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La réforme du calendrier musulman: les termes du débat (1/3)

« Le soleil et la lune (évoluent) selon un calcul (minutieux) » (Le Coran)
« C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). » (Le Coran)
« Les oulémas n’ont pas le monopole d’interprétation de la charia. Evidemment ils doivent être consultés au premier plan sur les questions de la charia. (Mais) ce ne sont pas eux qui font la loi religieuse, de même que ce ne sont pas les professeurs de droit qui font la loi, mais les parlements. » (Ahmed Khamlichi)
Les faiblesses du calendrier musulman 
Depuis quelques années, des organisations représentatives des communautés musulmanes d’Amérique du Nord et d’Europe utilisent un calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique pour déterminer le début des mois lunaires, en substitution au calendrier musulman traditionnel basé sur l’observation mensuelle de la nouvelle lune. Les associations musulmanes de France ont annoncé, à leur tour, leur décision d’adopter le calendrier lunaire basé sur le calcul. Que reproche-t-on au calendrier musulman fondé sur l’observation mensuelle de la nouvelle lune, que les sociétés musulmanes utilisent depuis plus de 14 siècles ?
Un calendrier a pour raison d’être d’associer une date spécifique à chacun des jours d’une semaine, d’un mois ou d’une année donnée, afin de permettre aux hommes de gérer toutes leurs activités sur une longue période. Il doit leur permettre de prévoir, de planifier et d’organiser longtemps à l’avance tout ce qui a besoin de l’être.
Or, les sociétés musulmanes se basent sur l’apparition de la nouvelle lune, à chaque fin de mois lunaire, pour déclarer le début du nouveau mois. Un tel calendrier ne permet pas de planifier d’activités, en associant des dates à des jours déterminés, au-delà du mois en cours.
De plus, les dates du calendrier sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans. Par exemple, le 1er chawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 dans 2 pays ; au jeudi 3 novembre dans 30 pays ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays et au samedi 5 novembre dans 1 pays. Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois.
Par conséquent, nul ne songerait, de nos jours, à dater un contrat, à faire des réservations de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, ou à programmer une conférence internationale sur la base des données de ce calendrier.Les faiblesses du calendrier musulman résultent de l’interprétation que les oulémas ont donnée à un célèbre hadith du Prophète sur le début des mois de Ramadan et de Chawwal. Le mois lunaire islamique s’est retrouvé déconnecté de ses fondements conceptuels et méthodologiques astronomiques, ce qui a rendu caduques les fonctions du calendrier musulman.
Par contre, quand il est basé sur le calcul, le calendrier lunaire est en mesure de remplir parfaitement toutes les fonctions que les sociétés modernes en attendent.
Les fondements conceptuels et méthodologiques astronomiques du calendrier
Le mois lunaire débute au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil.
Le mois est défini comme la durée moyenne d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j environ). La lunaison (période qui s’écoule entre deux conjonctions) varie au sein d’une plage dont les limites sont de 29, 27 j au solstice d’été et de 29,84 j au solstice d’hiver, donnant, pour l’année de 12 mois, une durée moyenne de 354,37 j.
Sur le plan astronomique, les mois lunaires n’ont pas une durée de 30j et de 29j en alternance. Il y a parfois de courtes séries de 29 j suivies de courtes séries de 30 j, comme illustré par la durée en jours des 24 mois lunaires suivants, correspondant à la période 2007-2008 : « 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 30, 29, 30, 30, 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 30. »
Cependant, les astronomes ont posé, depuis des millénaires, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succédaient en alternance, ce qui permet de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois consécutifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart mensuel de 44 mn environ, qui se cumule pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Pour solder cet écart, il suffit d’ajouter un jour au dernier mois de l’année, tous les trois ans environ, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien.
Le calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique peut ainsi être établi avec la plus grande précision, sur une base annuelle, longtemps à l’avance, avec des données mensuelles identiques pour l’ensemble de la planète.
