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L’imaginaire de l’autre entre nos peurs et la quête de reconnaissance (partie 2 et fin)

Trois préalables

Il ne s’agit pas là de prêcher un consensus creux, ni de quémander une paix sournoise, mais d’avoir le courage et la probité intellectuelle de poser la problématique autrement, – comme on dit dans le jargon des diagnostics dynamiques « La façon de poser un problème, détermine la manière de le résoudre » – et sur au moins trois plans :

è Le plan de la loi et de l’égalité des droits et des chances « homme-femme », en se rappelant l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans ! – Et pourquoi pas au-delà si la France veut estomper son déclin scientifique et reprendre son rayonnement culturel – En s’attaquant sérieusement aux véritables inégalités « homme- femme », sans sexisme latent ni avéré !

è Le plan de la liberté individuelle du culte « garantie » en principe par la constitution française et le droit international , ainsi que la liberté individuelle de choisir sa religion et la liberté de disposer de son corps ?

è Le plan des relations humaines au sein de la société civile : Nous devons nous interroger sur la nature des rapports que nous voudrions mettre en place dans notre société ? Des rapports axés sur la confiance, et, l’acceptation respectueuse et mutuelle des valeurs de chacun ou bien on veut confiner une partie de la population dans la culpabilité après le drame de l’exclusion et des ghettos ?

Ce travail suppose en amont,

1- l’arrêt de l’instrumentalisation outrancière de la laïcité, contre les citoyens de confession musulmane,
2- Ces derniers, français et fiers de l’être doivent expliquer clairement sur les différents registres (citoyen, religieux, social, identitaire, politique, juridique, historique, médiatique…) la question de leur présence. Une présence qui provoque des remous en haut de l’appareil de l’Etat mais aussi au sein de l’opinion publique, à ces citoyens d’expliquer les liens de cette présence avec la société, qui d’ailleurs ne se réduisent pas aux dernières vagues migratoires de ce siècle. Ils doivent sortir de ce silence qui a trop duré en témoignant d’une présence « chance pour la république » entre la fidélité aux sources et l’allégeance républicaine, en exerçant une citoyenneté active et une spiritualité vivante. Avec une condition sine qua non, la prise en compte de l’histoire de l’occident et notamment le volet traumatisant lié au fait religieux tout en expliquant que les valeurs islamiques ne sont pas en conflit ni avec la raison , ni avec l’épanouissement humain. Le travail sur les références est d’une urgence absolue.

Notre éthique de toutes les circonstances, puisée dans notre foi doit être une lumière pour tous. Dans le respect du cadre républicain et sans prêter attention aux provocateurs, de plus en plus nombreux, nous devons manifester clairement notre attachement à la France. Personne ne doit hypothéquer notre présence ou parler à notre place. Nous ne pourrons plus faire l’économie du débat sur les questions qui fâchent et qui angoissent nos concitoyens. Certes la liste est longue, mais des initiatives surgissent d’un peu partout depuis quelques années et plus particulièrement depuis quelques mois pour répondre sereinement et efficacement à ce grand défi. Il s’agira maintenant de mieux les coordonner dans la profondeur de la concertation, la cohérence et la sagesse de la vision. De les inscrire dans le temps et de les enraciner dans la société.

Le syndrome de la peur et les perspectives de la reconnaissance : questions à méditer

Comprendre les peurs subies par nous et les peurs provoquées par nous, afin de mieux agir sur les causes du rejet et de l’affrontement, nous permettra à tous de renouer avec la confiance. C’est notre défi de toutes les circonstances !

Poser de grandes questions, c’est risquer de se tromper mais ne pas en poser du tout c’est paralyser l’intelligence » Georges Steiner

Quelle instance ? quel média ? ou quelle personnalité publique ou politique ? quel observatoire d’étude ? s’intéresse-t-il aux sentiments de peur du citoyen français musulman ? Très rare sont les études sérieuses qui ont traité de l’angoisse et de la souffrance de ces citoyens de seconde zone !

Leur est-il permis de ne pas avoir peur en évoquant avec vous leurs peurs du quotidien sans culpabiliser, ni, désespérer de la réaction de l’autre ?

Leur est-il permis de vivre sereinement leurs choix, sans l’affront de la justification, ni le couperet de la désintégration, ni le chantage de la désignation soupçonneuse ?

Sont-ils autorisé dans leur pays à vivre paisiblement leur foi ? De vivre librement et légalement leur voie ? Et d’investir pleinement leur citoyenneté ? Sans la hantise du rejet et sans l’inquiétude de l’avenir.

