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La vie et l’oeuvre d’Ibn Sîrîn

Dans la Médina de Rabat devant une mosquée, un marchand aveugle crie le titre de certains petits ouvrages qu’il tient, debout, entre les mains. Parmi ceux-ci, une édition abrégée du Livre “d’explication” des rêves attribué à Ibn Sîrîn. Ce nom d’auteur est connu dans toutes les librairies classiques des grandes et moyennes villes marocaines. On vous le nomme aussitôt que vous demandez des livres sur le rêve. En fait, la publication sur les rêves par Ibn Sîrîn, sous des éditions variées, est devenue un des recueils de base, au même titre que le Coran et le Hadith.

Un fait se dégage de ces observations : le règne incontesté de Muhammad Ibn Sîrîn sur la place de l’interprétation onirique au Maroc. Toufic Fahd qualifie cet auteur “d’ancêtre de l’onirocritique musulmane” 1. Sa légende a dépassé les frontières des pays arabes pour atteindre d’autres contrées, comme le constate le témoignage suivant : “On a imprimé à la suite d’Artémidore un ouvrage sous le nom d’Achmet fils de Seïrim, sur l’interprétation des songes. Ses explications se rapportent à la discipline des Indiens, des Persans, des Égyptiens” 2.

Dans leurs écrits, certains biographes arabes lui ont consacré des passages allant d’un paragraphe à plusieurs pages. Ibn Sa‘d 3 expose les éléments de sa vie en une quinzaine de pages. Dans un manuscrit de Muntahab al-Kalam fi ta‘bir al-manâm 4, comprenant les 15 maqâlât du Kitâb al-Qadirî fi al-Ta‘bir de Dînawarî, Ibn Sîrîn fait partie de la sixième classe des mu‘abbirîn, dans laquelle figurent les noms d’Ibrâhim Ibn ‘Abdallâh al-Kirmânî, de ‘Abd Allâh Ibn Muslim, Abû Ahmad Hâlf Ibn Ahmad, Muhammad Ibn Hammâd al-Razî al Habbâz, al-Hassan Ibn al-Husayn al-Hallâl ; Artimidûrûs al-Yûnânî.

C’est dire que d’autres onirocritiques étaient au moins aussi qualifiés que Muhammad Ibn Sîrîn pour bénéficier d’une renommée égale à la sienne. Cependant, l’histoire en a disposé autrement et seul le nom d’Ibn Sîrîn a fait tâche d’huile dans le monde musulman. Au premier abord, le traité de Dînawarî était bien plus indiqué que tout autre à être diffusé, comme le constate Toufic Fahd :

“Le Traité le plus important en oniromancie arabo-musulmane, al-Qâdirî fî-al-Ta‘bir de Abû Sa‘îd Nasr b. Ya‘qûb al-Dînawarî, est dédié à al-Qadir billah (381/991-422/1031) ainsi que son titre l’indique. Composé en 397/1006, ce traité représenté actuellement par plus de 25 copies, est le plus ancien écrit du genre qui nous soit parvenu intégralement” 5.

Selon les biographes classiques, Muhammad Ibn Sîrîn fait partie des célébrités musulmans pour deux qualités : celle de traditionniste – Tâbi‘ – et celle d’onirocritique

 mu‘abbir. Cependant, s’ils insistent volontiers sur la première qualité, ils passent rapidement sur la seconde, lorsqu’ils ne la négligent pas. Cette constatation défie le réalité actuelle. Toutes les grandes bibliothèques du monde musulman et occidental disposent d’au moins un manuscrit onirique dont le nom d’auteur est celui d’Ibn Sîrîn.

Des écrits sur sa vie et sa personne, il ressort un certain nombre de constantes qu’on peut énoncer comme suit : I – Ibn Sîrîn : l’homme ; II – Ibn Sîrîn : le traditionniste ; III – Ibn Sîrîn : l’onirocritique ; IV – La littérature onirocritique ibn sîrîenne.

Nous avons jugé utile d’exposer les éléments d’information relatifs à chacun de ces points pour dégager le portrait d’Ibn Sîrîn. Afin d’établir une hiérarchie, nous avons classé les documents disponibles en fonction de la date du décès de leur auteur, en allant du plus ancien au plus récent 5, pour montrer l’évolution de la transmission des connaissances sur Ibn Sîrîn, en supposant que les connaissances les plus anciennes sont les plus proches de la vérité sur cet homme.

I – Muhammad Ibn Sîrîn : l’homme

Il avait un surnom : Abû Bakr, qu’il portait gravé sur sa bague. Bien que certains auteurs l’attestent (Ibn Sa‘d ; al-‘Asbahânî ; al-Hanbalî), ils n’en précisent pas l’origine. Ibn Sa‘d affirme que ce surnom était Abû Bakr esclave d’Anas Ibn Malik. Quant à son lieu d’origine, la plupart des auteurs citent ‘Aïn al-Tamr (Ibn Sa‘d, Ibn Habîb ; al-Bakrî al-‘Andalusî ; Yâqût, al-Nawawî). D’autres citent Gargarâyâ (al-Bagdâdî ; al-Dahbî ; al-Safdî). Une troisième catégorie mentionne Baysân (Ibn Hallikân ; al-Hanbalî).

Aïn al-Tamr est une ville proche d’al-Anbâr, au nord de Kûfa… Elle a été conquise au temps d’Abû Bakr par Hâlid Ibn al-Walîd en l’an 12 de l’Hégire… De ses captifs faisait partie Safiyya, mère de Muhammad Ibn Sîrîn. Le nom de Sîrîn était celui de sa mère (Yâqût). Selon Ibn Hallikân, Sîrîn, le père de Muhammad était l’esclave d’Anas Ibn Mâlik ; il faisait partie des esclaves captifs de Maysân ou de ‘Aïn al-Tamr où il fut fait prisonnier par Halid Ibn al-Walîd. Cette dernière localité n’aurait été que sa seconde ville de résidence ; il serait originaire de Gargarâya ; il aurait eu Abû ‘Amra pour surnom et il aurait été chaudronnier. Un seul doute est exprimé quant à l’origine du nom de Sîrîn : celui de Yâqût qui l’attribue à la mère de Muhammad. Néanmoins, son témoignage demeure réfutable puisqu’aucune source ne le confirme. Pratiquement toutes les sources sont d’accord sur la captivité de Sîrîn par Ibn al-Walîd et sur son esclavage (Ibn Sa‘d ; Ibn Habîb ; al-Bagdâdî…) et rapportent son mariage avec Safiyya, esclave d’Abû Bakr Ibn Abî Quhâfa. Elle a donné le jour à cinq frères et sœurs : Muhammad, Yahyâ, Hafsa, Karîma et ‘Umm Salîm. Dans sa biographie, Ibn Sa‘d cite Yahyâ et Hafsa. Il évoque aussi les noms d’autres frères : Ma‘bad et ‘Anas qui avaient d’autres sœurs  : ‘Amra, Sawda, dont la mère a été cédée à Sîrîn par son maître Anas Ibn Malîk qui a baptisé précisément Anas Ibn Sîrîn. Ibn Sa‘d rapporte, au total, les prénoms de neuf frères et sœurs Ibn Sîrîn, y compris Muhammad.

Selon al-Nawawî, le nombre de cette fratrie état de vingt-trois dont certains ont acquis une renommée particulière : “Muhammad Ibn Sîrîn, Yahyâ Ibn Sîrîn, Ma‘bad Ibn Sîrîn, Anas Ibn Sîrîn et Hafsa bint Sîrîn, ces frères et sœurs étaient tous dignes de confiance (kulluhum tiqâtun) “, affirme al-Bagdâdî.

Muhammad est né en 34/654 (Ibn Sa‘d ; al-Bagdâdî ; Ibn Hallikân ; al-Dahbî ; al-Yâfi‘î). Il décéda à l’âge de 77 ans en 110/728. Aucun écrit ne réfute ces dates.

La vénération qu’il marquait à l’égard de sa mère n’a pas échappé à nos auteurs. Il n’élevait jamais la voix devant elle ; lorsqu’il lui parlait, il le faisait comme s’il l’écoutait. Lorsqu’il était chez elle, si quelqu’un qui ne le connaissait pas le voyait, il l’aurait pris pour un malade, au niveau de sa voix (Ibn Sa‘d). Selon un parent d’Ibn Sîrîn, celui-ci ne s’adressait à sa mère qu’humblement (al-‘Asbahânî). Quant à son attitude envers sa femme, un hadît précise qu’il n’a jamais connu d’autre femme, à part la mère de son fils, ni à l’état de veille, ni à l’état de sommeil (al-Bagdâdî). Il allait même jusqu’à écarter son regard de la femme perçue en songe, sachant qu’il n’y a avait pas droit. Sa femme, mère de trente enfants, n’en garda en vie qu’‘Addallah (Ibn Sa‘d).