Le calendrier musulman a été déconnecté de ses fondements astronomiques
Dans l’Arabie pré-islamique, les bédouins étaient habitués à observer la position des étoiles, de nuit, pour se guider dans leurs déplacements à travers le désert, et à observer l’apparition de la nouvelle lune pour connaître le début des mois.
Quand les fidèles interrogèrent le Prophète sur la méthode à appliquer pour connaître le début et la fin du mois de ramadan, il ne fit que les conforter dans leurs habitudes ancestrales, en leur disant de commencer le jeûne avec l’apparition de la nouvelle lune (au soir du 29è jour du mois de chaâbane) et d’arrêter le jeûne avec l’apparition de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n’est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu’à 30 jours. »
Or, la nouvelle lune ne devient généralement visible que quelque 17 h après la “conjonction”, et sujet à l’existence de conditions favorables résultant de facteurs tels que le lieu où l’on procède à l’observation ; le nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ;  les conditions d’observation (pollution, humidité, température de l’air, altitude) ; la limite de détection de l’œil humain ; etc…
Si la “conjonction” se produit tôt dans la journée, la nouvelle lune sera peut-être visible, le même soir, après le coucher du soleil, dans des régions déterminées du globe terrestre où des conditions favorables d’observation seront réunies. D’un mois à l’autre, ces conditions favorables existeront dans des sites différents du globe terrestre. Sinon, dès le deuxième soir après la “conjonction”, la nouvelle lune pourra être observée facilement à partir de nombreuses régions du globe. C’est pour cette raison que différents Etats et communautés du monde musulman débutent souvent le nouveau mois lunaire en des jours différents, avec un décalage de 24 h les uns par rapport aux autres, au cours des 48 h qui suivent la “conjonction”.
Il va de soi qu’un calendrier qui dépend chaque mois de l’observation de la nouvelle lune pour démarrer le décompte des jours du mois ne peut être d’aucune utilité pour planifier des activités au-delà du mois en cours.
Des règles rigoureuses destinées à réduire les aléas et les dérives
Les premiers astronomes convertis à l’islam (et dans leur sillage les juristes musulmans) savaient bien que la durée du mois lunaire se situait entre 29 j et 30 j, entre deux « conjonctions », ou entre deux observations de la nouvelle lune, comme le Prophète l’avait souligné dans différents hadiths. En ce qui les concernait, le début du mois et sa durée étaient, évidemment, indépendants de la présence ou de l’absence d’observateurs et des conditions de visibilité.
Par conséquent, la première observation d’une nouvelle lune devait, logiquement, marquer le début du nouveau mois lunaire pour l’ensemble de la Terre, et la durée de tout mois lunaire, entre deux nouvelles lunes, devait être identique pour toutes les communautés.
Mais, une fois ces principes posés, encore fallait-il les mettre en œuvre, ce qui n’était guère facile. En effet, une fois la nouvelle lune observée de manière fiable, quelque part, comment  cette information serait-elle portée à la connaissance de populations vivant sur de vastes territoires, ou parfois même en des régions très éloignées (comme l’Espagne par rapport à l’Arabie) ? A qui cette information s’imposait-elle avec toutes ses implications (telles que commencer le jeûne, célébrer la fin du ramadan, etc.) ?
Les juristes des premiers temps de l’islam donnèrent un vaste éventail de réponses à ces questions épineuses. On peut en dégager un noyau central de principes fondamentaux, qui continuent d’être d’un grand intérêt aujourd’hui :
(1) L’observation de la nouvelle lune ne peut être prise en compte que par les communautés auxquelles l’information parvient.
(2) L’observation de la nouvelle lune dans un pays d’Orient marque, sur le plan théorique, le début du nouveau mois pour tous les pays situés à l’ouest du lieu de cette observation. Car, au fur et à mesure que l’âge de la nouvelle lune augmente, entre le moment de sa naissance (à la conjonction)  et son premier coucher, la possibilité de l’observer s’améliore. C’est le cas en allant d’Est en Ouest, de la Mecque vers Casablanca, par exemple, du fait que la nouvelle lune est âgée de 3 h de plus à son coucher au Maroc qu’à son coucher en Arabie Saoudite.
