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Le pèlerinage à la Mecque : des sévices d’agents officieux aux service d’agences officielles

Lorsqu’il s’agit d’accueillir nos proches de retour du pèlerinage, il est coutume de s’attendre à la transmission d’une expérience riche, tant d’un point de vue humain que spirituel. Leur souvenir mystique nous transforme en devenir mystérieux. Cependant, au plus profond de leur mémoire, le regard, la mine, le sourire, la gestuelle du pèlerin témoignent, le plus souvent, d’une immense détresse.

Ainsi, ils se taisent à jamais, laissant le souvenir intime de leurs mauvais traitements se noyaient dans l’océan spirituel grandissant de leur expérience. D’autres pèlerins, mais surtout des femmes, se réunissent à l’occasion de la célébration de leur pèlerinage.

C’est lorsque les enfants seront au lit, que le mari sera parti à la mosquée qu’elles se confieront aux dernières invitées. Pour le mari, les confidences sont plus complexes, l’image virile, protectrice, savante qu’il incarne ne lui permet pas toujours d’avouer sa situation de personne lésée, abusée par d’autres individus. Il témoignera alors de la contenance ou marquera le silence.

Entre femmes, il n’y a pas de sentiment d’illégitimité lorsqu’il s’agit de décrire l’intimité de sa vie quotidienne, pas même dans le rapport entre pèlerins et dans la relation abusive avec le guide. C’est pourquoi, la pèlerine se permet de décrire, plus précisément les mauvais traitements dont elle a fait l’objet. Ils peuvent aussi bien être d’ordre mental que physique et parfois même de nature morale.

Ainsi, il est permis, conformément aux récits et photographies présentés, d’évoquer les sévices des guides appliqués aux pèlerins. Rappelons que le guide n’a pas de statut juridique et commercial. Il utilise la fragilité du profil du pèlerin à son profit personnel. Ce profit n’est réalisable qu’à condition d’être un agent officieux au service d’une agence officielle.

LA COMPLICITE DU GUIDE ET DE L’ AGENCE POUR L’ OFFENSIVE

La stratégie commerciale des alliés avant le pèlerinage

Quelques agences auraient un double statut leur permettant de développer une rhétorique de désinformation et d’opposition à toute initiative de contestation des pèlerins. En fait, les directeurs des agences bénéficient souvent de statuts divers : “casquettes” de savants , croyants, commerçants, militants. Ils se situent comme des universitaires effectuant des conférences dans les mosquées par leur capital culturel.

De plus, ils émergent dans les statuts du bureau des associations cultuelles des mosquées par leur répertoire social. Ils sont aussi les principaux interlocuteurs commerciaux de leurs clients adhérents des mosquées par un capital économique important. La portée de leur discours en privé recouvre une dimension laïque et professionnelle tout en s’opposant paradoxalement à la légitimité du traitement du pèlerinage dans les mosquées.

Ils préfèrent l’évoquer « de façon professionnelle, dans les agences, en privé », disent-ils. Pour eux, il n’y a aucun problème existant et susceptible de dénoncer les situations critiques pendant le hadj. Par ailleurs, les Tawafs, avec le consentement des agences, fabriquent un charisme religieux en incarnant l’agence et en personnifiant le pèlerinage. Ils ciblent essentiellement les personnes âgées et les jeunes nouveaux entrants en Islam afin de profiter de la revivification de leur foi pendant le mois de Ramadan et pour estimer le capital économique de la clientèle potentielle.

Ainsi, les choix des vêtements, de la voiture, de l’accompagnement de l‘ épouse « Tawafa », de la rhétorique, et du prix, dépendront de leur expertise individualisée. Chaque soirée du mois de Ramadan, à la prière du « Tarawih », leurs habits, leur gestuelle et leur posture seront contrôlés et mesurés pour incarner « Misterhadj ».

Au niveau des compétences, ils vantent leurs capacités intellectuelles et de management, même si certains ne sont ni francophones, ni arabophones, ni anglophones. Ils mettent en avant leur endurance physique et leurs connaissances théologiques alors qu’ils ne bénéficient ni d’expérience doctrinale ni de formation approfondie. Enfin, cette alliance entre les agences et leurs agents clandestins sera très influente sur l’effectif du public attendu.

