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Le muable et l’immuable en droit musulman

La réforme de l’héritage en droit musulman (2/2)
Le débat sur la réforme de l’héritage devrait normalement se concentrer sur l’analyse et l’évaluation des différents aspects de la question, pour déterminer ce qui est juste ou injuste dans les règles actuelles de répartition, et les modifications qu’il serait éventuellement approprié d’y apporter.
Mais, du fait que ces règles sont prescrites dans le Coran, toute discussion de cette question se trouve immédiatement transposée au cadre plus général d’un débat sur la question : Est-il licite de réviser les règles de répartition de l’héritage qui ont été prescrites dans le Coran ? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut pouvoir définir très clairement ce qui est muable et ce qui est immuable en droit musulman.
Il existe, de fait, deux réponses dominantes à cette question, l’une basée sur la théorie du droit musulman, l’autre sur l’analyse de la pratique des autorités politiques et religieuses en la matière, au cours des 14 siècles écoulés.
Première réponse : L’écrasante majorité des oulémas et des musulmans estime que les règles coraniques sont immuables
Cette réponse repose sur le postulat que les règles de droit énoncées dans le Coran n’étaient pas destinées à s’appliquer seulement en Arabie au temps de la Révélation, mais sont valables en tous temps et en tous lieux. A ce titre, elles doivent être appliquées à la lettre. Elles ne peuvent ni ne doivent subir aucune modification.
Sur le plan de la théorie pure du droit musulman, l’argument se défend, dans la mesure où les chefs politiques et religieux de la communauté musulmane ont eu recours à cet argument pendant 14 siècles, pour justifier le maintien du statu quo dans les domaines les plus divers et dans les sociétés les plus diverses.
Les défenseurs de cette proposition ajoutent : « Si le Coran n’a attribué à la femme qu’une seule part d’héritage contre une double part pour l’homme, il faut respecter la sagesse des prescriptions divines. »
Cependant, cet argument repose sur une méconnaissance regrettable (bien que courante) des règles de partage de l’héritage qui figurent au Coran. Comme l’expliquent les oulémas, ce n’est pas le sexe du bénéficiaire qui constitue le critère de décision dans la répartition (puisque des parts égales d’héritage sont attribuées au père et à la mère du défunt, par exemple). Les trois critères de base sont le degré de parenté de l’héritier avec le défunt, son âge (un héritier “jeune” recevant une part plus importante qu’un héritier d’un âge avancé), et les obligations financières que l’héritier mâle doit assumer, puisqu’il doit pourvoir aux besoins de sa famille et de ses proches, alors que, selon les oulémas, une héritière n’assume aucune responsabilité à cet égard et peut disposer librement de la part qui lui revient.
Deuxième réponse : Une minorité d’oulémas et de chefs politiques estime qu’il existe certaines règles coraniques qui ne doivent pas être considérées comme immuables.
Ceux qui ont étudié le droit musulman de près savent, en effet, que les autorités politiques et religieuses des différents pays musulmans ont procédé, au fil des siècles, à l’ajustement et à l’adaptation de règles fondamentales de droit musulman, y compris les règles prescrites dans le Coran, pour mieux répondre aux conditions de vie et aux besoins changeants de la communauté musulmane à travers le monde. De ce fait, on a cessé d’appliquer certaines règles coraniques et on a profondément modifié la teneur de certaines autres, au fil du temps.
En conséquence, ce qui était considéré comme étant licite dans une communauté musulmane donnée, à une époque donnée (par exemple l’esclavage qui a existé dans tous les pays musulmans pendant 13 siècles), est devenu illicite à une autre époque (interdiction de l’esclavage dans les temps modernes dans tous les Etats musulmans, même en Arabie Saoudite), reflétant les changements fondamentaux intervenus dans l’interprétation et l’application du droit musulman, au cours du temps.
La liste indicative suivante de règles coraniques qui ne sont plus appliquées de nos jours, témoigne de cette évolution. Ces changements se sont faits dans les différents Etats musulmans, au fil du temps, souvent sous l’impulsion de puissances étrangères occupantes, mais avec l’assentiment des autorités politiques et religieuses et de l’ensemble de la communauté nationale. Ainsi, aucune de ces communautés n’a remis en cause les règles en question, une fois obtenue son indépendance. Voici quelques exemples représentatifs de cette tendance :
– De nos jours, nul n’a le droit de posséder des esclaves ;
– On ne coupe plus la main du voleur (sauf, à titre épisodique, dans un seul pays) ;
– On n’applique plus nulle part la loi du talion (oeil pour oeil, dent pour dent – puisque tu as tué mon fils, je vais tuer ton fils à mon tour) ;
– On ne lapide plus jusqu’à la mort le couple adultère (sauf dans quelques pays où des groupes extrémistes accèdent parfois au pouvoir et où  c’est toujours la femme qui est mise à mort, mais jamais l’homme) ;
– La sanction du meurtre ne se négocie plus entre les parties concernées, jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé, mais fait l’objet de poursuites pénales dans le cadre du système judiciaire moderne des Etats musulmans (sauf dans un seul pays) ;
– Le droit commercial moderne, inspiré des codes occidentaux, s’est substitué aux règles de commerce énoncées dans le Coran et développées par les oulémas au cours des siècles ;
– Le droit de la banque et de la finance modernes, inspiré des codes occidentaux, s’est substitué dans la majorité des Etats musulmans aux règles relatives à ces domaines énoncées dans le Coran.
De la même manière, il existe des cas innombrables de règles de droit coraniques qui ont été reformulées et associées à des conditions d’application tellement complexes qu’il devient extrêmement difficile pour un homme de s’en prévaloir, alors que le texte coranique ne pose aucune condition. C’est le cas du régime de la polygamie, par exemple, dans les sociétés musulmanes contemporaines.
Comme il ressort de cette longue liste de règles coraniques qui ne sont plus appliquées, les Etats musulmans ont toujours trouvé moyen d’adapter les dispositions de ces règles aux conditions de vie, aux besoins et aux exigences des communautés musulmanes et du monde dans lequel elles évoluent. Les oulémas ont traité les versets coraniques au cas par cas, en fonction des spécificités de chaque situation, sans a priori au sujet de ce qui est muable et de ce qui ne l’est pas.
Le droit musulman, bien que décrit au niveau de certaines de ses dispositions comme immuable, a ainsi fait preuve, dans la pratique, de beaucoup de vitalité, de flexibilité et d’adaptabilité au fil des siècles, des qualités qu’il continue de manifester de nos jours.
 
