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La fille aînée de l’Eglise est mal partie

Le site « Mes opinions.com » a mis en ligne un sondage intitulé :

« Non au financement public des mosquées, annoncé par l’Etat ! », qui a recueilli à ce jour 12 871 signatures et se présente comme une adresse à Nicolas SARKOZY. On y lit ceci :

« Française depuis 1388, chrétienne et fière de l’être.

« A l’attention de Monsieur le Président de la République

« Monsieur Le Président

« Nous apprenons – avec une Grande stupéfaction- que M. Benoît APPARU veut faire modifier la loi de 1905 « sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, loi établie par tous les anticléricaux de l’époque, afin de respecter la « laïcité, pour que l’état (donc les contribuables !) financent les mosquées !!

« Nous nous insurgeons contre cette simple idée, l’islam étant par nature incompatible avec les droits de l’homme, et « la laïcité. Chaque mètre carré donné aux musulmans est considéré, pour eux, comme Terre d’islam et donc leur « appartient !

« (nous avons en France des gens qui ont travaillé toute leur vie pour arriver à une retraite de misère. Nos églises « tombent en ruine, sont vandalisées. Des Français vivent dans la rue, les agriculteurs crèvent de misère.)

« Des maires (surtout de gauche) ont financé des mosquées, en bafouant la loi de 1905, car créées sous l’appellation "centre culturel", ensuite Le bâtiment terminé (pour une bouchée de pain, terrain vendu avec bail emphytéotique de « 99 ans pour 1 Euro symbolique), cela devient curieusement "centre cultuel". Le R a disparu, et Le tour de passe « passe est joué.

« Alors nous exigeons que la loi de 1905 soit strictement appliquée, et qu’aucune dérogation ne soit accordée !

« Soit vous financez aussi nos églises, nos chapelles, symboles de Notre civilisation, de nos valeurs, de nos coutumes, « soit vous interdisez formellement non seulement de revoir la loi de 1905, mais aussi de construire de nouvelles « mosquées, car non seulement en pays musulmans il est interdit de construire des églises, mais en plus les mosquées « (appelées casernes par M. Erdogen [sic], ce qui veut tout dire) ne sont pas des lieux de simple prière, mais des lieux « où on appelle les "fidèles" à la guerre (vos services secrets sont parfaitement au courant).

« Avec tout Le respect que je vous dois en tant que citoyenne, veuillez croire Monsieur Le Président à nos « sentiments les plus français possibles. »

Faut-il conclure que près de 13 000 ignorants ont signé ? Voyons en effet d’un peu plus près ce qu’il en est de la loi de 1905, si étourdiment brandie, et de son application.

Le misérabilisme indigné tout d’abord : « Nos églises « tombent en ruine, sont vandalisées. Des Français vivent dans la rue, les agriculteurs crèvent de misère.) » Il semble qu’il y ait une contradiction dans le raisonnement, qui semble regretter que l’Etat n’intervienne pas – nous verrons ce qu’il en est plus loin – dans l’entretien des églises, et le fait de vouloir parallèlement interdire le financement de tout lieu de culte.

Sur le plan du financement, il faut distinguer les choses selon que l’on parle d’églises catholiques ou de temples protestants. Les protestants ayant immédiatement accepté la loi de 1905, leurs temples, qui sont leur propriété, sont entretenus sur leurs fonds propres – ceux de la Fédération Protestante de France et de l’Entente des Eglises Evangéliques par exemple.

Les catholiques ayant, lors de la promulgation de la loi, refusé d’appliqué celle-ci en ne constituant pas les associations cultuelles, leurs églises ont été confisquées et sont maintenant propriété des communes, qui les entretiennent – plus ou moins bien il est vrai – sur les fonds communaux, donc avec nos impôts. Tout cela sans dérogation apparente à l’article 2 de la loi de séparation, qui précise que le République ne reconnaît ni ne finance aucun culte. Et sans que la pétitionnaire s’indigne pour cette entorse à la laïcité.

De la même manière, elle ne s’étonne pas que le Bureau des Cultes du Ministère de l’Intérieur paye les curés, pasteurs et rabbins d’Alsace Moselle, puisque, dans ces régions allemandes en 1905, la loi de séparation ne s’applique pas.

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Pas plus qu’elle ne s’indigne du fait que le budget de l’Etat contribue à la caisse sociale des ministres du culte. Demander à ce qu’aucune dérogation ne soit accordée à la loi de 1905, signifiant implicitement que pas un seul euro ne soit accordé aux cultes signifierait donc l’aggravation de la situation misérable que l’on prétend combattre.

La pétitionnaire s’indigne en second lieu que « Des maires (surtout de gauche) ont financé des mosquées, en bafouant la loi de 1905, car créées sous l’appellation "centre culturel", ensuite Le bâtiment terminé (pour une bouchée de pain, terrain vendu avec bail emphytéotique de « 99 ans pour 1 Euro symbolique), cela devient curieusement "centre cultuel". Le R a disparu, et Le tour de passe « passe est joué. »

Effectivement, des maires ont utilisé la procédure en question, afin de combler la discrimination de fait entre les fidèles musulmans, qui ne disposent pas de lieux de culte, par rapport aux autres fidèles qui en avaient avant la loi de séparation.

