Sylvie Taussig CNRS / IFEA
Le livre que je décris ici est une source primaire pour les chercheurs qui s’intéressent à l’islam mondialisé, dont les travaux devraient parvenir aux dirigeants qui, partout en Europe, s’escriment à vouloir constituer un « islam national » au mépris de la réalité d’une religion universaliste d’une part, des réalités sociologiques et sociétales (migrations, communications, voyages) et des transformations du croire, autant de faits qui sont travaillés, élucidés, explorés depuis maintenant des décennies.
Le livre que je décris ici n’est pas un travail de sciences sociales mais un travail militant écrit par le directeur de la LADO, Latino American Dawahh Organization, mais dont il fait préciser qu’il n’énonce pas sa posture prosélyte. C’est une collection de courts récits de conversion à l’islam, sans aucun filtre analytique sinon celui de la propre conversion du directeur de l’ouvrage, qui range son parcours parmi celui des personnes qu’il fait intervenir, et donc avec un biais jamais énoncé : nous avons affaire à des personnes converties au sunnisme des mosquées, et non au chiisme ou à une quelconque forme de sunnisme soufi.
L’autre biais du livre, qui se focalise sur un courant de l’islam, est qu’il n’évoque pas la réalité de diversité convictionnelle, rituelle et théologique au sein de cette religion mais met l’accent sur l’unité. La diversité qui apparaît dans le livre est réelle, mais elle caractérise les personnes qui affirment la singularité de leurs identités, mémoires, expériences et parcours. Cet ensemble de témoignages doit être lu au prisme des sciences sociales, même si, il faut le dire, il s’adresse explicitement aux musulmans ou au personnes intéressées par l’islam, comme c’est le cas de toute collection de récits de conversion.
La singularité est que celui qui rassemble les textes n’est pas un responsable de mosquée mais un individu, et ce fait donne une indication sur le caractère de cet islam tel qu’il se diffuse dans les pays qui ne sont pas de tradition musulmane (ici les États-Unis et le monde latino-américain), à savoir le sentiment missionnaire. L’ouvrage est un ouvrage de dawah, le mot le plus important dans l’islam latino-américain structuré. Il se compose de deux parties, de taille inégale.
La seconde et la plus importante est une série de récits, à la première personne, de latino-américains hommes et femmes, de tout âge, et de multiples origines, ayant embrassé cet islam (je reconnais que mon insistance est un peu lourde, mais elle est nécessaire : il s’agit de présenter comme l’islam une forme particulière d’islam, (qui correspond relativement à ce que Olivier Roy a décrit dans la Sainte Ignorance, comme un pur religieux), après des parcours divers et variés, qui suivent les récits de conversion bien analysés dans des ouvrages savants.
La première partie, courte, et également constituée de chapitres de quelques pages, est pour ainsi dire une introduction, avec un hommage rendu à des pionniers aujourd’hui décédés, des chiffres (il y aurait de 50 à 70 000 musulmans latinos aux États-Unis), des éléments d’analyse sur les raisons de la conversion, une réflexion sur la place de Jésus et Marie dans le coran (confirmant que le livre s’adresse aux latinos qui sont rassurés de retrouver dans leur nouvelle foi des éléments essentiels de leur confession d’origine – catholicisme ou christianisme, débarrassés cependant des « erreurs et falsifications » introduites par les juifs et les chrétiens) et un questionnaire adressé aux convertis sur 1) les raisons de la conversion des latinos, 2) pourquoi n’y a-t-il pas davantage de conversions de latinos, 3) ce que sont les principales joies et difficultés d’être un musulman latino, 4) ce qui serait nécessaire pour appeler plus de latinos à l’islam (ici le mot de dawah est évité : on parle de call), 5) comment aider les latinos à se défaire de leurs fausses représentations de l’islam (le terme d’islamophobie n’est pas utilisé), 6) la question du nombre de musulmans dans les différents États des États-Unis (pour dire que la seule façon est de s’intégrer à une mosquée), et 7) s’il y a un lien positif entre la taille des mosquées et le taux de conversion, 8) pourquoi les latinos qui quittent le catholicisme choisissent l’église pentecôtiste et quelles conclusions en tirer en tant que musulmans, 9) quelle sorte de dawah (sic) les enquêtés suggèrent-ils, et 10) quelle sorte d’attente ils ont pour l’islam latino-américain.
L’ouvrage montre ainsi avec force un des premiers motifs de la conversion à l’islam, au-delà de tous ceux qui sont décrits au fil des pages (raisons religieuses, à savoir la critique des pratiques catholiques, raisons spirituelles à savoir adhésion à l’unicité de dieu, raisons politiques de la solidarité avec les Black Muslims ou du sentiment du « retour » à la religion soit de ses ancêtres, soit de l’humanité) à savoir la dimension d’empowerment qui accompagne celle de la distinction , via une acquisition de connaissances et des études au sein des centres islamiques.
Il faut noter que le mariage est toujours rejeté comme raison de la conversion (même quand les personnes ont effectivement épousé un(e) musulman(e) , qu’il y a une forte emphase sur la dimension de « lutte », que ce soit la lutte spirituelle, celle qui oppose parfois à la famille ou au milieu, ou la lutte politique, et que cela est opposé à la profonde fraternité musulmane (je précise fraternité à l’intérieur de ce courant de l’islam qui ne prône pas une « arabisation » à la différence du Tabligh également actif au États-Unis).
Les thèmes politiques mis en évidence rappellent certaines affirmations des mouvements militants en France, avec une vision de l’histoire qui renvoie à l’Espagne islamique et à la colonisation (terme préféré ici à celui de conquête ; rappelons que ce n’est pas un travail d’historien mais de témoins de leur foi et d’acteurs de la prédication) et une insistance sur la solidarité avec les Palestiniens. L’ouvrage est important donc pour tous ceux qui s’intéressent de près au thème de la conversion, aux mobilités islamiques, aux discours transnationaux et aux caractéristiques modernes des formes de l’islam conçu comme un mode de vie tel que les musulmans, les convertis et les opérateurs de leur conversion, s’identifient totalement à leur religion.
Impartial ,pas vraiment impartial ! D’après ce que je li ,soyez cohérent avec vous même ,à plus .
Dans ces conversions, il y a aussi peut-être un autre élément, la réaction au prosélytisme agressif des sectes néo-évangéliques d’Amérique anglo-saxonne auxquelles l’Eglise catholique ne s’oppose que mollement. Conversion qui constitue aussi une forme d’anti-impérialisme. En Amérique latine comme en Espagne, l’islam c’est aussi un retour à la période d’une hispanité d’avant le colonialisme et l’esclavagisme des monarchies européennes. L’islam comme théologie de la libération.
Au lieu de s intéresser a l islamité des indiens d Amériques ou des latinos pourquoi ne pas s intéresser à leurs cultures ou à leurs histoires en toute modestie ? Arrêtons cette propagande et cette apologie qui veut nous démontrer que l islam est partout. Je le répète, notre rapport à dieu est intime et personnel. Pourquoi cette stupide exhibition ? On va droit dans le mur car l on veut seulement voir le monde à travers le spectre de l islam, c est de l aveuglement.