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Algérie: La marche-référendum du 29 mars

Les marches populaires du vendredi se suivent et se complètent en Algérie, se surpassant d’une semaine à l’autre en force numérique, en faste humain et en intelligence politique.
Celle du 29 mars était la sixième. Toutes ont été, en gros, des marches-thématiques, correspondant chacune à une phase de développement de la crise algérienne qui oppose depuis le 22 février dernier la souveraineté populaire à un pouvoir crapuleux qui a perdu toute légitimité.
Cette marche avait valeur de référendum car elle devait explicitement trancher entre une vision légaliste de la manière de sortir de la crise, et une vision prônant la sortie de la légalité en excipant de la « logique révolutionnaire ». Le peuple étant dans la rue, il n’a pas besoin de tuteurs qui ne sont souvent que des opportunistes et des resquilleurs de la dernière heure.
Ceux-là étaient parmi ceux qui demandaient timidement l’application de l’article 102 (empêchement du président de la République pour raison médicale). Quand l’armée leur a emboîté le pas le 26 mars, ils se sont immédiatement récriés, hurlant au coup d’Etat et au contournement de la volonté populaire pour sauver le « système ». En fait ce n’était que leur contournement, eux qui rêvaient d’une transition conçue et animée par eux.
Ceux qui repoussent l’article 102 après l’avoir demandé poussent au nihilisme et encouragent la posture de Bouteflika dans son bras-de-fer contre le peuple. Ils cherchent aussi à opposer ce dernier à l’armée au moment où celle-ci a pris son parti, appliquant de fait l’article 7 de la Constitution.
Personne ne peut démanteler le « système » en sortant de la légalité, ni en quelques mois ni en quelques années. Il sera facile d’éloigner les figures de premier plan qui ont incarné le système, mais très difficile de démasquer ceux qui sont dans l’ombre depuis des années et des décennies à divers niveaux des institutions, quelles qu’elles soient.
Il faut pour cela avoir traduit en réalités les dispositions des articles 8, 11 et 12, en avoir sorti un pouvoir légal, légitime, fort de l’appui populaire et possédant une vision claire des solutions politiques et économiques.
Comment se présente le problème ?
Les Algériens sont, depuis le début de la Révolution citoyenne, devant un cas de figure non prévu par la Constitution algérienne, ni par aucune constitution au monde : un président en fin de mandat, âgé de 82 ans, réduit par les maladies à l’état végétatif, ne veut pas quitter le pouvoir après quatre mandats passés à la tête de l’Etat (20 ans). Le peuple sort par millions dans la rue devant les caméras du monde entier pour lui refuser un cinquième mandat auquel il avait postulé depuis un lit d’hôpital situé à l’étranger.
En guise de riposte, le président sort de la légalité : il annule par voie de décret présidentiel l’élection prévue le 18 avril 2019 à laquelle il était candidat en même temps qu’une vingtaine d’autres, et impose unilatéralement un prolongement indéterminé de son mandat. Nouveau refus populaire.
Ses manœuvres pour rester au pouvoir ayant été rejetées par le peuple qui sort chaque vendredi manifester, il se réfugie dans le mutisme. Jusqu’au 26 mars, quand le chef d’état-major de l’armée fait une déclaration publique dans laquelle il demande au Conseil constitutionnel la mise en œuvre de l’article 102. Ce qui laisse penser qu’aucune entente n’a été trouvée avec le président, et que celui-ci s’en tient à son exigence de rester. Trois jours se sont écoulés depuis, et le Conseil constitutionnel ne s’est toujours pas réuni, ce qui laisse supposer aussi un refus de sa part.
Quelles possibilités reste-t-il au pays devant ce blocage ?  
Ma position face aux évènements majeurs connus par notre pays a toujours été de chercher à coller instinctivement à la légalité. Même quand on ne peut pas l’observer scrupuleusement, il faut en rester le plus proche possible. C’était ma position en janvier 1992 devant la suspension du processus électoral qui nous a fait rentrer dans une aventure qui a duré dix ans et entraîné des centaines de milliers de morts.
A cet égard, l’application de l’article 102 serait une bonne chose dans la mesure où elle donnerait plus de temps à la période d’intérim (quatre mois et demi au lieu de trois en cas de démission ou de décès). Mais elle dépend essentiellement du consentement du président.
S’il est animé par le sens des responsabilités et une pensée pour l’intérêt du pays, il peut accepter de s’y plier en la faisant précéder de certaines mesures qui pourraient mettre fin à la crise :
1) Nommer un nouveau Premier ministre choisi sur une short list de personnes recommandées par le mouvement populaire pour assurer la gestion des affaires courantes, préparer la révision du fichier électoral national en concertation avec les partis, et mettre en place la logistique du scrutin.
2) Nommer la composante de la Haute autorité chargée de l’organisation de l’élection présidentielle, choisie sur une short list proposée par le mouvement populaire.
3) Nommer aux sièges non pourvus au titre du tiers présidentiel des personnes connues pour leur crédibilité et leur éloignement du pouvoir.
4) L’actuel président du Conseil de la Nation (Sénat) démissionne de son poste de président du Conseil de la nation qui élit, en connaissance de cause, une des personnes proposées par le peuple.
5) Le nouveau président du Conseil de la nation prend en charge l’intérim.
6) Un consensus peut être trouvé en concertation avec des délégués du « Hirak »sur la prolongation exceptionnelle de la période d’intérim. L’élection du nouveau président pourrait se tenir en septembre.
7) Le « HiraK » aurait ainsi assez de marge pour élaborer une plateforme politique avec laquelle il participerait à l’élection présidentielle.
8) Exclure les partis de l’alliance présidentielle de l’élection présidentielle.
Le choix du peuple entre la formule légaliste et la formule de la transition hors du cadre légal en vigueur est tombée aujourd’hui du plus haut niveau de la souveraineté sous la forme d’un oukaze de Son Excellence Le Peuple Algérien :
« Notre majesté est attachée à une solution légaliste, dans le respect de la Constitution et des lois du pays, en attendant leur adaptation à la nouvelle configuration historique ».
C’est le principal message de la marche de ce 29 mars 2019.
 

