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’Le Coran revisité par la philologie : des manuscrits ’Sataniques’ ?’ Histoire d’une imposture.

Suite à la publication sur le site ’Oumma.com’ de la version française d’un article de Abul Taher, ’Querying the KoranThe Gardian du 08 Août 2000, ’Le Coran revisité par la philologie : manuscrits ’Sataniques’ ?’, traduction Courrier International du 05 Septembre 2000, Numéro 515, j’avais publié sur le même site une première réaction à chaud ’brut de décoffrage’ que je ne renie pas.

Je me suis ensuite attaché à réunir un certain nombre d’informations et de documents ayant abouti à cet ’article de vulgarisation scientifique’. La plupart des documents publiés sur le sujet sont en anglais ou en allemand, malheureusement inaccessibles au public francophone.

Ma démarche était de pouvoir appliquer à l’article du Gardian la méthode d’analyse critique des documents scientifiques telle qu’elle nous est enseignée en médecine. Je présente ici une synthèse de mes recherches bibliographiques et le résumé de l’analyse critique de cet article destinée à un public francophone.

Car l’article du Gardian se révèle, à l’analyse critique, être une vraie imposture de personnes qui nous sont présentées comme des chercheurs en islamologie mais qui utilisent des techniques de désinformation pour nous faire prendre de simples hypothèses de travail publiées de longue date pour des découvertes scientifiques récentes et prouvées.

Cet article est le premier d’une série de deux, le prochain aura pour ambition la synthèse critique des méthodes de datation des Coran les plus anciens.

LE CORAN, CLEF DE VOÛTE DE L’ISLAM, SUJET DE POLÉMIQUES SANS FIN

Il faut d’abord souligner l’importance du sujet.

Le Saint Coran est bien la clef de voûte du dogme musulman :

– C’est la source obligatoire pour tout raisonnement de la ’Akida’ (science de l’unicité divine, dogme central de l’islam)

– C’est la source principale indispensable à tout raisonnement jurisprudentiel musulman (Fiqh).

– C’est également la référence ultime de la grammaire arabe.

La croyance dans le fait que le Coran est la parole divine révélée au Prophète de l’islam (S.W.S.) puis transcrite dans un livre lui-même conservé par Allah jusqu’au Jour du Jugement Dernier est un des fondement du dogme musulman.

Le texte coranique lui-même fait de très nombreuses références à des polémiques apparues dès la révélation de la mission prophétique de Mohammad Ibn Abdullah (S.W.S.) :

Sur la nature prophétique de la mission :

« Certes, Nous t’avons envoyé avec la vérité, en annonciateur et avertisseur ; et on ne te demande pas compte des gens de l’Enfer. Ni les Juifs, ni les Chrétiens ne seront jamais satisfaits de toi, jusqu’à ce que tu suives leur religion. – Dis ’Certes, c’est la direction d’Allah qui est la vraie direction’. Mais si tu suis leurs passions après ce que tu as reçu de science, tu n’auras contre Allah ni protecteur ni secoureur. » Coran, sourate 2 (Al Baquarah) versets 119 et 120.

Sur la nature divine du texte coranique :

« Si vous avez un doute sur ce que Nous avons révélé à Notre Serviteur, tâchez donc de produire une sourate semblable et appelez vos témoins, (les idoles) que vous adorez en dehors d’Allah, si vous êtes véridiques. Si vous n’y parvenez pas et, à coup sûr, vous n’y parviendrez jamais, parez-vous donc contre le feu qu’alimenteront les hommes et les pierres, lequel est réservé aux infidèles. » Coran, sourate 2 (Al Baquarah) versets 23 et 24.

Si ces polémiques existaient déjà du temps du prophète de l’islam (S.W.S.) elles se sont poursuivies et amplifiées après sa mort.

Il me semble d’ailleurs normal que ceux qui refusent de croire cherchent à justifier leur refus en polémiquant.

Une longue histoire conflictuelle

Le déclin progressif d’un monde musulman qui domina la plus grande partie du monde connu durant plus d’une dizaine de siècles, amena l’Occident chrétien à s’équiper d’outils de recherche permettant d’abord de mieux comprendre l’Orient islamique pour ensuite mettre au point des stratégies d’attaques et de conquêtes.

C’est ainsi que naquit l’orientalisme qui n’est pas une science mais un outil de recherche sur l’islam entaché de volontés hégémoniques.

