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Lettre à ma tante

 Le 16 septembre 01

 Ma chère tante,

Je reçois ta lettre du 14 qui me fait très plaisir, d’abord parce qu’il est toujours agréable d’avoir des nouvelles de la famille, mais aussi parce que tu y fais preuve d’une ouverture d’esprit et d’une recherche de la vérité qui t’honore.

Comme toi, je ne commencerai pas dans l’ordre des questions. Tu me demandes ’s’il est exact qu’il est écrit dans le Coran qu’il faut tuer les infidèles, ou s’il est exact, dixit et re-dixit Boubakeur (Recteur de la Mosquée de Paris), que la religion musulmane est tolérante et pacifique.

Oui ! L’islam est avant tout une religion de paix ! Ne serait-ce que dans la racine même du mot (ce qui est très important en arabe quand on recherche une signification), l’apposition des lettres s.l.m. évoquant à la fois la soumission au Créateur et la paix. De même que le salut des musulmans est : « Assalamaleicum » ce qui veut dire : « Que la paix soit sur vous ». La recherche de la paix dans la sérénité, qu’elle soit intérieure, familiale, sociale, politique ou internationale, est donc un des fondements de notre religion.

Mais le terme ’paix’ peut revêtir des significations différentes : pour un certain nombre d’occidentaux, la paix veut simplement dire absence de guerre permettant que le business continue. Pour les musulmans, la paix sans la justice pour tous n’existe pas.

Si, en occident, la paix existe pour les individus, où est la paix pour les enfants qui meurent de faim en Irak du fait de l’embargo ? Cette injustice leur est imposée par des dirigeants occidentaux qui maintiennent, en plus, le tyran sanguinaire à la tête du pays et qui lui, ne manque de rien.

Où est la paix pour les palestiniens, chassés de leurs maisons et de leurs villages, parqués dans des territoires grands comme des timbres-poste dont on réduit de plus en plus la superficie sous prétexte de ’sécuriser’ l’espace vital israélien ?

Où est la paix pour ces millions d’enfants exploités par des multinationales, forcés de travailler nuit et jour pour ne pas crever de faim ? Une partie du monde occidental impose de telles conditions d’exploitation des richesses naturelles de leurs pays, en y maintenant des dirigeants corrompus, que leurs habitants n’ont aucune autre possibilité que de travailler dans des conditions dégradantes.

Où est la paix pour ces prostituées thaïlandaises n’ayant plus que leurs corps à vendre à certains touristes occidentaux pervers et pourris de dollars, d’euros et de maladies sexuellement transmissibles ?

Où est la paix pour les cinq millions d’êtres humains officiellement menacés de mourir de faim selon les chiffres de l’O.N.U., alors que nous brûlons nos excédents agricoles pour en maintenir les cours ?

Oui, la dure réalité du monde vient de nous ‘péter à la gueule’, à nous, occidentaux donneurs de leçons, anesthésiés par notre confort.

Où est donc notre responsabilité et notre bonne conscience lorsque que nous sommes restés muets en assistant en direct sur C.N.N. au génocide du Rwanda ou au nettoyage ethnique de Serbrenitza ?

Pourtant nous savions parfaitement ! Nos gouvernements étaient informés, on en soupçonne même certains d’avoir participé aux préparatifs de ces massacres. ’Faut-il mourir pour Serbrenitz ?’ avait demandé Mitterrand en répondant par la négative ? Avons-nous réagi ? Nous sommes-nous indignés ? Avons-nous manifesté ? Avons-nous pris nos responsabilités de citoyens en sanctionnant, par notre vote, ces responsables politiques ?

Ces morts ne méritaient-ils pas également toute notre compassion ? Toute notre solidarité ? Toutes nos prières ? Toutes nos minutes de silence ? Où sommes-nous à ce point décérébrés que nous ne nous rendons même plus compte de notre inhumanité ? Y a-t-il de bons et de mauvais civils morts ?

Éprouvons-nous vraiment de la compassion pour les victimes du World Trade Center ou plutôt nous réveillons-nous d’une longue anesthésie ? Ou plutôt, réalisons-nous, d’un coup, que ne sommes plus intouchables ?

L’islam est pour la paix, mais dans la justice pour tous. Lorsque l’injustice règne, il faut la dénoncer, encore et encore. C’est bien le sens du Djihad qui est en effet prescrit par le Coran.

C’est par cette voie que notre Créateur m’a conduit à la foi. Ce terme est caricaturé par sa traduction en français de ’guerre sainte’. Quelle grossière erreur ! L’analyse du mot nous conduit à la notion « d’effort dans le sentier de Dieu ».

Cet effort est d’abord intérieur : il s’agit, pour le croyant, de lutter contre ses pulsions négatives et les vices de son âme qui le pousse à commettre des injustices. Il faut faire en sorte que sa vie ne soit pas dominée par ses instincts mais plutôt par ses raisonnements et sa morale. La prière, le jeûne, l’aumône et d’autres actes d’adoration de Dieu sont les armes de ce Djihad intérieur que le Prophète a nommé ’Le grand Djihad’.

Les actions des musulmans doivent refléter leur vie spirituelle. C’est ainsi que l’islam demande aux croyants de ’promouvoir le bien et d’interdire le mal’.

Le travail quotidien pour le bien se fait d’abord au sein de la famille, dans l’éducation des enfants, puis au sein de la communauté et de la nation. Il faut chercher le bien commun, tout en manifestant sa solidarité et sa compassion aux plus démunis… Pas de violence, mais au contraire une recherche constante de paix et de justice.