(3) Une observation de la nouvelle lune doit être considérée comme nulle, lorsqu’elle est rapportée alors que la conjonction n’a pas encore eu lieu.
(4) En règle générale, compte tenu des difficultés de communication entre les communautés musulmanes, sur le plan géographique, les habitants de chaque pays doivent appliquer la décision des autorités nationales, concernant le début des mois lunaires.
Aujourd’hui, seul ce dernier principe est scrupuleusement respecté dans le monde musulman. En conséquence, du fait de la multiplicité des Etats et des communautés musulmanes à travers le monde, le même début de mois est, parfois, égrené comme un chapelet, en plusieurs jours successifs, dans différents pays. Il en fut ainsi pour « Eid al fitr » ou 1er chawal 1429, qui fut célébré en 5 jours différents à travers le monde : dans 1 pays le 29 septembre 2008, dans 19 pays le 30 septembre, dans 25 pays le 1er octobre, dans 5 pays le 2 octobre, et dans 1 communauté le 3 octobre 2008.
Un tel dérapage du calendrier musulman est contraire à la Raison. Il ne serait d’ailleurs pas possible, si les trois premiers principes énoncés ci-dessus étaient respectés. C’est la thèse soutenue dès 1965 par Allal el Fassi, un ‘alem de l’université Qarawiyine de Fès et ministre marocain des affaires islamiques, dans un rapport sur « le début des mois lunaires » préparé à la demande du roi Hassan II.
D’après lui, si un consensus islamique pouvait être réalisé autour de l’application des trois premiers principes énoncés ci-dessus, un tel « retour aux sources »  pourrait constituer une « voie de progrès » considérable, dans le but d’unifier les dates des célébrations à caractère religieux à travers le monde musulman.
En effet, grâce aux technologies modernes de communication, la première observation d’une nouvelle lune où que ce soit sur Terre, confirmée par les autorités musulmanes compétentes du lieu d’observation, pourrait être très rapidement portée à la connaissance des autorités compétentes de tous les Etats et communautés musulmanes de la planète, à charge pour ces dernières de diffuser la nouvelle chacune dans son pays.
Une multiplicité de règles pour déterminer le début des mois lunaires
Mais, contrairement au vœu d’el Fassi, les choses n’ont fait que se compliquer davantage quand les Etats, dans le souci d’affirmer leur souveraineté et d’affiner leurs procédures, ont défini, chacun pour son propre usage, de nouvelles règles en matière de détermination du début des mois lunaires.
Ainsi, l’Arabie Saoudite se base sur l’observation mensuelle, à l’oeil nu, de la nouvelle lune pour déclarer le début des mois associés à des célébrations religieuses (Ramadan, Eid al Fitr, dhul Hijja, etc.). Des commissions spécialisées sont chargées, en de telles occasions, de scruter le ciel à l’oeil nu pour apercevoir la nouvelle lune, avant que le Haut Conseil Judiciaire d’Arabie Saoudite ne décrète le début du nouveau mois.
En Inde, au Pakistan, au Bangladesh, à Oman, au Maroc, au Nigéria, à Trinidad, etc., l’observation de la nouvelle lune doit être attestée par un cadi (juge) ou une commission officielle spécialisée.En Egypte, le nouveau mois débute après la conjonction, lorsque la nouvelle lune se couche 5 minutes au moins après le  coucher du soleil.
En Indonésie, en Malaisie et à Brunei, il débute après la conjonction, lorsque l’âge de la nouvelle lune est supérieur à 8 h, l’altitude < 2° et l’élongation > 3 ° .
Il débute, en Turquie, après la conjonction, quand la nouvelle lune forme un angle de 8° au moins avec le soleil, à une altitude d’au moins 5 ° .
En Libye, sous le régime de Kaddafi, le nouveau mois débutait si la conjonction se produisait avant l’aube (« fajr »), heure locale.  L’étude de cas spécifiques démontre, cependant, l’existence d’un écart important entre les règles que les différents Etats et communautés islamiques affirment appliquer et leurs pratiques.

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