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5 commentaires

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  1. L’Algérie vit une crise de croissance Le Peuple Algérien saura gérer et s’en sortir Ce ci n’est pas une raison pour occulter le combat du Peuple Palestinien en Particulier le martyr de Gaza Tous les médias Arabes occultent cet énorme catastrophe en faisant semblant de parler des manifestations d’Algérie Alors que le Peuple de Gaza subit un véritable génocide tous se taisent et se terrent de peur de gêner l’entité sioniste Au moment ou la Syrie est dépecer personne n’évoque le problème du Golan on préfère citer les manifestation en Algérie Quelle crasse Quelle lâcheté Mais disons nous somme habitué de puis 1947

  2. L’Islam est clair : Il faut faire justice sans insulter les gens pro Boutef.
    Si on était à leur place, on aurait peut être fait la casse du siècle, personne n’est à l’abri.
    Il faut remercier Allah qui nous a donné un rôle de victime et non un mauvais rôle.
    Le problème n’est pas la compétence, un directeur non compétent et qui laisse les choses avancer, vaut mille fois mieux qu’un directeur compétent avec une tète carré.

  3. Après l’Union, L’Organisation. Le temps est une arme à double tranchant . Il ne faut pas se précipiter, certes, mais il ne faut pas non plus dormir sur ses oreillers .
    Avant de nommer les personnes représentatives du mouvement, on doit d’abord définir le profil, les compétences et la mission attendue :
    Pour le profil ; le choix doit être porté sur
    A Profil
    1/ Des personnes n’ayant jamais exercé des fonctions politiques, ou partisanes ,
    2/ Des personnes de moins de 60 ans.
    3/ des personnes issues de l’est, centre ouest et sud pour un équilibre régional . Tout en déterminant le nombre , trois personnes pour chaque région qui vont élire un membre qui fera partie de la présidence collégiale, les autres membres joueront le rôle de conseillers
    4/ des personnes aux compétences reconnues et diverses pour apprécier les situations sous différents angles
    B/ Définir la mission
    1/ Designer un gouvernement technocratique … réduire le nombre de ministères au minimum en jumelant plusieurs fonctions sous formes de secrétariat dont la fonction est de primo, présenter un bilan financier et moral des 20 dernières années secondo préparer les échéances électorales tertio les affaires courantes
    – Ministère de la défense + Ministère de l’intérieur + ministère de l’Éducation et dl’enseignement supérieur + Ministère des affaire Etrangères . Ministères des énergies et des mines + Ministère de l’agriculture, de la pêche et du tourisme …
    2/ Nommer le porte parole des représentants du peuples qui ne doit faire de déclarations qu’au sur la base de PV de réunions .
    2/ Préparer les élections en vu
    a) d’une assemblée constituante.
    b) des élections présidentielles
    3) Revoir les listes électorales, les épurer ,
    4/ Promulguer Une nouvelle loi électorale garantissant l’Honnêteté , la transparence et le contrôle du déroulement des élections .
    PARTAGEZ RECTIFIEZ PROPOSEZ AUTRE CHOSE MAIS BOUGEZ BOUGEZ BOUGEZ AVANT LE 28 AVRIL

