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« Histoire de Gaza » : Jean-Pierre Filiu signe un ouvrage historique majeur

Il en va de certains pans de l’histoire, laissés en friche, comme de territoires inconnus, leur exploration s’impose un jour comme une urgence, face à une réalité funeste et mortifère qu’aucune embellie ne parvient à illuminer, ou alors si faiblement, à la manière d’une petite flamme vacillante.

Ses quatre lettres, mondialement connues, résonnent de la tragédie humaine qui l’accable depuis si longtemps, Gaza assiégée, bombardée, endeuillée s’est imposée à l’historien arabisant de renom, Jean-Pierre Filiu, comme une recherche historique prioritaire, d’autant plus unique qu’elle était à ce jour inédite.

A travers son ouvrage passionnant “Histoire de Gaza” paru aux éditions Fayard, ce grand explorateur du temps, spécialiste de la galaxie arabo-musulmane,  nous transporte aux origines méconnues de ce “bout de territoire” luxuriant, aux multiples influences, nous imprègne de la fraîcheur et de la richesse de sa vallée très convoitée, qu’il dépeint comme une “oasis côtière qui attire de loin les regards des marins”, un “dernier havre avant le désert inhospitalier”, dont le contrôle devint un “enjeu crucial de la rivalité entre les pouvoirs qui s’établissent dans la vallée du Nil et au Moyen-Orient”.

Professeur à Sciences Po Paris, après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington), Jean-Pierre Filiu, auteur prolifique de nombreux travaux sur le monde arabo-musulman, retrace avec force détails la genèse de cette bande de terre de 360 km², qui a la particularité d’être une des zones les plus densément peuplées de la planète (1.6 millions de Gazaouis), depuis la haute Antiquité égyptienne jusqu’à la fin de l’Empire Ottoman, avant de nous faire traverser les siècles, jalonnés de souffrances, de tourments et d’actes de bravoure, pour éclairer les événements contemporains à la lumière de son expertise.

Prison à ciel ouvert à jamais ancrée dans la conscience collective, Jean-Pierre Filiu précisant “la plus grande prison à ciel ouvert du monde”, même s’il préfère dépasser cette image, réelle mais réductrice, pour évoquer sa dimension de “foyer majeur du nationalisme palestinien”, Gaza a vu son rôle par trop minoré dans le récit historique de la Palestine, se trouvant injustement  reléguée à un simple “théâtre marginal” de la région.

Jean-Pierre Filiu s’attache à réhabiliter sa place centrale, insistant sur une vérité occultée à savoir que Gaza “n’est pas un produit de la géographie, mais de l’histoire”, qui fut non seulement la terre de nombreux acteurs de poids, mais aussi la terre d’asile d’une rare “densité de réfugiés, à partir de 1948-1949”.

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Gaza, la belle oasis, cernée géographiquement de toutes parts, par la Méditerranée, Israël et l’Egypte, jadis le “sanctuaire très apprécié des oiseaux migrateurs et des petits fauves”, mais aussi Gaza, la cosmopolite, qui dès l’Antiquité se composait d’une importante population arabe, la cité devenant, au fil du temps, une destination très prisée des “commerçants arabes, en provenance du royaume nabatéen de Petra, voire de la Péninsule arabique. Le destin de deux caravaniers mecquois est d’ailleurs lié à cette ville avant même d’être associé à la gloire de l’islam”.

Gaza, c’est tout cela à la fois, et plus encore. Portant les stigmates indélébiles de l’invasion israélienne de sinistre mémoire, “Plomb durci”, en 2008, qui visait à annihiler le pouvoir du Hamas, son histoire récente est étroitement liée, depuis la fin du mandat britannique sur la Palestine, aux conflits entre ses voisins égyptiens et israéliens, qui l’ont occupée successivement.

Parmi les dates marquantes, la date charnière du 29 novembre 1947 sonne le glas de la Palestine d’antan,  à l’annonce de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies du partage du territoire, Jean-Pierre Filiu décrivant une “direction sioniste, qui s’est mobilisée sans compter, et célèbre une victoire diplomatique”, et qui consacrera la création de l’Etat israélien le 14 mai 1948. Une perte incommensurable pour les Palestiniens, commémorée depuis sous le nom très évocateur de Nakba (la catastrophe).

Terre d’accueil et de repli, au carrefour des empires, mais aussi creuset de la résistance palestinienne, où  l’OLP et les factions armées prirent leurs quartiers pour s’y développer après 1967, ou encore lieu du grand soulèvement de 1987 en faveur de l’Etat palestinien, et de la rupture entre le Fatah et le Hamas en 2007,  l’histoire de Gaza, foisonnante, tumultueuse, tourmentée, et homérique, s’inscrit bel et bien dans la grande Histoire, et pourrait presque parfois se lire comme une fascinante épopée, sous la plume extrêmement précise, documentée, et captivante de son narrateur et envoyé spécial, l’historien Jean-Pierre Filiu.

 

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