La colonisation occidentale de nombreuses terres musulmanes puis la destruction finale du Califat ottoman en octobre 1922 fut, entre autres, l’aboutissement de siècles de recherches orientalistes.

Mais si le Califat musulman, c’est à dire le système politique islamique a bien été détruit, l’islam en tant que religion reste particulièrement vivace dans le cœur des croyants à tel point que, contrairement au christianisme qui subit le phénomène de sécularisation en occident, la religion musulmane progresse dans le monde entier y compris sur les terres occidentales.

Nous assistons donc, depuis cette époque, à une ré-orientation de l’orientalisme qui cherchera d’abord à ’séculariser’ l’islam et les musulmans pour, dans un deuxième temps, s’attaquer à la clef de voûte du dogme, à savoir le Saint Coran.

L’importance du Coran n’échappe à personne. C’est ainsi qu’un député britannique déclara entre les deux guerres mondiales à la tribune du parlement, un exemplaire du Coran à la main : ’Nous ne dominerons pas le monde tant que nous n’aurons pas détruit ce livre’.

Les moyens occidentaux mis dans ’l’étude’ de l’islam sont, en terme de budget, considérables. Chaque ’chercheur’ ayant à cœur de justifier son salaire. On peut se demander quels intérêts a la civilisation occidentale d’engloutir de telles sommes dans l’examen minutieux d’une seule civilisation alors qu’il en existe de très nombreuses autres qui ne ’bénéficient’ pas de telles attentions.

La science à l’assaut des sources religieuses

La puissance de l’occident réside dans sa maîtrise de la méthode scientifique et dans son développement technologique.

L’analyse linguistique de la Bible, et notamment les théories sur les auteurs ’Yahvistes’ et ’Elohistes’ du Pentateuque, a permis aux scientifiques de remettre en question le dogme chrétien qui voulait que les textes bibliques actuels soient des textes originaux directement révélés par un auteur unique (Dieu) à des compilateurs inspirés.

De même que les recherches sur les textes fondamentaux du christianisme, et en particulier les évangiles, ont permis de prouver que les originaux de ces textes ne nous étaient pas parvenus et que les textes bibliques ne sont que des compilations partielles dont les éléments les plus anciens datent de plusieurs siècles après la disparition de Jésus Christ (Codex Vaticanus et Codex Sinaiticus datés du IVème siècle après J.C.). Voir à ce sujet l’excellent livre de vulgarisation du Dr. Maurice Bucaille : ’La Bible, le Coran et la science’.

Puisque la méthode scientifique avait si bien marché dans la remise en question du dogme chrétien, pourquoi ne pas orienter les recherches des orientalistes dans cette voie pour attaquer le dogme musulman ?

Mais si l’analyse scientifique des sources bibliques avait été très fructueuse pour ceux qui souhaitaient remettre les certitudes chrétiennes en question, il en fut tout autrement des sources musulmanes.

Jusqu’à un passé récent, les polémiques linguistiques développées par les orientalistes à l’égard du Coran étaient de mauvaise qualité et trouvaient des réponses aisées dans les développements des auteurs musulmans les plus classiques.

Tout au plus avait-on réussi à mettre en évidence des variations orthographiques sans conséquences sur le sens du texte rentrant dans la catégorie des ’erreurs de copistes’ ou dans celles connues sous la forme des ’Sab’at-i-Ahruf’ : les sept variantes de récitation approuvées par le Prophète de l’islam.

L’analyse socio-historique du contexte des premiers siècles de l’islam ont également permis le développement de polémiques mineures. C’est ainsi que certains auteurs soulignent qu’il était impossible à Mohammed (S.W.S.) d’édicter des normes sociales aussi sophistiquées alors qu’il vivait dans une société si frustre…..

C’est un peu rapidement oublier le rôle de fondateur de civilisation que remplissent les prophètes monothéistes et leur révélation…. On retrouve ici, sous une nouvelle forme, la question fondamentale de la primauté de la poule ou de l’œuf !

Pour ceux que l’état actuel des polémiques des orientalistes intéresse, ils en trouveront de bons résumés ’grand public’ en anglais sous la plume de Jay Smith : ’Is the Qur’an the Word of God ?’ (Le Coran est-il la parole de Dieu ?) ’http://www.debate.org.uk/topics/history/debate/part1.htm’. Ainsi que de bonnes réponses musulmanes de la part de Akbarally Meherally, toujours en anglais in : ’ http://www.mostmerciful.com’.