 
 
 

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16 commentaires

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  1. bonjour,
    le coran est immuable, celui qui ne croit pas que le coran est immuable, autant rejeter tout le livre. si un seul verset est rejeté il faut rejeter tout le livre.
    comment dieu pourrait il mettre des versets qui deviennent caducs avec le temps? et quelle autorité pourra juger de sa caducité, c’est absurde et meme blasphématoire pour l’autorité divine.
    voir la lapidation, l’esclavage ou le coupage de main est une hallucination. tout au plus dieu prend acte d’un etat de fait concernant l’esclavage par exemple et encourage la liberation des esclaves.
    pour le coupage de main, un verset dit que les femmes voyant joseph tellement beau qu’elles ont “qata’a” coupé leur mains, une entaille est plus indiqué qu’une amputation dans ce cas la.
    et “qata’a yedouhom” au lieu de signifier litteralement couper leur main peut aussi signifier prelever une part de leur revenu.
    donc plutot que d’avouer votre incapacité a comprendre et a revivivier les versets du coran vous voulez les rendre caducs? je suis horrifié par le cheminement qpirituel qui vous a conduit a une telle hérésie.
    pour l’heritage, un verst clair et net parle du testament, c’est en l’absence de testament que s’applique ces regles qui privilegie l’homme en effet , parce que société patriarcale.
    mais rien n’empeche un homme de tout donner à sa fille au detriment de son fils par testament.
    comme dirait un kabyle en visite à la mecque “vive dieu”.

  2. Tout dépend si la société musulmane est laïque, on retrouve plutôt dans les pays musulmans des pans de laïcité dans des domaines industriels… Des pans de religiosité pour le statut personnel.
    Pourquoi chercher un mélange des genres ?
    C’est à chaque société musulmane de se déterminer sur le degré de laïcité ou non à mettre en place en fonction et en accord avec sa population.