Ce qui est condamnable ici est l’hypocrisie dans laquelle nous maintient le système législatif, qui interdit le financement de nouveaux lieux de cultes, et qui est contourné depuis plus de… quatre vint ans, puisque, par exemple, « l’institut musulman de la mosquée de Paris » a été créé afin de pouvoir être financé par l’Etat, une simple mosquée ne pouvant l’être.

J’ajouterai que cette indignation serait moins suspecte si elle s’accompagnait d’une légitime indignation à l’égard des élus qui détournent le droit de préemption urbain ou le droit du permis de construire pour empêcher la construction de mosquées sur leurs communes. Le fait que quasiment tous les ministres de l’Intérieur successifs (à l’exception notable d’un certain Nicolas Sarkozy) aient été obligés de publier des circulaires en ce sens montre bien l’ampleur récurrente du problème.

Enfin, cerise sur le gâteau de l’ignorance, la citation attribuée à R. T. Erdoğan disant que « les mosquées sont nos casernes », brandir la « menace turque » étant supposé toujours efficace par les temps qui courent. Les vers en question (car il s’agit d’un poème en turc) disant « Les minaret sont nos baïonnettes, les mosquées sont nos casernes » sont en réalité de Zia Gökalp (1876-1924), promoteur entre autres… de la laïcité auprès d’Atatürk !

Mais il est vrai que l’ignorance protège.

Elle augure ce que va être le nouveau « grand débat » lancé par le Président de la République, avec sans doute les mêmes intentions que le précédent sur l’identité nationale.

Le discours du Puy en Velay marque à mon sens toutes les limites de l’exercice dans lequel entend l’enfermer Nicolas Sarkozy : l’éloge des paysages de cette région rurale (clin d’œil à « la terre ne ment pas ! » lancé autrefois de l’Auvergne voisine ?), la référence aux grandes cathédrales qui parsèment le pays, à la France des églises et des châteaux, nous mènent, de Méséglise en passant par Guermantes, à la clé de voûte du discours :

« La chrétienté nous a laissé un magnifique héritage de civilisation et de culture : les présidents d’une République « laïque. Je peux dire cela, parce que c’est la vérité. Je ne fais pas de prosélytisme, je regarde simplement l’Histoire « de notre pays. Une fois dit cela, je veux dire que la France a puisé à d’autres sources : il y a quelques semaines, « j’ai reconnu et salué les racines juives de la France. Grégoire de Tours, le plus ancien de nos historiens, qui dans « les mêmes pages de son Histoire des Francs, parle pour la première fois non seulement du sanctuaire du Puy-en-« Velay mais de la synagogue de Clermont ! C’était en Auvergne déjà et Grégoire de Tours écrivait il y a près de « 15 siècles ! C’est la France. La France que nous aimons, la France dont nous sommes fiers, la France qui a des « racines. »

Après le passé, l’avenir : « Ce matin on m’a offert un bâton de pèlerin, peut-être pour que je « sois à mon tour le pèlerin de cette Europe qui puise si profondément ses racines dans « l’histoire. »

Voici le cadre dans lequel le Président d’une République dont il rappelle volontiers le caractère laïque à ses citoyens musulmans inscrit son action. Ce n’est pas le couplet sur « l’héritage politique et philosophique des Lumières qui sert de socle à notre édifice « républicain » qui va changer la tonalité générale de ce discours ni de la ligne qu’il trace pour l’action.

Dans ce cadre strict, la place de l’islam est parfaitement définie par le non dit : celle d’une religion non pas à égalité avec les autres, comme ce devrait être le cas dans une République laïque, mais celle d’une religion subordonnée, de second rang, comme l’écrivaient alors (en 2001) un ancien Maire de Strasbourg et un ancien Président de la Communauté Urbaine de Strasbourg à la Grande Mosquée de Strasbourg qui m’a aimablement communiqué ce courrier : il ne «  […] semble « pas pertinent de comparer la présence et la pratique du culte musulman à Strasbourg à la présence et à la « pratique d’autres religions. Les situations sont historiquement très différentes. « Les unes sont installées en Alsace depuis des siècles, l’autre, d’expression bien plus récente, est encore bien plus « nouvelle à Strasbourg. « […] Créer une mosquée à l’instar d’une cathédrale n’est pas forcément une évidence qui doit s’imposer ici, en « Alsace, où les traditions autant que la pratique sont différentes », avant d’appeler la France, un an plus tard, à se souvenir de son baptême lors du centenaire de la faculté de théologie de la ville.

Le débat sur la laïcité et la place de l’islam en France se présente mal… Je suis curieux de voir quelle sera la réaction de nos concitoyens musulmans à de tels propos : accepteront-ils le statut de « dhimmi(s) » que leur propose le pouvoir ou auront-ils une réaction de rejet à son encontre ? Reste à savoir alors vers qui ils pourraient se tourner, tant il est vrai que sur le plan national, un consensus semble traverser tous les partis – au moins au niveau national, j’insiste sur ce point – sur une conception particulièrement fermée de la laïcité, cimentée, en dépit de molles dénégations, par une hostilité commune à l’islam. Les politiques publiques locales devraient à ce propos être intéressantes et fructueuses à examiner de près, certaines expériences sur le terrain se révélant notoirement en décalage par rapport à ces positions nationales.

Ce sont ces expériences qu’il faudra un jour promouvoir au niveau national, et cesser de laisser l’action à ces Trissotins de la laïcité, ces Femmes Savantes du voile et autres Tartuffes de la République.

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