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Le sionisme réexpliqué à nos potes

Palestine, la dernière colonie ? par Lucas Catherine
Editions EPO

La Palestine ne serait-elle pas la dernière colonie ? Telle est la redoutable question que pose le livre de Lucas Catherine, spécialiste du monde arabe. Il y apporte une réponse percutante et documentée. Premier dommage collatéral en perspective : la fable d’un sionisme bon enfant, bromure de propagande distillé en tièdes comptines à l’usage des “potes“.

Assurément sa lecture ne plaira pas à tout le monde. Toute vérité n’est pas bonne à entendre. Mais les témoignages alternent avec les photographies, les chiffres avec l’histoire, à l’issue d’un long et patient travail d’enquête sur le terrain. Rien n’est plus à l’opposé des dithyrambes et des panégyriques chantés en boucle par les coryphées du prêt à penser. Après un tel ouvrage, rien ne sera plus comme avant et plus personne ne pourra dire : on ne savait pas.

Le théoricien du sionisme : Théodore Herzl.

L’ouvrage commence par identifier les objectifs du sionisme. Pour ce faire, il donne la parole à son interprète le plus autorisé, Théodore Herzl (cf Théodore Herzl, Der Judenstaat, 1896). Que veut-il ? Fonder un Etat juif en Palestine, “bastion de la Civilisation contre la Barbarie” (sic).Quel sort “La ” civilisation herzlienne réserve-t-elle à la “population locale” ? Réponse : “assécher les marais et tuer les serpents ” ! (sic) Destination finale des “tueurs de serpents” : “discrètement les expulser du pays” (sic). Notons à cette occasion que finalement il existe bel et bien une “population locale“, là où on nous avait affirmé urbi et orbi qu’il “n’existe pas et n’a jamais existé de peuple palestinien” dixit Golda Meir, et que la Palestine est “une terre sans peuple pour un peuple sans terre” (idem). Vladimir Jabotinsky ne s’y était pas trompé, lui qui écrivait dès 1923 à propos des Palestiniens : “Ils ne sont pas un mélange indéfini mais une nation, une nation opprimée mais une nation“. Le fondateur du redoutable Irgun, ancêtre du Likoud d’Ariel Sharon savait de quoi il parlait, lui qui proposait dans ses écrits l’érection d’un “Mur de fer ” entre Juifs et Arabes (Vladimir Jabotinsky, Le Mur de Fer,Nous et les Arabes , 4 novembre 1923).

Le mythe de la mise en valeur de la Palestine par Israël.

L’ouvrage sonne le glas des calembredaines dont on nous a nourris depuis tant d’années. On nous avait inculqué que seul le colonisateur avait su mettre en valeur le pays avec ses kibboutzs. Hélas ! Là où l’on croyait avoir affaire à des confins mornes et désolés, dont la mise en valeur n’attendait qu’une main civilisatrice,Lucas Catherine nous montre un pays florissant et prospère en plein milieu du XIXè siècle. En 1873, la seule région de Jaffa comptait 420 plantations d’oranges avec une production annuelle de 33 millions de pièces qui dès 1875 se lancent à la conquête du marché européen ! Les Palestiniens utilisent des techniques de greffe si élaborées que les Américains les importent en Floride !

Le temps béni des colonies.

Le sionisme nouveau Janus- Côté face, on nous avait expliqué que le sionisme était un exemple réussi de socialisme non communiste, justifiant à ce titre que le soutien à Israël allât ” de soi ” lors de la guerre des Six Jours, comme l’a déclaré Guy Mollet au nom de l’Internationale socialiste. On apprend côté pile, qu’il s’agit d’une entreprise typiquement coloniale.

Coloniale, l’entreprise l’est d’abord par les appuis qu’elle se cherche auprès des puissances colonialistes du moment,l’Angleterre,la France,l’Allemagne nationale-socialiste… et à présent les Etats-Unis,soucieux de s’assurer dès 1942 un double appui dans une région riche en pétrole : le fondamentalisme d’une part,le gendarme israélien de l’autre.

Elle l’est ensuite par l’inhumanité de ses procédés et les institutions dont elle se dote.

« Si Deir Yassin n’avait pas eu lieu »- On nous a répété à l’envi que le terrorisme est la marque des peuples du Moyen Orient. On a disserté à satiété sur les aspects terroristes de l’islam. Las ! On apprend que les introducteurs du terrorisme dans la région n’en sont pas originaires. Ici, deux cents civils sont tués à la mitrailleuse, là soixante-quatre villages sont rayés de la carte, plus loin on massacre quatre-vingt personnes dans une mosquée. La Haganna et l’Irgun, deux redoutables organisations sionistes multiplient les actes terroristes à l’encontre des Palestiniens et des Britanniques (cf l’explosion de l’hôtel King David à Jérusalem le 22 juillet 1946 ; 91 victimes).On assassine le comte Bernadotte,médiateur des Nations Unies en Palestine en 1948. Point d’orgue : le lien redoutable établi par Menahem Begin,ex-président du Conseil israélien,ex-dirigeant de l’Irgun, entre le massacre des habitants du village palestinien de Deir Yassin en 1948,et l’existence même d’Israël : ” Si Deir Yassin n’avait pas eu lieu,dit-il,Israël n’aurait jamais existé ” !