  4. Autant le début de votre article dit vrai, ce sont bien –dans l’opposition-, ceux qui appelaient au début avec véhémence à l’application de l’article 102 qui sont les plus vindicatifs aujourd’hui à crier au scandale, autant pour la suite de votre article, j’ai lu plus rigoureux de votre part :
    1. « (quatre mois et demi au lieu de trois en cas de démission ou de décès) »
    Faux, étant donné que les 45 premiers jours prévus par le 102 ne servent en l’absence de démission qu’à confirmer la vacance et à rien d’autre.
    2. « Le « HiraK » aurait ainsi assez de marge pour élaborer une plateforme politique avec laquelle il participerait à l’élection présidentielle »
    Absurde, le peuple entier est dans la rue du nostalgique du Fis au nostalgique des éradicateurs en passant par tous les courants de pensée possibles et imaginables, une telle plateforme politique ne peut tout simplement pas exister.
    3. Comment peut-on écrire à la fois :
    « Le peuple étant dans la rue, il n’a pas besoin de tuteurs qui ne sont souvent que des opportunistes et des resquilleurs de la dernière heure. »
    et
    « Un consensus peut être trouvé en concertation avec des délégués du « Hirak » »
    L’idée de représentativité a non seulement été catégoriquement refusée à maintes reprises par le peuple lui-même à chaque fois qu’elle a été envisagée mais au-delà, toute structuration du mouvement populaire est un non-sens et Soufiane djilali à raison –n’en déplaise à Mme Hanoune même si je ne doute pas de ses intentions elle qui souhaitait la création de comités populaires sans doute un vieux réflexe trotskiste- impossible donc et pas seulement parce que largement refusée, ni parce qu’elle peut faire l’objet de tentatives grossières et pathétiques de paternité par les uns et par les autres le plus souvent définitivement inconciliables dans leurs idées et leurs projets de société.
    Elle est impossible parce que quel que soit le nom, il se trouvera toujours une large part du mouvement à dire « pas lui, il était avocat du Fis », « pas elle, elle est trop laïque à notre goût », « pas lui c’est un moukhabarate », « pas eux, ils fleurent bon le repositionnement fln-rnd » etc
    Mais surtout :
    4. Même si je suis entièrement d’accord avec vous, l’article 102 est la solution la plus à notre portée je suis bien obligé de constater que ce n’est pas ce qui a été exprimé hier.
    Alors quand vous dites :
    « Le choix du peuple entre la formule légaliste et la formule de la transition hors du cadre légal en vigueur est tombée aujourd’hui du plus haut niveau de la souveraineté sous la forme d’un oukaze de Son Excellence Le Peuple Algérien :
    « Notre majesté est attachée à une solution légaliste, dans le respect de la Constitution et des lois du pays, en attendant leur adaptation à la nouvelle configuration historique ».
    C’est le principal message de la marche de ce 29 mars 2019. »
    Soit vous êtes dans le déni, soit vous êtes dans la contre-vérité et la manipulation et dans les deux cas ça ne passe pas. Le principal message était au contraire le refus de l’initiative du CEM et l’exigence de l’application de l’article 7 de la souveraineté du peuple en lieu et place.
    Si vous pensez que le peuple se trompe dites-le, mais n’inventez rien en son nom, 20 millions de témoins pourraient vous le mettre sous le nez enfin je dis ça…

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