Mais, sur le terrain du hadj, en l’absence des agences, quelles sont les méthodes de canalisation du groupe ?

La manipulation des pèlerins pendant la pérégrination

Le guide a besoin de créer une grille de lecture permettant à chacun de trouver sa position dans le groupe. Instaurer une véritable hiérarchie des genres et un isolement culturel des maghrébins de France, par le respect des règles quotidiennes imposées, et par des traditions resurgissant, permettent de recréer un espace social traditionnel et communautaire dépendant d’une autorité, celle du guide incarnant l’agence. La configuration hiérarchique la plus évidente se trouve dans la répartition des Hadjis (pèlerins hommes) et des Hadjas (pèlerins femmes) dans le bus .

Devant, le chauffeur prend place, avec à sa droite, le guide et l’assistant du guide. Puis, viennent les hommes qui sont veufs ou venus sans leur épouses respectives. Ensuite, les hommes mariés se placent dans l’espace entre les femmes et les hommes de devant, afin de monter “la garde” sur les Hadjis qui s’attarderaient trop longtemps à observer leurs épouses.

Puis, derrière les femmes mariées, au fond, viennent les femmes veuves, et célibataires, négligées et délaissées, parfois abusées dans leurs droits. Cette configuration du bus est horizontale. Le devant du bus appartient aux décideurs, les Tawâfs derrière lesquels sont disposés, les exécuteurs des règles les Hadjis, puis en définitive, il y a les femmes qui ont le statut de simples accompagnatrices.

Cette configuration est aussi reproduite à l’hôtel mais dans une perspective verticale. Les hommes sont généralement en bas et les femmes en haut de l’immeuble afin de privilégier les Hadjis dans leur mobilité de bas en haut , l’ascenseur étant souvent en panne et lent. De plus , le rez-de-chaussée est un espace de décision et de réunion des guides qui ne désirent pas avoir des hommes et des femmes comme consultants, ni comme interlocuteurs.

Nous pouvons nous interroger sur le motif de cette hiérarchisation établie. La finalité se trouve t-elle dans la contenance des désirs entre les genres ou dans la canalisation du potentiel de contestation survenant de l’alliance homme- femme ?

Le repli identitaire est aussi omniprésent pour une cohésion forcée du groupe ethnique. Il s’agit d’uniformiser les algériens, les marocains et les tunisiens de France. Les Tawâfs ressentent la nécessité de donner une signification univoque aux actes de la vie courante du pèlerinage, ils parviennent alors à effectuer une « quotidianisation » qui trouve sa limite dans la routinisation.

Une pèlerine nous explique : “Les Pèlerins remarquent de plus en plus la volonté des Tawâfs de rendre visible l’appartenance ethnique maghrébine. Le groupe de Pèlerins est sous- divisé en équipes, à la tête de chacune, un Tawâf anime le groupe de Pèlerins. Nous sommes alors 3 équipes de 300 personnes au total, à la tête de chaque groupe il y a le Tawâf, parfois même des assistants ou leur épouse tawafa. Les origines sont diverses, les algériens sont majoritaires avec les marocains, les tunisiens semblent être minoritaires, un seul européen d’origine nous accompagne.

Les femmes sont majoritaires , elles constituent les deux tiers du groupe total, la tranche d’âge du groupe se situe entre 45 ans et 75 ans, le pèlerin d’origine européenne, qui a 30 ans et moi-même (32 ans). Dès le premier soir à l’aéroport de Roissy, en partant pour Médine, les Pèlerins sont déjà très ressemblants dans leurs habits”.

L’habillement des hommes se caractérise par un khamis (longue robe masculine, chéchia, chapeau), et des sandales, avec un chapelet à la main. Les femmes portent leur djellaba et le voile blanc , la femme marocaine se caractérise aussi par un capuchon supplémentaire sur sa djellaba.

Cette mode vestimentaire se conforme à la sunna du Prophète Mohamed, mais elle est renforcée par son obligation pratique dictée par l’ensemble des Tawâfs. Parfois, les femmes veuves , tout particulièrement, seront à l’origine des débuts de contestations, accompagnées par d’autres femmes, puis soutenues par les hommes. Cependant, l’usage de l’arme de la rumeur du guide contre elles, pouvant les exclure au sein de la communauté locale du retour, les dissuadent de poursuivre leur défense.Il faut néanmoins présenter un extrait des chants de contestations des femmes.

