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Les Palestiniens subissent de la part de l’Europe une punition collective inacceptable

Après les décisions iniques du Canada et des Etats unis de rompre les liens avec le gouvernement palestinien et de ne plus le financer, cette position indigne de l’Europe révèle encore la politique de deux poids deux mesures qui la caractérise en ce qui concerne la Palestine.

Ainsi on a dénoncé dans les chancelleries européennes des pratiques de « corruption » de l’ANP, mais on n’a jamais cillé devant les accusations faites officiellement en Israël à la famille Sharon, au pouvoir, pour de graves malversations [1].

Ainsi on a reproché à l’ANP de mal utiliser l’argent « généreusement octroyé » par l’Europe mais on n’a pas exigé réparation des dommages considérables infligés par l’armée d’occupation israélienne à des projets financés par l’Europe en Palestine [2].

Ainsi encore, alors que l’on parle après le vote contesté de Loukachenko en Belarus, de sanctions contre des personnalités qui se verraient interdites de visas européens, des criminels de guerre israéliens se déplacent librement à l’intérieur de l’Europe [3].

La liste est longue. Le résultat ne peut en être que la désespérance des Palestiniens par rapport à la communauté internationale et à l’Europe. Cela ne peut aussi que conforter Israël dans sa certitude d’impunité, quelles que soient les violations quotidiennes du droit international auxquelles il se livre.

Alors que les assassinats de Palestiniens ont lieu tous les jours, que Gaza est régulièrement bombardée et que la famine y menace [4], que le déni du droit international éclate dans la construction par Israël du mur d’annexion ou des colonies, on pourrait ironiser si la situation n’était pas si grave, et demander à ces puissants de Bruxelles ou Washington de remettre les boeufs avant la charrue.

Car à la remorque des Etats unis, l’Europe exige du Hamas, en charge du nouveau gouvernement palestinien, une reconnaissance inconditionnelle d’Israël et l’arrêt de la violence. Mais nous sommes, en Palestine, devant une situation d’occupation militaire, dans un rapport de force disproportionné, où l’occupant nie la réalité de l’occupé et où la première violence est celle de l’occupation.

Par les accords intérimaires d’Oslo en 1993, la direction palestinienne a reconnu l’existence d’Israël. En a découlé la création de l’ANP, gérant les affaires palestiniennes, qui n’a donné qu’une apparence de formalisation concrète de la Palestine et permis le retour au pays des résistants en exil. Plusieurs mouvements de la résistance, dont le Hamas, ont refusé ces accords qui n’ont pas accouché de l’ état palestinien et qui ont ouvert une période de « calme » qui a vu une intensification impressionnante de la colonisation.

Ce que dit aujourd’hui le Hamas dans ses déclarations officielles c’est que si Israël reconnaît enfin les droits nationaux légitimes des Palestiniens et met fin à l’agression militaire contre le peuple, les négociations deviendront possibles, reconnaissant alors de facto Israël.

Le Premier ministre -Hamas- a déclaré dans son discours d’investiture : « Nous, le Hamas, sommes favorables à la paix et à la fin du sang versé. Cela fait plus d’un an que nous observons une trêve unilatérale, sans réciprocité de la partie israélienne. Voici le message du Hamas et de l’Autorité palestinienne au monde : ne nous parlez plus de reconnaître « le droit à l’existence » d’Israël ou de mettre fin à la résistance tant que vous n’aurez pas obtenu d’Israël qu’il s’engage à se retirer de notre terre et à reconnaître nos droits » [5].

Pourquoi en effet exiger de la victime, du « faible », de l’occupé ce que l’on ne demande pas au responsable de la situation, l’occupant ?

Et c’est vrai que le Hamas n’a plus commis d’attentats depuis plus d’un an, en application de la trêve décidée par les mouvements de la résistance palestinienne, à la suite d’un accord avec le Président Abbas.

13 mouvements de résistance s’étaient engagés à ne plus mener d’actions militaires si les autorités israéliennes arrêtaient les attaques, invasions, assassinats ciblés et libéraient les prisonniers [6]. Alors que le gouvernement Sharon a poursuivi sa politique d’agression, les Palestiniens ont tenu leur engagement jusqu’à décembre 2005 [7].

Alors où est la violence ?

On n’est pas devant de vilains barbus qui feraient une guerrilla incompréhensible contre leurs gentils voisins, il s’agit ici d’un peuple qui résiste à son occupant, comme le droit international lui en donne le droit [8].

Les déclarations des différents mouvements de la résistance palestinienne vont toutes dans le même sens : nous arrêterons de résister quand nous ne serons plus occupés. Qui d’entre nous en France, en Europe, ne dirait pas la même chose si nous étions encore une fois occupés ? De toute façon, la résistance à l’occupation est légitime et légale et un enfant de maternelle comprendrait que s’il n’y a plus d’occupation la résistance perd évidemment sa seule raison d’être.

