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Islam et Occident Judéo-Chrétien : un antagonisme séculaire ? (partie 2 et fin)

Papa Francesco nella Moschea Blu ANSA/OSSERVATORE ROMANO +++EDITORIAL USE ONLY

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PSYCHODRAME

Force est de constater que depuis les débuts de la colonisation du monde arabo-musulman vers le début du 19ème siècle jusqu’à la Révolution islamique en Iran, l’Occident judéo-chrétien a sous-estimé l’importance de l’Islam dans sa propension à l’édification d’un système politique dépassant complètement la conception naturelle entretenue en Occident, notamment en France, dans la relation religion et pouvoir politique d’une part, mais aussi dans le fonctionnement des lois économiques telles que les dirigeants occidentaux les préconise, c’est vrai avec ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation , c’était tout aussi vrai avant la chute du mur de Berlin en 1989 avec les économies planifiées.

Il convient de souligner que la majorité des pays musulmans ayant accédé progressivement à l’indépendance s’inspirèrent pour le développement de leurs économies nationales tantôt du capitalisme, tantôt du socialisme. Quelques tentatives eurent lieu ici ou là pour introduire des références à la Shari’ah, sans aller très loin en ce sens.

Par contre, depuis l’avènement de la république islamique d’Iran en 1979 et l’écho considérable que cette révolution a suscité au sein des populations (et non de leurs dirigeants) musulmanes, une attitude digne d’un véritable psychodrame collectif se répand à travers les gouvernants proches de l’Occident judéo-chrétien ainsi que dans les chancelleries occidentales, ainsi les pays industrialisés tels que la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne surarmèrent l’Irak de Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran afin de protéger les monarchies pétrolières du « péril islamiste ».

Ces questions de géopolitique internationale agitent constamment la classe politique française qui dès la fin des années 80 opèrent des distinctions très subtiles entre les étrangers européens (EE) et les étrangers non européens (ENE), sous-entendus les musulmans qui, à terme pourraient constituer un danger dans la mesure où leurs coutumes, leurs traditions, s’inscrivent dans une opposition fondamentale aux valeurs françaises (la République, la laïcité).

En fait, ce qui est reproché implicitement aux musulmans c’est de représenter une menace culturelle et spirituelle pour la préservation de l’identité nationale ; l’antagonisme séculaire Islam/Occident judéo-chrétien se déclinant sous des formes multiples : banlieues difficiles, quartiers sensibles, exclus en mal d’intégration, foulard islamique, etc…

DISTINCTION

Depuis la révolution islamique d’Iran et surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001, les médias s’en donnent à cœur joie, une dérive sémantique tente par tous les moyens de distinguer les musulmans « modérés » des « islamistes.

Il convient de rappeler avec force que l’Islam est Un, on est musulman ou on ne l’est pas, ces distinctions à l’emporte-pièce ne visent qu’à mieux discréditer La Oumma ; qu’il y ait des divergences, nul n’en disconvient mais de là à ce que des non musulmans nous accolent l’épithète : modéré ou radical devient une ingérence inadmissible dans une aire socio-culturelle qui les dépasse.

Il est vrai que la célèbre maxime chrétienne : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César » s’avère vide de sens pour un musulman. Le Prophète Muhammad (SWS) n’a pas seulement fondé une communauté, mais aussi un système politique, une société et un Etat dont il était le souverain.

Par ailleurs, il existe une grande confusion lorsque nous utilisons le terme « islamiste » faut-il rappeler qu’il n’est pas traduisible en langue arabe, donc c’est un mot créé artificiellement par l’Occident judéo-chrétien.

Historiquement, Hassan Al Bannâa ( martyr égyptien né en 1906, assassiné au Caire en 1949) est considéré comme le fondateur des frères musulmans. Il explique dans un texte adressé à tous les frères musulmans les degrés du Jihad sans jamais le faire suivre du qualificatif islamique.

