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Les anti-Ramadan, le mufti sans mosquée, et le beur de service

Le jeudi 26 septembre, la sixième chambre du tribunal correctionnel de Lyon a examiné la double plainte en diffamation de Tariq Ramadan, contre le mensuel Lyon Mag et le directeur des Cahiers de l’Orient, Antoine Sfeir, lequel a fait appel à plusieurs témoins pour soutenir ses affirmations selon lesquelles Ramadan est « un fondamentaliste charmeur spécialiste du double langage ». Parmi les détracteurs de Ramadan, se sont notamment succédés à la barre, le grand Mufti de Marseille, Soheïb Bencheikh, Rachid Kaci, et Michel Renard. Ces néo militants de la lutte contre le « fascisme islamique (sic) ont donné une nouvelle conception de la fraternité musulmane en stigmatisant un autre musulman en l’occurrence Tariq Ramadan qui venait d’être diffamé par Antoine Sfeir, grand admirateur par ailleurs du très « démocratique » régime tunisien de Ben Ali, et dont les travaux sur l’islam relèvent plus de l’idéologie que de l’investigation journalistique. Personne jusqu’à présent n’a pu fournir le moindre propos attestant du « fameux » double discours de Tariq Ramadan qui n’est qu’un fantasme entretenu par les anti-ramadan qui semblent surtout gêner par l’audience et la crédibilité dont jouit ce dernier auprès des jeunes. S’il est sain et même indispensable de débattre dans la sérénité des positions de tel ou tel intellectuel, force est de constater cependant, que les reproches formulés à l’encontre de Tariq Ramadan s’apparentent plus à un procès en sorcellerie qu’à une critique de fond de sa pensée. Il est tout de même surprenant par exemple, que Michel Renard qui s’est distingué dans un passé récent par des prises de position courageuses en faveur des musulmans puisse rejoindre cette coalition hétéroclite anti-ramadan composée d’opportunistes à l’égo démesuré, d’islamophobes patentés et de petits « beurs de service » tombés en disgrâce. Avant d’opérer un revirement spectaculaire quant à l’appréciation de la pensée de Tariq Ramadan, Michel Renard avait effectué un compte rendu élogieux du livre de Tariq Ramadan « Etre musulman européen » dans le numéro 7 de la revue Islam de France. Michel Renard soulignait « qu ’en tant intellectuel attaché à la déontologie du texte écrit, j’estime un auteur engagé par ce qu’il signe. Et j’apprécie la réintroduction d’un point de vue critique à l’égard de la tradition musulmane par Tariq Ramadan (…) » Michel Renard concluait tout simplement son compte rendu en recommandant vivement de lire Tariq Ramadan !!! « Il faut lire Tariq Ramadan et oublier les procès d’intention » numéro 7 de la revue Islam de France (p.174).

En revanche, que Soheib Bencheikh et le nouveau venu Rachid Kaci témoignent contre Tariq Ramadan ne constitue guère une surprise.

Le « grand » Mufti éclairé

On ne présente plus le super Mufti de Marseille Soheib Bencheikh qui s’est fait remarqué au cours de ce procès par un témoignage burlesque qui a fait pouffé de rire tout le tribunal. Depuis sa nomination au poste de Mufti, Soheib Bencheikh s’est lancé sans résultats probants à la recherche d’une mosquée qui pourrait abriter sa « science universelle ». Le grand mufti a longtemps déambulé dans les couloirs des grands médias muni de sa bougie, d’où sa réputation de Mufti « éclairé ». Dès qu’une caméra apparaît, notre mufti national ne peut se retenir d’échanger aussitôt sa bougie contre un projecteur pour mieux entretenir son image du musulman détenteur d’un islam des lumières. Malgré sa notoriété médiatique, le mufti astronomique de Marseille demeure un éternel incompris au sein de sa communauté. Quelle injustice, lui qui ne demande qu’à éclairer ses coreligionnaires qui sont tous terrés dans l’obscurantisme ou plutôt dans l’obscurité. Les 5 millions de musulmans de France privés « d’électricité » ne semblent pas mesurer la chance qu’ils possèdent de voir ce mufti la main sur le cœur, leur proposer de les irradier de ses lumières. A l’heure où la privatisation d’EDF est évoquée, voilà un concurrent sérieux pour la grande entreprise publique. Sacré Soheïb, le slogan de l’EDF lui va à merveille. Soheïb nous doit « en effet plus que la lumière ! ».

Du statut de petit beur à celui de « savant »

Autre individu appelé à témoigner contre Tariq Ramadan, Rachid Kaci qui n’a pas manqué d’étonner tous ceux qui le connaissent en se présentant au tribunal en tant que musulman, lui l’amateur des surprises-parties et des dîners dansants. Ce néo-musulman, ex militant de France Plus qui avait soutenu la guerre contre l’Irak en 1991, a également fourni au tribunal une prestation proche du ridicule.