Un handicap remarquable de Muhammad Ibn Sîrîn, sa surdité, n’a échappé à aucun auteur. Cependant, son portrait physique est à peine apparent à travers cette littérature. Seuls Ibn Sa‘d et al-Safdî en mentionnent quelques traits. Sept hadît-s (Ibn Sa‘d) décrivent ses vêtements et la manière de tailler sa moustache : on peut les résumer comme suit :

  1. il portait un pallium (mentionné deux fois) ;
  2. il portait des vêtements blancs (une fois) ;
  3. il portait les vêtements yamanites (une fois) ;
  4. il portait des vêtements de lin (une fois) ;
  5. il portait un turban (trois fois) ; lui collant à la tête (une fois) ; lui pendant dans le dos (une fois);
  6. il se teignait les cheveux (deux fois) ; au henné et au cathame (une fois), en jaune (une fois) ;
  7. il ne se taillait pas les moustaches à la manière de certains une fois).

Pour al-Safdî, Ibn Sîrîn était : “petit de taille, le ventre gros, la chevelure abondante agrémentée d’une raie. Il avait beaucoup d’humour. Il aimait rire et se teignait les cheveux au henné”. D’autres auteurs ont également mentionné son rire (al-Nawawî ; al-‘Asbahânî ; al-Dahbî).

À l’encontre de cette image physique de Muhammad Ibn Sîrîn, qui laisse le lecteur sur sa faim, celle de son profil moral s’impose par sa fermeté. Si parfois, le comportement de la même personne laisse des impressions différentes, sinon contradictoires, ce n’est pas le cas de Muhammad Ibn Sîrîn. L’unanimité est faite sur ses qualités et sur ses capacités qui en donnent l’idée d’un homme hors pair ; à tout point de vue. La seule fausse note que nous ayons relevée est un propos tenu par Ibn al‘Imâd al-Hanbalî : al-Hasan, Ibn Sîrîn et Al-Sa‘bî ayant été invités par Ibn Hubaïra qui désirait les consulter sur un fait, Ibn Sîrîn, ainsiq u’al-Sa‘bî auraient donné un avis d’homme craintif – quawlan fihi ba‘d al-Taqiyya -, à l’inverse d’al-Hasan. Ibn Hubaïra aurait versé à al-Hasan une récompense double de celle des deux premiers qui auraient dit : nous avons gnognoté, offre-nous une gnognote – qas-qasbâ faqaqis lanâ wa-l-qasqasatu al-radî u min-l-‘atiyya. Cette source tardive n’est confirmée par aucune autre. D’autres versions opposées du même événement sont données (voir notamment al-Asbahânî).

II – Muhammad Ibn Sîrîn : le traditionniste

“Homme de confiance, de constance, sublime, ingérnieux, juris-consulte, imâm, homme de sience et de scrupule” (Ibn Sa‘d, VII, p. 193).

“Un Imam en exégèse, en jurisprudence, en interprétation onirocritique, un ascète et un vertueux avancé – al-muqaddam fî zuhd wa-l-wara ” (al-Nawawî).

“C’était une autorité, un faqîh et un ‘imâm d’une grande science, un homme de confiance et de scrupule accompli, un onirocritique érudit” (al-Dahbî).

Ces trois citations résument les diverses qualités d’Ibn Sîrîn qui transparaissent, à travers l’exemple de la littérature qui lui ets consacrée, en relation avec ses activités de muhaddit, de marchand d’étoffes et d’interprète onirocritique. ce traditionniste de deuxième génération, formé à l’école kufite, s’est conformé à l’Islam à la lettre. Il s’en servait comme écran à travers lequel il percevait le monde. Il se révèle être un homme de qualités inégalées. Il était considéré, par beaucoup, comme l’homme supérieur. C’est un homme exceptionnel, d’une grande envergure qu’il nous est donné de connaître.

1 – Muhammad Ibn Sîrîn : l’homme supérieur

Selon les hadît-s liés aux opinions de ses pairs et compagnons, Ibn Sîrîn jouissait d’une aura de vénération qui en faisait une autorité, un homme de déférence ainsi qu’en témoignent les citations suivantes :

“Allez voir le sourd, c’est-à-dire Muhammad Ibn Sîrîn” (Ibn Sa‘d).

“Qui de nous supporte ce que supporte Muhammad Ibn Sîrîn ? Il tranche comme le fer de lance” (Ibn Sa‘d ; al-Bagdâdî, al-Dahbî).

“Soumettez-le à tout ce que vous voudrez, ses scrupules, son intransigeance et sa maîtrise de lui-même vous surpasseront” (al-Bagdâdî, al-‘Asqalânî).

Aucun Basri ni aucun Kufi n’avait la piété de Muhammad Ibn Sîrîn (al-‘Asbahânî).

L’homme le plus sincère que j’aie vu (al-Râzî ; al-Yafi‘î).

L’homme le plus sincère que j’aie connu (al-Bagdâdî ; al-Nawawî).

Il était l’un des plus grands porteurs d’espoir pour cette communauté et des plus sévères envers eux-mêmes (al-Bagdâdî, al-Nawawî). Si, dans le monde, il existait (des hommes) comme les trois (suivants) : Muhammad Ibn Sîrîn en Irak, al-Qâsim Ibn Muhammad au Hedjaz et Radja ‘Ibn Hawawiyya en Syrie. parmi ceux-ci, aucun n’était comme Muhammad (al-Bagdâdî).

Non seulement, Ibn Sîrîn jouissait de qualités morales exceptionnelles, mais ses activités reflétaient également la supériorité de ses capacités intellectuelles, en tant que savant jurisconsulte, comme l’atteste la littérature :

Je n’ai pas vu d’homme d’un savoir plus grand dans sa piété, ni d’une piété plus grande dans son savoir que Muhammad (Ibn Sa‘d, al-Asbahânî, al-Bagdâdî, al-Dahbî, al-Yafi‘î).

Dans toute cette vallée, aucun homme n’avait les connaissances de Muhammad Ibn Sîrîn en jurisprudence (Ibn Sa‘d, al-Nawawî).

2 – Muhammad Ibn Sîrîn : l’homme de science

Il a été le rapporteur d’Ibn ‘Umar et Abu Huraïra ; de Zayd Ibn Tâbit, d’Anas Ibn Mâlik, de Yahyâ Ibn al-Jazzâr, de Surayh et d’autres (Ibn Sa‘d). Al-Bagdâdî cite également ‘Ubayda. D’autres noms sont rapportés. Ibn Hallikân ajoute : Abdallâh Ibn al-Zubayr, ‘Umrân Ibn Husayn.

Ses rapporteurs sont Qatâda Ibn Da‘ama, Hâlid al-Hidâ’, Ayyûb al-Sahtayânî (Ibn Hallikân). Sams al-Dîn al-Dahbî notre d’autres noms également : Ibn ‘Awn, Qurra Ibn Hâlid, Abû Hilâl, Muhammad Ibn Sulaym, ‘Of, Hisâm Ibn Hassân, Yûnus, Mahdî Ibn Maymûn, Jarîr Ibn Hâzim et d’autres.

Dans cette activité, il transmettait le hadît à la lettre (Ibn Sa‘d, al-Nawawî, al-Asqalânî). Lorsqu’il transmettait un hadît, il le faisait comme s’il craignait quelque chose, comme s’il se méfiait (Ibn Sa‘d). Lorsqu’on lui proposait deux faits concernant sa religion, il en considérait invariablement le plus certain (al-‘Asbahânî). Il était contre la transcription des hadît-s et ne tolérait que les lettres du Prophète comme écrit. Néanmoins, il admettait l’écriture des hadît-s à condition de les affacer une fois appris (Ibn Sa‘d). Il avait une confiance totale en Allâh qui, selon lui, disposait du cœur de son esclave pour en faire un sermonneur. Il était contre la générosité contraignante. De son avis, le musulman est celui qui se dessaisit du dirham et du dinâr (al-Asbahânî).

Muhammad Ibn Sîrîn ne se limitait pas à l’érudition et à la transmission. S’il existe une catégorie d’hommes qui réussissent à surmonter toute contradiction possible dans leur vie, en référence à un idéal, Muhammad Ibn Sîrîn peut bien en faire partie. Tout en vivant dans ce bas monde, il se comportait en réalité avec un total détachement par rapport à tout bien matériel et à tout autre individu. Dans sa vie, rien ne résistait au respect total et à la grande vénération qu’il portait à l’endroit de l’Islam. Il a dû, effectivement s’agir d’un homme éminent pour s’être comporté à la manière dont l’ont décrit ses biographes. L’intérêt qu’il portait à la religion ne se limitait pas à son activité de Muhaddit ; toute sa vie passait par le filtre de celle-ci pour ainsi dire. Il avait une attitude révérencielle envers l’Islam et, en conséquence, ses compagnons le révéraient.