Sommes-nous citoyens par acte administratif ? Ou par des valeurs communes ? Par un enracinement qui se respecte et qui respecte de là où on vient ? Par aspiration à un idéal commun ? De là où on vient ce n’est pas seulement en terme de territoire géographique, ceci est réducteur, mais en terme d’histoire, et de valeurs civilisatrices ! Sans victimisation, ni diabolisation méditons ensemble cette série de questions qui interroge en profondeur le sentiment de l’appartenance à une histoire, à une culture, à un espace commun, et, à une société pour un avenir meilleur à l’abri des inégalités et des exclusions.

Éléments d’enquête de terrain.

Attaqués dans leur sentiment de sécurité les c.f.c.m (citoyen français de confession musulmane), sont partagés entre une sagesse de résignation et une réactivité nouée dans l’amertume. La question du « voile » met en évidence les tiraillements de la communauté de foi, les fragilités et les calculs des associations et le manque de réponses claires et fortes sur la nature et l’apport de notre identité religieuse. La logique des médias – l’ici – maintenant – ne facilite pas les choses pour des musulmans pas du tout préparés au jeu de tentation médiatique, des émissions fleurissent sur l’islam et la république avec des reportages ficelés et très négatifs qui font perdre l’objectivité au plus sage des sages.

Le musulman est abordé à travers le particularisme anormal voir « pathologique » du comportement extrême de quelques-uns. Une lecture particulièrement réductrice et biaisée s’impose comme seule grille d’analyse du fait musulman.

Les femmes qui choisissent le voile ne sont montrées que comme « marque déposée » à travers le nœud de leur « voile » et non comme personnes actrices de leurs destins. Le fantasme de la femme « objet » est transposé même dans le rapport à l’autre et dans l’interprétation de sa propre croyance. Ainsi on a vu rarement, sur les plateaux de télévision des femmes portant « le voile » expliquer et débattre sur les questions liées à leur choix. On invite souvent des soi-disant « libérées » dont on mesure le progrès de la pensée par la vulgarité du propos et l’agressivité de la posture et qui sont souvent les « marionnettes » à piles de certains partis.

Un tour d’horizons, permet de démontrer que les premières victimes de ce tapage médiatique et de ce harcèlement moral sont les populations de confession musulmane et d’ailleurs quel que soit leur statut social (médecin, ingénieur, enseignant, directeur, au chômeur…), l’angoisse est patente, elle est là. L’inquiétude mine les parcours les plus brillants. Chacun la mesure dans son quotidien et l’exprime ou pas, de par sa nature et de par sa réactivité. L’épuisement est de taille et les dégâts ne sont pas recensés, mais il faut tenir bon et ne pas céder ni à la résignation, ni à la radicalisation.

Le complexe de l’autre existe depuis la nuit des temps, mais, comme citoyens nous devons inscrire le cœur de notre engagement dans la recherche de la paix sociale, une paix faite de compréhension, de la promotion des valeurs communes, de respect, d’altruisme et d’ouverture exigeante.

A partir de ce postulat on peut mieux comprendre qu’une partie de la société puisse se sentir « inquiète » en découvrant d’autres concitoyens manifester tête « couverte ». C’est peut être un stéréotype, mais il ne faut pas crier au scandale sur ce plan, pour ne pas produire ce que nous condamnions !

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La différence entre ce que je « ressens » et ce qui est « vrai et juste » peut être grande mais n’empêche que mon sentiment est là et il faut le reconnaître tel qu’il est, le comprendre, afin de pouvoir le dépasser ou le canaliser ou/et l’enrichir !

Notre indignation doit être dirigée avant tout vers la classe politique, responsable au premier plan. Les partis et leurs représentants dans l’hémicycle qui ont tout fait pour pourrir la situation, certes il y a des exceptions mais ils ne sont là que pour confirmer la règle.

Trois idées en complément des propositions de l’article “le tocsin n’est pas pour demain“, pour dépasser le sentiment de colère et transformer l’agression en réflexion :

è Les peurs, les injustices sont subies dans l’indifférence générale et souvent passées sous silence car elles ne sont ni répertoriées ni analysées, d’où le besoin de mettre en place un observatoire de recueil des données sociologiques et psychologiques concernant la communauté de foi. Observatoire qui interviendra de manière indépendante, scientifique et complémentaire aux différentes instances existantes dans le domaine. Ceci doit être dans un premier temps et niveau l’affaire des associations musulmanes et de personnes compétentes en la matière et dans un second soutenu sans tutelle par les pouvoirs publics. C’est un grand chantier dont la mise en place exige une certaine mentalité de rigueur, d’impartialité et une grande maturité pour ne pas tomber dans le travers démonstratif du malaise islamophope. Le but recherché doit être de désamorcer la crise en étudiant les facteurs qui créent cette crise et en proposant des pistes de solutions.