La première rencontre de Rachid Kaci avec la culture arabo-musulmane s’est produite à l’occasion de la projection dans son quartier d’enfance du film «  Ali Baba et les quarante voleurs » interprété par Fernandel. Auparavant Rachid Kaci a été durant des années « le beur » de Charles Pasqua dans le département des Hauts de Seine (92). C’est ainsi qu’il débuta sa fulgurante mais néanmoins éphémère carrière de beur de service. Chargé de la distribution du café en 1994 au sein de la permanence électorale de Didier Schuller alors candidat à la mairie de Clichy, Rachid Kaci prendra une autre dimension au cours de l’élection présidentielle de 1995 qui a vu Charles Pasqua soutenir la candidature de Balladur. Il était demandé à Rachid Kaci de s’asseoir aux derniers rangs des sièges situés près du radiateur au cours des meeting du candidat Balladur. Avec une bonne loupe, et en s’approchant à 2 centimètre de l’écran télé, on pouvait apercevoir quelques cheveux de Rachid Kaci, mais également une partie de son nez et la moitié de ses oreilles. Cette position privilégiée dans la tribune lui a valu une petite notoriété médiatique. Rachid Kaci a cru alors naïvement qu’il pouvait passer du statut de « beur de service » assis sur le siège d’une tribune à celui de ministre assis autour de la table d’un Conseil des ministres présidé par Balladur. Malheureusement pour Kaci, Balladur sera éliminé dès le premier tour des élections présidentielles. Le beur qui était donc près du radiateur fondit aussitôt. C’est là qu’intervient Alexandre Del Valle (dont on connaît les sympathies sionistes), ce « chercheur » qui voit des ’’islamistes partout’’. Del Valle lui propose alors de se glisser dans le rôle du musulman doté de toutes les qualités : moderne, ouvert tolérant démocrate, intelligent, généreux, intègre, serviable, gentil, sympa, poli, génial adorable, sans défense et à qui les islamistes barbus ou sans barbe veulent faire la peau …. Le summun de leur collaboration se traduira par la parution récente d’un livre de Del Valle intitulé « Le Totalitarisme islamique à l’assaut des démocraties occidentales » préfacé par ce même Rachid Kaci qui s’attribue le beau rôle en se faisant passer avec ses petits copains pour le sauveur des démocraties menacées par ces musulmans qui décidément n’ont rien compris à leur religion. Del Valle a réussi le tour de force de transformer un petit beur qui ignorait tout de l’islam jusqu’à l’existence même des 5 piliers de cette religion en un savant à côté de qui les penseurs et islamologues Mohamed Abdou, Ali Mérad Averroes, Mohamed Arkoun, Mohamed Iqbal, Malek Bennabi, Ali Abderraziq, Nasr Abû Zeid sont des petits joueurs de billes !!

Nous voilà tous rassurés, nous pouvons dormir tranquille. Le mufti éclairé et le petit beur veillent non seulement sur nos démocraties, mais se sentent en mesure de contribuer seuls au renouveau théologique et spirituel de l’islam !

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Notes :

(1) cf à ce sujet l’article paru dans le Journal le Monde daté du 2 octobre 2002 « La Tunisie, paradis de la démocratie dans le monde arabe ? ». Le dernier numéro de la revue Les cahiers de l’orient dont Antoine Sfeir est directeur est comparée dans cet article à un manuel de propagande au service du régime tunisien de Ben Ali.

(2) Cf l’article de Philippe Lançon dans Libération daté du 8 septembe 1995, « Le beur de Charles Pasqua cherche un nouvel emploi Rachid Kaci n’est plus médiateur des HLM des Hauts-de-Seine ». Dans cet article, Philippe Lançon notait que Rachid Kaci « tenait sa place sur l’estrade, au cours des meetings de M. l’ex-Premier Ministre Balladur, dans un panel figurant la société française. »(…) « J’y suis allé parce que Pasqua et ses amis me l’ont demandé » explique-t-il. Ils m’ont mis là parce qu’un petit Arabe, ça faisait sympathique » précise Rachid Kaci. Dans ce même article, l’ancien ministre et député socialiste Michel Sapin expliquait l’arrivée de Rachid Kaci au sein du RPR, « Parce qu’on (sous-entendu les socialistes) ne lui a pas proposé le brillant rôle de beur de service qu’il voulait”. Toujours dans cet article, Rachid Kaci souligne pourquoi il a soutenu la guerre contre l’Irak en 1991.

(3) Cf l’article de René Monzat paru dans Ras l’Front « L’étonnant parcours d’Alexandre Del Valle Portraits croisés d’un militant multicartes ».

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