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Le Coran. Une lecture écocentrée (1ère partie)

Nulle bête marchant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes qui ne soit comme vous en communauté.  (Coran 6 :38)

Cette réflexion porte essentiellement sur une lecture écocentrée du corpus coranique et les conséquences que cette lecture implique. Il s’agit donc d’une réflexion qui exploite la dimension linguistique dans le corpus coranique. L’intérêt de cette réflexion, c’est de montrer par une nouvelle approche le biais de la lecture anthropocentrée et exclusive du corpus coranique dans la relation homme et autres êtres vivants.

Il commence d’abord par deux déconstructions :

  • celle qui consiste à montrer la compréhension étriquée et abusive de l’universalisme ;
  • et celle qui fait un focus critique sur la territorialisation du legs culturel islamique, qui encourage l’exclusivisme dans le rapport entre les hommes et le rapport humains-autres êtres vivants.

Etudier le rapport à l’environnement passe par un décentrement du regard (discriminant) porté sur la ‘’nature’’ vue comme une minorité. Mais aussi par un décentrement et une revue du rapport humain-non humain qui constitue une base pour un nouveau regard démocratique apte à pacifier les rapports et permettre de partir politiquement dans une démarche inclusive pour des politiques éducatives et environnementales harmonisées. La lecture écocentrée du corpus coranique permet  de voir un symétrisme entre humains et non humains grâce à une démocratisation de la prise de parole.

Il s’agit donc d’une réflexion qui exploite la dimension linguistique dans le corpus coranique et en dehors. Faire ce travail d’analyse nécessite une méthodologie bien précise. Il s’agira bien évidemment d’une analyse de contenu qui privilégiera la critique textuelle ou analytique. Etant donné que ce courant critique réserve une valeur absolue au texte, qui se suffit à lui-même, nous échapperons à la problématique de l’auteur. Mais aussi, l’usage des apports du courant gnostique pour dévoiler la polyphonie symphonique du texte coranique.

1/Universalisme et/ou humanisme ?

 La déclaration universelle des droits de l’homme dans ses objectifs les plus ambitieux se porte garante de la liberté de l’homme. Tout homme en bénéficie dès lors que son humanité est établie. Sont comptés parmi les non humains[1], le noir que l’on asservit, la femme que l’on soumet, la faune et la flore que l’on maîtrise pour l’exploiter. Bref, à la fin du XVIIIe, toutes les minorités ne sont pas véritablement concernées par la déclaration universelle qu’il convient de voir comme celle de l’homme blanc. Cela n’est pas la seule limite de la fameuse déclaration. La mention de l’universel pose problème. Aujourd’hui que le noir et la femme sont inclus dans l’espace privilégié des droits humains, faudrait-il exclure cette fois la faune et la flore de l’universel ? C’est à cette question que l’on se propose de répondre. Pourquoi l’universel est attribuable uniquement à l’humain ? Deux hypothèses sont envisageables. Soit l’universel porte le même sens que l’humain, soit l’universel et l’humain sont de même essence, de même nature.

Selon le Larousse, l’humanisme est une philosophie qui place les valeurs de l’homme au-dessus de toutes les autres valeurs. Proche de l’humanisme, l’universalisme semble toujours dans son exploitation se prêter sur les plans religieux, philosophique et politique au cercle fermé de l’humain.

A la base de l’humain, nous avons l’homme. Ce radical reste donc le point qui lie toute personne humaine à l’humanité.  Au contraire de l’humain, l’universel ne peut avoir comme base commune l’homme. L’universel a donc nécessairement comme lieu fondateur l’univers. Du latin universus qui veut dire tout entier, c’est un cosmos, un Grand Tout qui se déploie et s’actualise avec le même principe du mouvement. Ce principe de Mouvement est la pierre angulaire qui unit tout ou partie de l’univers. C’est le principe même de la vie. L’univers est un être vivant. L’homme aussi. C’est donc finalement une même nature qui lie l’univers à l’homme. De ce point de vue, la déclaration universelle peut revendiquer une certaine légitimité quant à la validité de sa formulation si tant est que l’universel inclue l’humain qui en est un prolongement.

« Il (l’homme) est d’abord un être vivant[2] ». Cette phrase de Lévi Strauss abonde dans le sens de réunifier l’homme au reste de l’univers. Si la vie reste la qualité la plus sacrée et unificatrice de toutes les espèces, tous les êtres qui aujourd’hui sont regroupés dans le terme d’environnement, donc relatif à l’homme toujours, doivent intégrer une nouvelle déclaration véritablement universelle.

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Ce rétrécissement de l’universel dans l’histoire occidentale récente fait écho à un exclusivisme musulman. Pourtant, dans la ‘’doxa islamique’’, Mohamed est censé être une miséricorde pour l’univers. Son message se présente en bien commun universel. Le corpus coranique qui s’autoproclame d’ailleurs une synthèse des sagesses de toutes les cultures antérieures semble appartenir exclusivement aux musulmans. L’étude de ce manuscrit par des non arabes comme par des universitaires suscite des réactions positives comme négatives qui montrent parfaitement l’idée d’une territorialisation du message du prophète de l’islam. Les occidentaux qui se prêtent à l’étude de ce livre sont catégorisés orientalistes. C’est dire que le Coran semble destiné à un peuple donné, il est le legs culturel d’un groupe.

C’est cet entendement parcellaire et exclusif qui va être mis à mal à travers les histoires inscrites dans le corpus coranique. En effet, l’universalisme s’énonce dans ce dit corpus comme une philosophie, un discours inclusif qui intègre tous les êtres de l’univers pour finalement aboutir dans une logique éco-systémique. C’est cette logique que confirme l’anthropologue en ces termes : « Depuis une quinzaine d’années, l’ethnologue prend davantage conscience que les problèmes posés par la lutte contre les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente ; celui des rapports entre l’homme et les autres espèces vivantes, et il ne servirait à rien de prétendre le résoudre sur le premier plan si on ne s’attaquait aussi à lui sur l’autre, tant il est vrai que le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses pareils n’est qu’un cas particulier du respect qu’il devrait ressentir pour toute forme de vie. »[3]

 

 

[1] J’emploie cette dichotomie entre « humain » et de « non humain » élaborée par Philippe Descola. Il a élaboré ce concept pour essayer de dépasser la dichotomie habituelle entre d’une part l’homme et d’autre part la nature, entité presque inerte qui n’est bonne qu’à exploiter. Philippe Descola propose de remettre en question les diverses façons par lesquelles les anthropologues ont compris la relation entre nature et culture.

Feenberg reprend en ces termes : « Cette distinction, telle que nous l’entendons aujourd’hui, a été introduite en Europe au XIXème siècle. Bien que quelque chose de comparable à notre concept de nature remonte aux Grecs, l’idée d’un collectif social clairement distinct de sa base naturelle a dû attendre pour trouver une formulation claire. Une fois en place, cette distinction est devenue le fondement méthodologique et ontologique des sciences sociales. »

Feenberg Andrew, « L’anthropologie et la question de la Nature. Réflexions sur L’Écologie des autres, de Philippe Descola », Revue du MAUSS, 2013/2 n° 42, p. 105-118. DOI : 10.3917/rdm.042.0105.

[2] Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, décembre 1973 (réimpr. 2009)

[3] Allocution de Claude Lévi-Strauss à l’UNESCO en 1971.

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