in ,

Les OGM, non-halal ?

 
L’un des sujets les plus importants qui soient sur lequel les musulmans doivent absolument se prononcer concerne la sauvegarde de notre environnement commun. Les répercussions néfastes de toute pollution touchent non seulement nos propres sociétés mais aussi celle des autres pays du monde. L’état dans lequel nous laisserons notre planète pour les générations futures est de notre responsabilité morale primordiale.
Dieu n’a-t-Il pas soumis ce qui compose la nature pour le service de l’humanitéi ? Et n’est-il pas recommandé à cette dernière d’utiliser sa raison pour qu’il en tire profit, comme lorsque le prophète (PBSL) nous enjoignait de rechercher la connaissance même si pour cela nous devrions aller jusqu’en Chine ?
Or, nous vivons une époque où les scientifiques nous alertent sur les méfaits d’un certain nombre de produits et matières dont se servent les sociétés humaines dans le cadre de leur développement économique et social : OGM, nucléaire, pétrole. Face à eux se dressent schématiquement une minorité aux pouvoirs exorbitants : les multinationales et leurs lobbys qui cherchent à imposer aux législations nationales une actualisation servant leurs intérêts.Prenons le cas des OGM pour montrer en quoi une actualisation de l’éthique musulmane citoyenne est nécessaire.
Les OGM
Les OGM (Organisme génétiquement modifié) sont une technique génétique permettant de modifier l’ADN du vivant par une intervention humaine. Celle-ci est principalement appliquée dans les produits agricoles à destination des animaux domestiques ou de l’homme. L’une des caractéristiques premières de ces produits agricoles génétiquement modifiés consiste en une modification permettant à la plante de résister aux herbicides ou aux insectes qui les dévorent. L’utilisation des OGM permettrait un abandon de l’utilisation des pesticides par aspersion et donc une économie non-négligeable pour les agriculteurs, faisant ainsi baisser le coût de revient de la production agricole et donc, par mécanisme, le prix du panier de la ménagère.
Cependant, ce marché, dominé par la multinationale américaine MONSANTO, est régenté par le brevetage du vivant. Autrement dit, les graines génétiquement modifiées sont la propriété intellectuelle de ceux qui les ont mis au jour, obligeant les éventuels utilisateurs à payer une sorte de droit de licence. C’est la première fois dans l’Histoire que le vivant, et donc la base nourricière des populations, est susceptible de devenir la propriété exclusive de quelques uns, d’où la sonnette d’alarme tirée par les anti-OGM face à cette éventuelle confiscation du bien public majeur de l’humanité, son alimentation.
Autre problème de taille, beaucoup pensent que les OGM peuvent être nocifs pour la santé des animaux et des hommes. Alors que les multinationales prospérant sur le marché se complaisent dans une absence de certitude scientifique sur la question et s’échinent malgré tout à obtenir l’autorisation pour la commercialisation de leurs produits dans plusieurs pays du monde (ce qui n’est plus le cas en France grâce à l’action des anti-OGM), des scientifiques tentent de prouver leur toxicité (voir ci-dessous).
Ainsi donc, la défense de l’accès pour tous à l’alimentation et la préservation de la santé humaine sont deux champs sur lesquels une éthique musulmane citoyenne à son mot à dire en ce qui concerne les OGM. Exposons les pistes de réflexion possibles pour une telle éthique musulmane sur ce sujet.
La propriété du vivant
En tant que musulmans, nous cherchons notre propre éthique principalement dans le Coran et dans les hadiths, mais aussi en fonction d’une sagesse temporalisée à notre époque. Pour prendre un exemple, alors que l’islam n’interdisait pas l’esclavage au moment de son apparition dans l’Arabie du VIIème siècle (cela aurait été hors contexte et inaudible pour une société majoritairement esclavagiste, comme la plupart de celles peuplant la Terre alors), notre sagesse temporalisée implique que nous ne pouvons pas lutter pour son retour, tout simplement parce que son abolition est un acquis universel, au-delà même des différentes civilisations. Notre éthique musulmane nous servant aussi à comprendre l’esprit du Coran (qui appelait à l’affranchissement des esclaves lors de certaines circonstances) qui nous conduit, pour notre époque, à refuser un retour de cette pratique d’un autre âge.