3 – Muhammad Ibn Sîrîn : le musulman révérencieux

Toute la pratique religieuse de cet homme était marquée par sa crainte et son respect inconditionnel de Allâh. Il ne se limitait pas aux prescriptions normales de l’Islam, mais (son) âme exigeait de (lui) des choses qu’(il) aurait aimé qu’elle n’exigeât pas (Ibn Sa‘d). Cette exigence se reflétait dans ses occupations quotidiennes. Ainsi, il s’imposait des obligations islamiques régulières qui dépassaient largement le cadre des prescriptions légales. Tout en souscrivant à l’orthodoxie islamique, il s’en démarquait par une certaine praxis qui témoignait de l’adoration absolue qu’il portait à Allâh. Sur ses obligations régulières s’en greffaient d’autres qu’il s’imposait. En matière de purification, lorsqu’il faisait ses ablutions, il se lavait les jambes jusqu’aux mollets, le corps quotidiennement (Ibn Sa‘d, al-‘Asbahânî). Il jeûnait un jour sur deux (id). Il accomplit le pélerinage à la Mecque (al-Nawawî). Divers hadît-s transmis concordent sur sa dévotion. Ses oraisons étaient au nombre de sept ; il complétait le jour ce qui manquait la nuit (Ibn Sa‘d, al-‘Asbahânî). Au souk, il passait en exaltant, louant et invoquant Allâh – yukabbir wa yusabbih wa yad kuru al-lah ta‘âlâ – (al-‘Asbahânî, al-Dahbî). Il s’endormait avant la prière du ‘isâ, se réveillait et veillait toute la nuit (al-Asbahânî). Son respect de la religion se remarquait également dans sa pratique de la langue arabe. Il détestait écrire : Bismillâh al-Rahmân al-Rahîm lifulân, il disait : Bismillâh al-Rahmân al-Rahîm min fulân ‘ilâ fulân. Il n’acceptait de lire le Coran que selon la façon dont il a été révélé et détestait interrompre sa lecture, discuter et la reprendre (Ibn Sa‘d).

Tout ce qui touchait à la religion était sacralisé : il balayait sa mosquée de son habit (Ibn Sa‘d). Ayant vu un homme écrire de sa salive sur sa semelle, il lui dit : cela te fera-t-il plaisir de lécher ta semelle ? (id.)

Cette attitude immaculée était le fil conducteur invisible de sa vie personnelle et publique. Il n’a jamais connu l’envie ni en bien ni en mal – barran wa lâ fâgiran – (Ibn Sa‘d). Bien qu’al-Dahbî signale qu’il aimait rire et s’amuser, sa crainte d’Allâh était constant et se manifestait dans ses actes. La vie sociale n’était pas le lieu de l’oubli d’Allâh mais d’obéissance à ses enseignements.

“Lorsque nous nous joignions à lui, nous échangions des propos ; il riait et demandait des nouvelles. Lorsqu’une question de droit lui était posée sur ce qui était licite et ce qui était illicite, il changeait de couleur, à tel point qu’il devenait méconnaissable” (Ibn Sa‘d, al-‘Asbahânî).

“Sa sociabilité et sa jovialité diurnes cédaient la place, la nuit venue, à des pleurs” (al-‘Asbahânî). Ce même auteur rapporte un hadît selon lequel ses invités entendaient son rire le jour et ses pleurs la nuit. Aussitôt qu’il s’apercevait d’une point de médisance dans son discours, il se ressaisissait : “je n’ai pas vu l’homme noir”, puis il disait : “j’ai sûrement médit l’homme !” (Ibn Sa‘d, al-‘Asbahânî). Cette attitude était l’une des constantes de son comportement : “Lorsqu’on évoquait chez Ibn Sîrîn quelqu’un par le mal, Muhammad l’évoquait par ce qu’il en savait de mieux” (Ibn Sa‘d).

Un de ses propos affirme : si celui qui parle sait que ses paroles sont enregistrées à son compte, il sera moins loquace (id.). Ses pairs le tenaient en haute estime : “Considérez la clémence de Muhammad et ne tenez pas compte de la colère d’al-Hasan” (Ibn Sa‘d). Lorsqu’il passait le vendredi, les gens le reconnaissant, lui frayaient un passage (id.). Toute personne le voyant au souk ne manquait pas d’invoquer Allâh (al-‘Asbahânî). Hammâd Ibn Zayd rapporte un rêve dans lequel il avait vu Ibn Sîrîn enchaîné.

4 – La déchéance matérielle ou la contrepartie de l’idéalisme ibn-sîrîen

C’est cette même attitude immaculée, résultant de sa crainte d’Allah et de sa volonté de respecter inconditionnellement les lois divines qui est probablement à l’origine de sa déchéance ici-bàs, au crépuscule de sa vie : il finit ses jours en prison. Plusieurs versions circulent sur la cause de son emprisonnement. Ibn Sa‘d cite l’explication donnée par ‘Abdallâh al-‘Ansârî :

“Ayant investi 40 000 dirhams dans l’alimentation, il apprit quelque chose sur l’origine de la marchandise qu’il prit en aversion et qu’il abandonna ou distribua en aumône. Il fut mis en prison par une femme. Mâlik Ibn al-Mindir le fit arrêter.”

Une autre cause vient justifier cette même arrestation. Une servante – qu’il avait vendue à la mère de Muhammad ‘Abdallâh Ibn ‘Utmân Ibn Abi‘âss qui la maltraita – revint chez lui alors qu’il ne disposait plus de l’argent à rembourser.

Al-Asbahânî rapporte la première de ces deux versions et ajoute qu’(il) a délaissé la marchandise pour une raison qui fait l’unanimité des savants, au moment où il avait failli en tirer un bénéfice de 80 000 ou gagner 40 000 dirhams. Pour al-Bagdâdî, Ibn Sîrîn a été conduit en prison en raison d’une dette qu’il avait contractée en faveur d’étrangers.

Il avait acheté pour 40 000 dirhams d’huile. Dans une outre, il trouva une souris. Il dit “la souris était au pressoir”. Il répandit toute l’huile (al-Bagdâdî). Al-Nawawî se conforme à cette version des faits, tandis qu’al-‘Asqalânî se réfère à Ibn Sa‘d. D’autres auteurs citent cet incident sans lui donner d’explication.

Muhammad Ibn Sîrîn justifiait par d’autres arguments son emprisonnement : “Je connais cette tristesse pour avoir commis une faure qui remonte à 40 ans… Je connais la faute qui est à l’origine de mon endettement, j’ai traité un homme de banqueroutier – muflis

 il y a 40 ans” (al-‘Asbahânî). “Il y a trente ans, j’ai injurié un homme, (aujourd’hui) j’en suis puni” (al-Bagdâdî).

Il considérait qu’il avait traité un homme de pauvre et qu’il en fut affligé. Il faut croire qu’Ibn Sîrîn était profondément convaincu de la justesse du châtiment qui le frappa car il refusa l’offre faite par son géôlier de passer la nuit chez les siens et de rejoindre la prison au matin (al-Bagdâdî). Respectueux de la légalité, il refusa aussi de sortir donner à Anas Ibn Mâlik son dernier lavement et exigea l’autorisation de l’ordonnateur de l’arrestation (al-Asbahânî).

Tout d’un bloc, fidèle à ses convictions jusqu’aux moelles, sans réserve, Muhammad Ibn Sîrîn, musulman pratiquant sans faille, avait fatalement voué sa vie matérielle à l’échec. Son intransigeance ne connaissait pas de limites.

“Il a refusé le pressurage des raisins d’une propriété familiale et a proposé leur vente à l’état cru ; lorsqu’il apprit leur non rentabilité, il proposa leur transformation en raisins secs, lorsqu’il sut que ce n’était pas une variété appropriée, il supprima le vignoble” (Ibn Sa‘d).

Les mêmes principes mirent fin à sa vie de marchand d’étoffe. Un jour, on lui demanda son avis sur une question à laquelle il ne voyait pas de mal, il déclara que dans son commerce il délaissait tout ce dont il doutait, jusqu’à son abandon complet (al-Bagdâdî). Un certain Maymûn Ibn Mahrân rapporte avoir acheté du tissu chez lui, à Kûfa. À la suite de chaque acquisition, Ibn Sîrîn l’interrogeait trois fois, lui demandant s’il était satisfait. À la fin, il convoquait deux hommes pour témoigner de la conclusion du marché. Ayant apprécié ce mode de commerce, il prit l’habitude d’acquérir chez Ibn Sîrîn les choses disponibles dont il avait besoin.

