans sa réalité, à la fois doctrinale et morale ; il donne ainsi, la possibilité de faire face à notre époque en mettant l’accent sur toutes les peines qu’éprouveront ceux qui chercheront le bien au crépuscule de l’histoire humaine.

La difficulté sera d’autant plus grande que la communauté mohammadienne comptera des millions d’âmes. L’étrangeté ne sera pas due au peu de musulmans dans un monde bouleversé et retourné mais bien plutôt, à la confusion du nombre et des divergences qui en découleront. Force est de constater que nous y sommes. Aussi, tout ce qui pourra nous aider à mieux appréhender l’Islam dans ses réalités mohammadiennes sera le bienvenu. « L’islam matinal », certains auraient dit « virginal », possède une caractéristique qui peut nous aider à l’approcher : la paix et l’harmonie qu’il génère intérieurement et au tréfonds de l’âme. Combien seraient prêts à offrir toute leur fortune afin de pouvoir bénéficier de cette paix du cœur ? 

Un très grand nombre d’ouvrages excellents ont été écrits sur l’Islam, sa doctrine et ses pratiques ; aussi, cet ensemble de chroniques, volontairement court, n’aura pas pour vocation de redire ce qui a été dit et ce de manière plus exhaustive. Ces chroniques se veulent être un moment, un instant, en vue de méditer sur notre rapport à l’Islam et de tenter d’entrevoir sa réalité et ses perspectives de civilisation.

Dans ce brouhaha politico-médiatique qui tente de nous étreindre jusqu’à n’en plus pouvoir, véritable machine à broyer des cœurs, prenons un instant pour faire silence et comprendre. Il s’agira de revenir sur des notions, simples et essentielles à la fois, que l’Islam traditionnel a offert à l’Homme afin qu’il puisse retrouver son être métaphysique. L’homme a une vocation céleste et l’existence a un prix, celui de l’immortalité. Sir Muhammed Iqbal ajouta que l’immortalité est « le prix d’un combat » spirituel (Jihad al nafs) faisant ainsi allusion à ce propos du Prophète rappelant que « le combattant véritable est celui qui livre bataille à son ego – al moudjahid man jahada nafsahou »

L’un des plus hardis des théologiens musulmans, Fakhr dine al-Razi (m. en 1210), énonça pertinemment que « les actions de l’homme dépendent de lui au cours de sa vie terrestre (fi douniya a’amlouhou fih) mais qu’il dépendra d’elles dans la vie ultime (wa houwa fihim fi’l akhira) ». On pourrait en cela adhérer à l’idée qu’il y a une forme d’existentialisme islamique, si l’on entend par là que l’existence humaine fait advenir l’homme au travers de ses choix, mais alors il faudra ajouter selon la perspective musulmane, que l’homme devra en répondre devant la « Réalité ultime » : Allah. Pour la dernière révélation, il s’est agi de donner à l’homme, qui est un être psychologique/mental (al insan), les forces pour se transmuer en homme-du-Seigneur (rabbani).

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La Religion est donc essentiellement là pour transformer l’être-humain et son langage est performatif. Rappelons en outre, que l’Islam, à l’instar des autres religions révélées, insiste sur deux dimensions de l’homme : son univers intérieur et intime structuré par des lois morales et que Sir Iqbal nomma le « moi connaissant » et son être du dehors et agissant, qu’Iqbal qualifia de « moi-agissant ». Le Prophète résuma ces deux dimensions en un propos à la fois intensément succinct et riche : « Dis : je crois en Dieu et cherche la rectitude ». La vie de l’aspirant-croyant est de là, orientée vers les deux axes essentiels qui structurent et régulent son parcours spirituel : Dieu et les êtres-vivants. D’ailleurs les penseurs de l’Islam primitif ne s’y sont pas trompés en établissant le cadre du culte (al ibadate) et celui de « notre-être-au-monde » (mu’amalate) comme le tout de la vie terrestre.

Le musulman se trouve ainsi, entre ses devoirs vis-à-vis de Dieu et ses devoirs envers son prochain, le règne animal et végétal. Toute la problématique du musulman donc, se résume à son rapport à l’altérité et c’est pourquoi le Coran ne cesse d’associer à la prière (l’élévation verticale) l’approfondissement horizontal par la pratique de la charité et l’aumône (zakate). L’acuité spirituelle, qu’est la sincérité envers Dieu, est révélée par notre relation à l’autre, à tel point que nos actes sociaux peuvent faire mentir notre croyance : « N’as-tu pas vu celui qui dément la Religion – c’est le même qui repousse l’orphelin et ne nourrit pas le nécessiteux » (Coran). 

Il est important de redire qu’il ne faut pas nous laisser happer par la société de l’image. Cette société confond nos regards sur la réalité des mondes terrestres. Le regard des réalités cachées doit être réactivé ; le Prophète nous ayant prévenus sur ces regards suprasensibles en disant d’être attentifs à leur sagacité du fait qu’ils regardent « avec la lumière de Dieu » : « prémunissez-vous du regard du croyant car il voit au travers de la lumière de Dieu ». Il est vrai que cette société de l’image nous perturbe, au point qu’elle nous subjugue et fatigue nos cœurs qui survivent dans la peine et l’oubli. Le Coran ne cesse de nous appeler à régénérer l’œil du cœur. Cette vue spirituelle nous préserve de l’aveuglement sur le monde suprasensible, et sur la destinée des hommes. 

A la crise de « l’homme-musulman », qui est présente depuis le 17ème siècle si l’on pense au décrochage historique, les plus grands esprits de la pensée islamique ont tenté d’y apporter plusieurs réponses. Mais c’est Malek Bennabi qui le traduira le mieux, selon nous, en parlant de « renouvellement de l’alliance » entre le croyant et le Ciel (tajdid al mithaq bayna l’abd wa l’rabb).

En effet, le musulman moderne a une foi mais elle n’opère ni sur le plan de la culture ni sur le plan individuel. Néanmoins, il reste à définir les modalités pour rattraper ce retard. Nous avons bien conscience que notre vie quotidienne est malheureusement plus compliquée que les mots qui passent et se succèdent. La pensée se trouve dans les cœurs mais elle se réalise et s’éprouve dans notre monde réel. Or, la pensée à l’œuvre au sein de notre communauté spirituelle en France se retrouve dans les quelques ilots de résistance moraux mais qui sont malheureusement bien peu présents dans les « mosquées », devenues malgré elles des tombeaux.

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