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La désinformation ou l’autre guerre contre Gaza

En déclarant accepter le plan égyptien pour un cessez-le-feu, l'Etat d'Israël a cherché durant quelques heures  à se donner le beau rôle et à faire oublier les crimes de guerre perpétrés contre la population civile de Gaza durant plus d'une semaine de bombardements aériens qui ont fait près de 200 morts et des centaines de blessés. Comme on pouvait s'y attendre, les réserves exprimées par le Hamas palestinien à propos de l'initiative égyptienne ont été dénaturées par les médias mainstream et ont été présentées comme un refus du cessez-le-feu, justifiant ainsi par avance la reprise des raids israéliens contre Gaza.

Que s'est-il passé au juste ?  D'abord, au moment où les médias mainstream se sont relayés l'information israélienne, le Hamas n'avait pas refusé le cessez-le-feu en question pour la bonne raison qu'il n'a pas encore été à ce moment destinataire d'une quelconque initiative. Les discussions secrètes ont eu lieu entre les généraux égyptiens et les représentants du gouvernement israélien et ce dernier a vite fait de donner son accord à la partie égyptienne sans attendre que la partie palestinienne en prenne connaissance. 

Il est normal dans ces conditions que le Hamas se méfie et demande à connaître les détails de l'initiative avant de prendre position surtout qu'il n'est pas sans ignorer les motivations secrètes du régime militaire égyptien dont la dernière mise en scène diplomatique s'apparente à un cadeau à son acolyte israélien en vue de lui donner un nouveau prétexte dans sa guerre destructrice. Le Haaretz israélien vient de découvrir le pot aux roses en divulguant que le document de l'initiative égyptienne a été rédigé en collaboration avec des experts israéliens!

 En dépit de tout cela, quelques heures après que le gouvernement israélien eût déclaré accepter la trêve proposée par l'Egypte, le porte-parole du Hamas a fait savoir que son mouvement était en train d'étudier l'initiative rejetée entre-temps par le Djihad islamique. En rappelant les conditions qui pourraient selon lui ramener la paix, à savoir la cessation des bombardements israéliens, la fin du blocus qui frappe Gaza depuis 2006, la réouverture du terminal de Rafah et  la libération des prisonniers palestiniens, le Hamas n'a fait que mettre le doigt sur les véritables enjeux de cette énième guerre d'agression contre Gaza.

Ce sont ces enjeux que la désinformation systématique des médias occidentaux et arabes cherche à cacher à l'opinion publique. Ce faisant, Gaza ne subit pas seulement les conséquences d'une agression aérienne complètement disproportionnée par rapport aux tirs de roquettes que la propagande israélienne agite régulièrement mais doit aussi faire face à une guerre psychologique et médiatique aux conséquences aussi ravageuses.

Israël peut envoyer son armada aérienne contre Gaza sans subir l'opprobre des nations parce qu'il peut compter la complicité des grandes puissances qui régentent le monde mais aussi sur la complaisance des médias qui font et défont l'opinion publique mondiale. Certes, ces médias montrent les images des victimes civiles des bombardements israéliens mais ces images sont toujours accompagnées d'un discours qui feint de regretter qu'à côté des terroristes éliminés, il y a toujours malheureusement des civils innocents.

L'information essentielle qu'on cherche à faire passer est toujours la même et elle accompagne désormais comme une litanie toutes les guerres de l'Empire contre le terrorisme: les victimes civiles sont des victimes collatérales obligées d'une guerre qui resterait quant à elle légitime dans ses motivations profondes  dans la mesure où il s'agirait partout de la défense de la civilisation contre la barbarie intégriste.

Dans cette guerre médiatique sans laquelle la guerre tout court ne serait pas possible, les néoconservateurs de la droite dure et les sociaux-démocrates de la gauche caviar se retrouvent au fond sur la même longueur d'onde. Pour les premiers,  à la guerre comme à la guerre et  Dieu reconnaître les siens. Pour les seconds, Israël devrait faire preuve de retenue et de mesure dans l'espoir qu'une guerre mieux ciblée permettrait d'atteindre les objectifs escomptés sans susciter la colère de l'opinion publique.

Dans ce contexte, la dernière "information" relayée par les médias mainstream suivant laquelle le Hamas aurait refusé le cessez-le-feu accepté par le gouvernement israélien fait partie d'un plan d'intoxication médiatique servant à justifier une fois de plus le soutien de la classe politique toutes tendances confondues à l'intensification de l'agression israélienne  quelques heures seulement après l'annonce d'une trêve imaginaire. Cette  désinformation n'a fait que reprendre celle qui a accompagné depuis le début l'agression israélienne suivant laquelle Israël n'a fait que riposter aux tirs de roquettes du Hamas et à l'assassinat de trois adolescents israéliens en Cisjordanie.