Jusqu’à un passé récent, ce type de polémiques n’intéressait que peu de gens. Les musulmans en ont toujours eu l’habitude et ceux qui cherchent vraiment la vérité trouvent rapidement des croyants capables de leur expliquer l’islam vu de l’intérieur.

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C’est pourquoi les orientalistes inventèrent le concept de ’Musulman de service’. Il s’agit de faire co-signer l’article attaquant l’islam par quelqu’un qui porte un nom d’origine musulmane de manière à essayer de faire passer l’article de la catégorie ’polémique stérile’ à la catégorie ’hypothèse scientifique’.

Comme si le fait de porter un nom à consonance musulmane protégeait des erreurs scientifiques et des mauvaises interprétations du dogme !

Entre les ’musulmans de service’ la concurrence était rude et on assista à une surenchère progressive. Chacun essayant de dépasser l’autre dans l’outrance et le mépris pour l’islam. Jusqu’à la publication d’un essai insultant le Prophète de l’islam (S.W.S.), sa famille et ses compagnons qui valut à son auteur, en 1989, une fatwa (avis religieux) le condamnant à mort.

Depuis, les ’musulmans de service’ sont moins nombreux et moins outranciers….

L’ARTICLE DU GARDIAN : Le Dr. Gerd-Rüdiger PUIN, un scientifique pour le moins ’atypique’.

L’article du Gardian fait explicitement référence aux travaux du Dr. Puin : ’Ce philologue spécialiste des langues sémitiques, de la calligraphie arabe et de la paléographie coranique a étudié les manuscrits de Sanaa, c’est-à-dire d’anciennes versions du Coran retrouvées à Sanaa, la capitale du Yémen.’

Drôle de scientifique ce Dr. Puin qui semble plus à l’aise pour donner des interviews ou faire des conférences de presse plutêt que de publier de manière scientifique ! Les articles qu’il publie dans les revues sérieuses (et encore, sans comité de lecture !) comme par exemple ’Über die Bedeutung der ältesten Koranfragmente aus Sanaa (Jemen) für die Orthographiegeschichte des Korans’ (apports des plus anciens fragments de Coran de Sanaa (Yémen) à l’histoire de l’orthographe du Coran) in Universität des Saarlandes magazin forschung 1/1999 ’http://www.uni-saarland.de/verwalt/kwt/f-magazin/1-99/’ concernant les manuscrits de Sanaa, ne portent que sur des anomalies orthographiques et des détails scripturaux constatés sur certains manuscrits. Détails rentrant d’ailleurs, selon les spécialistes musulmans, dans les minimes variations admises évoquées plus haut.

Rien de très passionnant ni de très innovant dans les articles scientifiques du Dr. Puin !

Par contre, lorsqu’il donne des interviews à des journaux ’grand public’ ou à des revues de vulgarisation comme le magazine Campus de novembre 1999 (en allemand) ou probablement au journaliste du Gardian, ou lorsqu’il publie des communiqués de presse et donne des conférences, ce professeur d’université n’hésite pas à sortir de son rôle de scientifique pour livrer ses ’convictions personnelles’ sur le texte coranique actuel : ’Un cinquième du Coran doit être relu (et donc corrigé)’ déclare-t-il, par exemple, en titre de son communiqué de presse du 08 Décembre 1999, publié en allemand dans Teachernews.

Il me semble d’ailleurs utile d’analyser ce communiqué de presse plus avant car il nous révèle précisément les détails de la ’méthode Puin’.

C’est ainsi que sa biographie officielle nous informe qu’il a passé un doctorat de sciences politiques et de géographie économique à l’université de Bonn en 1969. Que durant ses études, il a été le premier étudiant non-musulman à être admis à un stage de sept mois à l’université de Riyad en Arabie Saoudite entre 1964 et 1965. Après son doctorat, il a intégré l’Institut d’Études Orientales de Hambourg avant d’être embauché en 1972 par l’Université du Land de Sarre. De 1981 à 1985, il a été détaché de son université pour une mission au Yémen ’d’inventaire et de restauration de manuscrits arabes anciens’ sous l’autorité du Ministère des Affaires Étrangères allemand dans le cadre de la coopération culturelle bilatérale. Il a ensuite été relayé dans ce travail par son collègue de l’Université du Land de Sarre, le Comte Hans-Caspar de Bothner, spécialiste des enluminures arabes anciennes. Leur travaux ont permis de déterminer que les dizaines de milliers de fragments manuscrits découverts à Sanaa provenaient de 926 Corans différents, ils ont abouti à une exposition au Yémen en 1997 et à la prise de 35 000 photographies microfilmées des dits manuscrits.

