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Halte à la criminalisation des militant-e-s issu-e-s de l’immigration !

Une des techniques caractéristiques d’une meute est de cibler sa proie et de l’isoler du reste du troupeau. Une fois identifiée et mise à l’écart, la meute entame son œuvre d’acharnement contre elle, sans discernement ni scrupule. Ces méthodes, appliquées aux être humains, qu’on croyait l’exclusive et la signature de l’extrême droite − incapable de supporter l’Autre et ne concevant l’issue du débat contradictoire que par la disparition et l’éradication de l’opposant − redouble de ferveur dès qu’il s’agit des militant-e-s issu-e-s de l’immigration postcoloniale. Depuis quelques années, la lepénisation des esprits et la démocratisation des préjugés ne sont plus des slogans ou des fantasmes, mais bien une réalité à la laquelle nous faisons face quotidiennement.

Lorsqu’il s’agit de s’acharner contre la figure du « bic-émissaire », les clivages politiques semblent disparaître et les frontières idéologiques abolies. Tout le monde hurle avec les loups y compris les plus « progressistes » parmi eux qui ne se rendent même pas compte qu’ils cautionnent un racisme devenu respectable. Le racisme devient légitime, la haine est tolérable et le pacte social est mis en danger. Sous couvert de la défense de causes nobles (égalité hommes-femmes, défense de la laïcité, lutte contre le racisme et l’intégrisme d’où qu’ils viennent) − causes auxquelles nous sommes particulièrement attachés et qui fondent notre engagement militant − ces nouveaux réactionnaires n’hésitent pas à mener des campagnes de dénigrement contre des militant-e-s qui s’étaient trouvé-e-s bien seul-e-s, à une certaine époque, lorsque ces causes n’étaient pas à la mode et ne servaient pas de tremplins pour des intérêts personnels et carriéristes.

Depuis sa création en 1997, DiverCité fait l’objet d’une diabolisation et d’une criminalisation permanente alors que ses objectifs sont fondés sur des principes démocratiques, maintes fois traduits par ses nombreuses actions en faveur d’une redéfinition des rapports jeunes-police-justice, d’une prise de conscience du scandale des prisons lyonnaises, de l’expression politiques des quartiers populaires, de la mixité des appartenances, de l’égalité hommes-femmes, etc. DiverCité a souvent été pionnière sur certaines questions sociales et a parfois réussi à imposer sur la place publique le débat sur des injustices insuffisamment prises en compte par la société française. Ne prenant pas le temps de nous connaître et nous ignorant délibérément, nombreux sont ceux et celles qui fantasment sur notre association, qui est perçue comme la cinquième colonne de la République et adepte du double langage, et accusée d’être les suppôts de l’intégrisme islamique dans la banlieue lyonnaise.

Ces attaques contre DiverCité n’ont rien d’exceptionnel : des associations similaires les subissent et sont régulièrement mises en quarantaine. Pourtant, nos prises de position ont toujours été transparentes, assumées et revendiquées, et nos actions ont toujours été publiques et soumises au débat démocratique. On peut ne pas être d’accord avec notre opinion : DiverCité accepte complètement la critique et n’a jamais été fervente des débats au prétoire et devant les tribunaux. Néanmoins, nous assistons à des dérives qui dérogent aux règles élémentaires du débat démocratique, qui ne sont plus respectées à notre égard, et à une véritable chasse aux sorcières à l’encontre de nos militant-e-s. On n’hésite plus à s’en prendre à ceux-ci individuellement et à les jeter à la vindicte populaire de manière éhontée.

C’est ainsi que certains d’entre nous ont perdu leur emploi à plusieurs reprises, et que M. Boualam Azahoum, un des porte-parole de DiverCité, est victime, depuis quatre années, d’une campagne de diffamation rarement égalée par son intensité et son infamie. Avec la complicité de journaux à sensation et de prétendus défenseurs des droits de l’homme, il est régulièrement l’objet d’un diabolisation, lui attribuant des opinions complètement opposées à ses engagements et ses principes. Il serait un « jeune radical islamiste d’origine marocaine » (Lyon Mag, mars 2004) et défendrait des « positions fondamentalistes voire intégristes » (Les Potins d’Angèle, 9-15 mars 2006).