Notre onirocrite refusait de faire du commerce avec de la monnaie hidjagite, de valeur douteuse et mettait de côté les fausses pièces et les suttûq / faux dirhams. Le jour de sa mort, il laissa 500 suttûq et des fausses pièces.

III – Muhammad Ibn Sîrîn : l’onirocrite

Introduction

La littérature onirocritique manuscrite attribuée à Muhammad Ibn Sîrîn est, d’après nos constatations, la littérature la plus répandue dans ce domaine, dans les bibliothèques nationales ou générales. Il est rare que les catalogues des manuscrits des bibliothèques ne comportent pas le nom de Muhammad Ibn Sîrîn lié à un manuscrit onirocritique. Ainsi, le lecteur curieux qui se rendrait à la bibliothèque principale de villes telles que Paris, Beyrouth, Tunis, Londres, Rabat, Le Caire, Istanbul, Leyde, Bassora, Le Vatican, Berlin – pour n’en citer que quelques-unes – satisferait son désir 7.

C’est dire le nombre de copies à passer en revue pour l’authentification des ouvrages originaux. Cette tâche s’avère d’autant plus compliquée que les copistes s’octroyaient le droit d’agrémenter le texte selon leur fantaisie et en fonction de ce qui leur semblait intéressant.

La considération des écrits ibn-sîrîens n’est pas la seule à faire défaut à l’oniromancie arabe. Jusqu’à présent, les travaux effectués dans cette spécialité sont le résultat d’efforts personnels qui n’échappent pas aux contraintes conjoncturelles insurmontables. À l’époque où, en Occident, des chercheurs se consacrent à l’étude onirocritique, intégrés à des institutions universitaires ou autres, bénéficiant d’aides à la recherche scientifique, certains pays arabes n’ont pas encore dépassé le stade du catalogue de leurs manuscrits. Il s’agit là d’une opération fondamentale sans laquelle ne peut avoir lieu l’identification des ouvrages originels et leur mise à la portée du public au moyen de l’imprimerie.

Lorsque Toufic Fahd affirme :

– “La littérature onirocritique représente, en Islam, l’héritage culturel le plus authentique du passé sémitique” 8 ;

au moment où Von Grunebaum observe :

– “Il n’y a pratiquement pas de phase de la vie de la communauté et de l’individu où les rêves ne jouent un rôle” 9 ;

et lorsque J. Cahen conclut :

– “L’analyse onirique est une chose capitale pour une civilisation et pour l’esprit de celle-ci. Qu’une civilisation accepte le principe même de l’analyse onirique, cela équivaut à lever la condamnation sous laquelle ont gémi, pendant des siècles, les potentiels irrationnels de l’être et des êtres, c’est dorénavant l’irrationnel posé par le rationalisme lui-même – par un rationnel qui a su se dépasser et reconnaître ses limites et ses restrictions – comme transition nécessaire entre la connaissance logique d’une part et la chair vivante et le vécu d’autre part” 10 ;

Nous ne pouvons que prendre conscience de l’abîme à combler – dans les pays arabes – pour le développement de l’étude onirocritique. L’absence d’intérêt en ce domaine entraîne des abus de la part d’auteurs et d’éditeurs qui, ayant pénétré l’engouement des masses arabes pour l’interprétation de leurs rêves, ont découvert un créneau de revenus inespérés par la publication pirate d’auteurs tel Muhammad Ibn Sîrîn. La publication la plus scandaleuse que nous ayons repérée jusqu’à présent est “l’appropriation” du livre de ‘A. al-Djanî al-Nâbulsî, Ta‘tîr al-‘Anâm fî ta‘bîr al-Manâm, par un certain A. Mudjniya. Bien que le texte “de” celui-ci ne comporte aucune référence bibliographique, il l’a préfacé en précisant que ce travail est le résultat de compilations personnelles. La comparaison des deux ouvrages nous a fait découvrir que le livre de A. Mudjniya n’est que la copie littérale de celui de Nâbulsî, tronqué. Car A. Mudjniya n’a choisi que certains symboles interprétés au détriment d’autres, sans même reproduire dans sa totalité l’énoncé de certains textes sur le même symbole. Il est vrai qu’il a enjolivé “son” travail en mettant les symboles retenus en tête de ligne et en donnant leur liste en fin de livre. Ayant certainement été comblé par son succès, il a réitéré en éditant un abrégé.

Ce genre de piraterie bénéficie sans doute, dans le monde de l’édition, d’un consensus général. Car, malgré les “droits réservés” affichés sur la page de garde, chaque maison ayant su apprécier le filon du rêve, s’y octroie des droits sans pour autant intenter de procès à toute autre maison éditant le même auteur. En effet, la demande est suffisamment forte pour que le marché absorbe tout ce qui se présente à lui et l’absence d’autorité morale pour la défense des droits d’auteurs décédés entérine cette situation. Voilà les deux pôles actuels de la littérature onirique arabe : à un extrême, l’absence d’intérêt porté à la littérature manuscrite, à l’autre, l’exploitation abusive de ce patrimoine à des fins lucratives.

Muhammad Ibn Sîrîn est certainement le visage légendaire de premier plan figurant ce phénomène tout au long de l’histoire du monde arabe depuis l’avènement de l’Islam.

Il nous a semblé pertinent de brosser son profil d’onirocrite tel qu’il ressort de la littérature classique et contemporaine et de poser le problème des manuscrits qui lui sont attribués.

1 – Muhammad Ibn Sîrîn, l’onirocrite à travers la littérature classique

“L’oniromancie nous est venue des premiers musulmans. Parmi eux, l’un des plus fameux spécialistes en ce domaine était Muhammad B. Sîrîn, inspirateur de certaines règles d’interprétation des rêves qui nous sont parvenues aujourd’hui”11.

Cette affirmation d’Ibn Khaldûn sur la célébrité de Muhammad Ibn Sîrîn est demeurée intacte tout au long des siècles jusqu’à nos jours. Paradoxalement, l’unanimité acquise quant à ses qualités exceptionnelles en tant qu’homme de science et en tant que muhaddit, fait défaut à sa qualité d’onirocrite. Ce défaut est d’autant plus marqué qu’Ibn Sa‘d, dans sa biographie d’une quinzaine de pages consacrée à Ibn Sîrîn l’homme et la traditionniste, ne souffle mot d’Ibn Sîrîn l’onirocrite. À l’opposé, al-Gâhiz cite quelques-unes de ses interprétations dans Kitâb al-Hayawân, Ibn al-Nadîm mentionne le titre d’un ouvrage d’interprétation de songes dont il est l’auteur, al-‘Asbahânî réserve une partie de sa biographie à ses “étranges nouvelles sur l’interprétation des songes”. Parmi ses caractéristiques rapportées par al-Nawawî, il était l’Imâm… dans l’interprétation des songes. De l’avis d’al-Yafi‘î, Ibn Sîrîn était l’Imâm des mu‘abbirîn. Ibn Halikân note “(qu’) il avait le bras long dans l’interprétation des songes”. Pour al-Dahbî, il s’agissait d’un ‘allâma (savant) dans l’interprétation. Al-Safdî et al-Bukhârî citent quelques-unes de ses interprétations. Al-‘Asqalânî fait référence également à sa compétence en matière d’interprétation de rêves.

La lecture de l’ensemble des éléments biographiques disponibles sur Muhammad Ibn Sîrîn rend probable son activité d’onirocrite. Naturellement, de sérieuses failles demeurent à combler. Certaines questions se posent d’elles-mêmes : est-ce un parti pris de la part de certains auteurs, notamment Ibn Sa‘d, de n’avoir pas immortalisé Ibn Sîrîn l’onirocrite ? L’ouvrage cité par Ibn al-Nadim, est-il authentiquement de sources ibn-sîrîennes ou s’agirait-il déjà d’un ouvrage apocryphe ?

2 – Muhammad Ibn Sîrîn, l’onirocrite chez les auteurs contemporains

On peut se poser la question de savoir quelle place occupe Ibn Sîrîn l’onirocrite de nos jours. Nous avons cherché à le savoir par le recours à la littérature onirocritique et même divinatoire. L’impression qui se dégage de l’ensemble consulté est une reprise incessante des mêmes données et une absence de remise en question de certaines affirmations découlant d’hypothèses transmises d’un auteur à l’autre. les seules études qui semblent déboucher sur de nouvelles perspectives de recherches sont celles de Toufic Fahd. Cette exception faite, les observations sur Ibn Sîrîn se limitent à des généralités et ne procèdent pas d’analyses originales. Elles vont parfois jusqu’à la désinformation, comme nous le constatons chez l’Abbé Richard12 :

“On trouve ordinairement que cet auteur13 que l’on croit avoir vécu dans le neuvième siècle, était chrétien, parce qu’il commence son ouvrage par l’invocation de la Sainte-Trinité, suivant l’usage de ce temps ; mais cela annonce tout au plus que celui qui a compilé les explications était chrétien : car le nom d’Achmet et son ouvrage semblent bien plutôt prouver qu’il était interprète des songes à la cour de quelque roi barbare, emploi que son père Seïrim avait exercé avant lui, ainsi que Sirnacham, Buram et Tarpham l’étaient à la cour des rois de Perse, d’Égypte et des Indes, dont il est fait mention dans le prologue…”14.