Rien, dans ce prestigieux cursus universitaire, ne permet au Dr. Puin de se prévaloir de compétences particulières en grammaire arabe. Tout ça ne l’empêche pas d’avoir le culot de prétendre ’qu’un cinquième du texte actuel du Coran est grammaticalement incompréhensible’ ! Et même d’aller plus loin puisqu’il se propose de ’corriger’ le texte actuel du Saint Coran ! Comment compte-t-il s’y prendre ? Son communiqué de presse nous explique en détail sa méthode qu’il qualifie ’d’historico-critique’ : Il compte partir de la version officielle du Coran en arabe c’est à dire celle de l’Université ’Al Azhar’ du Caire de 1924. Grâce à un logiciel informatique, il en enlèvera les voyelles courtes et signes diacritiques, ajoutés dans un deuxième temps au texte originel pour en faciliter la lecture et la compréhension. Il obtiendra ainsi le texte originel en ’Rasm’. Le Rasm est l’écriture arabe ancienne telle qu’on l’écrivait du temps du Prophète (S.W.S.). Il compte ensuite comparer le texte ainsi obtenu au texte en Rasm des fragments manuscrits découverts à Sanaa.

Jusqu’à présent, rien de très révolutionnaire ! Cette méthode est la méthode classique des grammairiens arabes et dont le Dr. Puin semble ignorer jusqu’à l’existence ! C’est ainsi que les musulmans disposent de milliers d’ouvrages sur le sujet, Monsieur Puin semble avoir redécouvert la roue et il fait une conférence de presse pour annoncer au monde sa ’découverte’ qui va révolutionner notre vie ! On retrouve ici l’ignorance et le mépris chronique des occidentaux pour les remarquables travaux des scientifiques musulmans durant quatorze siècles.

Puis-je humblement conseiller au Dr. Puin la lecture de livres tels que “Al Mufradat Fi Ghalib Al Qur’an” (Analyse de termes rares dans le Coran) de Al Asfahani ou “Irchaad Al Fuhul” (La direction des clairvoyants) de A Choukani ou enfin “Al Burhan” (La preuve) de Zarkachi qui devraient lui ouvrir quelques horizons dans ce domaine ?

Après avoir ré-inventé la méthode grammaticale de base en arabe, le Dr. Puin ne se propose rien de moins que de ’clarifier’ les passages obscurs (selon lui) du Coran ; en revenant aux matrices des mots, méthode classique. Mais si ça ne lui suffit pas, (et on peut tout de suite lui annoncer que ça ne lui suffira pas parce que ce travail a déjà été fait maintes fois), il se propose de traduire le texte de l’arabe classique en araméen, qu’il qualifie ’d’arabe originel’. L’araméen est en effet une langue sémitique ancienne, racine commune à l’arabe et à l’hébreu. Mais cette langue n’était pas parlée par le Prophète de l’islam. Du coup, la méthode est scientifiquement nulle et disqualifie la démarche du Dr. Puin

Pour illustrer son propos, le Dr. Puin nous donne l’exemple du mot ’As Sakînah’ (la quiétude). L’analyse du mot nous renvoie vers sa racine arabe (s-k-n), mais, selon Puin, le contexte coranique de situation du mot (voir 2:248, 9:26, 9:40, 48:4, 48:18, 48:26) a peu de choses à voir avec la quiétude, il suffit alors de comprendre la racine s-k-n dans sa compréhension araméenne et hébraïque de ’présence (de Dieu)’ pour que le sens des passages cités s’éclaire… A force de torturer le texte, il finira par ’bien’ parler semble penser notre professeur allemand.

Car ce type de manipulation peut donner des résultats étonnants. C’est par cette méthode que la secte des ’Témoins de Jéhova’, torturant le texte grec de la vulgate, (en donnant au terme grec ’kolasin’ le sens de ’retranchement’ plutôt que celui de ’châtiment’) a réussi à éliminer la notion d’enfer de la Bible !

