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Le double discours de Dalil Boubakeur (partie1 / 2)

Les sorties médiatiques du recteur de la Mosquée de Paris se succèdent, multipliant ainsi les déclarations, sans véritable cohérence. On se demande surtout à quel titre il intervient : serait-ce en sa qualité de recteur de la Mosquée de Paris, de Président du CFCM, ou de simple citoyen ?

Quand bien même on s’habituerait à la « hardiesse » de Dalil Boubakeur à tenir des discours maladroits sur l’Islam et les musulmans, force est de constater que cette fois-ci, son propos va au-delà de l’imagination.

« Soucieux » de trouver une solution aux jeunes filles qui portent le foulard, le Président du CFCM , Dalil Boubkeur a déclaré à la presse :« On peut envisager quelque chose de symbolique et d’accepté par le milieu scolaire qui, par une couleur, par une forme et par une taille, permette à la jeune musulmane de se sentir en règle avec la religion. » (1)

« Quelque chose de « symbolique !? ». On est en droit de s’interroger sur cette obsession du recteur de la Mosquée de Paris, à parler de « symbole », de « signe », etc… Puis Dalil Boubakeur ajoute « Un substitut qui ne soit pas le voile mais qui ne soit pas rien, un petit bandana ou, pourquoi pas, un petit bandeau blanc ou un serre-tête vert, aux couleurs de l’islam ? ». Outre que ses « propositions » sont terriblement farfelues pour ne pas dire scandaleuses, le Président du CFCM persiste à souligner le caractère prétendument symbolique du foulard.

Faut-il rappeler que le foulard n’est en aucun cas un signe religieux. Il n’y a donc nul besoin de lui chercher un quelconque substitut symbolique. La jeune fille musulmane qui porte le voile dans un pays musulman, le fait-elle au titre de montrer son appartenance religieuse ? Evidemment non ! Pourquoi alors, Dalil Boubakeur cherche-t-il tant à faire passer le foulard pour un signe religieux, si ce n’est pour contribuer à le faire interdire en tant que tel ? (2).

Comment peut-on oser proposer de remplacer le foulard – prescription divine – par « un bandana », « un bandeau », ou pire encore par un serre-tête « vert aux couleurs de l’islam ».

D’où Dalil Boubakeur sort-il que le vert est la couleur de l’islam ? Ce stéréotype n’est évoqué que par des profanes dont la connaissance de l’islam demeure vague et superficielle. Le vert n’est pas la couleur de l’islam, Monsieur le Recteur, pas plus qu’une autre couleur, d’ailleurs.

Les musulmans de France, déjà suffisamment ridiculisés par la fameuse « main de Fatima » (3) qu’on leur a proposée, pouvaient bien se passer de ces « propositions ». Constatons toutefois, que plus le recteur fait montre d’une attitude « conciliante » – au détriment même des droits fondamentaux des musulmanes, comme c’est le cas ici – et plus ses interlocuteurs se raidissent comme l’a pu constaté Dalil Boubekeur lui-même : « Le CFCM avait souhaité, mi décembre, être associé à l’élaboration de la loi sur les signes religieux à l’école. La réponse est tombée vendredi : c’est non. » Ce « non », convenez-en, Monsieur le Président du CFCM, est un véritable désaveu !

Qu’à cela ne tienne ! En dépit de tout ce qui a été sus mentionné – qui n’est en fait que la partie visible de l’iceberg – d’autres déclarations bien plus graves et dommageables de Dalil Boubakeur ont été formulées. Des déclarations extraites d’un document officiel, que Dalil Boubakeur pourra difficilement nier en les imputant à un journaliste malveillant, qui lui aurait prêté des propos qu’il n’aurait jamais tenus. (4)

Afin donc que le lecteur puisse se forger une opinion objective des propos de Boubakeur tenus devant la commission Debré en sa qualité de président du CFCM, je l’invite à prendre le temps de lire l’intégralité de la déclaration, disponible sur le site de l’Assemblée Nationale.(5)

