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Le vivre ensemble ne se décrète pas, il se construit !

Depuis les attentats du mois de janvier, beaucoup d'élites politiques, associatives, religieuses et culturelles, ne cessent d'affirmer haut et fort qu'il convient de revenir aux fondamentaux de la République et de la laïcité, ce qui constitue une bonne chose en soi. Si tout le monde peut être d'accord sur la finalité de ces deux concepts, en revanche, des divergences, non seulement sémantiques, peuvent surgir quant aux modalités permettant de parvenir à ce vivre ensemble et cela va bien au-delà du « je suis » ou « je ne suis pas charlie . »

En effet, il ne suffit pas de procéder par incantation en répétant sur tous les autels publics : hémicycles parlementaires, conférences de presse, institutions publiques ou privées, salles de classe, que la laïcité demeure la valeur fondamentale de l'édifice républicain , encore faut-il l'expliquer, susciter une réflexion au sein de laquelle la rationalité primera sur toute autre considération, à commencer par l'émotion et/ou la passion qui comme chacun sait constituent des remparts rédhibitoires à toute analyse sereine et objective de la situation.

Dès 1988, je suggérais dans mon doctorat de philosophie politique quatre préconisations imposant une investigation de tous les champs de la connaissance : philosophique, historique, anthropologique, linguistique et religieuse. J'observe qu'il aura fallu une tragédie comme celle que la France vient de connaître pour que les plus hautes autorités de l'Etat par la voix du Président de la République reconnaissent la nécessité d'un enseignement laïque du fait religieux. 

Telle est la première préconisation, formulée dans ma thèse sans l'épithète laïque, qui ne me semble pas pertinente, tellement elle semble évidente, cela relève même du néologisme. En effet, la France, contrairement à ses voisins, a toujours confondu analyse critique du fait religieux et approche doctrinale des religions. Dans le premier cas, il s'agit d'une démarche rationnelle visant à réfléchir le fait religieux en tant qu'objet d'étude, le second cas relève d'une approche théologique qui pose l'antériorité de la croyance sur la connaissance.

La seconde préconisation vise à ouvrir un espace d'expression scientifique selon le modèle fréquemment rencontré dans les départements disciplinaires de la littérature générale et comparée, en tout cas, celui auquel j'ai participé à La Sorbonne-Nouvelle où nous confrontions des textes dits sacrés, extraits du Koran, de la Bible, du Talmud, du Tao-te-King, du bouddhisme à travers des commentaires composés rédigés selon la méthodologie universitaire la plus classique : analyse, discussion, résolution. Je précise que ce travail comparatif ne se confond nullement avec l'exégèse qui impose la primauté du dogme dans la mesure où elle s'adresse aux croyants. 

La troisième préconisation tend à instaurer une initiation à la pluralité des civilisations et notamment celles de la diversité française dans la continuité du rapport produit en 1985 par le célèbre professeur Feu Jacques BERQUE et repris plus tard par le non moins célèbre professeur Feu Mohammed ARKOUN. Cette initiation doit être associée à l'enseignement de l'arabe, voire du chinois dès le collège. Nous savons tous que l'immersion linguistique favorise la compréhension des civilisations, la méconnaissance de la civilisation musulmane représente un obstacle évident au dialogue des civilisations.

La quatrième préconisation conduit à promouvoir un savoir minimum interculturel de communication (SMIC culturel) entre musulmans et non musulmans. On ne peut apprécier Molière sans connaître Ibn ARABI et réciproquement. VINGT-SEPT ANNEES ONT PASSE ET JE CONSTATE AVEC RESIGNATION QUE NOUS EN SOMMES AU MEME POINT.

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Comment comprendre sans aucune culture religieuse, Notre Dame de Paris de Victor Hugo ou la pensée de philosophes chrétiens comme Saint-Thomas d'Aquin ou Jean Lacroix sans oublier le grand philosophe musulman IBN RUSHD plus connu sous le nom d'Averroes au programme de l'agrégation de philosophie. 

D'autre part, la laïcité : principe intellectuel et moral, fondé sur la Raison et qui permet toutes les expressions religieuses et politiques, conformes à la loi sans en privilégier aucune, ne peut stigmatiser une communauté, une ethnie, a fortiori, une religion. Depuis trois semaines, le collectif contre l'islamophobie en France a enregistré plus d'actes anti-musulmans que sur l'ensemble de l'année 2014. Au moment où j'écris ces lignes, un enfant de 8 ans est poursuivi à Nice selon l'avocat ayant assisté à son audition pour « apologie du terrorisme . »

Comment qualifier cette poursuite de « laïque », de « mesure exceptionnelle », de « Patriot Act » ?

Même à La Réunion, malgré la condamnation ferme et catégorique de tous les fondamentalismes par le conseil régional du culte musulman, l'ancien maire de Saint-Paul demande au Président de ce conseil, dans une tribune publiée dans ce même journal,  de faire preuve de plus de clairvoyance eu égard à une attitude vestimentaire qu'il considère comme un signe ostentatoire alors que les musulmans de La Réunion vivent ainsi depuis des décennies.

Comment ne pas évoquer Albert CAMUS lorsqu'il écrit dans la Peste : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde . »

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