Pourtant, le casus belli était tellement grossier qu'il ne méritait même pas qu'on s'y arrête si ce n'était la complaisance aveugle des médias quand il s'agit de défendre Israël. En effet, quel intérêt avait le Hamas pour tomber dans pareille extrémité quand on sait que l'accord qu'il a signé récemment avec la direction de l'autorité palestinienne lui a permis de surmonter l'isolement diplomatique et la crise financière dans lesquels Américains, Israéliens et Arabes ont voulu l'enfermer ?

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Les véritables enjeux stratégiques de cette énième guerre israélienne,  au premier rang desquels se trouve précisément l'acharnement américano-israélo-égypto-saoudien à détruire l'accord de réconciliation inter-palestinien signé entre le Hamas et le Fatah, seront une fois de plus occultés  de la même façon que les manœuvres underground des services occidentaux et arabes en vue de faire avorter les velléités révolutionnaires et indépendantistes dans la région continueront à être mises sous le boisseau au profit de la sur-médiatisation des avancées et des massacres accomplis en Syrie et en Irak par les néo-djihadistes de l'EIIL qui sont arrivés comme par hasard au bon moment pour dénaturer et diviser la résistance aux pouvoirs en place et semer le trouble dans une opinion publique arabe déboussolée et impuissante.

L'Empire a tout intérêt à cacher à l'opinion publique les enjeux véritables dont la prise de conscience
pourrait accélérer les décantations sociales et politiques et dicter aux peuples qui ploient sous le joug de la mondialisation et de la dérégulation néolibérale de nouvelles alliances géostratégiques à l'échelle mondiale. Dans cette guerre totale et planétaire, Israël occupe une place symbolique forte non seulement en raison du sentiment de culpabilité qui habite de nombreux esprits européens suite aux souffrances historiques infligées aux juifs  d'Europe mais surtout parce qu'il fait appel aux fantômes historiques qui continuent de hanter l'imaginaire politique européen: colonialisme, racisme et militarisme.

La sécularisation et la racialisation d'un mythe religieux comme celui de "peuple élu" sont aujourd'hui intériorisées et sublimées par les médias occidentaux pour devenir une sorte de mot de passe secret qui justifie qu'on passe toujours au second plan les victimes collatérales des guerres israéliennes qui sont systématiquement présentées comme des guerres par définition défensives.

Ce faisant, les médias mainstream partagent sans complexe la négation du peuple palestinien renvoyé à l'image de l'Autre absolu. Dans ce discours foncièrement  raciste, les civils des deux côtés ne se ressemblent pas, ne se valent pas. Il y a les civils  israéliens que les bruits des sirènes d'alarme suffisent à traumatiser et il y a les civils palestiniens qui servent de boucliers humains aux terroristes du Hamas. Dans ce discours, il n'y a ni colons ni colonisés, ni occupants ni résistants. Il y a des humains normaux qui veulent profiter tranquillement du soleil et des belles plages de Palestine et il y a les Autres, qui ressemblent à "nos immigrés" d'ici  et qui ne savent pas tenir la place que le Système qui fabrique le chômage ici et la guerre là-bas s'entête à leur imposer.

C'est pourquoi, sans négliger les autres formes de solidarité civile et humanitaire avec le peuple palestinien en butte aujourd'hui à une agression barbare et sans minimiser les efforts courageux des comités de soutien qui sont souvent acculés à une activité militante qui ne dépasse pas le cadre groupusculaire en dehors des temps forts de la mobilisation conjoncturelle et affective , il y a un besoin urgent de se hisser au niveau des défis posés par cette guerre médiatique dont les lobbies israéliens en France et en Europe ont compris l'importance stratégique.

Si avec un millier de sms, le CRIF se permet aujourd'hui  de mobiliser autant d'intervenants téléphoniques en vue de faire pression sur les journalistes de la presse audiovisuelle et écrite , qu'est-ce qui empêche les militants associatifs pro-palestiniens de réfléchir sur de nouvelles méthodes de travail aptes à relever le défi de cette nouvelle guerre médiatique ? Cette bataille médiatique est d'autant plus impérative qu'elle permettra du même coup  aux militants associatifs pro-palestiniens de mieux se préparer à l'autre bataille politique qui les attend et qui consiste à mettre en œuvre une véritable stratégie en vue de débusquer et de contrebalancer le poids nocif des lobbies israéliens au sein des organisations politiques et syndicales de gauche.

 

 

 

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