    • “laïc” veut tout simplement dire liberté de conscience et rien d’autre. A ne pas confondre donc avec le “laïcisme” qui est une contre-religion athéisante et qui avance masquée de la même façon que “l’islamisme” est un contre-islam conservateur qui avance masqué. L’esprit de l’islam est donc totalement et entièrement “laïc”, puisque le Coran répète à plusieurs reprises le droit à la liberté de conscience et à la recherche d’une société de plus en plus juste. Le Coran appelle le croyant à lutter pour la justice et il tend à introduire chez le puissant un sentiment de responsabilité et de culpabilité face à ceux qui se battent pour réaliser un ordre social juste. C’est ainsi que le Coran tolère l’esclavage comme une réalité reçue qui doit voir obligatoirement en culpabilisant le propriétaire l’amélioration constante du sort des esclaves jusqu’à ce que cette institution disparaisse totalement par l’obligation faite au propriétaire d’accepter des contrats d’émancipation qui donnent à l’esclave la possibilité de devenir économiquement autonome. L’islam doit donc être vu comme une dynamique et non pas comme un état fixé pour l’éternité visant à justifier les pouvoirs existant.

  3. Les mêmes qui soutiennent que l’on ne doit pas abroger les écrits coraniques en matière d’héritage sont en général aussi ceux qui soutiennent l’abrogation des versets qui rendent l’islam ouvert, dynamique et socialement progressiste ou portant par exemple sur le fait que le paradis est ouvert à tous ceux qui pratiquent honnêtement leur religion qu’elle soit “islamique muhammadienne” ou chrétienne, juive, etc … En fait, il s’agit de l’éternel conflit entre les partisans de l’esprit et de la lettre, du dynamisme ou du fixisme, de l’ordre social progressiste ou conservateur. Un conflit qui est au centre même de l’humain tel qu’il a été créé.

  4. – De nos jours on possède plus que les esclaves Monsieur. Des femmes du Bangladesh, Idonésie…que seul Dieu sait ce qu’elles subissent dans les maisons des gens du Golf á un salaire de misère. Et bien sur il y a toujours les esclaves sexuelles qu’on acheminent vers les Emirs pour garnir leur Harem !. Et dans les pays occidentaux, des femmes qui doivent passer par le Boss pour rester, ou qu’on utilise pour vendre une bière !
    – De nos jours on ne coupe plus les mains parce que ce sont les mieux placés qui veillent à garder leurs mains intactes á délapider les biens de toute une nation. Et bien sur on coupe de temps á autres des petites mains comme ca pour la forme, juste pour le SHOW devant les brebis naives que nous sommes !
    – On ne lapide pas, t’es sur !! ? Il y a plutôt des lapidations de masse, des avions sans piolotes, des F16, des missiles qui lapident aveuglement toute une population innocente.
    – Ah la peine de mort !? Avec toutes ces guerres tu ne vois pas les peines de morts quotidiennes !!!!?
    Non Monsieur il n y a jamais eu eu de progrès en la matière mais plutôt une régression des plus folles que vous avez du mal à…..voir

  5. Il y a des limites à ne pas franchir, un homme qui risque de mourir de faim a le droit de manger tout ce qui bouge ou ne bouge pas, sauf la chaire humaine.
    Si on change cette façon de voir, on va se bouffer les uns les autres.

  6. Le Prophète salla Allahu ‘alayhi wa sallam a dit : « On abolira les préceptes de l’Islam, préceptes après préceptes. Chaque fois qu’un précepte sera aboli, les gens s’occuperont de celui qui le suit. Le premier précepte aboli sera le jugement, le dernier la prière. »
    Rapporté par ibn Hibban.

  7. Bonjour
    moi j’ai une question a poser.admettons que la loi l’islamique donne a l’homme plus que la femme.prenons un exemple d’une famille qui se compose d’un frère et une sœur .qui vont hériter .l’homme est célibataire et n’a pas de charge de famille.sa sœur marié avec des enfants et dévorcé .donc est plus dans le besoin que son frère pour subvenir à sa famille.si on applique la loi islamique pour le partage,trouvez vous normal que son frère est plus qu’elle?ou bien les hommes s’accroche à cette loi uniquement par profit Je trouve que nous devons s’adapter au siecle ……………

