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les confusions de Michel Onfray

La philosophie est certes une discipline particulière que l’on assimile injustement à l’athéisme. En effet l’amour de la sagesse ne contredit en rien l’amour de Dieu. Il invite simplement les hommes à prendre conscience de leur ignorance.

Michel Onfray fait pourtant profession d’athéisme, invitant les spectateurs musulmans ou non à le rejoindre. Nous allons essayer méthodiquement de comprendre son point de vue sans omettre de critiquer quelques erreurs à corriger sans ambage.

Le point de vue qu’il développe ici sur RMC vise la religion. Il considère l’islam, comme un problème, distinguant curieusement ceux qui le pratiquent et la religion qui le représente. Sa raison est claire. Les croyants seraient moins responsables que les Textes sacrés dont les éléments seraient obsolètes. Une bonne question serait de la responsabilité humaine, du Kur’ân divin et de la difficulté d’interpréter un Texte de 632, mais reprenons méthodiquement cette émission.

Le journaliste interroge pour sa part le philosophe qui prend ses distances pour exposer sa thèse. À la question « Faut-il en France interdire la burqa, il indique tout de suite qu’il désire une réflexion de fond : « Discuter sur la burqa, ce n’est pas réfléchir sur le véritable problème des rapports entre l’islam et la république. Le Texte rétro de l’islam, daté du 7ième siècle, serait donc en question. Le journaliste lui demande alors comment il se fait que de nombreux musulmans soient républicains et respectueux des lois de la république. Michel Onfray lui rétorque qu’il n’a rien contre ces musulmans mais qu’ils prennent alors des libertés avec les croyances et les dogmes. Ces deux termes importent car le terme de croyance est différent de celui du savoir et de la foi, don de Dieu, et les dogmes ont toujours été contestés par les philosophes.

Michel Onfray définit pour sa part l’islam par le Coran qu’il invite à lire ainsi que la vie du Prophète et ses ahadîth (les paroles du prophète Muhammad). Il oublie seulement que l’islam dépend pour tout être humain de la foi (imân) et de la bienfaisance (ihsan). Il poursuit sa démonstration à l’aide d’exemples polémiques et peu nobles pour montrer que l’islam s’oppose à la république.

Il conteste violemment ce qu’il nomme : « sa logique inégalitaire et misogyne, son antisémitisme et sa haine de l’étranger ». Il y ajoute son anti-pacifisme qui défendrait « la peine de mort et l’égorgement des infidèles ». Ces thèmes sont ceux de l’islamophobie, de la haine de l’islam réduit à des injustices que quiconque, les musulmans y compris, sont capables de condamner ! Il nous rappelle que pour lui, les croyants ne sont pas responsables de leur injustice mais le Texte sacré !

Le Coran condamne pourtant l’injustice. Sa lecture le montre bien. Trois articles développés, sur ce même site, viennent de paraître sous la plume du Dr. Al-‘Ajamî. Il y dénonce rationnellement de telles erreurs d’interprétation, étrangères au Texte mais Michel Onfray ne connaît guère les progrès de l’exégèse coranique ni la diversité des musulmans, différents sans doute des athées !

Ses arguments sont étonnants lorsqu’il demande à ses interlocuteurs de lire. Ne sait-il pas que tel est le premier devoir des croyants ? Il ignore probablement qu’ils devraient lire la totalité du Coran, chaque année pendant le Ramadân. Une telle lecture, bien comprise, le contredit certes sans peine : le message du Coran n’est ni inégalitaire, ni misogyne, ni antisémite. Il ne favorise pas non plus la peine de mort, à moins que le lecteur ne confonde les prescriptions du pharaon dans ce même Texte sacré avec celles de Dieu.

Nous préciserons cette référence, après avoir critiqué son dernier argument. Il invite en effet à dialoguer avec des « musulmans athées » ? S’ils sont musulmans, comment pourraient-ils se soumettre à Dieu (sens du mot arabe islam et muslim) et professer l’athéisme (disant que Dieu n’existe pas) ? Nous serions en présence d’une vulgaire faute de logique si nous oubliions que Michel Onfray désire que les hommes musulmans, y compris, sortent de leurs religions et deviennent athées.

