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La laïcité française nouvelle est-elle en danger ? L’exemple du mariage annulée Lille

Que dire aux Français qui se posent cette question ? Comment évoquer cette dernière affaire, mettant à nouveau aux prises les principes séculaires républicains et l’islam tel qu’il est pratiqué par certains jeunes musulmans en France ? Est-ce à l’islam de s’affirmer face à la laïcité telle qu’elle est sacralisée dans l’hexagone ou est-ce à la République de s’imposer à l’islam comme elle estime l’avoir fait avec le christianisme, pourtant partie essentielle de la culture européenne ?

En vérité, toutes ces questions suggèrent des réponses globales, la place qu’on leur accorde dans les médias est d’ailleurs révélatrice du malaise que semble provoquer l’islam, qui n’est jamais plus vendeur que lorsqu’il est accusé de ruiner les principes laïcs fondamentaux. Le tribunal de grande instance de Lille a donné satisfaction, époux comme on l’entend dire partout à la télévision, mais aux deux conjoints, qui ont souhaité rendre caduc un contrat matrimonial que le mari (lui seul cette fois) a estimé basé sur des informations erronées, donc reposant sur une relation manquant de sincérité.

La virginité est en cause affirment certains, d’autant plus scandaleux qu’il est intolérable d’assister à un retour aussi primaire et archaïque d’une tolérance zéro vis-à-vis des mœurs sexuelles libéralisées, et solidement ancrées en France depuis la « bataille » de mai 1968. D’autres se plaisent à penser que l’on accable à nouveau gratuitement la communauté musulmane, qui n’a pourtant jamais été aussi hétérogène, dans son ensemble, quant un seul de ses membres supposés (a-t-il seulement affirmé un attachement quelconque à satisfaire ses principes religieux et en l’occurrence islamique) a effectué un choix qui ne concerne que lui.

Qu’aurait-on dit si l’époux avait été issu de la communauté protestante ? Aurait-on assisté à un procès aussi médiatisé et vendeur que celui que l’on fait à l’islam, par le biais de ce « pauvre » individu qui n’a sans doute jamais soupçonné l’élan médiatique qu’allait provoquer sa décision de porter cette affaire devant les tribunaux ? Si l’individu avait été chinois, aurait-on assisté à une levée de bouclier réclamant le boycott des Jeux Olympiques ? Que peut bien signifier cette tendance à remonter aux prétendues racines empiriques ou spirituelles d’un problème bien réaliste ?

Bien sûr, il est plus facile de « taper » sur une religion que l’on estime autant incompatible avec la culture dite judéo-chrétienne (dont la formulation est inédite en France jusqu’à l’époque contemporaine) et dont l’histoire offre un grand nombre d’exemples de confrontations. Figure idéal d’intrus pour le moins archaïque et réactionnaire au sein d’une démocratie dite progressiste par nature, l’islam s’est à nouveau et bien malgré lui distingué dans une banale procédure juridique, quoi que le motif puisse sembler effectivement original. Ce qui parait le plus intéressant à constater ici, ce sont les réactions suscitées dans la classe politique, tantôt opportunistes, tantôt condescendantes. Que dire de la petite phrase, pour le moins ridicule, de l’inexpérimentée Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, qui s’étonne de l’agrément de la justice française à l’application d’une « fatwa contre la République ». Il semble qu’elle ait oublié, comme tant d’autres en France, qu’une fatwa comprend une activité jurisprudentielle diverse et variée partant d’une interprétation subjective (même si elle se réclame d’une objectivité attachée à une lecture la plus sincère possible des écrits religieux). Lorsque Fatwa est synonyme de lecture rigoriste et intolérante, les champions de la rhétorique anti-islam se font un plaisir de saisir la moindre occasion médiatique comme celle de l’affaire de Lille, afin de stigmatiser un peu plus encore l’islam et d’endosser l’habit le plus conforme de la classe politique française qui ne tolère que l’homogénéité des discours sur l’islam qui condamnent sans appel.

Dans sa désormais célèbre précipitation à réagir à chaud à l’actualité qui, semble t-elle croire, la concerne systématiquement en qualité de secrétaire d’Etat, Fadéla Amara a sciemment joint dans cette phrase désormais culte, deux mots contradictoires que sont « fatwa » et « République », qui amplifie l’émoi de l’ensemble de la classe politique, traduisant ainsi le consensus à lier affaire privée de citoyens français de confession musulmane et religion séculaire, qui, selon le vice Président du Conseil Régional du Culte Musulman du Nord-Pas-de-Calais Abdelkader Assouedj, « n’exige nullement que l’épouse soit vierge », sans toutefois omettre d’indiquer que la sincérité est une qualité indispensable autant que légitime entre deux époux.

