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Les racines de l’islamophobie en France

Pas un jour ne passe sans que certains médias ne se « déchaînent » sur l’Islam et les musulmans. La communauté musulmane y est clairement pointée de l’index pour ne pas dire du médius…  Le sujet est, sans nul doute, rentable financièrement – on l’a vu avec Charlie Hebdo – mais aussi et surtout politiquement parce qu’il permet concrètement de gagner des voix. Le populisme, à ce propos, ne semble de ce fait plus être l’apanage de la Droite, et s’est aussi subtilement normalisé à Gauche (même si l’appellation Droite/Gauchen’est vraisemblablement qu’une localisation spatiale dans l’Assemblée Nationale comme au XIXème et non pas ou plus une distinction idéologico-politique).

S’adressant à la masse plutôt qu’aux individus, les populistes de Droite comme de Gauche ont ainsi fait de l’insécurité, en surfant sur la vague islamophobe, le meilleur moyen de sécuriser le pouvoir politique et/ou idéologique. Démanteler un réseau de « terroristes islamistes » est, à ce titre, symboliquement efficace pour créditer son poids électoral. Tolérer en toute impunité les propos du président du CRIF, sous couvert de liberté d’expression, qui a assimilé « l’islamisme au nazisme » est une façon de souscrire à une assurance – ou alliance – idéologique ayant le pouvoir de protéger ses intérêts politiques. En somme, il y a dans l’islamophobie de quoi prospérer politiquement et financièrement.

La tartufferie des politiciens n’est donc plus à démontrer, elle est patente. Jean-François Copé en est une illustration éloquente. Réduire les enjeux et les défis que notre douce France doit relever à des petits pains au chocolat, en plus d’être d’une minable comédie, est d’une médiocrité intellectuelle nauséeuse. Ce genre  de propos ne nous étonne guère venant de sa part et, au fond, cela n’a d’égal que l’exiguïté de son propre esprit. On assiste ainsi, pour reprendre l’heureuse formule d’Umberto Eco, dans A reculons comme une écrevisse, à une espèce de  carnavalisation– bien plus qu’une théâtralisation – de la vie politique. Tout est bon à utiliser contre la religion de Muhammad, sous couvert, encore une fois, d’une liberté d’expression à géométrie très variable qui a davantage l’allure d’une tyrannie intellectuelle ayant par exemple passé sous silence les profanations des mosquées qui sont pourtant légion depuis quelque temps. En effet, ce droit n’est légitime, voire légal, que d’un côté. 

On aura donc compris que même si ces faussaires emploient la rhétorique des Lumières du XVIIIème, leur attitude reflète plutôt celle des obscurantistes du Moyen-Âge. D’ailleurs une brève immersion dans le passé s’impose car notre résistance intellectuelle au racisme antimusulman ne peut se faire en dépit de certaines données historiques qui semblent avoir un écho prononcé aujourd’hui en France. L’islamophobie n’est certes pas raisonnable, mais elle n’en demeure pas moins rationnelle, ou plus clairement, explicable. C’est pourquoi, à notre sens, cette forme de racisme doit au préalable se comprendre et s’expliquer rationnellement, sans pour autant la justifier, en faisant appel à l’Histoire, afin de mieux la combattre intellectuellement.

En effet, cette opiniâtreté contre la religion « Mahométan », prend ses racines au Moyen-Âge déjà, avec notamment les « pèlerinages » belliqueux en direction du monde musulman, prônés dans un premier temps par le Pape Urbain II dans toute la France, avant d’être reconduis près d’une dizaine de fois, en l’occurrence sous les règnes de Louis VII et Philipe Auguste. On qualifiera plus tard ces invasions chrétiennes qui durèrent deux siècle, l’époque des Croisades. Plus encore, des traductions diffamatoires et erronées du Coran en latin ainsi que des textes calomnieux comme la chanson de Roland,fustigeant le message et la figure du Prophète, verront le jour en réaction à la civilisation prospère et brillante des musulmans qui faisait, à cette époque même, de l’ombre à l’Eglise.

Mais c’est particulièrement au lendemain de la prise de Constantinople (1453) qui sonne la chute de l’empire romain d’Orient, c’est-à-dire deux siècles après l’échec des Croisades, qu’éclora, de façon accentuée, toute une littérature « orientaliste » – dont les récits des voyageurs qui apportèrent dans leur mémoire une image biaisée de l’Orient musulman – qui dénigre l’Islam pour résister à l’expansion de l’empire Ottoman. Ladite littérature se glissera plus tard dans la bibliothèque des « philosophes des Lumières » qui y puiseront quantité d’informations affectant ainsi leur pensée par des préjugés sur la religion de « Mahomet », comme on peut aisément le constater, entre autres, dans De l’Esprit des loiset les lettres persanesde Montesquieu, les rêveries d’un promeneur solitairede Rousseau, sans oublier, bien entendu, la fameuse Encyclopédie dirigée par Diderot.

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Dans cet élan, il faut aussi souligner l’impact grossier des Mille et une Nuits dans la représentation occidentale de l’Islam au temps des Lumières. L’influence de cette œuvre fantastique est en effet manifeste dans Zadig (Voltaire), la nouvelle Héloïse (Rousseau), et plus clairement dans le célèbre roman épistolaire de Montesquieu. Mille et une Nuits n’est, au fond, que le fruit d’une distraction romanesque de l’imagination qui tentait d’esquisser un portrait purement ésotérique de l’Orient dans lequel apparaissent toutes sortes de merveilles, de choses surnaturelles, des harems, des eunuques, de la polygamie, du sensualisme, de la magie mais aussi, de manière contrastée, du despotisme et de la bestialité. Ainsi, l’Islam fut, dans la littérature du XVIIIème, maladroitement assimilé à ces célèbres contes imaginaires.