Cette citation illustre un cas extrême de transmission d’informations erronées à l’endroit de Muhammad Ibn Sîrîn. L’Abbé Richard fait une mise au point non concluante sur la religion “d’Achmet, fils de Seïrim”. Mais ses déductions sur son origine éloignent le lecteur de la vérité.

Parmi les auteurs dont l’objectif n’a pas dépassé la signalisation de la célébrité d’Ibn Sîrîn, Edmond Doutté. Pour lui, “il était d’une sagacité prodigieuse”. Il rapporte à ce propos trois rêves interprétés par lui, extraits du Mostat’raf d’El-Ibchihi15. D’après Qast’allani, il cite quelques règles qu’Ibn Sîrîn appliquait dans sa pratique.

Dans son article de l’Encyclopédie de l’Islam, Toufic Fahd reprend principalement le texte d’Ibn Sa‘d et son propre ouvrage16. Il situe Ibn Sîrîn dans le temps et dans l’espace, donne les grandes lignes de sa vie et cite les manuscrits et les publications portant son nom tout en posant la question de la légitimité des œuvres qui lui sont attribuées. Dans Dâ‘irat al-Ma‘ârif al-‘Islâmiyya, cette attribution trouve sa source dans la grande considération dont il jouissait en tant qu’onirocrite17. L’auteur de cet article se distingue en affirmant clairement que les écrits en son nom appartiennent à ses successeurs qui lui en ont fait sciemment endosser la paternité.

A. Gaddu oppose Ibn Sîrîn à Freud : le premier fait partie des interprètes de rêves, le second des analystes de rêves. Le plus célèbre dans notre ancienne civilisation orientale est al-‘allâm (le savant) Ibn Sîrîn. Le plus célèbre dans la civilisation occidentale moderne est le savant Sigmund Freud18.

‘Abd-al-Dâ‘im justifie le choix de Muhammad Ibn Sîrîn par les oniromanciens arabes qui désiraient asseoir leur interprétation onirique :

“Les oniromanciens arabes sentaient le besoin d’une autorité pour appuyer leurs idées, surtout au moment où ils cessèrent d’user de la pure tradition musulmane à ce sujet pour recourir à d’autres traditions étrangères et surtout à Artémidore. C’est pour cette raison qu’on voit le nom d’Ibn Sîrîn ressortir juste à l’époque qui a suivi la traduction arabe du livre d’Artémidore par Honein Ibn Ishaq (mort en 260 de l’Hégire / 864 de l’ère chrétienne)19.

Cette affirmation d’‘Abd-al-Dâ‘im n’est qu’une simple hypothèse. En fait, les oniromanciens arabes n’avaient guère besoin de s’adresser à une autre civilisation pour légitimer le développement de leur matière onirique. L’évolution de celle-ci s’inscrivait bien dans l’ensemble de leurs activités d’origine anté-islamique et parfaitement embrassées par l’Islam comme l’explique Toufic Fahd :

“Le jour de sa mort, le Prophète a dit : “il ne reste du prophétisme que le bon rêve ; l’homme juste le voit ou il se fait voir à lui”. L’oniromancie fut ainsi le seul mode païen de divination qui n’ait pas été répudié par l’Islam”20.

On n’aurait guère trouvé meilleure autorité dans le monde islamique que le Prophète lui-même pour donner du poids à l’oniromancie. Cette dernière fait partie de la prophétie :

“L’enfance du Prophète ainsi que la période la plus intense de son activité sont parsemées de rêves. Il suffit de parcourir les premières pages de la Sîra pour s’en convaincre”21.

Toufic Fahd n’est pas le seul à évoquer cette importance que l’oniromancie a prise, dès le début, dans la société islamique. Sa preuve était observée dans la pratique quotidienne du Prophète :

“Mahomet lui-même ne dédaignait pas d’interroger quotidiennement ses élèves sur leurs rêves et de les interpréter. Rêves et visions – il est particulièrement difficile de les distinguer les uns des autres quand il s’agit d’une personnalité comme celle de Mahomet – jouèrent même dans sa propre vie un rôle très significatif. Si l’on veut, on pourrait considérer tout le Coran comme le résultat d’une expérience intime, réalisée sur le plan du rêve” 22.

Pongracz et Santner ne se limitent pas ici à faire ressortir l’importance du rêve dans le développement de l’Islam comme le fait Fahd ; ils vont jusqu’à “considérer tout le Coran comme le résultat d’une expérience intime, réalisée sur le plan du rêve”, hypothèse inconcevable pour des musulmans.

Il est certain que la traduction de l’ouvrage d’Artémidore a enrichi l’approche du rêve par les oniromanciens arabes, parce qu’elle a trouvé un terrain prédisposé, des lecteurs attentifs, soucieux de développer leur discipline non en raison d’une motivation quelconque, mais bien en rapport avec ce que représente cette discipline à leurs yeux. Mais il est moins certain que le nom d’Ibn Sîrîn ait été ressorti “juste à l’époque” qu a suivi cette traduction.

Deux constatations semblent appuyer cette affirmation : d’une part, l’ouvrage analysé par ‘Abd-al-Dâ‘im, Muntahab al-Kalâm fi Ta‘bir al-‘Ahlâm, a bien été rédigé par un auteur arabe même s’il s’agit d’un faussaire – de nombreux indices le montrent

 en tant qu’onirocrite – était bien connu, comme le précise Toufic Fahd. Le problème se poserait plutôt au plan de l’authentification de ce qu’il aurait dit, ainsi que l’a noté Toufic Fahd lui-même :

“… il manque encore une étude déterminant l’âge des écrits qui lui sont attribués. Un fait est certain : aucune donnée d’avant la fin du IVe siècle n’est venue jusqu’ici affirmer qu’Ibn Sîrîn a laissé quelque écrit onirocritique. Par contre, des sources du IIIe/IXe siècle attestent l’existence d’interprétations qui couraient sous son nom”.

Il poursuit, quant à l’hypothèse de son apport : “Il est dès lors vraisemblable que des listes de songes dont l’interprétation lui était imputée, avaient été constituées, pour des usages personnels d’abord, ensuite elles auraient été multipliées et amplifiées au fur et à mesure que la légende d’Ibn Sîrîn interprète se développait…”23.

Toufic Fahd rejoint l’idée de ‘Abd-al-Dâ‘im selon laquelle Ibn Sîrîn est devenu “une sorte de personne abstraite”.

Par ailleurs, Al-Tawîl formule l’hypothèse que les idées des musulmans sur le rêve, héritées de génération en génération, n’ont été connues qu’à l’époque de Muhammad Ibn Sîrîn. Il lui semble fort probable qu’elles aient vu le jour dès l’avènement de l’Islam – le comportement des musulmans ne différant en rien, dans ce domaine, de celui des autres peuples24.

Les différentes idées confrontées dans ce qui précède montrent que, malgré le désaccord sur la place à réserver à Ibn Sîrîn en matière d’interprétation de songes, il n’est pas moins vrai que ce traditionniste a bel et bien contribué à la naissance de l’oniromancie arabe par un apport qui, certes, reste à déterminer.

En résumé, les auteurs contemporains – nous n’en avons cité seulement quelques-uns – souscrivent à la connaissance transmise par les auteurs classiques. Bien que certains d’entre eux soulèvent le problème du lien établi entre Ibn Sîrîn et un ensemble de manuscrits qui semblent avoir été rédigés après sa mort, peu de progrès ont été réalisés dans le sens d’un règlement définitif de la légitimation authentique de ces écrits. Toufic Fahd a suggéré quelques voies de recherche qui pourraient se révéler fructueuses. Cependant, en raison de la nature même de ces œuvres, qui constituent un riche patrimoine culturel, et qui ont hérité de la méthode dite compilatoire25, il s’agit d’une lourde tâche qui suppose de la patience et une longue haleine, sans l’entreprise de laquelle il ne peut y avoir, pourtant, clôture de cette question.