Autre réaction intéressante, celle de la garde des Sceaux, officieusement attendue au tournant en qualité de première personne d’origine maghrébine à obtenir un poste aussi important dans un gouvernement français. Dans un premier temps en désaccord légitime avec l’idée d’une intervention de l’exécutif dans une affaire juridique privée, alors que des voix se sont fait entendre réclamant la suppression pure et simple de cette procédure juridique d’annulation du mariage, en arguant de la réalité du terrain, puisque dans 60% des cas, le procureur de la République est à l’initiative de cette procédure, notamment utilisée pour lutter contre les mariages blancs.

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Ensuite, devant la mobilisation inopinée de la classe politique, elle s’est faite l’écho d’une de l’opinion, puis a accusé madame Martinel, de chercher à couvrir l’échec de la gauche au sujet de la politique d’intégration franco-française en abandonnant les jeunes filles « entre les mains des grands frères » dans les quartiers difficiles. Elle décide finalement de faire appel de la décision du TGI de Lille. Ne mélange-t-elle pas un peu les choses ? N’est-ce pas les deux conjoints qui ont exprimé leur soulagement, via leurs avocats, à l’issue de la procédure annulant le mariage ?

Ces questions interpellent d’autant plus, que la ministre de la Justice semble tergiverser entre une attitude conforme à ce qu’elle croit être juste et une attitude plus convaincante pour les inquisiteurs qui exigent la tête de madame justice qui n’a pas satisfait aux maîtres du jeu politique. Que dire en effet de cette intrusion de l’exécutif dans la justice, dont l’indépendance est un trait constitutif de toute démocratie ? En l’occurrence elle ne jouit dans ce cas que d’une certaine autonomie puisqu’elle doit rendre des comptes aux élus ! La forme n’est décidément pas plus convaincante que le fond.

Le musulman pratiquant acceptable est celui qui fait sien le précepte pour « vivre heureux vivons cachés ». Le musulman intégré est celui qui ne se contente pas de respecter la laïcité mais abandonne ses principes religieux dans un décor républicain qui tolère de moins en moins l’hétérogénéité en son sein. Alors, intégré ou intégriste l’époux qui a tenu à trouver la femme idéale à ses yeux ? Résumé d’un second procès déjà joué, mené sur commande par le politique, dont l’accusé fait désormais pâle figure face à l’acharnement médiatique ! Quel est cet individu qui prétend refaire le monde, nier les progrès qu’illustrent si bien mai 68, en plein anniversaire de cet épisode dont on est si fier 4O ans après ?

Un musulman assurément ! Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice, a raison de le préciser pour faire retomber pression et ferveur : la décision du tribunal porte non pas sur le défaut de virginité mais sur un mensonge de départ qui fait défaut à la confiance initiale et indispensable. Cet acharnement médiatique qui cherche à pourfendre toute valeur religieuse montre une chose très claire : la volonté affirmée de moraliser le débat, un débat fondé initialement sur des textes de lois, comme il le serait resté dans un pays anglo-saxon. Et la laïcité nouvelle de devenir sacralisée, tandis que celle issue de la révolution des Lumières consacrait le progrès en supprimant le recours à la religion dans l’espace public. La nouvelle laïcité entend installer une morale en lieu et place de la religion devenue aux yeux du vieux continent obsolète, qui marginalise non plus ceux qui entrent en contradiction avec la religion officielle, mais désormais ceux qui y sont toujours attachés, aussi harmonieuse et révisée soit leur pratique !

Malheureusement pour chacun des citoyens français qui porte encore une certaine estime aux valeurs religieuses, quelque soit leur appartenance religieuse, cette laïcité nouvelle dispose d’un avenir radieux en Europe et particulièrement en France, pays des droits de l’Homme, mais assurément pas celui de leurs application totale. Ce même pays des droits de l’homme ou le sujet n’est bon citoyen que s’il daigne renier ses valeurs religieuses fondamentales qui nous permettent en 2008, de nous regarder dans une glace en étant fiers des idées qui nous guident et nous protègent de la « dissolution des mœurs », qui guette certains individus quand elle a définitivement perdu les autres !

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