Le Hamas, maintenant aux affaires, et qui par cela même et son choix de l’action politique, a clairement montré une inflexion dans sa stratégie, a fait maintes déclarations dans ce sens. La proposition de trêve officieuse adressée aujourd’hui aux autorités israéliennes en témoigne. « Si vous mettez un terme à vos attaques, nous mettrons un terme aux opérations armées menées par la résistance palestinienne » a déclaré le Hamas. La lettre du ministre palestinien des Affaires étrangères à Kofi Annan le rappelait aussi le 5 avril : “Nous voulons notre liberté et notre indépendance côte à côte avec nos voisins et sommes prêts à discuter avec le Quartet”.

Or, au lieu de répondre à l’ouverture que fait la nouvelle direction palestinienne, l’Europe l’ostracise, la mène à la ruine [9], lui conforte des alliances qui permettront de la discréditer encore. On soude autour d’elle le peuple qui n’en peut plus de l’injustice de la communauté internationale, on affaiblit la résistance non violente dont l’ampleur apparaît dans la remarquable protestation contre le Mur d’annexion à Bi’lin, Budrus ou Aboud.

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Rappelons à nouveau que les Palestiniens ont voté démocratiquement et que personne n’a le droit de les punir pour leur choix. Les punitions collectives sont illégales d’ailleurs. L’Union européenne veut-elle se mettre hors la loi ?

Rappelons aussi les raisons de ce vote : le désespoir que la volonté d’expansion coloniale israélienne ait détruit le processus de paix, la lassitude devant une direction accusée d’incurie, voire de corruption, qui n’a pas su protéger le peuple palestinien contre la violence de son occupant et qui n’a rien obtenu de lui en terme de négociations et de reconnaissance, la défiance enfin devant les pratiques partiales et injustes de la communauté internationale. Le peuple palestinien n’a pas voté pour des « islamistes », mais il a remis la responsabilité de la résistance à l’occupation à une autre direction, qui devra répondre devant ses électeurs, sur un mandat implicite : continuons à résister, exigeons l’obtention de nos droits nationaux légitimes, de notre état et de notre capitale, Jérusalem [10].

N’oublions pas non plus que le nouveau gouvernement israélien poursuit la politique violente d’occupation et de déni des Palestiniens de ses prédécesseurs, par le « plan Olmert » unilatéral de définition des frontières d’Israël (comme le plan unilatéral de « désengagement » de Gaza de Sharon qui prétendait accréditer le mensonge de « l’absence de partenaire palestinien ») et les attaques contre la population civile [11].

Si les brillants stratèges européens qui ont décidé de suspendre l’aide au gouvernement Hamas avait un sou de bon sens et de sens politique, sans parler de sens moral et d’honnêteté, ils reviendraient immédiatement sur leur décision injuste et exigeraient l’application par Israël du droit qui permettra de mettre fin à des décennies d’occupation et donc … de résistance.

Sources AFPS (Association France Palestine Solidarité)

Notes :

[1] c’est au lendemain d’une nième convocation devant les juges pour malversation qu’Ariel Sharon, que l’on disait très préoccupé par ces accusations contre lui et ses fils, a eu un accident vasculaire et est sorti de la vie politique israélienne et proche-orientale

[2] le port et l’aéroport de Gaza, des projets agricoles financés par la France en Cisjordanie, à Falamiah, par exemple, tous détruits par l’armée israélienne

[3] certains ont quand même dû annuler des voyages ou ne pas descendre d’avion, quand des juges honnêtes et courageux ont menacé de les faire arrêter. Voir articles sur le site

[4] voir articles sur le site

[5] voir article complet sur le site

[6] l y avait alors, en février 2005, environ 8500 prisonniers palestiniens, environ 900 ont été libérés. Il y a aujourd’hui plus de 9500 Palestiniens dans les prisons israéliennes !

[7] Après les attaques qui n’ont jamais arrêté contre leurs dirigeants et militants, les invasions, arrestations et assassinats, certains groupes ont repris leurs actions armées, pas le Hamas.

[8] les attaques et attentats contre des civils sont eux illégaux, qu’il s’agisse des attentats suicide commis par le Hamas ou d’autres mouvements palestiniens, ou des bombardements de maisons ou de manifestations menés par l’armés israélienne

[9] les salaires des fonctionnaires palestiniens ne seront pas payés ce mois ci, les caisses sont quasi vides, a déclaré le gouvernement qui cherche d’autres sources de financement que l’aide européenne qui permettait essentiellement de les payer

[10] dans un sondage réalisé par JMCC, Centre des médias et de communication de Jérusalem (- JMCC Unité de sondages de l’opinion. Sondage no. 57 de février 2006. Résultats du sondage sur les attitudes des Palestiniens à propos des résultats des élections au Conseil Législatif palestinien (CLP) du 25 janvier 2006) seuls 18 % des électeurs du Hamas ont déclaré avoir voté pour lui pour des raisons religieuses et 12 % pour des raisons politiques (sur la base du refus d’Israël…)

[11] aujourd’hui 7 avril, arrestations en Cisjordanie, un mort à Naplouse, invasion et mise à sac de Sebastia, bombardement de Gaza…

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