IV – La littérature onirocritique ibn-sîrîenne

1 – L’identification des écrits manuscrits ibn-sîrîens

L’une des énigmes qui entourent les manuscrits de Muhammad Ibn Sîrîn est sans conteste son apport véritable en matière d’interprétation onirique. Les difficultés d’approche de cette question sont multiples. Il faudrait :

1) confronter toute la littérature biographique sur cet auteur ; retrouver notamment le livre que lui a consacré al-Mada‘inî26 ; dresser la liste des interprétations rapportées en son nom et y figurant ;

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2) comparer les premiers manuscrits de l’époque post-ibn-sîrîenne tels ceux d’al-Kirmânî, d’Ibn Qutayba. En extraire les interprétations provenant vraisemblablement d’Ibn Sîrîn, en harmonie avec la vie morale et socio-économique de son époque ;

3) établir une liste unique des interprétations concordantes et attribuées à juste titre à Muhammad Ibn Sîrîn.

Il est bien évident que cette entreprise est hors de portée d’une personne non investie d’un pouvoir délégué et qu’elle ne peut être accomplie que collectivement. L’avantage qu’elle présenterait serait la cessation des spéculations sur Ibn Sîrîn ; l’onirocrite ou le non onirocrite, et de l’exploitation inconsidéré du mythe Ibn Sîrîn.

La liste des manuscrits exposée dans ci-après est plus ou moins complémentaire de celles fournies par F. Sezgin et T. Fahd. Elle se réfère principalement aux catalogues des bibliothèques arabes et procède de nos recherches personnelles dans les départements des manuscrits des Bibliothèques Nationale (Paris), Générale et Royale (Rabat).

Le regroupement de façon générale de cette catégorie de “manuscrits” tels qu’ils existent et tels qu’ils sont classés par les catalogues ne peut concrétiser que la première étape de travail d’identification effective de ces manuscrits. C’est dans ce cadre que se situe le classement suivant. C’est dire sa relativité. Quant à leur reconnaissance unitaire définitive, elle passe assurément par l’étude de leurs contenus mêmes, ce qui constitue un autre objet de recherche.

Nous avons relevé huit titres d’ouvrages assignés à Ibn Sîrîn. Le classement que nous en fournissons n’obéit à aucun critère :

1) Ta‘bîr al-Ru’yâ : Paris, BN 2742, BN 2743, BN 2153 ; Tamgurt (Maroc), 666 in Sarh al-Muhtasar al-Halîlî, Marrakech, Ibn Yûsuf 544.613, Rabat, B.G. ; D. 1177 (abrégé : 112-18 v), Alger, 1542.

2) Ta’wîl al-Ru’yâ : Marrakech, Ibn Yûsuf, 349.

3) Al-Isâra fî‘Ilm al-‘Ibâra  : Tunis, 4035 (attribué à al-Sâlmî, selon Sezgin), Rabat, BG 463 (les 9 premiers chapitres du Traité) ; al-Isâra ‘ilâ ‘Ilm al-‘Ibâra, Ligue Arabe (attribué à al-Sâlmî)27,Paris, BN 2744 ; al-Isârat fî Tafsîr al-‘Ibârât, Le Caire (attribué à al-Sâlmî).

4) Muntahab al-Kalâm fî Tafsîr al-Ahlâm : Ms Bib. Abû Tâlib

5) Tafsîr / Ta‘bîr al Ahlâm : Bassora, al-Abbassiyya, 72 D.

6) Tafsîr al-Manâmât  : Rabat, Bibliothèque Royale, 6621 ; le même, 10065.

7) Kitâb al-Lu lu‘a fî Ta‘b^r al-Manâm : Tunis, 1485.

8) Gawâmi ‘al-Taal-Ru‘yâ  : voir Toufic Fahd28.

9) Ta‘bîr al-‘Ahlâm al-Kabir : Liban, 2, 13/5.

La description des manuscrits faite par les auteurs contemporains est pour le moins troublante. Si, pour certains manuscrits “de” Muhammad Ibn Sîrîn, l’unanimité est faite sur leur identité, d’autres sont ballottés entre plusieurs noms d’auteurs. Ainsi, tandis que De Slane classe le Ms 2744 sous le nom d’Ibn Sîrîn, tout en remarquant néanmoins qu’il est différent du 2742, en précisant qu’il s’agit de Ta‘bîr al-Ru‘yâ augmenté, Sezgin associe ce même Ms 2744 sans réserve au nom d’al-Sâlmî. Il affirme également l’identité des Ms 2742 et 2153, alors que De Slane29 ne mentionne pas ce dernier dans sa liste des Ms arabes sur l’interprétation onirocritique. Une autre divergence existe entre Sezgin et Levi-Provençal30 : pour le premier, les Ms 2744 (BN, Paris) et 463 (BG, Rabat) sont similaires, tandis que pour le second, le Ms de Rabat correspond aux 9 premiers chapitres de l’ouvrage d’Ibn Sîrîn.

2 – Les éditions des ouvrages “ibn-sîrîens”

Cette toile de fond d’incertitude concernant la paternité des ouvrages “de” Muhammad Ibn Sîrîn n’a pas empêché les masses arabisées, en complicité avec les éditeurs, de réserver un sort particulier à l’un d’eux, en l’occurrence, K. Muntahab al-Kalâm fî Tafsîr al-‘Ahlâm. La renommée dont il bénéficie, à travers le monde arabe et musulman, fait partie de la culture communautaire musulmane. Comme nous le savons déjà, l’auteur de cet ouvrage est clairement identifié comme étant B. Ibrahim al-Halîlî al-Dârî30. Cependant, ce progrès demeure lettre morte parce qu’il n’a en rien modifié l’approche pragmatique. Cet état de chose témoigne bien de la coupure réelle entre le monde de l’édition et celui de la recherche. En toute paix de conscience, les reproducteurs et rééditeurs ne cessent d’en fournir le marché, en poussant parfois l’effronterie jusqu’à l’affirmation de la révision de leur édition. Telle celle publiée par Dâr al-Fikr à Beyrouth et distribuée par Dâr al-Nasr al-Hadîta à Casablanca, que nous examinerons par la suite. Ils se sont substitués à un deux ex machina pour satisfaire une demande incessante, dans un domaine jugé sans doute de peu de valeur par les chercheurs, ou sur lequel ces derniers ne désirent guère avoir de l’emprise. Dans un esprit méthodologique, nous avons cherché à répertorier – dans la mesure du possible – les diverses éditions de ce même recueil.

a – Muntahab al-Kalâm fî Tafsîr al-‘Ahlâm : édition complète.

Selon Brockelman32, il a été publié en 1284 (Le Caire, Bûlâq). Il figure également en marge du texte de Ta‘tîr al-‘Anâm fî Ta‘bîr al-Manâm (volume I). Le second volume de ce traité comporte, dans sa marge également, l’ouvrage Kitâb al-‘Isârât fî ‘Ilm-al-‘Ibârât rédigé par Ibn Sahîn al-Zahirî.

Personnellement, nous disposons de la sixième édition d’al-Matba’a al-Azhariyya (Le Caire), parue en 1929, combinant également les trois ouvrages en deux volumes. À Beyrouth, Dâr al-Fîkr a repris ces mêmes textes, sans date de publication. Ils ont été distribués au Maroc par Dâr al-Rasad al-Hadîta (Casablanca). De même format, ces deux dernières éditions diffèrent typographiquement. Les deux textes de Muhammad Ibn Sîrîn ne comportent que des variantes lexicales. Se souciant de ses gains plutôt que du savoir de ses lecteurs, la maison d’édition Dâr al-Fikr a senti le besoin d’appâter sa clientèle en précisant, sur la page de garde, qu’il s’agit d’une édition révisée et comparée à d’autres copies. En réalité, ce n’est qu’une reprise aveugle, au point que l’éditeur n’a pas observé que, dans le second volume il n’était plus question de l’ouvrage d’Ibn Sîrîn mais d’Ibn Sahîn dont la table figure pourtant à la fin de ce second volume, à la suite de celle d’Ibn Sîrîn. Il s’est simplement contenté d’imprimer les mêmes titres sur les deux volumes. Un autre trait plaide contre lui : l’absence notée, parfois, de synchronisation ente les pages de la table et celles des titres de chapitres correspondants à l’intérieur du texte.

Dâr al-Kutub al-‘Ilmiyya (Beyrouth) a publié Muntahab al-Kalâm en ouvrage indépendant en 1982 sous le titre : Tafsîr al‘Ahlâm al-Kabîr. Ce dernier se distingue par l’introduction de sous-titres affectés à des paragraphes découpés arbitrairement, et par la précision, en notes, des Sourates coraniques d’où sont extraits les versets d’illustration.

B – Muntahab al-Kalâm fî Tafsîr al-‘Ahlâm : édition abrégée.

