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L’ère de l’antiracisme : les musulmans sont-ils concernés ?

C’était lors de la cérémonie de passation de pouvoir. Eric Dupond-Moretti, nouveau Ministre de la Justice, déclarait : « Je serai un garde des sceaux de sang mêlé, mon ministère sera aussi celui de l’antiracisme et des droits de l’Homme. » Le Garde des Sceaux donnait ainsi une indication très forte sur l’ère du temps et la préoccupation du moment. En effet, nous observons depuis plusieurs semaines une préoccupation majeure et populaire, un vent contestataire qui frappe la France et plusieurs pays dans le monde pour dire STOP au racisme et aux discriminations en raison de l’origine, de la religion ou de la couleur de la peau, entres autres.

Cette colère et cette fronde correspondent à une lame de fond qui traverse la société et qui ne date pas d’aujourd’hui. Elles se croisent aux revendications et mouvements anti-racistes contemporains; les revendications de la « Marche des Beurs » en 1983 en France qui répondaient à celles des afro-américains dans les années 60 aux Etats-Unis, pour ne prendre que ces exemples.

Des statuts déboulonnées, des rues débaptisées dans les principales capitales du monde symbolisent aujourd’hui cette nouvelle génération que l’on qualifie de « Génération Adama Traoré et Georges Floyd ». Jugés par certains comme « victimaires » et « clivants », ces mouvements de rejet du racisme et des discriminations sont la parfaite illustration de la profonde aspiration vers davantage d’égalité et de solidarité qui anime les peuples.  

Que disent les textes fondateurs de l’Islam :

Le Coran institutionnalise l’altérité des origines et des groupes humains :

 « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. »  (49:13).

Par conséquence, le seul critère de différenciation entre les Hommes est le comportement et, sur le plan religieux, la piété. Lors de son dernier Sermon, à l’occasion du pèlerinage d’adieu, le Prophète a tenu des propos sans équivoque sur le racisme et la différenciation sur la base de l’origine ou de la couleur de la peau : 

« Toute l’Humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est point supérieur à un non Arabe, et un non-Arabe n’est point supérieur à un Arabe. Et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que les Noirs ne sont point supérieurs aux Blancs. … Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en piété et en bonnes actions ».

Malheureusement, le racisme existe depuis la nuit des temps. 

Comme l’a souligné Muhammad Hamidullah dans un livre sur la question, le premier à avoir brandi l’étendard de la supériorité par rapport à autrui n’est autre que Iblîs (Satan), lorsqu’il déclara au sujet de notre père Âdam en s’adressant à Dieu :  « Je suis meilleur que lui : Tu m’as créé de feu et Tu l’as créé d’argile » (7:12).

Quelles retombées sur le racisme anti-musulman :

Nous assistons de plus en plus à la libération de la parole islamophobe. 

Des hommes et des femmes politiques, ainsi que des chroniqueurs dans les médias, s’évertuent à dénoncer une prétendue volonté « d’islamisation » de la France de la part des français musulmans.

Certains de nos compatriotes n’hésitent pas à concrétiser cette islamophobie en insultes, en agressions verbales ou physiques … voire en attaques visant des mosquées, des carrés musulmans, … etc.

Il faut espérer que la vague d’antiracisme actuelle produise, par un effet de ruissellement, des retombées positives sur la société française, avec une meilleure acceptation de l’autre et un dépassement de la recherche du « bouc émissaire » parmi les musulmans … parce qu’ils sont musulmans.  

Les musulmans sont-ils exempts de tout risque ?

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La réponse n’est pas si affirmative que ça.

Un célèbre Hadith relate l’échange qui a eu lieu entre deux compagnons du Prophète : Abou Dhar et Bilal Al Habachi.

Abou Dhar  avait interpelé Bilal d’une manière déplacée : « Hé, fils de noire » !

Lorsque le Prophète prit connaissance de ces propos, il s’empressa de réagir :

« Abou Dhar ! Tu es un homme qui a un comportement de l’ère anté-islamique  (Al Jahilya). »

Dans un autre Hadith, le Prophète indiqua à Abou Dhar :
« Sache qu’un Banc ne peut être mieux qu’un Noir, si ce n’est par la piété.»

 

Il faut savoir que Bilal, le Muezzin attitré du Prophète, était un esclave affranchi par Abou Bakr, premier Calife de l’Islam.  Ce type événements entre les compagnons du Prophète est certes rare, mais il montre que personne n’est totalement à l’abri d’un tel écart de conduite au sujet du respect de l’égalité entre les Hommes. 

Les Arabes … le meilleur des peuples ?

Même si l’arabe est la langue du Coran, l’Islam n’a jamais accordé un quelconque privilège spécifique aux musulmans arabes par rapport aux non-Arabes.   D’ailleurs, beaucoup d’éminents savants et théologiens musulmans ne sont pas d’origine arabe. La liste de leurs noms serait trop longue à citer … Ainsi, aucune remise en question de la religiosité d’un non arabe, basée sur ses origines ou la couleur de sa peau, ne peut être tolérée. 

Pourtant, des surnoms communément utilisés par certains Arabes, tels que : « azzi » (nègre) ou « kahlouch » (noir) … ou pire « abd » (esclave)  s’apparentent à un racisme à peine voilé.

Ces appellations souvent utilisées sur le ton de la dérision ou de la moquerie sont à bannir à jamais.

Pour autant, intenter un procès en « négrophobie » de manière généralisée à des sociétés ou des populations arabes serait une étape dangereuse qu’il ne conviendrait pas de franchir car elle serait alors excessive et caricaturale.

Pour conclure, ces quolibets vexatoires et involontaires, sont des résiduels qui tirent souvent leur source d’un ancrage culturel.  Ensemble, nous devons articuler nos efforts pour traiter ces fléaux par plus d’éducation et de pédagogie, en accentuant cette sensibilisation auprès de notre jeunesse

 Anouar Kbibech

Président du RMF, ex-Président du CFCM

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