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Le satanisme, vraie ou fausse menace ?

Pour la première fois, quatre chercheurs français se penchent sur le satanisme, avec un titre provocateur, « Le satanisme. Quel danger pour la société ? »(*). Est-ce une religion pervertie ? Présente-t-il une menace ? Ou ne faut-il y voir qu’une simple mode ?

Début avril, plusieurs tombes sont dégradées et une trentaine de croix retournées dans un cimetière de La Rochelle, en France. Dans le même temps, des inscriptions à caractère satanique ont été tracées dans plusieurs petites chapelles de la région. Ces actes particulièrement choquants semblent justifier le cri d’alerte lancé très récemment à Paris par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). L’Hexagone compterait 25 000 satanistes, dont « 80 % se situent dans la tranche d’âge des moins de 21 ans ». Toujours selon la Miviludes, les profanations de cimetières auraient triplé en trois ans, et 5 % des suicides des jeunes de moins de 25 ans « sont liés au satanisme ».

Quatre chercheurs français, et notamment Olivier Bobineau, maître de conférences à Sciences-Po et enseignant à l’Institut catholique de Paris, viennent de publier un ouvrage, intitulé « Le satanisme. Quel danger pour la société ? ». Ils prennent le contre-pied de la Mission interministérielle française, affirmant que le satanisme ne présente pas véritablement un danger pour notre société. Selon eux, il n’y aurait pas 25 000 satanistes en France, mais à peine une centaine. Les autres, et notamment les amateurs de musique black metal ou gothic, ne sont pas de véritables satanistes. Ils ne se livrent qu’à du « bricolage intellectuel ».

Selon l’Eglise médiévale, « la sorcellerie se définit comme un culte collectif organisé en l’honneur du diable ». Les chercheurs, auteurs du livre sur le satanisme, soulignent que pendant le Moyen Age et la Renaissance, les tribunaux de l’Inquisition en France ont envoyé aux bûchers 30 000 personnes, pour l’essentiel des femmes, accusées d’avoir passé des pactes avec le diable. Or, cette chasse aux sorcières ne recoupait aucune réalité historique. Il n’y avait pas de culte organisé en l’honneur de Lucifer.

Certes, toutes les affaires diaboliques ne relèvent pas de machinations. Gilles de Rais (1404-1440), compagnon de Jeanne d’Arc au moment de la prise d’Orléans, va avouer sous la torture 140 meurtres. Des rapts, des tortures, des sacrifices d’enfants dans le but de louer les démons. Le marquis de Sade (1740-1814), l’abbé Joseph-Antoine Boullan (1824-1893), et plus près de nous Charles Manson (qui a sauvagement assassiné l’actrice Sharon Tate) montrent des formes de criminalité diabolique. Mais pour les dizaines de milliers de personnes, pour la plupart très jeunes, en France ou aux Etats-Unis, qui montrent de nos jours une sympathie pour le Diable, il ne faut y voir que du « bricolage satanique ». Ce n’est ni une religion, ni une idéologie extrémiste, mais une simple mode. Si Satan se porte bien, c’est seulement dans les jeux vidéo, la musique, le cinéma. Les vrais satanistes, eux, ne se comptent sur les doigts de la main. En clair, ce n’est pas très sérieux et ce n’est surtout pas dangereux, concluent les auteurs. A l’image du chanteur Marilyn Manson, le plus médiatique des satanistes.

Pour le chercheur Olivier Bobineau, ce n’est pas parce que votre fille se fait tatouer une lune noire (symbole de Lilith, un démon femelle), qu’elle va assassiner le curé du coin. Elle ne fait que « braconner dans l’imaginaire satanique », pour se construire une personnalité, et s’opposer à papa-maman, aux professeurs, aux prêtres, aux patrons. Ce n’est pas un hasard si le livre « Le satanisme » est sorti quelques jours avant la publication à Paris d’un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui, lui, dit, à peu près le contraire. Il est vrai qu’Olivier Bobineau a été conseiller scientifique à la Miviludes pendant quelques semaines en 2005. Les relations se sont très vite détériorées. Et il ne déplait pas au dissident de remettre en cause, à la faveur de ce livre, arguments à l’appui, les thèses de la Mission.

(*) Sous la direction d’Olivier Bobineau, « Le satanisme. Quel danger pour la société ? ». Editions Pygmalion, 312 pages.

« Les satanistes ne sont pas dangereux pour la société »

Olivier Bobineau, 36 ans, docteur en sociologie, a dirigé l’ouvrage « Le satanisme ».

N’y-a-t-il pas eu 92 profanations de cimetières en 2007 en France ? Une augmentation du nombre de suicides chez les jeunes ?

Je travaille sur le satanisme depuis 12 ans. J’ai rencontré des satanistes, des vrais. Il en existe très très peu. Les jeunes, notamment amateurs de musique metal, de black metal, ne font que du braconnage satanique. Un adolescent qui fait le « signe de la bête » ne va pas pour autant déterrer les morts dans les cimetières.

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Alors, qui profanent les cimetières ?

Il faut davantage regarder vers des groupes néo-nazis, et vers des malades qui relèvent de la psychiatrie. Quant aux jeunes satanistes qui se suicideraient, ce n’est pas vrai. La Miviludes cherche à stigmatiser, à créer la suspicion, à réveiller l’inquisition. Tout cela pour faire croire que les jeunes générations sont menacées par des sectes.

Pouvez-vous donner la signification du « signe de la bête » ?

Le « signe de la bête » se réalise le poing fermé avec l’index et l’auriculaire redressés. Pour les adeptes de l’Eglise de Satan aux Etats-Unis, cela veut dire nier la Trinité (le pouce, le majeur, l’annuaire étant tournés vers le bas et recroquevillés) et célébrer le Diable (index et auriculaire orientés vers le haut). C’est un signe de reconnaissance majeur de la “tribu“ metal.

Malgré tout, pourquoi des jeunes arborent-ils des croix inversées et des tenues vestimentaires macabres ?

Pour certains adolescents, c’est une façon de s’opposer, non seulement à ses parents, mais aussi aux professeurs, aux prêtres et pasteurs, aux patrons. Rien de très grave, l’une des premières chansons des Rolling Stones ne s’appelle-t-elle pas « Sympathy for the Devil » ? Depuis nos rockers anglais se sont rangés.

Pourquoi cet intérêt pour un courant aussi marginal ?

J’ai aussi fait des recherches sur la prostitution, sur les personnes âgées dans les maisons de retraite. Aller à la marge m’aide à comprendre le fonctionnement de la société

Propos recueillis par Ian Hamel

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