« Oh Tawaf des Pèlerins ! où nous embarques-tu ? Par la somme de 3500 euros tu nous as eus. Réclamant toujours plus d’argent content, Avec tes moustaches tu te joues des gens !

Oh Guide ! une fois tu nous as pris chez le médecin d’à côté. Nous considérant comme des loups à soigner. Me proposant le taxi volontiers, Tu pensais me chouchouter… »

Il s’agit, généralement pour les guides d’instaurer une vie quotidienne rythmée par l’idée de séparation des genres et des cultures pour canaliser les espaces de contestation, mais aussi de pratiquer l’idée de la jonction des sciences religieuses écrites et des traditions arabes orales.L’objectif est de s’ériger en législateur de la foi et des moeurs, en gardien du groupe mixte afin de les dissuader de la contestation, préalablement à toute initiative d’opposition aux normes imposées. Mais, au retour, en l’absence du guide et de l’agence ,quels sont les freins de la contestation ?

LA RIVALITE ENTRE L’AGENCE ET LE GUIDE POUR LEUR DEFENSE

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L’irresponsabilité du guide et l’exonération de l’agence

En général, les pèlerins ne rencontrent pas les agences. Ils ne connaissent que le tawaf pour être venu une seule fois, la première et dernière, à domicile pour s’emparer rapidement des passeports, des photos d’identité, de la carte d’identité ou de la carte de séjour et évidemment du paiement du voyage autour de 3500 euros, imposé en espèces la plupart du temps. Au retour, lorsque le pèlerin se plaint dans l’avion, à l’aéroport, dans le bus, ou dans le cercle privé, le guide affirme son irresponsabilité du fait de l’absence de statut officiel.

En effet, il participe à l’économie souterraine de l’agence. Il n’a pas reçu de formation, ni fait l’objet d’un recrutement, ni ne bénéficie d’une carte professionnelle, et encore moins de contrat de travail précisant une obligation de moyen ou de résultat pour garantir la sécurité du groupe qu’il emmène. Il le répète très souvent. ” Personne ne peut attaquer un fantôme, je suis assimilé à un pèlerin, au même titre que vous, que ce soit au sein du consulat ou à l’intérieur d’un tribunal”.

Pourtant, la théorie de l’apparence prouve le contraire, puisqu’il prend des responsabilités correspondantes à la fonction d’un guide et qu’ il effectue lui-même le contrat oral pour vendre ses prestations. Désespérés, la majorité des pèlerins ignorent les possibilités de recours contre la personne physique du guide. Le guide rappelle sans cesse qu’il ne décide rien, qu’il ne fait qu’exécuter les ordres de l’agence.

Pourtant, le guide ramasse également beaucoup de bénéfices pendant le séjour, car il sert souvent d’intermédiaire entre les pèlerins et les vendeurs. Alors, les pèlerins se tournent vers les agences pour effectuer un recours contre la personne morale .

Les chèques sont souvent refusés et aucun reçu, ni facture, ni contrat ne sont remis en contrepartie du paiement. Il y aurait donc un contrat fantôme, en plus d’un guide fantôme pour le pèlerinage.Certains pèlerins rencontrent le voyagiste à la date du départ à l’aéroport. Un pèlerin stipule :” Mais les voyagistes sont indisponibles, et lorsqu’ils distribuent des contrats, ils sont toujours établis en langue arabe ou en anglais, nous n ’avons même pas le temps de les lire, ni de les traduire et encore moins de les signer en réclamant une copie”.

De plus, les billets d’avion ne sont pas remis aux pèlerins car l’agence avance que ce sont des commandes globales impersonnelles auprès des compagnies aériennes, surtout les charter. Rares sont les agences qui proposent une assurance-annulation ou une assurance bagages et rapatriement. Parfois, quand ils proposent ce produit, l’assurance leur est plus favorable, car dans les clauses contractuelles, il est précisé en minuscule que le paiement couvre aussi la défense de la partie adverse c’est à dire la procédure judiciaire des avocats de l’agence. Aucun renseignement n’est diffusé sur l’adresse de l’hôtel, sur le nom précis de la compagnie et sur les escales éventuelles car la publicité est souvent mensongère.