Mais les ’convictions’ du professeur ne s’arrêtent pas là : le Dr. Puin se permet également d’affirmer qu’’on ne possède pas l’original du Coran’, que ’les copies les plus anciennes sont celles découvertes à Sanaa’, qu’ ’elles sont datées de la fin du septième ou du début du huitième siècle’ et qu’ ’elles sont de toute façon antérieures aux copies conservées à la British Lybrary de Londre, au Palais du Topkapi d’Istambul ou au musée de Taschkent en Ouzbékistan qui elles sont datées de la fin du huitième siècle’…..

Pour ces affirmations, le Dr. Puin ne se base pas sur ces propres observations, ni sur l’étude des manuscrits de Sanaa, il tire ces affirmations de divers orientalistes ayant publié avant lui. Ses opinions rejoingnent celles exprimées par un journaliste scientifique auquel Puin fait explicitement référence : Toby LESTER, qui écrit sur l’analyse philologique des quatre grands groupes de manuscrits pré-cités. Certains journalistes rapportant les propos du Dr. Puin à ce sujet (Manfred Leber in Campus) ont l’honnêteté de citer cette nuance de taille : ’Die ersten vorsichtigen Schlussfolgerungen, die Puin aus ’seinen’ Sanaa-Fragmenten zog, wurden über einen Artikel des Wissenschaftsjournalisten Toby Lester ’What is the Koran ?’ zu Beginn des Jahres (Januar-Ausgabe der Zeitschrift ’The Atlantic Monthly’) erstmals einer größeren Öffentlichkeit zugänglich gemacht.’ D’autres, par contre (Abul Taher in The Gardian) considèrent qu’il s’agit d’un détail qui passe à la trappe. Probable incompréhension entre un journaliste anglophone et un scientifique germanophone.… Ce serait ce que j’adopterais comme analyse s’il n’existait pas d’autres bizarreries.

Car si le Dr. Puin pouvait, avant ses interventions, bénéficier d’un à-priori favorable auprès des musulmans du fait de son aura de scientifique, professeur d’une petite université de province, orientaliste de l’école allemande (beaucoup plus proche des musulmans que les écoles orientalistes françaises ou britanniques…) il en va tout autrement de Toby Lester. ’Journaliste scientifique’, mais surtout américain, qui publie un article intitulé ’What is the Koran ?’ (qu’est-ce que le Coran ?) dans un mensuel confidentiel ’The Atlantic Monthly de Janvier 1999’ mais qui surtout diffuse cet article d’une valeur scientifique plus que douteuse sur internet.

Et là, il n’est plus question de scientifiques de bonne foi, il s’agit bien de polémiques idéologiques au pays du dieu Dollar, des laboratoires de prospective religieuse et des professionnels de la désinformation.

Enlève ton masque Oncle Sam ! On t’a reconnu !

Dans son article, Lester cite des opinions orales du Dr. Puin. Mais naturellement pas les publications scientifiques du ’bon docteur’, et pour cause ! Elles ne parlent pas des fondements scientifiques des ’avis’ exprimés oralement par le Dr. Puin. Ainsi, les uns et les autres font part de leurs ’convictions’ que ’le Coran serait la compilation de textes hétéroclites plus ou moins anciens, que sa compilation définitive ne se serait pas passée comme la tradition musulmane le prétendrait’…. Mais où sont donc passés les arguments scientifiques ? On se trouve ici dans un système de citations circulaires, les uns citant les autres et les autres s’appuyant sur les uns. Le Dr. Puin citant comme référence l’article de Lester, et Lester citant comme référence les opinions orales du Dr. Puin. On assiste à une intoxication mutuelle de ’chercheurs’ qui souhaitent se persuader que le Coran original a disparu et que le texte actuel peut en être ’corrigé’.

C’est exactement le type de présentation faussement scientifique que mes maîtres en médecine m’ont appris à rechercher pour jeter un regard critique sur des conclusions prétendument établies : communication à travers la presse ’grand public’, déclarations fracassantes, références circulaires, absence de comité de lecture, tous les ingrédients classiques de la désinformation scientifique !

En définitive, l’article du Gardian, qui omet de citer les renvois du Dr. Puin vers l’article de Lester, semble plus un résumé dudit article, dont il reprend la forme, le plan, les informations principales, les polémiques, qu’une synthèse des publications scientifiques du Dr. Puin. Pourquoi alors ne pas l’avoir écrit d’emblée ?

