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La faillite morale de la France

Tout a été dit sur les massacres de Gaza. Presque tout. L’ignominie indéfectible des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité commis par Israël sur une population palestinienne faible économiquement et militairement (forte politiquement et spirituellement). L’acharnement barbare d’un état-major à bombarder, tuer, exterminer tout ce qui bouge (femmes, enfants, civils, médecins) sur le plus petit périmètre territorial au monde, en terme de concentration humaine (ce qui autorise la terminologie de camp de concentration). L’imagination cruelle dans l’emploi d’armes de destruction massive à effet de radiation irréversible (bombes à uranium appauvri, phosphore…). Le cynisme inégalé consistant à faire « chanter » la planète au son du martyrologue auschwitsien, sur fond de requiem palestinien. Presque tout a été dit.

Mais il est une chose essentielle qu’il ne faudra jamais oublier. Ce massacre collectif a été rendu possible par la complicité directe de nombreux états, avec en première ligne les Etats-Unis et la France.

Allié inconditionnel des israéliens, les Etats-Unis ont fait montre d’une remarquable continuité dans leur soutien aveugle au terrorisme d’état du gouvernement sioniste.

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la France, dont on ne peut pas dire qu’elle ait illuminé, auparavant, la scène politique du Proche-Orient, par son courage et son sens du droit, mais qui conservait néanmoins une relative neutralité, teintée de nostalgie gaulliste, a connu une rupture, selon la désormais célèbre formule du locataire de l’Elysée.

Une rupture caractérisée par un soutien direct à la politique sioniste, quelle qu’elle soit. A ce titre, la position de la France va plus loin que le soutien américain, puisqu’elle s’associe directement aux manoeuvres militaires israéliennes. Au soutien des services de renseignements militaires, s’ajoute un soutien logistique : la frégate porte-hélicoptère françaises Germinal a, en effet, été dépêchée au large de Gaza, pour quadriller la zone et favoriser le désarmement des factions palestiniennes armées. Frégate de surveillance maritime de 93,5 mètres de long servie par un équipage d’une centaine d’hommes, armée de missiles Exocet et d’un canon de 100 mm, ce navire dispose notamment d’un hélicoptère Panther et de radars pour détecter les évolutions des bateaux croisant à proximité.

Ce soutien militaire n’est que l’aboutissement le plus visible d’une faillite morale de la France, désormais inévitable.

Cette faillite morale est multiforme.

Une faillite politique

Tout d’abord, une faillite politique. Quatre semaines de massacres israéliens sur Gaza n’auront pas arraché la moindre protestation vigoureuse des partis politiques français. A l’image d’un Obama enchaîné au lobby israélien, les leaders de « l’opposition » ont pratiqué la politique de l’autruche. Se taire, se cacher le temps que le sale boulot soit accompli. Il sera toujours temps d’oublier et d’enterrer les morts. En France, à ce régime, les palestiniens sont morts deux fois. Cette absence de condamanation, consacre définitivement la mort idéologique de la gauche, de son éthique de l’anti-guerre et de l’anti-impérialisme. Le ralliement du PS, le silence du Modem et la frilosité de l’extrême-gauche ont globalement désavoué la classe politique française, dont il y avait peut à espérer, dont il n’y a plus rien à attendre. Les prochaines échéances électorales européennes sonneront l’heure de la revanche et le moment décisif d’une sanction citoyenne qui devra être à la hauteur du camouflet.

Une faillite médiatique

Jamais, journalisme de guerre ne rima tant avec propagande. Le parti pris pro-israélien des diverses lignes éditoriales de la presse française, de ses chaînes de télévision et de ses radios, a atteint un point de non retour.

Petit rappel non exhaustif du petit dictionnaire de propagande sioniste qui pouvait circuler dans les rédactions. Une invasion territoriale, accompagnée d’un feu meurtrier sur des populations civiles, devient une vaste offensive, ou comment porter l’art de l’euphémisme à son suprême raffinement. Ce type de vocabulaire propagandiste a été analysé et définie comme LQR( Linguae Quintae Respublicae, Langue de la Cinquième République) par l’écrivain et journaliste Eric Hazan. « Titrer « Bavure » (Libération, 7 octobre 2004) un article évoquant le meurtre d’une écolière palestinienne par des soldats israéliens qui « avaient pris son cartable pour une charge explosive », c’est transformer un crime de guerre en une grosse bêtise méritant une bonne réprimande. Qualifier d’offensive – comme s’il s’agissait d’une manoeuvre de Rommel ou de Rokossovski – une réoccupation motorisée du nord de la bande de Gaza ou des raids américains sur les villes irakiennes (« Les forces américaines ont poursuivi leur offensive visant les bastions de la rébellion sunnite », Le Figaro, 7 octobre 2004), c’est occulter que ces actions menées avec des chars et des avions visent essentiellement des pupulations civiles1. »