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C’est bien le sens du Djihad externe ou ’petit Djihad’. Cette lutte pour la justice pour tous doit se faire dans le strict cadre des moyens autorisés par l’islam.

S’il existe des règles strictes pour la prière, il en est de même pour le Djihad. Dans l’islam, la fin ne justifie pas les moyens : les croyants sont responsables des moyens, la fin appartient à Dieu.

Non, il n’est pas écrit dans le Saint Coran qu’il nous faut tuer tous les infidèles. Bien au contraire !

L’islam est la seule religion monothéiste qui, dans son dogme même, accepte que les êtres humains puissent refuser La Vérité une fois qu’elle leur est parvenue :
Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audiant et Omniscient.’ (Traduction du Saint Coran, Sourate 2 Verset 256).

Il arrive que cette recherche de paix et de justice soit combattue par des gens qui cherchent à imposer l’injustice. S’il n’y a pas d’autre moyen, le combat est alors prescrit uniquement à l’encontre de ceux qui combattent les croyants :
Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent et ne transgressez pas. Certes Allah n’aime pas les transgresseurs !’ (Traduction du Saint Coran, Sourate 2 Verset 190).

C’est ainsi que le petit Djihad est un combat défensif, de légitime défense. Là encore, tous les moyens ne sont pas permis : il est notamment interdit de tuer les civils, les femmes, les enfants, les vieillards…

C’est cette connaissance du Djihad, enseignée par les moudjahidins afghans, (les vrais, pas les pantins actuellement à Kaboul) qui me permet de condamner sans aucune ambiguïté les attentats aveugles contre le Word Trade Center de New York. Ces attentats sont des agressions contre les civils, c’est une transgression pour l’islam et ’certes Allah n’aime pas les transgresseurs !’.

C’est pour cela que, dès le lendemain, j’ai contribué à la publication d’un texte transmettant, au nom du site Internet dont je suis membre de l’équipe (Oumma.com) toutes nos sincères condoléances aux victimes et à leurs familles.

À l’heure où j’écris ces lignes, rien ne prouve que les auteurs de ces attentats aient agi au nom de l’islam. Rien ne prouve de manière certaine que leur commanditaire soit Oussama Ben Laden.

Certes, les suspects semblent d’origine arabe, mais comment expliquer que l’un des auteurs de l’attentat ait passé une des soirées qui précédait son geste à se saouler dans un bar mal famé à en croire les informations publiées dans la presse ? N’est-ce pas là un comportement paradoxal pour un supposé ’intégriste islamiste’ ?

En matière de terrorisme, l’expérience montre qu’il faut toujours se poser la question : ’à qui profite le crime ?’ Je doute qu’en l’occurrence, le crime profite à des musulmans….

Mais si les véritables commanditaires devaient se trouver parmi les ‘talibans’, ce ne serait finalement qu’un ’dommage collatéral’ de la politique américaine. C’est en effet la C.I.A. qui a créé, financé, armé puis imposé ces ’talibans’ par l’intermédiaire des services secrets pakistanais.

Il s’agissait, à l’époque, d’empêcher les moudjahedins afghans, victorieux de l’Armée Rouge, de créer une république islamique et démocratique dans le pays. Ce plan a parfaitement fonctionné et un régime kafkaïen, celui des ‘talibans’, a remplacé celui que les U.S.A. considéraient comme une menace majeure pour leurs intérêts dans la région. À force de jouer avec le feu, il est probable que le gouvernement américain s’y soit brûlé !

Quels que soient les auteurs de ces attentats, je les condamne et je prie pour qu’eux-mêmes, leurs complices et leurs commanditaires soient pourchassés, découverts et châtiés.

Mais depuis mardi, quel déferlement de haine à l’égard des musulmans ! Par exemple, ce ’socialiste’ d’un institut stratégique parlant des réseaux terroristes et de leurs soutiens pour évoquer, sans aucune distinction les ’quatre mille associations islamiques qui gèrent des mosquées en France’ ! Comme si nous avions une responsabilité quelconque dans ce qui s’est passé !

Que de gesticulations belliqueuses de la part des U.S.A., d’appels au meurtre et à la vengeance ! Ce sénateur américain, par exemple, qui envisage sereinement de tuer des civils qu’il reconnaît pourtant comme innocents, pour atteindre les ’vrais coupables’ !

D’autres, comme le gouvernement israélien dans les territoires occupés ou les Russes en Tchétchènie, profitent de l’ambiance anti-islamique pour de sordides règlements de comptes.

Mais où sont passées nos grandes consciences, qui, à longueur d’années nous prêchaient leur horreur de la peine de mort ?

Le sang d’innocents devrait-il laver le sang d’autres innocents ? Selon quel mécanisme, sauf à cautionner une pensée magique d’un sentiment de vengeance assoiffé de sacrifices humains ?

Saluons les éditorialistes d’autant plus courageux qu’ils sont rares, qui, à l’instar de Serge July dans ’Libération’ du 13 septembre, écrit : ’La meilleure défense contre le terrorisme, ce n’est pas la guerre, c’est la justice.

Je crains que nous ne soyons à l’aube d’une ère nouvelle où de telles positions pèseront bien peu face à la volonté meurtrière des hommes.

Voilà, je reste à ta disposition pour toute question complémentaire. Excuse-moi, chère tante, de t’avoir répondu aussi clairement et directement. En ces temps troubles, il faut nous exprimer sans détour, tant que nous en avons encore la possibilité, de manière à ce que, ramenés devant notre Créateur au Jour du Jugement, personne ne puisse, à son tour dire : ’Je ne savais pas’.

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