En considération de la double popularité des rêves et de Muhammad Ibn Sîrîn dans les milieux musulmans arabisés, les auteurs-éditeurs manquant d’imagination et en quête de lucre, ont mis sur le marché des abrégés oniriques répondant au nom d’Ibn Sîrîn. Le plus typique est celui édité par ‘Alî Hamad à Beyrouth en 25 chapitres, au titre usurpé de Ta‘tîr al-‘Anâm fî Ta‘bîr al-Manâm 33. Sa deuxième édition est parue en 1969 34. Dans sa préface, l’éditeur expose les raisons qui l’ont poussé à accomplir ce travail. Nous les résumons ainsi :

1 – répondre à l’espoir des demandeurs, à ceux qui désirent expliquer leurs rêves ;. car il est impossible, à beaucoup de s’en passer ;

2 – le volume publié au Caire est peu pratique, le lecteur s’y perd et perd son temps lorsqu’il cherche l’explication d’un rêve : il n’obéit pas aux critères techniques de l’édition moderne et, surtout, il est excessivement coûteux. On ne peut l’acquérir qu’au prix de la vente d’un bien personnel ;

3 – un résumé, péchant par excès, publié à Damas, ne satisfait pas la demande ;

4 – cette publication, de dimension moyenne, met fin à cette situation. Les riches pourront économiser leur temps, et les autres pourront posséder ce Kitâb composé par deux savants célèbres (des plus grands de nos savants) construit sur une base réelle de ce qui se produit comme rêves chez l’être humain dans son sommeil ;

Paradoxalement, Hamad n’a pas noté que, dans l’avant-propos, en un paragraphe précédant le texte, le seul nom mentionné est celui de Muhammad Ibn Sîrîn. La comparaison de la table et du texte de cet abrégé avec ceux des recueils d’Ibn Sîrîn et d’al-Nâbulsî a montré leur absence d’identité.

Ce même abrégé a été publié par Mu’assasat al-Ma‘arif à Beyrouth en 1975 et 1980, sous le titre de K. Tafsî al-‘Ahlâm li-‘Ibn Sîrîn. Comportant une mise en page légèrement différente et quelques variantes lexicales, il n’a pas reproduit la préface de Hamad mais n’a pas manqué, par contre de republier un passage spécifique au premier intitulé K. Tarîqat Fath al-Mandal, sur une méthode de divination35. Le nombre de chapitres est le même.

Nous avons repéré une édition pirate, sans date, sans nom de maison d’édition, du même texte : Kitâb Ta‘bîr al-Ru‘yâ li-Ibn Sîrîn en 25 chapitres.

Ce ne sont là que quelques brèves indications pour illustrer la problématique que pose l’édition scientifique des manuscrits arabes sur les rêves.

Conclusion

Le personnage “public” de Muhammad Ibn Sîrîn correspond, principalement, à deux expressions de sa personnalité en tant que traditionniste et en tant qu’onirocrite. Historiquement, la première l’emporterait – et de loin – sur la seconde. Progressivement, cette hiérarchie s’est renversée pour aboutir, de nos jours, à l’éclipse de d’Ibn Sîrîn le traditionniste au profit du règne d’Ibn Sîrin l’onirocrite.

Paradoxalement, depuis une trentaine d’années, une évidence fait loi : tous les ouvrages portant le nom d’Ibn Sîrîn sont apocryphes. Or, si nous considérons le cas particulier du livre le plus célèbre dans le monde musulman, Muntahab al-Kalâm fî Tafsîr al-‘Ahlâm, bien qu’il ait été démontré clairement que son auteur est bien al-Halîlî al-Dârî, le problème de sa paternité n’est pas pour autant résolu. Cet auteur n’a pas fait œuvre d’écrivain mais de compilateur.

Le débat demeure ouvert quant à l’authentification de cet ouvrage et des autres manuscrits déposés dans les bibliothèques au nom d’Ibn Sîrîn. en réalité, l’évocation de ce nom s’associe à la grande question de la littérature arabe onirocritique non encore soulevée.

Au plan éthique, un autre point demande à être éclairci : celui du choix de Muhammad Ibn Sîrîn – à l’exclusion de tout autre – comme porteur du flambeau de l’oniromancie islamique. Selon l’étude présentée ici, il nous apparaît que cette figure n’a pas été désignée uniquement pour ses compétences dans cette discipline, mais surtout pour ses qualités, inlassablement reprises par la chaîne des transmetteurs. Le premier auteur qui a pris l’initiative de lui déléguer la responsabilité de son œuvre l’a sans doute estimé capable de l’assumer. Car l’interprétation des songes est une activité trop sérieuse pour les personnes non averties de ses embûches. n

 

Amina BELRHITI

 

lexique

Onirocritique (du grec oneiros, rêve) : qui concerne l’interprétation des rêves.

Onirocrite  : celui qui interprète les rêves.

Oniromancie  : divination par les songes : prédication de l’avenir par l’interprétation des rêves.

Ms  : manuscrit (abréviation utilisé dans les références bibliographiques)

Notes

 

1 – FAHD Toufic, (1971) “Ibn Sîrîn”, Encyclopédie de l’Islam, Leyde, E.J. Brill, Paris G.-P. Maisonneuve et Larose, Nouvelle édition, T. III, p. 972.

2 – RICHARD (L’Abbé) M., (1766), La théorie des Songes, Paris, Les Frères Estienne, p. 8-9.

3 – Ibn Sa‘d (1377/1958), al-Tabaqât al-Kubrâ, Beyrouth, Dâr Sâdir li al-Tibâ‘a wa al-Nasr : Dâr Bayrût li al-Tibâ‘a wa al-Nasr, T. 7, 193-206.

4 – Copie aimablement mise à notre disposition par M. Le Professeur ABU TÂLIB Muhammad de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université Mohammed V de Rabat. Qu’il trouve ici l’expression de notre vive gratitude.

5 – FAHD Toufic, (1967) “Le Rêve dans la société islamique au Moyen Age”, Le Rêve et les sociétés humaines, Paris, Gallimard, p. 341.

6 – Nous donnons ici la liste des ouvrages classés selon la date de décès de leurs auteurs, suivis des pages consacrés à Ibn Sîrîn.

I – Ibn Sa‘d Abû ‘Abdallâh (m. 245 H), Kitâb al-Tabaqât al-Kubrâ, Dâr Sâdir li al-Tibâ‘a wal-nasr, Dâr Bayrut li al-Tibâ‘a wal-nasr, 1377/1958, 193-206.

II – Ibn Habîb Abû Ga‘far (m. 245 H), Kitâb al-Muhabbar, Haydarâbad.

III – Al-Gahiz Abû ‘Utmân (m. 255 H), al-Hayawan, Beyrouth, Dâr al-Kitâb al ‘Arabî, 1962, T. 4, p. 269, p. 368-9 ; T. 7, p. 191.

IV – Al-Râzî al-Hanzalî (m. 327 H), Kitâb al-Garh wa al-Tadîl, Beyrouth, Dâr al-Kutub al-‘Ilmiyya, 1372/1952, p. 280-1 ;

V – Ibn Qutayba al-Dînawarî (M. 276 H), al-Ma‘ârif, Beyrouth, Dâr ‘Ihya‘al-Trât al-‘Arabî, al-Tab‘a 2, 1390/1970.

VI – Ibn al-Nadîm (m. 377 H), al-Fihrist, Beyrouth, Rawa‘i al-Turât al-‘Arabî, 1867 (éd. allemande), p. 316.

VII – Al-‘Asbahânî B-A (m. 430 H), Hilyat al-‘Awliyâ‘ wa Tabaqât al-‘Asfiya‘, Beyrouth, 1387/1967, Dâr al-Kitab al-‘Arabî, T. 1/2, p. 263-282.

VIII – Al-Bagdâdî al-Hatîb (m. 463), Tarîh Bagdâd, Maktabat al-Hângî, al Qâhira, al-Maktaba al-‘Arabiyya, Bagdâd, T. 5, p. 331-338.

IX – Al-Bakri al-‘Andalusî (m. 487 H), Mu‘gam mâ sta‘gam min ‘Asmâ al-Bilâd wa al-Mawâdi‘, al-Qâhira, Matba‘at Lagnat al-Ta‘lîf wa al-Targama wa al-Nasr, 1364/1945, p. 319.

X – Yâqût al-Rûmî (m. 626 H), Kitâb Mu‘gam al-Buldân, al-Qâhira, Matba ‘at al-Sa‘âda, 1324/1906, p. 183, p. 253, p. 527.

XI – Al-Nawawî Ibn Saraf (m. 672 H), Tafdîb al-‘Asmâ wa al-Lugât, Beyrouth, Dâr al Kutub al-‘Ilmiyya, p. 82-84.