    • En fait je pense que dans ce cas l ex mari doit verser une pension aux enfants et à son ex femme et que le frère doit aussi subvenir aux besoins de sa soeur. Sur base du verset : Al rijal qawamuna Ala nissa, proposition de traduction : les hommes ont la responsabilité des femmes. Et non pas le mari à la responsabilité de la femme, mais les hommes en général, ici les hommes de la famille, du clan, de la tribu. Nous lisons peut être le Coran avec notre regard individualiste occidentale, il faudra peut être mettre les lunettes du moment coranique, lorsque les gens, ici les arabes étaient organisés en clan et tribus. Allahu a’lam

  8. Voici la règle la plus digne du droit Coranique : être un bon musulman si vous êtes commerçant ne voler pas quand vous pèze , si vous êtes un chauffeur de taxis ne demander pas plus d’argent que le tarif inscrit, si vous êtes banquier ne preniez pas l’argent des épargnons quand ils sont en dehors du pays et les utiliser pour un intérêt, ne mentez pas, soyer juste, refuser les pots de vins et la corruption soyez honnête avec vous même et les autres faites une prière et soyer très concentré dans votre prière ainsi demander a dieu tous ce que vous voulez, il vous appréciera promis! le reste ce que vosu racontez sur les femmes et tous ca?! la femme est créé inférieur a l’homme et pour l’homme maintenant si le seigneur nous laisse vivre 1000ans on peut revoir le statut de la femme mais c’est lui qui décide, franchement quand vous voyer certaine femme changer leurs sexe il y a de quoi attendre un tremblement de terre, il faut déménager ne rester pas proche de cette tribu…

  9. Bonjour, oumma.com aurait pu nous présenter l’auteur, ses titres, spécialité etc.
    Dans ces domaines sensibles, un minimum d’érudition est indispensable pour lancer ce débat.
    Jamais un maçon ou un cuisinier ne lui vient à l’esprit de se mettre à côté d’un commandant de bord d’un avion et prendre les commandes.
    Mais en islam, tous s’improvisent en éminents spécialistes et ceci sans aucune formation académique solide.

    • si la Vérité était ce que vous recherchiez, vous ne vous perdriez point en de telles considérations ! de grâce, comprenez que ce n’est pas l’érudition ou le titre qui fait la Vérité.
      si donc vous pensez qu’il a tort, dites en quoi. mais n’allez pas dénigrer ainsi sur le simple prétexte que vous n’avez vu l’habillage spectaculaire dont tant se parent.

      • Dans n’importe quel domaine, se baser avant tout sur les avis des experts avant les avis de monsieur tout le monde est justement un plus grand gage de vérité, même si l’être humain reste faillible quoi qu’il avis.
        Certains pourtant d’origine musulmane veulent ressembler de plus en plus aux autres en matière de droit personnel et familial, civil, pénal….alors même que dans tous les pays et dans les pays occidentaux occidentaux en particulier le droit est fait par des experts juridiques ayant fait de longues études dans ce domaine et étant validés par leurs pairs selon des critères stricts avant de pouvoir exercer leur profession juridique et encore plus d’atteindre le summum en faisant les lois dans les plus hautes instances législatives de leurs pays….Et c’est pareil dans les différents domaines du savoir : l’autorité scientifique est détenue par ceux qui en ont la compétence. L’autorité ne garantit pas absolument la Vérité, mais au moins on s’en rapproche le plus en écartant les anarchismes de tout poil.
        Mais quand il s’agit d’Islam n’importe qui pourrait refaire la théologie et le droit sur la base de son opinion personnelle et de son idéologie.
        Ce manque de considération de l’importance des experts au sujet de la religion est une des causes du retard spirituel de certains musulmans, qui aiment critiquer les savants mais n’aiment pas qu’on les critique, et qui veulent de plus entraîner les autres dans ce nivellement par le bas.
        A l’époque de “l’âge d’or” il en était tout autrement.

        • Dans n’importe quel domaine, c’est la Vérité qui importe et rien d’autre.
          Vos prétendus experts se contredisent sur la plupart des sujets, donc les considérer ainsi que vous le faites est grave et indique que ce que vous recherchez est davantage l’habit spectaculaire que le fond ou la Vérité, hélas ! mais la tendance générale étant bien celle-là, il fallait que vous me répondiez de cette façon, quand bien même la réalité des faits va en le sens que j’exposais.
          je vous engage à méditer sur les profondes divergences entre écoles ! peut-être cesserez-vous de porter au pinacle ces faux experts.

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