Il décharge tout autant lecteurs et non-lecteurs de toute responsabilité, disant que les livres sacrés sont ringards et non-adaptés au progrès actuel. Il raille d’ailleurs à titre de comparaison d’autres intellectuels contemporains comme « les marxistes qui ne croient pas dans la lutte des classes, les chrétiens qui ne croient pas au paradis et qui se font payer très cher pour aller en mission » parce qu’ ils s’éloignent d’autres textes originaux. De même ajoute-t-il des freudiens ne croient pas dans l’existence de l’inconscient.

Nous remarquons qu’il mélange ici des croyants et des athées mais aussi des ouvrages scientifiques et religieux. Quant aux « musulmans », ils auraient raison de ne pas rester fidèles aux Textes sacrés, des choses du passé à réformer.

Ignore-t-il que la réforme désirée doit être celle de tout lecteur et non du Texte sacré et que la lecture d’un texte pour devenir compréhensible demande un vrai travail rationnel et spirituel. Tout lecteur attentif distingue le Texte lui-même et les applications même légales qui en ont été tirées. Il remarque aussi que le Texte sacré fait entendre les points de vue de plusieurs interlocuteurs et non de Dieu seul. Muhammad Asad, exégète musulman, reconnu en notre temps, a dénoncé de telles confusions, dans la seconde partie du 20ième siècle (1). Il oppose notamment la Parole de Dieu et les menaces du pharaon de crucifier les incroyants ou de couper leurs mains etc. Cette référence promise interdit aux juristes particulièrement de confondre Dieu et son antithèse coranique : le pharaon, même s’il se prenait pour Dieu. Nous ne saurions oublier que Michel Onfray est athée, c’est-à-dire sans dieu, à aucune exception près !

Il convient de noter d’autre part la différence entre des traités philosophiques, cités par Michel Onfray, aussi scientifiques qu’ils soient et les livres sacrés. Les premiers font évoluer des connaissances, pratiquant par essais et erreurs. Les seconds transmettent une révélation et invitent tous les hommes au bonheur ici-bas et dans l’au-delà quelque soit leur classe sociale et l’état de leur psychisme, voire même leur ignorance vis-à-vis du paradis et du zèle des croyants (2).

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La foi à son tour reste à distinguer de tant de croyances. Elle est un don de Dieu, demande la lecture ou l’audition de la révélation et une démarche individuelle. Elle est de l’ordre du savoir intuitif, opposé non seulement aux croyances mais à tant de passions individuelles et collectives dont les savants et tant de religieux ne sont pas exempts. Ne sommes-nous pas en fait tous des mécréants sans même nous en rendre compte, ignorants par exemple ce qu’est l’au-delà ?

Lorsque Michel Onfray rejette les Livres sacrés et la Parole de Dieu, il exprime un mythe facile à dégonfler comme celui du progrès ou du sens de l’histoire. Il n’a aucun souci de l’éternité. Nul n’ignore qu’à travers le temps il y a eu des changements en mieux et en pire d’ailleurs. Ne faut-il pas pourtant reconnaître que les meilleures évolutions correspondent aux principes moraux essentiels présents dans le Coran. Ils appellent à l’égalité de droit par delà tant d’inégalités, à la liberté malgré tant d’esclavages, à la fraternité par delà la haine. Ces principes sont valables pour l’éternité et malgré les désordres de l’histoire des hommes.

Qui ignore que les religions ont transmis des paroles que les croyants n’ont guère mises en pratique. Les prophètes ont régulièrement mis en garde les communautés qui ne suivaient pas l’ordre voulu par Dieu. En témoigne sans doute le fait que des juifs, des chrétiens et des musulmans n’ont guère été des artisans de paix, tolérants et amoureux de leurs semblables. C’est une vieille histoire comme celle des guerres de religions qui risquent de perdurer à cause de notre ignorance et du rejet de Dieu malgré la nature originelle des hommes. Leurs causes ne sont pas les Livres sacrés mais leur instrumentalisation au service des pouvoirs. Dans ce sens, l’expression de Michel Onfray nous interroge lorsqu’il dit : « les communautés religieuses sont intrinsèquement intolérantes. Elles ne supportent que leur Dieu et celui du voisin n’est pas le Bon Dieu ». N’est-ce pas l’indication d’une autre ignorance ? celle de ceux qui ne se soucient pas qu’un seul Dieu dans des langues différentes a transmis Son message et qu’il n’a guère été entendu par les puissants de ce monde.

