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Le dernier Messager (partie 3 sur 4)

La période médinoise, l’hégire à Médine

Alors que la Mecque complotait ainsi contre Mohammed, Médine lui préparait, au contraire, un accueil enthousiaste et solennel.

Le serment d’Akaba – pacte de Mohammed avec les gens de Médine, dénommés depuis les Ançars – et le zèle du Naquib Mouçab, lequel avait su gagner à l’Islam de nombreuses sympathies dans Yathrib, avaient préparé l’Hégire.

Une nuit, alors que les conjurés faisaient le guet devant le domicile de Mohammed, celui-ci en sortit sous les yeux de ses ennemis : sans en être vu, dit la tradition, il réussit à gagner les environs de la Mecque avec un de ses compagnons, Abou Bekr. Ils se réfugièrent dans une grotte, Ghar Thour, où le guide convenu devait les rejoindre avec les chamelles et les provisions deux ou trois jours plus tard afin de dépister les poursuivants.

Mais l’alerte est donnée à la Mecque, aussitôt le départ des fugitifs, et les Koréichites se mettent sur leurs traces.

Quiconque a connu la vie du désert, se rend compte de la chance minime que Mohammed et son compagnon avaient à s’échapper. Et, de fait, les pisteurs arrivent jusqu’à l’entrée de la grotte. Mais ils n’en franchirent pas le seuil. La tradition explique cet étrange épisode par l’intervention miraculeuse d’une douce colombe et d’une fragile araignée.

Quoi qu’il en soit, même si la légende a pu intervenir dans l’explication de ce dénouement étonnant, l’historicité de l’épisode n’en est pas moins certaine, quoi qu’il puisse paraître. Elle ressort, en effet, du plus sûr document de l’époque : Le Coran. L’incident est explicitement relaté dans le verset suivant

« Si vous ne secourez pas le prophète, Dieu l’a secouru ; lorsque les incrédules l’ont expulsé, lui, le deuxième des deux, le jour où tous deux se trouvèrent dans la caverne, et qu’il dit à son compagnon : Ne t’affliges pas ; Dieu est avec nous ! Alors Dieu lui inspira la confiance et la sérénité… » (Cor. IX, 40).

Évidemment le destin prépare ses voies d’une manière quelquefois déconcertante.

Pour l’intérêt de notre étude, nous retenons de cet incident historique, le détail psychologique qui ressort de la sérénité imperturbable du Prophète, rassurant son compagnon, avec un calme surhumain, à l’instant même où le danger et la mort étaient si proches.

La sincérité de Mohammed, qui est à établir comme la condition absolument nécessaire pour l’utilisation de la donnée coranique comme document psychologique certain, se manifeste à l’évidence et d’une manière dramatique en cet instant particulièrement crucial.

Enfin, les poursuivants s’étant retirés, les fugitifs purent prendre tranquillement le chemin de Yathrib, la patrie des Ançars, qui leur réservait une grandiose réception. Pour mieux marquer cette solennité, la ville changea elle-même de nom : pour se consacrer entièrement à Mohammed, elle s’appellera désormais : Médinet-En-Nabi.

Sur tous les toits, les femmes et les enfants guettaient l’arrivée des illustres fugitifs et inauguraient l’ère nouvelle, l’ère de l’Hégire, par un chant que répètent, depuis les générations de l’Islam :

« La lune point sur la colline des adieux.
O Toi qui est envoyé par Dieu,
Tu viens avec un ordre qui sera obéi… »

Pendant que cet alléluia fusait de toutes parts, Mouhadjirs et Ançars nouaient entre eux les premiers liens de la fraternité islamique, base d’une nouvelle société et d’une nouvelle civilisation.

Mais combien cette jeune communauté ne va-t-elle pas poser maintenant de problèmes législatifs, religieux, politiques et militaires ?

C’est à la solution de cette multitude de problèmes que Mohammed, – indépendamment de la révélation qui se poursuit apportant toujours la suprême lumière et le dernier mot – va déployer maintenant un génie d’une ampleur incomparable. L’homme va se révéler d’une intelligence surprenante, d’un jugement quasi infaillible sur la valeur des choses et la psychologie des hommes et d’un caractère que rien ne pourra ébranler.

Jusque là, nous avons suivi ses pas d’apôtre, nous avons surtout cherché à saisir les mouvements de son cœur et de son âme, à surprendre dans ses gestes et même dans ses prières les indices apparents de son humilité, de sa foi et surtout de sa sincérité totale.

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La période mecquoise est essentiellement l’ère spirituelle, celle du Prophète appelant et guidant des élus et une élite.

La période médinoise est à la fois la suite de la première et sa conséquence temporelle : le Prophète et le chef vont se doubler maintenant pour appeler et guider des masses populaires. La technique des foules devait fatalement faire suite à la psychologie de l’individu : les problèmes d’une société ne peuvent pas se résoudre seulement par un enseignement éthéré. En oeuvrant à la solution de tous ces problèmes, Mohammed va nous permettre de compléter son portrait psychologique par un aspect intellectuel. Dans le feu de l’action, on peut en effet mieux saisir maintenant les nuances de sa pensée, mieux apprécier l’étoffe de son caractère et estimer la qualité de son jugement sur les autres et sur lui-même.

En réalité, il y aurait là une bien singulière prétention à vouloir saisir tous les traits de cet aspect intellectuel, car cela reviendrait à faire toute l’histoire d’un génie incomparable dans le cadre restreint d’un paragraphe.

Nous nous bornerons à poser seulement quelques jalons vers la conclusion de ce critère.

A Médine, le premier souci de Mohammed sera de pacifier la ville de ses luttes intestines, de réconcilier les Aous et les Khazradjs, en vue d’organiser une défense efficace contre l’ennemi de l’extérieur : le Koraïchite.

L’heure du « Djihad » va sonner.

La critique moderne veut s’en étonner. Elle ne comprend pas que l’apôtre en ait ainsi appelé aux armes matérielles. Mais, si Mohammed s’était armé du glaive, c’est parce qu’il savait très bien que la Mecque n’allait pas désarmer et, là-dessus, l’histoire lui donnera raison.

Il n’y a pas lieu de faire une comparaison entre le christianisme et l’Islam sur ce point : les conditions historiques n’étaient pas les mêmes. Le premier affronte du dedans un état organisé et mine intérieurement ses rouages.

Le second fait face sur un front extérieur à un état organisé, la Mecque, et il doit le détruire du dehors ou périr lui-même.

Ces conditions sont d’ailleurs imposées par le cours même des événements : historiquement, le Djihad est la conséquence de l’hégire.

Le même phénomène s’est produit dans l’histoire du Judaïsme, quand lsraël, sous la conduite de Moïse et de Josué, affrontera de l’extérieur les états organisés des rives du Jourdain.

Donc Mohammed va s’organiser pour la lutte armée qui lui ouvrira les portes de la Mecque, en l’an VIII de la nouvelle ère.

Mais avant cette apothéose, qui fera rêver l’orgueilleux Abbou Soufyan, combien d’écueils ! Toute une série de noms prestigieux vont résonner désormais dans l’histoire du monde

Bedr ! Uhod ! El-Khandak ! Honaïn !

 

Extrait de « le phénomène Coranique » de Malek Bennabi, 1946, édité par "International Islamic Federation of Student Organizations"

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