è Mettre en place une instance de la promotion des initiatives citoyennes pour un meilleur vivre ensemble, Une instance réunissant les acteurs associatifs, les représentants de la société civile, les pouvoirs publics, les représentants de l’éducation nationale, etc… et octroyant une bourse de recherche pour chaque projet qui avance dans l’étude pratique de cette question sociétale.

è En partant de l’existant, et en coordination avec les associations musulmanes et les personnes ressources de cette communauté de foi, développer une stratégie de communication à la hauteur des enjeux et qui deviendra le ferment d’un partenariat qui se libère des préjugés et des cautions de circonstances.

Conclusion

« Qu’est ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, C’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (ose penser) aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voila la devise des Lumières. » E. Kant ( 1724-1804)

Nous sommes confrontés à des « représentations » dans notre interaction à l’autre, elles ne sont pas toujours fondées. Ces « représentations » liées à nous, à notre place, à notre « dangerosité », à notre exotisme ou/et à notre générosité sont à prendre en compte, à étudier et à corriger si besoin par une affirmation comportementale et non seulement sur un plan rhétorique.

Nous devons sans nous plaindre, assumer nos responsabilités, faire appel à nos intelligences et à nos sensibilités diverses et riches, pour endiguer et lutter contre cette peur « vécue » et « générée » dans tous les domaines et dans toutes les sphères de la société, dans l’espace public, les centres de commerces, les librairies, les écoles, les manuels scolaires, les services de l’Etat, les administrations, les associations, les instances européennes etc

Nous devons interpeller tous les élus locaux, les présidents d’associations, les responsables des structures « musulmanes » et les responsables politiques sur la place de l’islam dans la république au-delà des déclarations de bonnes intentions qu’elles sont les mesures concrètes envers les Français musulmans ? Nous ne voulons pas d’une discrimination positive, mais d’une attention simplement d’égal à égal inscrite dans l’égalité des chances. A quand une loi d’orientation pour enrayer ces injustices ?

Il nous faudra poursuivre le travail entamé avec davantage d’exigence d’esprit critique et d’espoir. Le courage est indispensable dans cette quête de l’enracinement, qui doit surtout se distinguer par l’authenticité, l’effort, la résistance et par la générosité. Le chemin est très long, est périlleux mais grâce à Dieu et à la persévérance nous continuerons à défendre nos valeurs et à enrichir dans la diversité notre société.

Notre contribution et notre présence, ne se réduisent ni au comptage numérique, ni a une hypothétique « pression politique », mais bien au delà, par les valeurs qu’elles véhiculent et les résistances positives qu’elles déploient. Ainsi qu’a notre capacité d’élaborer de nouvelles perspectives d’épanouissement et de justice sociale pour tous. Le défi est-la.

La mixité de toutes les forces de notre société civile est attendue sur ce plan et sur celui de la promotion réelle de l’égalité. Egalité des chances, égalité assurant une éducation de qualité pour tous, égalité assurant un logement digne pour chacun, et une égalité pour un niveau de vie digne. C’est bien la réalisation de cette égalité qui permettra concrètement une meilleure appréhension du monde, immunisée contre les affrontements.

Un travail de compréhension des courants qui traversent notre société, complété par une mobilisation de l’explication pédagogique (nous concernant) est le seul rempart contre une schizophrénie meurtrière et une société de rupture, dans laquelle, on veut nous confiner par coup de décret et de faux scoop.

Notre engagement pour des droits de l’homme – libéré du diktat économique et du chantage des dictatures – doit être un combat de tous les instants avec ou sans voile, animé par la croyance à un idéal commun.

Certes, nous ne sommes les invités de personne, nous sommes les enfants d’une république, dont nos aïeux ont contribués depuis des siècles à enrichir l’histoire de l’occident, et, plus récemment de le libérer des hordes nazies.

La civilisation humaine ne se réduit pas à des frontières géographiques « fabriquées » et « l’universalisme » se mesure avant tout par des valeurs de générosité, d’éthique, de justice et de fraternité humaine qui respectent la diversité et visent la paix.

Pour nous le plaisir de réformer se rejoint au plaisir de vivre et constitue notre « droit et devoir » d’agir. Une action inspirée par la miséricorde.

« Le plaisir de vivre, s’il est aussi précieux que l’or, se trouve rarement à l’état de lingots. Il faut le recueillir grain par grain. » Burrhus Skinner et Margaret Vaughan, Bonjour sagesse (1983 : 36)

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