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Hassan, le premier enfant d’un détenu palestinien né d’une fécondation in vitro à Gaza

Comment braver l’enfer carcéral israélien, comment lui infliger son plus sévère camouflet, si ce n’est en donnant la vie, là où les chaînes inhumaines de l'arbitraire et de la détention illimitée brisent des vies par milliers, en toute impunité.

La vie plus forte que tout, échappant à tous les jougs, même le plus implacable, Hana al-Zaanin, une jeune maman palestinienne aux anges après une fécondation in vitro périlleuse, en sait quelque chose, elle qui a vu son mariage anéanti par l’arrestation de son époux, Tamer al-Zaanin, à peine un mois et demi après s’être unie à lui.

C’était en 2006, quand le destin du couple fraîchement marié a été foudroyé par une sentence sans appel, condamnant à 12 ans de prison l’homme du foyer, suspecté d’oeuvrer pour le « jihad islamique ». Un verdict qui est tombé comme un couperet sur des rêves d’avenir à deux, et notamment sur sa moitié, qui était alors étudiante à l’Université islamique de Gaza, paralysée par l’impossibilité de conjuguer sa vie au présent et a fortiori de se projeter dans un futur serein, résonnant de cris joyeux d’enfants.

Puisant en elle l’énergie du désespoir, celle qui donne des ailes même quand on est au bord du gouffre, la très combative Hana al-Zaanin n’a pas capitulé devant  la tyrannie d’un Etat qui l’avait, elle aussi, condamnée à vivre recluse. Refusant de s’avouer vaincue, l’étudiante prometteuse a placé la barre du savoir encore plus haut, en se spécialisant dans les mathématiques, et l’épouse sans mari, impatiente d’enfanter, ne s’est pas résolue à l’inéluctable, à savoir attendre l’hypothétique relaxe de son conjoint d’ici à une décennie.

Mine précieuse d’informations, c’est le Net qui lui inspira l’idée qui allait exaucer son voeu le plus cher, une idée de génie aux yeux admiratifs de la jeune femme qui s’était délectée de la lecture d’un article consacré à la première naissance réussie d’un bébé avec le sperme d’un prisonnier de Naplouse. La fécondation in vitro avait dès lors provoqué un déclic chargé d’ondes positives, Hana al-Zaanin étant convaincue de tenir là l’arme imparable qui allait matérialiser son désir d’enfant, la nouvelle arme des sans-grades et des sans-armes face à l’oppression israélienne.

Avant même de savoir comment surmonter les obstacles qui allaient immanquablement jalonner son parcours à hauts risques, avant même de planifier la sortie de prison du sperme de son mari, à l’insu des geôliers israéliens, et sa conservation le laps de temps nécessaire pour retourner à Gaza, Hana al-Zaanin ne se tourmentait que pour une seule chose : la réaction de son époux à l’annonce de son plan audacieux, peut-être même choquant, voire presque machiavélique, frayant dans les eaux troubles d’une « contrebande » sortant de l’ordinaire, mais dictée par une situation cruellement extraordinaire.

"Pendant des semaines, je n’avais plus que cette idée en tête, et compte tenu de la réaction de ma famille, je redoutais celle de Tamer, mon mari.  Allait-il être heureux ou en colère contre moi ?", a confié la jeune femme dont le bonheur de mère rayonnait sous son voile noir, en évoquant sur le site d'Al Jazeera la bonne santé de son petit Hassan, né la semaine dernière.  Un enfant de l’amour, mais aussi de la résistance à Israël par la fécondation in vitro. A peine avait-il poussé ses premiers cris, qu'il était déjà entré dans l’histoire de Gaza en étant le premier bébé né par-delà les barreaux.

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Derrière la plaque de verre qui le séparait de sa femme, le visage de Tamer al-Zaanin, marqué par des mois de détention traumatisante, s’est illuminé lorsque celle-ci lui révéla, lors de sa visite annuelle, son plan pour fonder une famille. Un large sourire fut son plus beau signe d’acquiescement pour la plus grande joie de son épouse. Il restait alors à passer à l’action…

Dans leur magnanimité insoupçonnée et bien cachée, les autorités israéliennes autorisent les enfants de moins de huit ans à embrasser leur père détenu. Profitant de cette permission providentielle, Hana al-Zaanin, dont les deux frères sont emprisonnés avec son mari, a pu recueillir le sperme de ce dernier par le biais de l’un de ses petits neveux. Il suffisait que Farid, son frère, glisse dans la veste de son fils la boîte contenant le sperme de son beau-frère, et le tour était joué.

Au poste de contrôle d'Erez, situé entre Gaza et Israël, qui est ouvert seulement aux membres d'ONG humanitaires, à certains journalistes et autres hommes d'affaires de Gaza, Hana al-Zaanin n'était pas seule à attendre avec fébrilité l'échantillon qui allait changer sa vie. Le Dr Abdel-Karim Hindawi, un gynécologue installé à Gaza, était à ses côtés, impatient de l'examiner. Son excellent état a facilité son traitement, le médecin ayant pu procéder à l’insémination sans aucune difficulté, se réjouissant d’avoir contribué au bonheur d’une famille éprouvée : "Mes collègues et moi étions très heureux parce que nous avons réussi à apporter de la joie à la famille Zaanin. Nous avons à cœur de réaliser les rêves de ces femmes de prisonniers palestiniens, aussi longtemps que cela ne contredit pas les lois et l'Islam", a-t-il commenté. 

"Je ne peux pas décrire l’immense bonheur qui est le mien", a déclaré Hana al-Zaanin à Al Jazeera, émue aux larmes lorsqu’elle s'est remémorée ces derniers instants cruciaux d’une incroyable incursion en terrain miné. "C'est un sentiment indescriptible que celui d’avoir triomphé de l’adversité, depuis sept ans que mon mari croupit en prison, en ayant donné la vie à partir d'un sperme dit "de contrebande", s’est-elle exclamée, entourée des siens dans sa ville natale de Beit Hanoun, alors que les nombreux témoignages d’amitié et de sympathie affluent de la part de la population, mais aussi de personnalités palestiniennes venues féliciter chaudement la famille.

Empêcher l’évasion de spermes de prison
niers palestiniens représente un défi de taille pour l’institution pénitentiaire israélienne, qui n’imaginait pas que la résistance à sa politique carcérale de déshumanisation prendrait cette forme-là, comme l’a indiqué Fouad al-Khafsh, responsable du Centre Ahrar d'études des prisonniers, en précisant que nombre de détenus purgeant de très longues peines ne font pas que penser à la fécondation in vitro, ils espèrent bien la réussir de main de maître, à l’image d’Hana al-Zaanin et de son époux.

Oumma

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