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Jacques Baud : « Ben Laden derrière le 11 septembre ? C’est toujours une supposition »

Ancien membre des services secrets suisses, Jacques Baud s’est fait connaître en 1997 par son « Encyclopédie du Renseignement et des Services Secrets ». Son dernier ouvrage, « Djihad. L’asymétrie entre fanatisme et incompréhension » (*), risque de faire grincer des dents. Jacques Baud n’a pas que des amis dans les services secrets suisses habitués à l’ombre. Ce Genevois prône la transparence, car, dit-il, 95 % de l’information utilisée par les services de renseignement stratégiques est ouverte. Les espions pourraient donc faire moins de mystères. Son « Encyclopédie du Renseignement et des Services Secrets », devenue un livre de référence dans de nombreux pays, a été réédité à deux reprises.

Dans son nouvel essai, intitulé « Djihad. L’asymétrie entre fanatisme et incompréhension », Jacques Baud enfourche un autre cheval de bataille : la lutte contre le terrorisme s’effectue avec de nouvelles armes, « mais selon les mêmes principes que dans les années 60 », assure-t-il. On en voit chaque jour les conséquences catastrophiques en Irak et en Afghanistan.

Selon vous, les accusations portées contre Oussama Ben Laden ne seraient que des spéculations ?

Après le 11 septembre 2001, les Américains demandent au régime des Taliban de leur livrer Ben Laden. La justice afghane réclame alors aux Etats-Unis de lui fournir des preuves prouvant son implication dans les attentats. Elle n’a pas eu de réponse. Aujourd’hui encore on est incapable de démontrer que Ben Laden est bien à l’origine du 11 septembre. Aujourd’hui, les Américains ne classent toujours pas les Taliban parmi les organisations terroristes et ont officiellement abandonné la chasse à Ben Laden.

Malgré tout, Oussama Ben Laden approuvent les attentats du 11 septembre…

Soutenir une action ne veut pas dire que vous y avez participé. Ben Laden ne s’en est jamais attribué la paternité. Or, dans la culture moyen-orientale, on a souvent tendance à en rajouter. Dans l’islam, l’intention prime l’action, raison pour laquelle les terroristes arrêtés tendent souvent à exagérer leur action. Ben Laden ne manifeste même pas cette vantardise. Quant aux personnes qui ont été arrêtées, que valent des aveux obtenus sous la torture ?

Vous vous en prenez à la pléthore d’“experts“, brusquement apparus après le 11 septembre, et qui seraient, selon vous, « incapables de saisir la logique du terrorisme et de la pensée islamique » ?

Les médias ont accordé beaucoup de crédits à des gens dont on était incapable de vérifier le passé. Soit ces « experts » prétendaient venir d’un service de renseignement, et ce n’était tout simplement pas vrai. Soit ils n’y occupaient que des postes très subalternes. Même les experts musulmans modérés, plus attachés à se distancer des extrémistes qu’à identifier les causes de l’islamisme n’ont pas réussi à apporter les clés nécessaires au désamorçage de la situation. En revanche, on a effectivement peu entendu de vrais experts spécialistes des questions militaires, des conflits, des méthodes de la guerre clandestine. Résultat, la lutte contre le terrorisme islamiste s’effectue selon des schémas dépassés, qui créent plus d’insécurité.

Votre livre risque de provoquer des protestations en Israël. Notamment quand vous écrivez que « le discours du Hamas est parfaitement cohérent ».

Cohérent ne signifie pas « juste » ou « légal », mais qu’il y a une logique ! Si le Hamas n’était pas cohérent, il ne bénéficierait pas d’autant de crédit dans la population. Ce que j’ai voulu dire c’est que les Israéliens cherchent à noircir au maximum le Hamas, à le faire plus haïssable qu’il ne l’est. Ils ont prétendu, par exemple, que le Hamas était en relation avec Al-Qaida, rien n’est plus faux. Pour preuve, le Hamas fait actuellement à la chasse aux salafistes. On est toujours perdant quand on surestime, comme quand on sous-estime, l’ennemi.

N’est-ce pas une constance de noircir l’ennemi ?

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Apparemment oui. En 1986, j’ai rédigé un rapport sur le Pacte de Varsovie, affirmant que l’Est, loin de pouvoir nous envahir, allait être contraint de réduire ses effectifs, faute de moyens. Trois ans plus tard, Gorbatchev a annoncé des chiffres pratiquement identiques aux miens. Mais sur le moment, mon rapport a été rejeté. La Suisse, comme les autres pays occidentaux, voulaient un ennemi fort, agressif…

Face aux islamistes, l’Occident, selon vous, utiliserait des méthodes vieilles d’un demi siècle ?

A la fin de la Seconde guerre mondiale, les alliés bombardaient massivement les villes allemandes, tuant des milliers de civils. Leur stratégie était de pousser la population à la révolte contre le régime nazi. Aujourd’hui, les Israéliens utilisent la même logique quand ils noient sous les bombes le Liban. Ils pensent que les habitants, pris en otages, vont se rebeller contre le Hezbollah. Or, c’est tout le contraire qui se passe. Les Libanais se sont mobilisés encore davantage contre les Israéliens.

Apparemment, vous ne mettez pas tous les torts sur le dos des Iraniens ?

Il ne s’agit pas de soutenir ce régime. Mais il faut aussi savoir que les Etats-Unis, depuis des années, aident et financent des mouvements séparatistes en Iran, notamment au Baloutchistan. On sait que les Etats-Unis mènent des opérations clandestines avec du personnel au Sud et au Nord de l’Iran depuis 2004. Comment voulez-vous, dans ces conditions que Téhéran ne soit pas sur la défensive ?

Dans votre ouvrage, vous soulignez que la notion de victoire n’est pas la même dans le monde musulman et en Occident.

On prend souvent les musulmans pour des « fanfarons », notamment quand les Egyptiens fêtent leur victoire en 1973 sur les Israéliens, et Saddam Hussein sur la coalition en 1991 ! Il faut savoir que la victoire dans l’islam n’a pas de caractère absolu : il suffit de marquer sa volonté de combattre pour être victorieux. Il s’agit plus d’une victoire sur soi que sur l’adversaire. En Occident, on gagne quand on a détruit l’adversaire, au Moyen-Orient, quand on ne baisse pas les bras. Résultat, la victoire de l’un apporte la victoire de l’autre. Ce qui explique que les Palestiniens continuent depuis la bande de Gaza à lancer des roquettes sur Sderot, même si elles ne feront pas plier Israël. Tant que l’Occident ne refusera à comprendre les modes de pensée des islamistes, il ne parviendra pas à vaincre le terrorisme.

Propos recueillis par Ian Hamel

(*) Jacques Baud, « Djihad. L’asymétrie entre fanatisme et incompréhension », Editions Lavauzelle, 175 pages.

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