XII – Ibn Hallikân Abû Bakr (m. 681), Wafaât al-A‘yân, al-Qâhira, Maktabat al-Nahda al-Misriyya, 1948, T. 3, p. 321.

XIII – Al-Dahbî Sams al-Dîn (m. 748 H), Tadkirat al-Huffâz, Beyrouth, Dâr ‘Ihyâ‘al-Turât al‘Arabî, 1376/1956, T. 1/2, p. 77.

XIV – Al-Sahdî Ibn ‘Aïbak (m. 764 H), al-Wâfî bi al-wafaât, Wiesbaden, Franz Staynar, al-Tab‘a 2, 1394/1974, al-guz‘ 3, p. 146.

XV – Al-Yâfi‘î Ibn Sulaymân (m. 768), Mir‘at al-Ganân, Haydarâbâd, Matba‘at Da‘irat al-Ma‘arif al-Nizamiyya, 1337, T. 1, p. 232-234.

XVI – Al-‘Asqalânî Ibn Hagar (m. 852 H), Tahdîb al-Tahdîb, Haydarâbad, Maglis al-Ma‘arif al Nizâmiyya, 1325-1327, T. 9, p. 214-217.

XVII – Al-Hanbalî Ibn al-‘Imad (m. 1089), Sadarât al-Dahab fî‘Ahbâr Man Dahab, al-Qâhira, Maktabat al-Quds, 1350, T. 1, p. 137-139.

7 – Voir Toufic FAHD (1959), “Les songes et leur interprétation en Islam” ; F. SEZGIN (1981), Târih al-Turât al-‘Arabî tardjamat HIDJAZÎ M.-F. wa ABÛ AL-FADL F., al-Qâhira, al-Hay‘a al-misriyya al-‘âmma li-l-kitâb, T. 2, 426/427.

8 – Toufic FAFD, 1967, “Le rêve dans la société islmaique du Moyen Age”, Le rêve et les sociétés humaines, Paris, Gallimard, p. 335.

9 – G.-E. Von GRUNEBAUM, 1967, “La fonction culturelle du rêve dans l’Islam classique”, Le rêve et les sociétés humaines, ibid, p. 14.

10 – J. CAHEN, 1967, “La psychologie du rêve. Son utilisation comme moyen de connaissance et agent thérapeutique”, Le rêve et les sociétés humaines, ibid, p. 121.

11 – Ibn Khaldûn, 1967-1968, Discours sur l’Histoire Universelle, T. 3, trad. V. Monteil, Beyrouth, Paris, Sindbad, vol. III, p. 1040.

12 – La citation est transcrite en français moderne.

13 – Achmet, fils de Seïrim.

14 – RICHARD l’Abbé, 1766, op. cit., p. 9.

15 – Edmond DOUTTÉ (1909), Magie et religion dans l’Afrique du Nord, Alger, Typographie A. Jourdan, p. 402.

16 – Toufic FAHD (1971), “Ibn Sîrîn”, Encyclopédie de l’Islam, op. cit.

17 – Dâ‘irat al-Ma‘ârif al-‘Islamiyya.

18 – GÂDDÜ A.-W., 1956, al-‘Ahlâm wa al-Ru‘â, al-Qâhira, Dâr al-Ma‘ârif bi Misr, p. 5.

19 – ABD AL-DA‘IM A.1956, L’oniromancie arabe d’après Ibn Sîrîn, Paris, thèse complémentaire, Bibliothèque de la Sorbonne, p. 8-9 .

20 – T. FAHD, 1956, “Les songes et leur interprétation selon l’Islam”, op. cit., p. 127.

21 – Toufic FAHD, ibid, note 6, p. 152.

22 PONGRACZ M., SANTNER A., 1965, “Les rêves à travers les âges”, Paris, Buchet-Chastel, p. 86-87.

23 – T. FAHD, 1967, “Le rêve dans la société islamique du Moyen Age”, p. 342.

24 – Al-TAWÎL T., 1945, al-‘Ahlâm, al-Qâhira, Maktabat al-‘Adâb, p. 196-197.

25 – Cf. SOMOGYI (de) J. : la méthode pragmatique fait complètement défaut dans la littérature scientifique arabe. Par contre, c’est la méthode compilatoire qui prévaut dans toutes les branches de leur vie intellectuelle. Le matériel dont leurs écrivains se servent, est ramassé selon des criteria extérieurs (SOMOGYI de J., 1928, p. 7, “Index des Sources de la Hayat al-Hayawane de al-Damiri”, Journal Asiatique, CCXII, p. 5-128).

26 – Cité par Ibn al-NAim, al-Firhist : il s’agit d’un ouvrage intitulé ‘Ahbâr Ibn Sîrîn.

27 – Pour ce même manuscrit, Sezgin note qu’il s’agit du Ms Ta‘bir al-Ru’yâ augmenté par al-Sâlmî, alors que dans Firhis al-Mahtûtât, al-Qâhira, il est observé qu’al-Sâlmî s’est référé à Abû Ishâq al-Kirmânî.

28 – T. FAHD, 1959, op. cit., p. 131. Ce livre a été édité au Caire en 1310/1892.

29 – SLANE (Baron de), 1883-1893, Catalogue des Manuscrits arabes, Paris, Imprimerie Nationale.

30 – LEVI-PROVENçAL, 1921, Les Manuscrits arabes de Rabat, Paris, E. Leroux.

31 – Voir Toufic FAHD, 1959, op. cit., note 21, p. 154.

32 – BROCKELMAN, 1937, Geschichte der arabischen Litteratur Supplemented I, Leiden ; E.-J. Brill, p. 102.

33 – Celui du texte d’al-Nâbulsî déjà signalé. Cet ouvrage comporte aussi un extrait faussementattribué à al-Nâbulsî.

34 – La date mentionnée est 25.4.969 (erreur d’imprimerie ?).

35 – HAMAD, p. 149-155 ; Mu’assasat al-Ma‘arif, p. 121-126.

  • Cette étude est une partie de la thèse de doctorat d’Amina BELRHITI, Le rêve dans la société féminine marocaine (1960-1980), dir. Mohammed Arkoun, Sorbonne, Paris, 1988 ; Tome II, p189-217.

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3 commentaires

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  1. Le même rêve n’a pas la même explication pour deux personnes. L’explication du rêve dépend de la personne qui la vu.

    Une personne qui entend dans son sommeil le muezzin, ce rêve a peut être deux interprétations selon l’état de la personne qui l’a vu.

  2. Des merveilles de son interprétation des rêves
    A vu les pèlerins , le fils de Joseph dans une vision onirique si Haruwan Ottah en prenait un autre raté l’écrit à Abdul Malik lui écrivit Abdul Malik Félicitations, Abu Mohammed atteint Ibn Sirin dit: « ” raté ce Vtantan réalise l’un et manque l’ autre dit il s’est rendu compte que les crânes et autres manquaient ” ».Ibn Sirin a vu comme si les Gémeaux précédaient le Thuraya, alors il a pris son testament et a dit que Hassan Basri mourra et que je mourrai après lui, il est plus honorable que moi.Un homme a dit à Ibn Sirin: «J’ai vu comme si je léchais du miel dans un bol d’essence, alors il a dit Craignez Dieu et revenez au Coran, parce que vous êtes un homme qui a lu le Coran et l’a oublié. . »Un homme a dit à Ibn Sirin: “J’ai vu comme si je cultivais une terre qui ne poussait pas. Il a dit que vous êtes un homme séparé de votre femme .”Un homme a dit à Ibn Sirin: “J’ai vu dans un rêve que je lavais mes vêtements quand ils n’étaient pas purs . Il a dit que vous êtes un homme strict pour votre frère .”Un homme a dit à Ibn Sirin: “J’ai vu comme si je volais entre le ciel et la terre. Il a dit que vous êtes un homme qui regorge de manie .”Un homme est venu à Ibn Sirin et a dit: «J’ai vu comme si j’avais une couronne d’or sur ma tête, alors Ibn Sirin lui a dit:« Craignez Dieu. Sa vue a disparu et qu’il est dans un pays étranger, et il est ordonné de venir à lui . ” “

  3. Il a écrit de nombreux livres sur l’interprétation des rêves et est célèbre pour son grand livre «le grand livre de l’interprétation des rêves». Il était très engagé dans son travail et il n’avait jamais peur de dire l’interprétation pour beaucoup de rêves compliqués. Il a beaucoup travaillé dans ce domaine et est devenu une grande interprétation des rêves.
    Le Livre est sur ce lien: https://www.yoorid.com/products/le-grand-livre-de-linterpretation-des-reves-selon-la-tradition-musulmane-dibn-sirin-tafsir-al-ahlam?_pos=1&_sid=fbbc16d05&_ss=r

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