La première question que le président de la commission lui a posé était d’une grande clarté : « est-ce que selon vous le port du voile pour les femmes relève d’une obligation du coran ? ». A une question aussi claire et précise, on pouvait s’attendre à une réponse aussi claire et précise de la part du Président du CFCM. Hélas, ce ne fut pas le cas. Dalil Boubakeur n’a pas trouvé mieux que de répondre : « La communauté est divisée sur l’interprétation à donner aux textes ; les théologiens ne sont pas tous d’accord. ». Il n’y a pourtant aucune division au sein de la communauté des croyants sur cette question, et encore moins entre les théologiens, toute école confondue.

Dans la suite de sa réponse, le recteur se prête à un pseudo exposé de théologie, expliquant : « il y a deux lectures du Coran : une lecture littérale… et une lecture symbolique » Certes, ce qu’il dit ici n’est pas tout à fait faux. Ces deux écoles existent bien et d’autres encore. Mais ce qu’il ne dit pas (c’est là une omission douteuse), est que l’exégèse symbolique, qu’elle soit rationnelle ou mystique, ne transgresse jamais les limites orthodoxes de l’exégèse littérale et ne contredit jamais le sens littéral.

Voila comment Abu ’Ali al-Djubbâ ’i, exégète rationnel, commente le verset 31 sourate 24 (6) : « Khumur, c’est-à-dire : maqâni’ qui est le pluriel de miqna’a, voile de tête retombant jusqu’à terre ». Concernant le verset 59, sourate 33 (7), il affirme : « que faut-il entendre par djalâbîb ? Les habits, la tunique (qamis), le voile de tête (khimâr), et tout ce dont la femme se couvre ». (8) Par ailleurs, Al-Hujwiri précisait qu’ « une interprétation allégorique ne peut jamais contredire le sens apparent et exotérique d’un texte, ni le remplacer, car c’est là de toute évidence une prérogative de Dieu et de sa révélation » (9)

A ma connaissance, seule une personne a interprété ces versets coraniques en aboutissant à un sens qui contredit le sens apparent. Il s’agit en l’occurrence du Mufti sans moquée Soheib Bencheikh. Il faut dépasser, selon ce dernier, l’interprétation « archaïque » du Coran : « le voile a été conçu par le coran pour protéger la femme. Aujourd’hui, la protection de la femme, c’est son éducation, son instruction. Aujourd’hui, le voile de la musulmane en France, c’est l’école, laïque, gratuite et obligatoire » Un délire doublé d’une forte dose d’hypocrisie. Le problème n’est pas le voile, qui n’a jamais empêché la musulmane de s’instruire. Bien au contraire, le problème réside plutôt dans le fait qu’on lui refuse l’instruction à « l’école laïque… » sous prétexte justement qu’elle porte le voile.