Qu’en est-il de la tentative des multinationales de la mise en coupe réglée de la propriété collective du vivant ? Le Coran nous raconte l’histoire d’un groupe d’hommes qui, se rendant à leurs champs pour y puiser leur récolte, le faisaient en toute discrétion pour ne pas attirer les pauvres. En réponse, Dieu fit qu’une calamité frappa leurs terres, ce qui les fit entrer dans un désarroi profond (Coran : s. 68, v. 17-33). Nous ne devons donc pas laisser nos législations nationales autoriser les OGM à prospérer sur nos terres agricoles tout simplement parce qu’il y a danger à ce qu’un monopole nocif s’installent sur l’alimentation. Et notre sagesse temporalisée à notre époque, se servant de la raison économique, nous indiquerait que si jamais toutes les exploitations utilisaient les mêmes graines de blé ou de maïs génétiquement modifiées, qui nous prémunirait contre une hausse conséquente des redevances que les agriculteurs auraient à payer en échange ?
Dans le contexte actuel de morosité économique et sociale sur fond de crise économique mondiale, ne serait-ce pas là un risque pour notre pouvoir d’achat ? Et quid des pays du Sud dans lesquels la faim règne parmi des populations entières ? Les laisserons-nous être soumis aux diktats des grandes multinationales  qui ne cherchent avant tout que leur profit ?
La nocivité des OGM
Des scientifiques attirèrent l’attention sur la dangerosité éventuelle des OGM sur la santé.
Sans entrer dans les détails, une étude du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), une association fondée en 1999 par Corinne Lepage, ancienne Ministre de l’Environnement, a démontré en 2007, par des tests sur des rats, que l’ingurgitation de graines de maïs génétiquement modifiées accroissaient les risques de développement de tumeurs cancéreusesii.
Or les défenseurs des OGM indiquent que ceux-ci sont le meilleur moyen pour lutter contre la faim dans le monde puisqu’ils sont résistants à l’attaque des insectes. Les anti-OGM disent au contraire qu’il faut développer l’agro-écologie, cette pratique agricole qui met à l’honneur les savoirs et savoir-faire des paysans qui se sont développés depuis des siècles, et qui permettent l’utilisation de la nature pour accroître la qualité et la quantité des rendements.
Utilisons note éthique et notre sagesse temporalisée pour montrer en quoi l’agro-écologie est la solution la plus pérenne pour sécuriser notre agriculture. Dans le Coran Dieu dit : « [Et voilà] ce que ton Seigneur révéla aux abeilles : Prenez des demeures dans les montagnes, les arbres, et les treillages que [les hommes] font » (s. 16, v. 68). Il est prouvé aujourd’hui que l’abeille, par ces déplacements incessants, est d’une utilité considérable pour la pollinisation des plantes et la préservation de la biodiversité.
Transposons maintenant cette harmonie de la nature observée chez l’abeille dans l’utilisation qu’un paysan peut en faire dans le cadre de son exploitation. L’un des maux qui ronge celle-ci provient de l’attaque des insectes qui dévorent les cultures. Cela oblige les agriculteurs à utiliser des produits chimiques (pesticides) nocifs pour leur santé, sans parler de celle des consommateurs. Ou bien à faire le choix d’OGM résistants aux insectes car possédants dans leur ADN une capacité de production de produits similaires aux pesticides dans leur impact.Beaucoup ont fait au contraire le choix d’utiliser des mésanges, oiseux insectivores efficaces. L’action de ceux-ci préservant les cultures tout en favorisant la biodiversitéiii. Ne serait-ce pas là une analogie évocatrice de rôle de l’abeille tel que déduit dans le Coran ? L’islam ne doit-il donc pas défendre l’agro-écologie ?
Conclusion : les OGM, non-halal ?
Ainsi, à la lumière du Coran et de notre sagesse temporalisée qui utilise notre raison, il est temps que les musulmans poussent à ce que les OGM soient déclarés non-halal pour l’alimentation en général, en donc illégal dans les législations nationales qu’ils contribuent à établir. Car ceux-ci menacent de se répandre partout dans le monde et de modifier les règles de la propriété du vivant. Et tant que nous ne sommes pas sûrs qu’ils ne possèdent aucune nocivité pour l’homme, ils doivent être interdits.
Le principe de précaution doit régner avant tout, celui-ci s’appliquant dans les législations dans le but de préserver l’espèce humaine. Cependant, les musulmans, comme les autres, doivent s’engager immédiatement dans la recherche génétique en se laissant guider par leur propre éthique.
Notes

i « Il fait pousser pour vous, les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et aussi toutes sortes de fruits » (Coran : s. 16, v. 11)

ii Voir Carine Seghier, « Greenpeace dénonce la toxicité du maïs transgénique MON863 », Actu environnement.com, Mars 2007 (http://www.actu-environnement.com/ae/news/greenpeace_CRII-GEN_toxicite_mais_OGM_MON863_monsanto_2329.php4)

Publicité
Publicité
Publicité
Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0

Un jeune indonésien a parcouru 9 000 km pour rallier la Mecque… à pied

Le secrétaire général de l’ONU, en visite à Gaza, appelle à la levée du blocus