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Le Conseil européen de la Fatwa pourrait remettre en cause la répudiation

Vendredi matin 1er juillet, Yousouf Ibram, l’imam de la mosquée de Genève, tout de blanc vêtu, parle d’une voix ferme. Longuement. Il sait que son sujet va déranger plusieurs des membres du Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche (CEFR) assis autour de grandes tables disposées en fer à cheval. Il s’agit du délicat problème de la répudiation. Comment l’islam, qui pose tant de conditions pour que deux personnes puissent se marier, pourrait-il se montrer si laxiste en cas de séparation ? Yousouf Ibram n’a pas la réputation d’être un libéral, et sa proposition n’a rien de révolutionnaire. Il demande que cette répudiation ne puisse se faire que devant des témoins. Car dit-il, la démarche devient déjà plus compliquée. Le mari est dorénavant obligé de donner des explications sérieuses. Les témoins, choisis dans la communauté musulmane, mettront toute leur énergie à réconcilier le couple. « Le divorce est la pire des choses licites pour Dieu, il n’est pas permis pour un musulman d’y recourir pour le moindre prétexte », rappelle l’imam de la mosquée de Genève, installé en Suisse depuis 1983.
 
Yousouf Ibram souligne que le taux de divorces chez les couples musulmans vivant en Occident risque dans un proche avenir de rattraper celui des couples non musulmans. Une agitation presque frénétique s’empare de l’assistance. Composé de 33 membres, le Conseil européen de la Fatwa comprend un tiers de cheiks ne résidant pas en Europe. Saoudiens, Soudanais et Mauritanien montent aussitôt au créneau pour condamner cette « innovation ». « Une minorité de savants réclame la présence de témoins en cas de répudiation », rappellent-ils. Après avoir laissé chacun s’exprimer, Youssef Al-Qaradhawi, 77 ans, le président du CEFR, sourit en se tournant vers Yousouf Ibram et le remercie chaleureusement de son intervention. Le cheik qatari reconnaît que le sujet est trop chaud pour être tranché lors de cette session, mais loin d’être enterré, il sera remis sur le tapis lors de la prochaine, qui se tiendra en 2006 en Belgique, en Espagne ou en Suisse.
 
Lors de sa dernière session, qui s’est déroulée du 30 juin au 3 juillet dernier dans un grand hôtel d’Istanbul, le Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche a accepté que l’auteur de cet article, qui n’est pas musulman, puisse assister à ses travaux et en rendre compte. « Je sais que je suis minoritaire sur la question de la répudiation. Mais j’ai pu exposer ma position. Je vais maintenant travailler sur ce sujet, aller aux sources », explique Yousouf Ibram. Récemment, Abdoullah Ibn Youssef Al-Joudai, le secrétaire général du Conseil européen de la fatwa, représentant le Royaume-Uni, n’est-il pas parvenu à faire accepter une fatwa, particulièrement libérale, qui permet à une femme convertie à l’islam de rester mariée à son mari non musulman, alors que l’islam l’interdit ? 


Tahar Madhi, représentant de la France au CEFR (celui-ci compte six Britanniques, cinq Français, trois Allemands) souhaiterait aller encore beaucoup plus loin en ce qui concerne la mise en cause de la répudiation. «  J’appelle à instituer une obligation préalable au divorce consistant à protéger la famille et qui nécessite la déposition devant une autorité judiciaire. Et que le divorce ne peut être validé que devant un juge et des témoins après une requête enregistrée », assure-t-il. Mais ce docteur en droit musulman comparé de Paris VIII reconnaît qu’il est, lui, « ultra-minoritaire ».
 
Cette présence d’un tiers de savants ne résidant pas en Europe ne freine-t-elle pas la vocation même du CEFR qui est de répondre à la multitude de questions que se posent les musulmans du vieux Continent dans leur vie quotidienne ? Si la présidence est assurée par le Qatari Youssef Al-Qaradhawi, la vice-présidence revient au Libanais Faisal Mawlawi , responsable de la Jama’a islamiyya, la branche libanaise des Frères musulmans. Le Français Ahmed Jaballah, directeur de l’Institut des sciences humaines de Paris, arrive en quatrième position. « Nous devons tenir compte du fait que les plus grands savants musulmans ne vivent pas en Europe. C’est vrai que dans le Golfe, ils ne sont pas confrontés comme nous aux problèmes de tous les jours. Malgré tout, les plus conservateurs ne sont pas forcément ceux qui viennent de très loin », assure Ahmed Jaballah.

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