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La nouvelle Sainte-Alliance

La classe politique et les médias européens ont donné l’impression d’avoir été surpris par le vote des Suisses contre les minarets. Dans la presse occidentale, un consensus réprobateur s’est établi : comment les Suisses peuvent-ils voter aussi massivement pour une interdiction qui stigmatise l’Islam, ceux qui pratiquent cette religion et ceux qui n’observent pas forcément ses commandements mais qui proviennent d’un monde façonné par elle ?

Les observateurs exotiques de la vie publique en Europe doutent cependant de l’authenticité de ce consensus réprobateur. Pour beaucoup, il est même étonnant qu’il n’y ait eu que près de 60% de voix suisses islamophobes. Ce vote n’était pas un coup de tonnerre dans un ciel d’été. Le matraquage antimusulman est permanent et se décline sur tous les registres des éditorialistes européens. Depuis la révolution iranienne et surtout la disparition de l’URSS, l’Islam « bénéficie » du monopole de la détestation. Il est l’épouvantail que l’on agite avec constance et détermination et que l’on désigne de plus en plus franchement à la vindicte populaire.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont été le prétexte idéal pour faire sauter les derniers verrous de respect des formes. La guerre des civilisations, subterfuge des ultralibéraux pour imposer la marchandisation du monde, mobilise tous ses fantassins. L’extrême droite européenne, dont le parti suisse à l’origine de ce référendum, a donc fait son aggiornamento. Traditionnellement antisémite, elle a passé un contrat de respectabilité renouvelée en modifiant la cible de ses haines. Dans sa version actuelle, l’extrême droite néoconservatrice n’est plus antisémite, elle est pro-sioniste et anti-arabe.

Cette jonction inédite entre des forces autrefois violemment antagoniques, à l’oeuvre depuis plusieurs années aux Etats-Unis, apparaît de plus en plus crûment en Europe. La droite néocoloniale revancharde retrouve voix au chapitre à la faveur du renouvellement du contrat idéologique. Des « bienfaits » de la colonisation aux débats ridicules sur l’identité nationale, en passant par la dénonciation « républicaine » du foulard, le fond de l’air et les références évoquent une époque révolue.

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Si l’histoire ne se répète pas, le néofascisme, lui, reste le même. Dans un contexte de crise, il déborde de ses frontières sociologiques. L’extrême droite contamine la droite classique et recrute aussi chez les sociaux-démocrates. La crise économique et la croissance vertigineuse des inégalités favorisent les retours décomplexés à la grammaire – élémentaire mais efficace – du populisme démagogique. Installer la confusion entre Islam et terrorisme, assimiler les populations basanées à une armée de fanatiques obscurantistes, c’est un élément invariant du discours dominant. Présenter les minarets comme des missiles à une population saoulée d’analyses bistrotières télévisées s’inscrit dans la continuité de cette stratégie d’intoxication.

Faire mine de s’étonner des crispations racistes de la plèbe est donc parfaitement hypocrite et ne sert qu’à reculer pour, au mieux, abonder électoralement dans le même sens. Les sociétés occidentales trouveront-elles les ressources politiques et morales pour sortir des logiques de haine dans lesquelles l’ultralibéralisme veut les enfermer ?

Le Quotidien d’Oran

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