C’est à ce niveau que se situe le débat mais dans le cadre de la nouvelle histoire qui observe des hommes aspirant au salut et à la paix dans toutes les civilisations. L’athéisme de Michel Onfray pourrait aussi avoir un sens. Avant même de s’interroger sur l’existence de Dieu, indémontrable, il observe l’agressivité de communautés de croyants. Il préfère alors s’entretenir avec des « musulmans athés », sans relation avec un pouvoir clérical ou juridique afin que triomphe la tolérance véritable, accueillant y compris les athées en bonne hospitalité.

Cette tolérance véritable a pourtant déjà été vécue par des spirituels musulmans. Dès le 13ième siècle Ibn Arabî, avait respecté toutes les religions et analysé l’athéisme. Il était un croyant et un grand mystique.

Le point de vue de Michel Onfray demeure ambigu : il dit paradoxalement reconnaître les valeurs de l’islam, confondant à l’occasion Dieu et les prophètes. Il ignore, nous l’avons noté la condamnation des prophètes des communautés qui ne respectaient pas la Parole de Dieu. Son souci n’est pas non plus de contextualiser les ahadîth ! Il apprécie les réformistes mais refuse de considérer l’idée que chacun se fait de Dieu. Cette idée pourrait bien être un discriminant majeur, évitant à l’occasion certains athéismes. Si Dieu en fait était un pharaon, il ne serait qu’un faux dieu, une idole ! Combien de juristes n’ont-ils pas oublié la miséricorde divine, faisant du Créateur des mondes un tyran injuste ? L’athée à ce niveau « cacherait » (3), nous dit Ibn Arabî, sa relation ineffable avec Dieu. Il rejetterait les idoles sans pouvoir attester la Miséricorde divine. Il n’est pas un croyant qui s’ignore mais il a des raisons de douter des religions. Où trouver le véritable « Islam » ?

Michel Onfray se trompe cependant à cause de son ignorance du fondement de toute religion. Il convient de le rappeler en présence de la beauté du monde. Il n’en reste pas moins que dans notre république, les athées ont leur place comme toutes les religions si elles restent conscientes à leur tour de leur ignorance.

Ma conclusion sera sans fard. L’erreur est humaine mais elle peut être corrigée si l’on saisit ce qui l’a provoquée. Les religions et l’athéisme existent sur notre terre et depuis fort longtemps. Le Coran n’en parle-t-il pas ? Il s’agit de vivre ensemble sans diaboliser autrui, surtout au nom de Dieu. La république n’est pas une panacée universelle. La laïcité a de bonnes raisons pour interdire la domination de l’homme sur l’homme qu’il soit ou non religieux.

L’islam n’est plus un problème s’il se fonde en vérité sur la lecture du Coran et non sur des caricatures faciles à effacer. Il énonce des principes fondamentaux d’une manière nouvelle et originale, à distinguer de tant d’applications contingentes et à contextualiser. Michel Onfray aime sans doute la justice, qui est bien un nom de Dieu dans le Coran. Lui reste sans doute à distinguer Dieu et les hommes même s’ils aspirent à la justice puis à lire le Coran !

(1)Muhammad Asad (1900-1992), auteur en langue anglaise de The Message of the Qur’ân . Cet ouvrage qui comporte le texte et la traduction du Qur’ân s’accompagne de notes précieuses. Il a été traduit en turc et en espagnol. Sa traduction française devrait bientôt être éditée. Il montre clairement que le pharaon menace ceux qu’il accuse d’impiété de les crucifier ou de leur couper les mains et les pieds. Ces menaces seraient-elles compatibles avec la Miséricorde divine ?

(2) Dans son troisième article sur Oumma, le Dr.Al-‘Ajamî précise les conditions de la mission des musulmans, y compris à l’égard des mécréants. Cf. Que dit vraiment le Coran. Cf. citation d’Éric Geoffroy dans L’islam sera spirituel ou ne sera plus (éditions du Seuil (2009)) : « les mécréants cachent leur station spirituelle ».

(3) Le Dr. Al-‘Ajamî explique que cette citation provient du commentaire d’Ibn Arabî, dans Les illuminations de la Mecque, du verset 6 et + de la deuxième sourate. Ces versets mettent en évidence tant de cas de figure de la mécréance à distinguer de l’incroyance

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