Il arrive que l’agence n’ait aucune légitimité ni aucun agrément de la part du ministère du pèlerinage en Arabie Saoudite pour organiser ce pèlerinage. Les visas Hajj (délivrés gratuitement par les services consulaires de l’Ambassade d’Arabie Saoudite en France) ont été achetés sur un marché parallèle à l’étranger (Allemagne en particulier) en 2006. Des visas dépassant le nombre autorisé de 1 000 pèlerins ont été emmenés en Arabie alors que la législation saoudienne limite le nombre à 600 pèlerins par agence de voyage agréée.

La publicité mensongère quant au vol direct sur la compagnie Saudia Arabian Airlines est régulièrement présentée, alors qu’en définitive il s’agit d’un vol charter avec souvent une compagnie à risque et une escale imprévue. Les dates de départ ainsi que les dates de retour n’ont pas été respectées. Les pèlerins sont restés plusieurs nuits aux aéroports dans l’espoir de partir. Aucun accompagnement, ni assistance durant tout le séjour du pèlerinage et en particulier pendant les rituels à Mina (ville étape à proximité de la Mecque exposées aux risques) n’existent. Aucun hébergement n’a été assuré à Mina ou la pénétration illégale dans les tentes d’autres nationalités provoquent des litiges.

Malgré tous les griefs à l’encontre des agences, celles-ci prétendent que c’est le pèlerin qui est responsable. Un agent commercial à l’accueil d’une agence précise : ” C’est de la faute des pèlerins, ils ne savent rien, ils fonctionnent comme avant, il donnent leurs papiers et leur argent à n’importe qui, du moment qu’il est connu à la mosquée ou par la famille”.

Nous pouvons alors constater qu’il existe un jeu réciproque de responsabilités, entre l’agence et le guide, chacun renvoie la faute, telle une balle, vers l’autre. Mais, pour les pèlerins qui se sont directement adressés aux agences, celles-ci leur suggèrent d’abandonner toute procédure . Le directeur d’une agence explique :” La France ne réglemente ni ne contrôle le business du pèlerinage, même avec des compagnies nationales, on peut tout se permettre, il n’y a pas de loi, donc pas d’obligations pour nous, pas de droits pour vous”.

Les pèlerins croient souvent à ce discours qui n’est que partiellement mensonger. En effet, ce n ’est que récemment que la loi du 13 juillet 1992 qui encadre la vente des séjours entre une agence et un consommateur, vient d’être appliquée au pèlerinage mecquois en condamnant une agence au retrait de son agrément. Peu de pèlerins sont informés de telles possibilités, et nombreux sont ceux qui se découragent.

Comment réagit l’environnement du pèlerin ?

Des circonstances défavorables à la cause du pèlerin

Dans la majorité des cas de dénonciations verbales directes auprès des guides et des agences, au retour, les pèlerins se fatiguent des multiples justifications, des nombreux silences, des tromperies diverses de leurs interlocuteurs, pourtant responsables de leur détresse passée et du souvenir douloureux qui demeure encore présent. Ainsi, ils ne poursuivent pas leur défense pour des raisons concurrentes.

Les pèlerins âgés sont souvent retraités. Leur capital social se situe alors essentiellement dans la famille, les proches et les adhérents de la mosquée. C’est pourquoi les adhérents d’une même mosquée, au-delà des devoirs religieux, veillent au maintien de la “paix”, et aux relations fraternelles. Par conséquent, ils éprouvent de la peur à dénoncer un voyagiste ou un guide. D’abord, ils craignent d’avoir une image de trahison. Ensuite, les pèlerins éprouvent un sentiment d’illégitimité à dénoncer, car ils se sentent incompétents face à la langue et le savoir.

Le sentiment de honte de témoigner de sa situation de personne lésée s’ajoute au ressentiment de sa faiblesse face aux situations d’urgence. Le souvenir semble douloureux mais le conte est poignant. D’autres anticipent la lourdeur des dépenses de frais d’avocat, ou de déplacements ainsi que les procédures administratives, ce qui est présumé engendrer une perturbation dans la tranquillité de la vie quotidienne de ses individus.