Ces différents degrés sont :

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a) expulser le mal de son propre cœur,

b) combattre par la parole, la plume, par la main et la parole de vérité que l’on adresse aux autorités injustes,

c) le degré le plus élevé, c’est la lutte armée pour la cause d’Allah (SWT) lorsqu’il s’agit de se défendre face à l’agression extérieure « ET LUTTEZ POUR ALLAH AVEC TOUT L’EFFORT QU’IL MERITE » (KORAN, S22, ay.78).

Autrement dit, les objectifs du fondateur des frères musulmans s’inscrivent dans la lignée de cette vague de réformisme née vers la moitié du 19ème siècle avec Jamal-Eddine AL-Afghani qui ne cessa d’exhorter les musulmans du monde entier à s’unir pour se libérer de l’asservissement imposé par les nations européennes. C’est en ce sens qu’on peut affirmer qu’Al-Afghani se trouve à l’origine d’un principe fédérateur de la Oumma contemporaine.

Ni Al-Afghani, ni Hassan Al-Bannâa ne prêchèrent la violence terroriste. Bannâa justifiait la guerre seulement pour libérer l’Egypte de la puissance coloniale britannique.

ANIMOSITE :

Nombreux sont ceux qui, parmi les orientalistes, islamologues occidentaux ou musulmans, ont écrit des livres pour réfuter les accusations formulées par les Occidentaux à l’encontre de l’Islam. Certains parmi eux accusèrent même beaucoup de leurs contemporains d’être imprégnés de l’esprit de Croisade. La question posée par la revue : « le Message de l’Islam » dans son numéro du mois de mai 1985 relève d’un simple bon sens : « n’est-il pas vrai que les Européens, sans vouloir exprimer franchement leur dédain ou hostilité contre l’Islam, ont cependant prononcé de temps à autre des paroles ne laissant aucun doute sur leur animosité contre le monde musulman ? Les propos tenus par le général anglais Allenby, au moment de la prise de Jérusalem durant la première guerre mondiale, dans ces termes : nous nous sommes vengés des musulmans qui nous avaient mis en échec pendant les croisades ne corroborent-ils pas cette affirmation ? »

Plus récemment, lorsque le chancelier allemand : Helmut Kohl affirme que l’Union Européenne est un club chrétien, il justifie ainsi le rejet de la candidature présentée par la Turquie.

HERITAGE

Ce concept soulève une question d’actualité, si tous les modèles de l’Occident judéo-chrétien ont échoué, l’Islam peut apporter une réponse à l’universalité humaine, je ne dis pas qu’il faille renier ses racines occidentales, orientales, ou autres, mais rappeler ce que l’Occident judéo-chrétien doit à l’Islam qui, sans cesse a nourri et fécondé ses arts, sa philosophie, ses sciences, sa technique, son droit, ou sa littérature. Sur bien des points, le monde musulman fut longtemps en avance sur une Europe encore mal civilisée, et à Poitiers, les « plus barbares » n’étaient peut-être pas ceux dont triompha Charles Martel…

Prenons conscience de cet héritage afin de redécouvrir l’Islam, de le reconnaître mutuellement en tant que civilisation « Autre » et non pas comme depuis des siècles le fait l’Occident judéo-chrétien : voir en lui l’irréductible ennemi.

DIALOGUE

Mohammed Iqbal : philosophe indien de la fin du 19ème et de la première moitié du 20ème siècle illustre très bien les rapports entre l’Orient musulman et l’Occident judéo-chrétien dans ces quelques lignes extraites de son ouvrage : « Le Livre de l’Eternité » : « l’Orient a tourné ses regards vers Dieu, mais n’a pas vu le monde. L’Occident a pénétré le monde matériel et a fui Dieu. Ouvrir les yeux sur Dieu, c’est cela la foi. Se regarder sans voile, c’est cela la vie ».

Sans viser cette réconciliation eschatologique, je souhaiterais par cette réflexion mieux servir le dialogue des civilisations et aider, à mon humble niveau, les hommes de tous horizons à construire cet asile de paix et de justice qui manque le plus à notre Terre et qui lui rendra enfin sa nature paradisiaque qu’elle n’aurait jamais dû quitter si l’homme avait su.

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