Suite à la réponse plutôt confuse de Boubakeur, le Président de la commission lui repose à nouveau la question sur le port du voile : « il faut donc porter le voile ? ». La réponse du recteur est pour le moins insolite : « Cette recommandation (il s’agit du verset 59 sus cité) se termine par la formule suivante : « Dieu est pardonneur et miséricordieux. » Cela ne fait donc pas partie des obligations habituelles du Coran qui précise : « Dieu est terrible dans les châtiments » ou « Dieu est rapide dans ses châtiments  ». Quelle interprétation fantaisiste, et surtout quelle audace ! Dalil Boubakeur se réfère-t-il à un livre d’exégèse pour comprendre pourquoi le verset se termine par : « Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux » ? (10) Manifestement non ! S’ il l’avait fait, il aurait compris qu’Allah, de par Sa clémence et Son indulgence, promet à ceux qui désormais se conforment à cette recommandation, le pardon pour leur manquement commis avant la révélation de ce verset. S’appuyant sur des citations coraniques, Dalil Boubakeur réussit presque à convaincre le Président de la commission que le port du voile ne constitue pas une obligation. « Si je vous comprends bien, ce n’est pas une obligation absolue. » déduit le Président de la commission. Le recteur de la Mosquée de Paris répond alors : « Non. Parmi, les 70 péchés de l’islam aucun ne concerne le non port du foulard. » (11). A trois reprises, l’occasion a été donnée au recteur de communiquer une information juste et honnête quant au port du voile en islam. N’oublions pas que Dalil Boubakeur intervenait en tant que représentant de l’Islam. Hélas, à chaque fois ses réponses étaient fantaisistes. Le double discours du recteur de la Mosquée de Paris est pour le moins désolant et particulièrement dommageable. Devant la commission Debré, il affirme qu’il n’est pas obligatoire. En revanche, devant les médias (pour les besoins du marketing ?), il déclare que c’est une obligation religieuse (12). Comment expliquer aussi que le recteur Boubakeur déclare le 31 décembre : « l’avis de l’imam d’Al-azhar, sur le voile n’est pas un quitus… », et que le lendemain même, il lui envoie une lettre en son nom, mais plus grave encore, au nom de l’ensemble de la communauté musulmane de France, afin de le remercier pour la teneur de sa fetwa ?(13). Bref, chacun peut constater que Dalil Boubakeur est passé maître dans l’art du double discours.

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Notes :

  1. libération du samedi 3 janvier et le monde du dimanche 4 et lundi 5 janvier

  2. Cette hypothèse sera davantage développée dans la seconde partie de l’article

  3. La main de Fatimah : « La main ainsi représentée est un symbole magique de pouvoir, et est utilisée comme talisman, car elle symbolise la capacité à contrôler la nature (de repousser le regard envieux) et de rétablir l’ordre dans le chaos. Ce symbole est ancien et on le retrouve dans de nombreuses civilisations, chez les indiens d’Amérique du Nord en particulier. En dépit de son nom, elle n’a rien à voir avec Fatimah, fille du Prophète » Dictionnaire encyclopédique de l’Islam, Cyril Grassé, p 240

  4.  : Souvenons-nous de l’entretien qu’il a accordé au journal 20 Minutes “Islam des banlieues, islam des excités”.

  5. Rapport N° 1275 – tome II – 5ème partie. Par ailleurs il est intéressant de lire les autres auditions.

  6. Sourate An-Nûr (la lumière) verset 24

  7. Sourate Al Ahzâb (les coalisés) verset 59. Il est intéressant de lire le commentaire de J. Berque, p 454-455 ; A. Chouraqui, p 856-857 ; et R.Blachére, p 453

  8. Voir Daniel Gimaret, « Une lecture mu’tazilite du coran » bibliothèque des hautes études en sciences religieuses, volume CI, pp 635 et 681

  9. Dictionnaire encyclopédique de l’islam, p 391

  10. Ici, j’ai choisi la traduction de Denise Masson, p 561

  11. Allusion au livre : « Les grands péchés » (Al kabâir), dont l’auteur présumé Ad- dhahabi, y recense – sans être exhaustif – 70 grands péchés recueillis parmi d’autres.

  12. « Le hijab répond à plusieurs prescriptions coraniques. Des versets des sourates Nour, al Ahzab font obligation aux femmes du prophète, aux femmes des croyants, aux filles du prophète de se couvrir afin d’être mieux reconnues. Il n’y a aucun doute, aucune discussion sur cette prescription » déclare le président du CFCM le 30 décembre à Saphir.net

  13. Dans cette lettre que l’Azhar s’est empressé de rendre publique dès le samedi 3 janvier, Dalil Boubakeur écrit : « l’avis religieux du Cheikh d’Al-Azhar sur la question du voile a eu un impact apaisant, et a été bien accueilli à tous les niveaux, et dans tous les milieux de France. Bien entendu, par ce que cet avis est fondé d’une part sur la religion, et d’autre part sur la considération des intérêts généraux » (voir islamonline.net ).

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