Autre manoeuvre linguistique du bataillon médiatique, l’accusation permanente du Hamas, présenté comme la source de tous les maux, la cause de la « riposte » israélienne et le responsable de la rupture de la trève. Une trève qui prévoyait la levée du blocus israélien infligé en permanence aux palestiniens, en vain. Une trève que les israéliens n’ont cessé de rompre en pratiquant une politique d’assassinat des leaders du mouvement politico-religieux.

Un Hamas, qui n’en est pas un politiquement. Oui, et c’est là, l’axe le plus révélateur de la stratégie de délégitimation de la résistance palestinienne, la déformation la plus grossière et la plus réussie par les médias français. Présenter le Hamas comme parti et non comme gouvernement élu et représentant légitimement le peuple palestinien. Autant systématiquement présenter Sarkozy comme le leader de l’UMP et son gouvernement comme un parti (ce qu’il est évidemment, mais pas seulement) et jamais comme un chef d’Etat.

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Ces exemples illustrent le soutien des médias français, parti prenante du conflit, à la politique de communication de guerre, de l’armée sioniste.

Un petit coup d’oeil sur la programmation des chaînes de télévision publiques, au cours des dix derniers jours de « l’offensive » israélienne, achèvera de nous en convaincre. On y retrouve pêle-mêle la diffusion de La liste de Schindler, un portrait d’Elie Wiesel (Prix Nobel), défenseur acharné de l’Etat juif, des documentaires sur la Whermacht et un film sur l’Occupation. L’anesthésie des esprits est une étape préalable et indispensable à la charcutation des corps.

La faillite des droits de l’homme

Mais, sans conteste, la plus grande faillite qu’aura connu la France demeure celle des droits de l’homme, qu’elle a contribué à ériger comme son oripeau universel. Au point d’en faire un secrétariat d’Etat, fauteuil d’une Rahmatoullah Yade, qui n’a jamais porté si mal son nom (Rahmatoullah, signifie étymologiquement, miséricorde de Dieu). Au-delà du silence et de l’invisibilité de ce porte-drapeau, caution ethnique d’une politique ultra-libérale et atlantiste, c’est la crédibilité même de cette réthorique qui se révèle sous son vrai jour, comme une belle tartufferie.

Parler de droits de l’homme, lorsque des nations entières (palestine, irak, afghanistan, tchétchénie) ploient sous le joug meurtrier de pays aussi puissants qu’arrogants, des nations déchiquetées par les bombes, meurtries par la violence et le feu de leurs bourreaux, c’est ajouter à la cruauté de l’acte, le mépris de la conscience.

En choisissant de soutenir la politique criminelle de l’Etat sioniste, en acceptant le prix de milliers de vies humaines sacrifiées sur l’autel de la déraison d’état israélienne, Nicolas Sarkozy prouve définitivement qu’il sait se montrer faible avec les forts et fort avec les faibles. Il enterre ainsi, pour le plus grand préjudice des européens, le peu d’aura diplomatique que la France avait su capitaliser après son refus de la guerre en Irak.

Souvenons-nous que l’actuel chef de l’Etat était déjà, alors ministre de l’intérieur, le plus ardent détracteur des organisations des droits de l’homme qu’il qualifiait de « droit de l’hommiste ».

Mais le plus significatif sur ce point, est le non-sens absolu, en terme politique, d’avoir créer un secrétariat des droits de l’homme. Peut-on imaginer la signification d’un tel poste gouvernemental ?

Autan créer un ministère de la liberté, un secrétariat de la démocratie ou une commission parlementaire pour statuer sur le sens de la fraternité ? Bêtises républicaines.

Les valeurs et les principes n’ont pas vocation à être formalisés dans un gouvernement mais à guider et à inspirer ses actes. Lorsqu’une valeur n’est plus une norme pratique, mais devient objet de discours politique, elle a cessé d’être.

Ce que nous aura enseigné le drame sanglant de Gaza, et ce n’est pas la moindre des leçons, tient en une formule : la France n’est pas le pays des droits de l’homme, et sous le gouvernement Sarkozy, ne le sera jamais.

1- Éric Kazan, LQR, la propagande du quotidien, p 39, éditions Raisons d’agir

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