Des institutions coloniales- Toutes les institutions, même les plus inattendues concourent à un même but :la colonisation. Golda Meir, dirigeante de l’Histadrout définit ce syndicat à sa façon : ” Ce grand syndicat n’était pas uniquement un syndicat, mais un grand organisme de colonisation “.Le mot lui-même revient comme un leitmotiv dans les déclarations et les écrits de tous les dirigeants. Dès les années vingt du siècle dernier,Ben Gourion assigne pour rôle au syndicalisme sioniste de ” renforcer la Haganna, accélérer la colonisation et exiger en permanence un travail hébreu “.On découvre à cette occasion une étonnante galerie de portraits,au nombre desquels de futurs prix Nobel dont Shimon Peres, ” apôtre de la paix ” qui ,en dirigeant de la Israeli Military Industry lance le célèbre slogan : ” Faites fondre vos charrues pour forger des armes ” lors de la seconde guerre mondiale.

L’apartheid

C’est surtout un arsenal juridique en Israël même, depuis la loi sur la propriété des absents à la ” loi Sharon “, en passant par les lois d’urgence britanniques à peine toilettées, la loi d’exception sur les zones de sécurité, la loi sur les terres non travaillées, la loi sur l’acquisition des terres, la loi sur les terres d’Israël et celle sur l’aménagement du territoire, dont l’objet est d’exproprier et de dépouiller tout un peuple.

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Quant aux territoires occupés,divisés en 227 petits ” bantoustans ” dont 199 font moins de 2 km², ils vivent sous la botte militaire,et sont régis par un carcan juridique qui ne compte pas moins de 1300 ordonnances militaires embrassant tous les domaines,depuis l’expropriation des terres jusqu’à la répression,via l’archéologie,la culture du tabac,la destruction d’oliveraies,la religion,les horaires d’été et d’hiver…les routes,dont certaines sont ” réservées ” aux colons,colons dont les implantations mitent chaque jour davantage ce qui reste de ” territoires palestiniens “,nouvelles ” réserves ” de ce début de XXIè siècle. Quant aux indigènes, ils ne peuvent se déplacer d’un bantoustan à un autre qu’après en avoir dûment obtenu l’autorisation. Résultat : seuls 4% des habitants de Cisjordanie peuvent se rendre à Jérusalem où se trouve le seul grand hôpital palestinien. Ainsi le colonisateur les prive de soins de la même façon qu’il les confine au chômage- 80% de la population active- à l’analphabétisme,les enfants sont contraints de travailler,et à la mendicité,700 000 personnes vivent des rations des Nations Unies dans la ” Bande ” de Gaza.

L’avenir.

Il se présente sous les auspices d’Ariel Sharon, grand colonisateur sous l’Eternel, dont les spadassins s’occupent à faire la chasse aux personnalités représentatives du peuple palestinien, lors de ” safaris ” menés depuis les airs. Avec pour toute stratégie,la dégradation systématique de toute solution politique en simple question de sécurité,agrémentée de l’érection de commandants palestiniens,chargés d’assurer loyalement la sécurité du colon, dans le cadre d’une poussière de bantoustans dotés d’une pâle autonomie.

Pendant ce temps, la colonisation bat son plein, nonobstant le” processus de paix “.Depuis Madrid en 1991 jusqu’à Camp David il y a quatre ans, l’extorsion des terres palestiniennes a connu une augmentation de 8% par an. Désormais, 20% des terres de Cisjordanie sont annexées à Jérusalem sous couvert “ d’extension ” de la ville. Dans les ” réserves ” l’indigène jouit d’une chiche autonomie exclusive de toute compétence sur le sous-sol et l’eau…tandis que les troupes coloniales,loin de se retirer,demeurent stationnées à proximité immédiate des villes, prêtes à les réoccuper à tout instant.

En 2002, 247 000 colons habitent sur le ” grand territoire urbain ” de Jérusalem passé de 6.5km² en 1967 à 71 km² . Par ailleurs, 213 600 colons vivent en Cisjordanie et à Gaza, leur nombre ayant doublé depuis les accords d’Oslo.

Quant à la pantalonnade qualifiée de ” feuille de route “,elle n’est qu’une pathétique feuille de vigne traitant seulement d’ ” autonomie “, à l’exclusion des frontières, de l’espace aérien, de la gestion de l’eau et des terres…

Conclusion.

S’il est bien un voile dont le retrait susciterait l’unanimité, au grand dam des ” intellectuels ” laudateurs des satrapes de notre époque, c’est bien celui que l’on a délibérément apposé sur l’histoire du conflit proche oriental. Naturellement, le visage de la vérité présente une hideur repoussante, rendue plus abjecte encore par le fard odieux dont on l’affuble depuis des décennies. Mais la prise de conscience du drame vécu depuis un siècle par un peuple courageux et sans défense est à ce prix. Un peuple en danger dont le calvaire évoque la figure du Christ souffrant au Golgotha, suivant l’expression du Père chrétien palestinien Atahallah Hanna.

Chacun souhaite voir s’établir une paix juste au Proche-Orient. L’ouvrage de Lucas Catherine nous avertit qu’elle ne saurait être fondée sur le cynisme, le colonialisme et l’imposture.

La rédaction

Palestine, la dernière colonie ?
Par Lucas Catherine
EPO 2003
311 pages.
22,50 €.

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Disponible en librairie en France

Pour l’étranger commande en ligne à l’adresse
suivante : www.epo.be

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