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Lille : la non-demande en mariage, version XXI° siècle

La France n’en finit pas de se découvrir musulmane. Judéo-chrétienne, bien sûr. Libre-penseuse, sans doute. Mais musulmane, aussi. La polémique née du récent « jugement de Lille » constitue un signe supplémentaire du malaise ressenti par certains Français à l’épreuve de la réalité. Un chat est un chat, disait Boileau. La France est la France. Les Français sont les Français. Et la réalité, qui ressemble parfois à une « femme folle », si l’on en croit Péguy, n’en est pas moins la réalité.

« La mariée n’était pas vierge » : eût-on imaginé, il y a trente ou quarante ans, à l’époque du MLF, des 343 salopes, de la jouissance sans entrave, qu’un des enjeux sociétaux majeurs du XXI° siècle serait résumée dans pareille parabole ? Et pourtant…

Que dire et retenir de cette affaire ? On pourra d’abord déplorer le déferlement d’approximations et de mauvaise foi – à droite comme à gauche – qu’a occasionnée l’imprudente publicité d’un acte de justice assez complexe. Mais puisque une portée symbolique lui a été donnée, profitons-en pour livrer quelques réflexions.

Dans le « jugement de Lille », deux éléments sont remarquables. En premier lieu, le mariage a été annulé sur la base du mensonge, et non au motif – fantasmagorique – que la future épouse n’était pas vierge. Les féministes pourront agiter jusqu’à l’épuisement l’épouvantail des comportements moyenâgeux, les nationalistes dénoncer l’islamisation de la société, les juges, eux, entendent manifestement rester droit dans leurs bottes. Dura lex, sed lex.

En second lieu, le juge ne s’est pas prononcé sur l’opportunité de considérer la virginité comme relevant de « la qualité essentielle de la personne ». En effet, ce n’est pas son rôle – et heureusement ! Le devoir du juge est de rendre la justice en se fondant sur la loi, non de promouvoir ou de dénoncer quelque anthropologie que ce soit.

Les mariés de Lille – la femme ne s’en est pas cachée, du reste – avaient fait de la virginité un aspect fondamental de leur union, une clause critique de leur accord. Pourquoi la République fourrerait-elle son nez dans des affaires qui relèvent de la vie privée ? Faudra-t-il bientôt mendier un ticket auprès d’un inquisiteur assermenté pour traîner dans le Marais ou aller à la messe ? Imaginons un citoyen qui émet, au profit d’un organisme caritatif, un chèque en bois. Sera-t-il puni parce qu’il a des dettes ou parce que son don est destiné au Croissant Rouge plutôt qu’au Secours Populaire ?

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Evidemment, l’actuelle polémique tient au caractère religieux de l’affaire. Et au cœur de ce caractère religieux, à la dimension morale et particulièrement sexuelle. D’où les réactions irrationnelles de certains organismes, comme le Collectif National pour le Droit des Femmes : « Ainsi, il existe en France, au 21ème siècle, des juges pour considérer que la virginité (des femmes évidemment !) au mariage est une qualité essentielle….. On a vraiment peine à le croire. La police des mœurs est de retour….(…) Plus sérieusement, de quoi la justice se mêle-t-elle ? Pour les intégristes de tous poils, si cela continue comme ça, il ne sera bientôt même plus nécessaire de revendiquer des tribunaux communautaires, ce seront les tribunaux de la très laïque République française qui se chargeront des sales besognes. Quelle aubaine ! Et tout cela sur le dos et le ventre des femmes. »

L’argumentation est ici renversée : précisément, la justice ne s’est mêlée de rien ! Reconnaître que le juge de Lille a simplement fait son métier revient aussi à proclamer que le pouvoir judiciaire doit se contenter de rendre la justice – sans intervenir dans les choix privés des individus. Encore faut-il respecter la liberté de ces derniers – en commençant par croire qu’ils sont dignes d’en jouir, malgré leur tropisme « archaïque » …Ceux qui crachent depuis quelques jours sur les hommes et les femmes qui prennent l’engagement de la virginité avant le mariage n’y sont pas prêts, manifestement.

Qu’y a-t-il d’aberrant à ce qu’un musulman tienne compte des pratiques de sa religion au moment de se marier ? Or, des musulmans, en France, il y en a – et il y en a beaucoup : des millions ! Qu’on n’espère donc pas tourner la page de cet épisode ou revenir au statu quo ante. La France des ch’tis n’existe que sur les écrans de cinéma. Des affaires comme celles-là, il y en aura d’autres. Et rien ne serait pire que de les aborder avec la passion déployée depuis quelques jours. Les non-mariés de Lille – étrange retournement de l’histoire, qu’on peut estimer triste, certes… – relèguent au cabinet des antiquités les non-mariés de Brassens. Le poète mettait son honneur à « ne pas demander la main » de son amoureuse. Le zélote préfère son honneur à n’importe quelle main.

Force doit rester à la loi, qui surplombe les communautés – lesquelles pourraient d’ailleurs être mieux reconnues dans leur identité, ce qui éviterait de regrettables crispations. Mais faire le bonheur des autres – classe ouvrière autrefois, jeunes filles des cités aujourd’hui – malgré eux est un exercice dangereux. Et certainement pas un exercice politique, en tout cas. Car, dans l’art de gouverner plus qu’ailleurs, le mieux est toujours l’ennemi du bien.

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