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Le niqab, ou comment se voiler la face républicaine

La polémique autour du voile intégral, le niqab, nous rappelle qu’en France et de manière récurrente, les débats sur la place du religieux en général et de l’islam en particulier suscitent moult passions.

L’« affaire » surgit du monde politique. Quelques députés – qui se sentent soudainement investis d’une incertaine lutte contre une hypothétique oppression des femmes – sollicitent et obtiennent la création d’une commission d’enquête parlementaire sur « la pratique du port de la burqa et du niqab ».

L’objectif ultime des députés les plus zélés est l’adoption d’une loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public. Quels seront cependant les fondements idéologiques et juridiques d’une pareille disposition législative ?

Promulguer un tel texte en application du principe de laïcité viderait de son sens ce concept, lequel implique la neutralité de l’Etat à l’égard de toutes les opinions, croyances et pratiques individuelles religieuses dans l’espace public, pouvant entraîner, au-delà de l’interdiction du port voile intégral, celle de la kippa, des croix, du turban sikh etc.

Par ailleurs, légiférer au nom du principe de l’oppression des femmes serait également difficile dans la mesure où certaines femmes portant le niqab affirmeront haut et fort qu’elles ne subissent aucune pression !

Une chose est sûre : les élus de la Nation qui se lancent dans ces diatribes ne répondent finalement pas aux véritables problèmes d’oppression et d’exploitation des femmes. Ainsi par exemple, le problème du harcèlement sexuel au travail ne fait pas l’objet d’une campagne de sensibilisation aussi massive, probablement parce qu’il peut concerner toute la société ; il est finalement plus facile de s’attaquer à une minorité. Ces mêmes élus sont-ils auprès des hôtesses de caisse qui luttent au quotidien pour l’amélioration de leurs conditions de travail, auprès de ces centaines de milliers de femmes au statut social et professionnel précaire, revendiquant le respect de leurs droits ou encore avec celles qui tombent sous les coups de leurs conjoints ? Pourquoi ne pas aider celles qui l’exigent et l’attendent ; et pourquoi celles qui ne demandent rien font-elles l’objet de tant d’attention ?

Le choix qui est porté est aussi finalement celui d’une politique « spectacle » jouant sur les émotions et stigmatisant au passage une partie de la société française. La passion et l’émoi priment sur les questions de fond, les peurs et fantasmes sont activés. Comment peut-on nous faire croire que quelques femmes entièrement voilées menacent à la fois notre République, notre laïcité, l’ordre public et notre sécurité…

Soyons sérieux, la recette ne vise qu’à dévier le débat et diviser la communauté de citoyens que nous sommes alors que, le port du voile intégral choque la société française dans son ensemble et la majeure partie des musulmans de France.

De manière plus large, l’incursion d’une pluralité religieuse et de nouvelles tenues vestimentaires n’est pas sans susciter remous et crispations. Nous sommes dans une étape de construction et d’acceptation de la pluralité, processus lent dont les crises sont une composante inévitable.

Néanmoins, lorsque les politiques se font le relais de ces peurs et les amplifient, cela accentue le sentiment de crainte de la perte d’une prétendue « identité nationale », qu’un certain ministère ne peut par ailleurs prétendre incarner.

Nous avons une proposition concrète pour nos spécialistes du cumul de mandats politiques et prônant une loi d’interdiction : Messieurs Brard (député depuis 1988), Gérin (député depuis 1993) et Myard (député depuis 1993), laissez donc vos mandats à des femmes pour l’exemplarité. Et rappelons simplement à nos « féministes républicains » que, dans notre pays, seuls 18,43% des députés sont des femmes et moins de 14% sont des maires. Sous couvert de néo-féminisme, on déplace le curseur sur les musulmans pour mieux voiler les problèmes de genre de notre société.

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Rappelons aussi que le député André Gérin, instigateur du débat sur le voile intégral, ancien maire de Vénissieux, a largement été un des promoteurs du communautarisme dans sa ville. Pour se maintenir au pouvoir et asseoir sa légitimité, il a créé un véritable laboratoire du clientélisme religieux en négociant avec des associations de jeunes musulmans, entre 1985 et 1995. Champion du double discours, il aura prôné en théorie une vision laïque et républicaine mais communautariste dans les faits.

Une commission parlementaire pour quelques femmes dans notre République – qui pourtant ne représentent pas un danger réel, y compris en termes de sécurité – relève presque de la farce. Cette situation reflète hélas avant tout la pauvreté de la politique française.

Au demeurant, cette commission n’auditionne pas une seule femme voilée intégralement ! Au contraire, l’on retrouve dans le casting la philosophe médiatique Elisabeth Badinter ou encore l’association Ni putes ni soumises, laquelle ne possède aucun ancrage sur le terrain et suscite une grande empathie eu égard à son indignation sélective dans ses combats. D’ailleurs, l’une des anciennes figures militantes de cette structure, Loubna Méliane, dénonce clairement la vision volontairement communautariste de l’association : « Je ne voulais pas faire de Npns un mouvement communautaire, pour moi ce n’était pas possible. La seule communauté à laquelle je veux bien appartenir, c’est la communauté française, la nation une et indivisible. Mais Fadela AMARA a toujours voulu en faire un mouvement de beurettes, moi non. Parce qu’en plus, quand on a fait la marche, moi j’ai travaillé avec des femmes pas forcément issues de l’immigration, des quartiers ghettos. C’était des femmes qui avaient vécu les mêmes difficultés que nous, peut-être pas aussi violentes, mais toutes aussi agressives »[1]. En résumé, il ne s’agit là que d’un mouvement communautariste qui prétend pourtant dénoncer le communautarisme et largement financé par le contribuable français… !

Au moment où Barack Obama tente de pacifier ses relations avec les pays du Sud, la France risque d’apparaître comme le relais de ce que fut l’Amérique de Bush dans le monde : méprisante et finalement arc-boutée sur elle-même.

En cette période durant laquelle nombre de responsables politiques excellent dans le verbe ou la gestuelle (BESSON, HORTEFEUX, VALLS, FRECHE et consorts…), le député Jacques Myard compare la femme musulmane voilée à un vulgaire « sac de pommes de terre » … !

Il est en tout cas évident que nos députés de « l’émotion » ainsi que nos féministes de salon ont beaucoup de mal à construire de vraies politiques pour répondre aux inégalités entre les genres.

Dans l’attente, ils vont déployer leur temps et leur énergie à des palabres et les citoyens français ne sortiront de ce débat que plus divisés encore face à des élites se maintenant et fuyant leurs responsabilités et devoirs.

Ne nous y trompons pas. Exigeons de nos élus qu’ils répondent aux vrais enjeux de notre insécurité : la crise au quotidien, la paupérisation de familles entières, la solitude de femmes démunies élevant leurs enfants seules ou encore le chômage massif de notre jeunesse. Face à cette politique de diversion et de l’irresponsabilité, nous devons répliquer par une citoyenneté de l’exigence.

Le constat suivant est néanmoins rassurant : j’entends de plus en plus autour de moi, des concitoyens affirmer qu’ils ne tomberont pas dans le piège du faux débat car les questions qui les intéressent aujourd’hui ne sont pas sacrées mais profanes. Et c’est tant mieux !

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