D’autres questions restent sans réponse à l’analyse de l’article du Gardian : Pourquoi l’auteur oriente-t-il le lecteur vers des polémiques biaisées ?’Ils (les musulmans) pensent que ce n’est pas à un universitaire comme moi de faire des remarques sur ces manuscrits’, rapporte le Dr Puin.’, alors que les reproches fait par les musulmans au Dr. Puin ne sont pas de s’intéresser au Coran, il portent essentiellement sur le manque de rigueur scientifique de ses affirmations !

Pourquoi l’auteur utilise-t-il des raccourcis surprenants même dans un article de ’vulgarisation scientifique’ ? : ’(Puin) voudrait montrer que les manuscrits apportent un éclairage nouveau sur les premiers développements du Coran en tant qu’ouvrage doté d’une ’histoire textuelle’, éclairage qui contredit la croyance musulmane fondamentale selon laquelle le Coran constitue l’immuable parole de Dieu.’ Alors que, dans les publications scientifiques du Dr. Puin, rien ne permet de telles affirmations et qu’il s’agit, de l’aveu même de l’équipe du département orientaliste de l’Université du Land de Saare, in ’Des Koran als Gemeindeprodukt ?’ (Le Coran en tant qu’œuvre littéraire ?)de Karl-Heinz Ohlig, Universität des Saarlandes magazin Forschun 1/99 33-37, de la reprise d’hypothèses plus anciennes d’autres orientalistes tels que G. Lueling in ’Über den Ur-Quran. Ansätze zur Rekonstruktion der vorislamisch-christlichen Strophenlieder im Koran, Erlangen (Essai de reconstruction des influences anté-islamiques et chrétiennes dans le Coran) 11974, 2 1993’ ou John Burton in The Collection of the Quran, (La compilation du Coran) Cambridge, London, New York, Melbourne 1977.’

Toutes ces manipulations laissent mal augurer de l’utilisation ultérieure des 35 000 microfilms pris des manuscrits de Sanaa et rapatriés en Allemagne par le Dr. Puin en 1997, juste avant d’être désavoué par le gouvernement yéménite. Si l’objet de ses travaux était vraiment la recherche scientifique, pourquoi le Dr. Puin le les publie-t-il pas in extenso de manière à en faire bénéficier l’ensemble des chercheurs ?

Finalement, l’article du Gardian ne peut être présenté comme un article de vulgarisation scientifique de travaux de recherche sur les premiers exemplaires du Coran. Il s’agit plutôt d’un article de désinformation visant au mieux à faire douter les musulmans de leur foi.

Et pour y arriver, il fallait d’abord donner aux déclarations orales du Dr. Puin et à cet article la forme d’un ’scoop’, les manuscrits de Sanaa en ont été le prétexte mais les informations que l’article diffuse n’ont rien à voir avec l’analyse de ces manuscrits. Il fallait un habillage scientifique, le Dr. Puin s’est prêté à cette mascarade en se déconsidérant définitivement.

Tout cela pour faire passer le message que ’les originaux du Coran ne sont pas parvenus jusqu’à nous’, que ’’l’analyse scientifique’ des différentes compilations permettent de les dater toutes de la fin du septième et du huitième siècle’, que ’un cinquième du Coran est grammaticalement incompréhensible’, bref, qu’il ne faut plus lire le Coran comme un texte de référence mais comme une sorte de roman que les ’chercheurs scientifiques’ peuvent se permettre de ’corriger’…

’Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !…’ Machiavel dans ’Le Prince’.

Je m’étais plongé dans la recherche bibliographique liée à l’article du ’Gardian’ avec l’espoir de trouver des révélations extraordinaires, en définitive, je n’ai rien trouvé de nouveau au plan scientifique par contre j’ai découvert des collusions malhonnêtes entre un professeur pratiquant un double langage et des journalistes peu scrupuleux. Comme si la recherche occidentale en islamologie avait encore besoin de se discréditer davantage.

De grâce, messieurs les orientalistes, cessez de parler de science à propos de vos ’travaux’ !

S’il faut chercher un point positif à l’article du ’Gardian’, c’est bien, par ses affirmations provocantes, d’avoir suscité notre curiosité qui nous a permis d’augmenter nos connaissances dans un domaine fondamental de notre religion. Que son auteur en soient pour cela remercié.

Dr. Abdallah et Coll.

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