Cela dit, malgré les études plus objectives de certains orientalistes des XVII-XVIIIème siècles, comme Richard Simon et surtout Barthélémy d’Herbelot et son oeuvre la Bibliothèque Orientale, qui s’attachèrent avec un réel esprit d’ouverture à combattre les idées reçues sur l’Islam, on n&rsqu
o;en retiendra – volontairement ?- que l’image faussée et insolente héritée des Croisades. Montesquieu, par exemple, puisera essentiellement dans l’Histoire de l’état présent de l’Empire Ottomandu voyageur anglais Sir Paul Rycault qui lui offre des indications apocryphes au sujet du despotisme oriental et du traitement des femmes dans la société islamique, qu’on peut repérer sans difficulté dans les lettres persaneset De l’Esprit des lois. Voltaire, quant à lui, se sert, entre autre, de la biographie fallacieuse de Gagnier intitulé la vie de Mahometpour écrire sa célèbre et controversée pièce de théâtre Fanatisme ou Mahomet. Cependant, l’auteur de Candidereviendra sur sa position, notamment à l’issue d’une rencontre avec un commerçant anglais, Everard Fawkener, qui lui rapportera nombres d’informations, après avoir passé plusieurs années en Syrie, sur la culture raffinée du monde musulman.

Faut-il noter au passage que le commerce a joué un rôle considérable dans l’essor de l’image de la civilisation islamique. D’ailleurs certaines grandes œuvres culturelles de la Renaissance, sont nées de rencontres et d’échanges avec l’Orient. Le célèbre tableau de Hans Holbein, les ambassadeurs, par exemple, fait apparaître un joli tapis au motif turc qui prouve clairement qu’une interaction existait au-delà des conflits militaires et idéologiques. Voltaire ajustera donc sa plume, disions-nous, et apportera, dans Zaïre, une image plus nuancée de l’Islam, en mettant en relief la bonté et la générosité des musulmans.

Il finira aussi par considérer, après l’avoir fustigé, la vie de Mahomed de Boulainvilliers, une biographie qui, en 1730, défendait le Prophète contre les allégations occidentales reçues du Moyen-Âge en y apportant une approche plus transparente du message de Muhammad. Le XIXème siècle n’échappera pas à cette représentation grossière de l’Islam relayée grâce à l’éclosion d’une multitude de textes diffamatoires au lendemain de l'incursion Bonapartiste en Egypte (1789), et avec plus de vigueur, sous la plume d’Alexis Tocqueville, du lexicologue Pierre Larousse et surtout d’Ernest Renan, l’inventeur du concept de « nation », qui salua avec beaucoup d’enthousiasme le livre xénophobe, Essai sur l’inégalité des races humaines, dans lequel Arthur Gobineau – qui fut directeur de cabinet de Tocqueville – développe toute une hiérarchisation des « races ». Ce texte sinistrement célèbre inspirera au siècle suivant l’idéologie nazie.

Cette xénophobie reprise au compte du sulfureux Jules Ferry revendiquant, avant d’être apostrophé par un Clémenceau tenace, le droit aux races supérieures de civiliser les races inférieures, s’illustre parfaitement, au siècle de Victor Hugo jusqu’à celui de Sartre, par la colonisation féroce de l’Algérie sous le drapeau français. Ainsi du Moyen-Âge jusqu’au nouveau millénaire en passant par la Renaissance et les Lumières, chaque époque a su se faire le relais du racisme antimusulman et de l’arrogance française. L’Islamophobie n’est donc pas naissante. Bien au contraire, elle résulte et s’inscrit à la fois, dans cette idéologie orientaliste qui, depuis le Moyen-Âge, a inventé un univers musulman imaginaire garni de préjugés et de stéréotypes.  En créant ce Levant, l’Occident n’a fait, au fond, comme le démontre brillamment Edward Saïd dans son œuvre magistrale, l’orientalisme, que peindre une caricature de son propre portrait.  Une façon, en effet, pour le Couchant de se définir dans l’opposition à l’Orient en y fixant à la fois ses craintes et son sentiment de prééminence, justifiant ainsi son messianisme politique.

Les racines de l’islamophobie française sont bien ancrées dans le passé, et nous ne faisons que goûter à ses fruits amers. Seulement, ce n’est pas en s’indignant éternellement chaque fois qu’un fruit putride nous tombe sur la tête, que l’on parviendra à déraciner cet arbre polluant. Il nous est donc apparu nécessaire de creuser dans le passé, pour inviter nos lecteurs à penser une action de « dépollution » sur le long terme en se servant de l’éducation et de l’instruction comme eau de Jouvence pour développer une énergie nouvelle en France. Eduquer, instruire, et faire de chaque musulman un média au quotidien dans lequel on n’y lit que piété et vertu. C’est ainsi, plutôt qu’avec d’éternelles bifurcations en réaction aux parasitages politico-intellectuels, que l’Islam apparaîtra dans le paysage français comme une terre verdoyante où chacun pourra y respirer l’air paisible de la nature pacifique de cette religion.

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