De plus, même pour les pèlerins les plus téméraires, il persiste une difficulté au niveau de la communication. En effet, il est complexe d’interpeller les associations cultuelles pour bénéficier de leurs soutiens et de leurs locaux en vue d’une réunion. Quatre idéaux types de mosquées ont pu être constatés, après des entretiens et des analyses.

D’abord, des mosquées sous curatelle avec des individus qui protègent la cohésion de la mosquée. Ils ne sont pas favorable aux réunions des pèlerins car ils anticipent la réaction de leurs adhérents ou de leurs membres au Conseil d’Administration qui recouvrent aussi, pour la période de la pérégrination, le statut et la fonction sociale de Tawaf. Ils craignent alors les scandales, les débordements, les rancunes et les vengeances privées réciproques.

En outre, il y a aussi les mosquées sous tutelle, quelques mosquées auraient pour tuteurs l’ UOIF et le CFCM. Ainsi, selon leur Président, «  Il est inutile de faire une réunion pour les pèlerins alors que l’UOIF et le CFCM produisent déjà des bilans annuels non publiés du hadj et que nous ne pouvons pas empiéter sur leur compétence d’attribution ministérielle ». Il ajouta : « Il n’y a que 2 pèlerins dans notre mosquée cette année, ça n’est pas rentable d’organiser une réunion ».

Ensuite, il existe les mosquées concurrentielles, qui se démarquent par une image de prestige au coeur de la compétition entre mosquées. Elles ne deviennent compétitives qu’à la condition d’inviter de grands noms de conférenciers au sein des mosquées. Cela permet à une mosquée de se sentir plus légitime à établir un bilan de la communauté en public. Les objectifs de ces mosquées sont un frein au projet de contestation des mauvais traitements pendant le pèlerinage, puisque les intervenants pèlerins ne sont que des pèlerins.

Enfin, d’autres mosquées perçues comme prévisionnelles, deviennent de véritables partenaires des pèlerins pour mesurer l’évolution du pèlerinage à travers l’émergence d’une cause commune et une conscientisation précise des difficultés du pèlerinage. Ils commencent par l’interdiction de la commercialisation des séjours et de la publicité à l’intérieur et à l’extérieur de la mosquée. Mais ils tentent surtout d’organiser des modules préparatifs au pèlerinage avec des associations, dont SOS pèlerins à Paris et en Province.

Nous constatons alors qu’il existe une réalité politique et commerciale au sein des associations cultuelles censées défendre une neutralité politique et un but non-lucratif. L’idée de se réunir dans les lieux publics au sein des municipalités est aussi complexe. En général, les collectivités territoriales, comme les Communes, permettent difficilement l’accès aux salles publiques pour les réunions informelles visant à améliorer les conditions de pérégrination.

En effet, bien que l’objet soit laïc et que les valeurs soient universelles aux Hommes effectuant les pèlerinages, les présomptions de prosélytisme émanant d’ associations cultuelles demeurent. Un pèlerin illustre son témoignage : ” La même problématique s’était posée lorsqu’un groupe de jeunes citoyens musulmans de la commune projetaient d’organiser une conférence débat avec des experts des sciences sociales sur le thème de la conciliation entre la liberté de conscience et le dialogue des civilisations’’.

Pour conclure cette deuxième partie, nous pouvons affirmer que le plus grand dol concernant le pèlerinage ne se trouve pas dans l’aspect économique et matériel du pèlerinage, mais réside surtout dans l’imposition de grilles de lecture du pèlerin, du pèlerinage et de son environnement.

Le paradigme intériorisé est l’instrument de diverses méthodes selon les acteurs : les pouvoirs publics par une interprétation indigène du pèlerinage mecquois par rapport à d’autres pèlerinages et aux autres séjours, les compagnies aériennes par la modernité du transport et du tourisme opposés aux loisirs religieux archaïques, les mosquées par une atteinte au champ de compétence du CFCM, les associations par une cause externe au cadre laïc, les communes par la présomption d’un prosélytisme religieux, les agences par la constitution d’une coutume commerciale abusive autorisée, les guides par la confusion entre les normes cultuelles et culturelles, le pèlerin par l’intériorisation d’une image de citoyen faible.

Dans l’attente d’une troisième partie : comment penser la citoyenneté du pèlerin musulman pour enfin penser le consommateur pèlerin musulman ?

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