Nous le réaffirmons avec force et une bonne fois pour toutes : DiverCité est une association loi 1901, qui défend le principe de laïcité, seule garantie contre le danger de la guerre civile et seul rempart efficace contre les replis communautaristes, dont sont si friands les amis de ceux qui nous dénoncent. DiverCité n’est pas une association islamiste, n’a aucunement pour objet la défense d’une communauté religieuse particulière et l’islam n’est pas au fondement de sa création. DiverCité est la rencontre inédite de militant-e-s d’origine sociale, religieuse et philosophique diverses, liés entre eux par les valeurs de justice et d’égalité réelle. Les attaques contre nous sont donc particulièrement infondées, et elles ne reposent sur aucun écrit ou discours émis par l’association et un-e de ses militant-e-s.

Sur la question du port du hijab, la position de DiverCité est limpide : nous défendons les luttes contre les logiques patriarcales qui régissent notre société et la double (voire triple) oppression que subissent les femmes (parce que femmes et/ou issues des classes populaires et/ou issues de l’immigration postcoloniale). C’est en vertu de cette perspective que nous avons exprimé notre opposition à la loi d’exception du 15 mars 2004 parce qu’elle nie l’autonomie des femmes musulmanes désireuses de porter le hijab à se définir elles-mêmes, légitime leur déscolarisation, leur empêche l’accès à l’école publique et stigmatise toute une partie de la population française. Nous défendons le droit des femmes à porter, ou ne pas porter, le hijab, en conformité avec les principes laïques. Il appartient aux femmes de décider elles-mêmes de leur propre sort, en dehors de toute injonction à l’intégration ou oppression patriarcale, d’où qu’elles viennent.

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Les fausses accusations contre DiverCité sont véhiculées par quelques personnalités qui procèdent par amalgames, rumeurs et mensonges délibérés. L’une d’entre elle est Mme Vianès, conseillère municipale UMP et présidente de Regards de femmes. Mme Vianès se drape ainsi derrière le juste combat pour la laïcité et les droits des femmes, dont elle prétend détenir le monopole, pour stigmatiser une population, et n’hésite pas à user de formules caricaturales. Elle prétend avoir démissionné du Conseil lyonnais pour le respect des droits (CLRD) pour protester contre le soi-disant renoncement, par cette institution, aux idées laïques et d’égalité hommes-femmes, ce qui est un affront ouvert à l’engagement de la quarantaine d’associations qui la composent (LDH, Amnesty, MRAP, ALPIL, FOL, ACAT, etc.). La vérité est que Mme Vianès a été exclue pour ses absences répétées et prolongées, conformément au règlement intérieur du CLRD (cf. son site internet).

Une autre méthode classique de diabolisation des militant-e-s issues de l’immigration postcoloniale qui ne rentrent pas dans le rang idéologique dominant, consiste en une collaboration active d’autres militant-e-s issu-e-s de l’immigration, qu’on appelle khobzistes de service, et qui s’accordent aux violons dominants pour accéder aux strapontins médiatiques. C’est ainsi qu’on a exhumé Mme Djida Tazdaït pour accréditer des accusations infondées, selon la logique infantile suivante : « si c’est un-e Arabe (« modéré-e ») qui critique un-e Arabe (« radical-e »), c’est que ça doit être vrai »… Mme Tazdaït n’est pourtant pas la mieux placée en termes de double langage et de respect des lois. En fonction des opportunités du moment, elle a réussi l’exploit de passer de l’extrême gauche (LCR) à la droite décomplexée (UMP), en passant par les Verts et après quelques tentatives infructueuses au PS et chez les radicaux de gauche. Nous ne doutons pas que ces revirements incessants (la vallée du Rhône est bien balayée par le mistral) sont le fruit d’une fidélité politique et intellectuelle de grande envergure à certains principes intangibles et non négociables. Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle prétend, M. Azahoum n’a jamais été exclu des Jeunes arabes de Lyon et sa banlieue (JALB) mais a volontairement démissionné en compagnie de la quasi-totalité du Conseil d’administration (huit sur onze), pour protester contre l’illégalité des méthodes de gestion de l’association. Mme Tazdaït considérait en effet les JALB comme sa propriété individuelle et son mandat de députée européenne comme une rente familiale au service de ses ambitions personnelles, ce qui a abouti à des dérapages, sanctionnés par la justice : elle a perdu tous les procès intentés contre elle devant les Prud’hommes pour non respect du droit du travail, ce qui est un comble un défenseur des droits de l’homme… Cas unique dans l’histoire du militantisme lyonnais, les JALB ont été dissous par décision judiciaire pour mauvaise gestion. Depuis la fin tragique des JALB, Mme Tazdaït, complètement discréditée politiquement, avait disparu de la place publique jusqu’à ce que l’UMP, certainement ignorant de son passé politique et judiciaire, la « recycle » comme nouvelle « beurette » de service.

Certains prétendent que M. Azahoum soutient les mêmes positions que M. Bouziane, imam vénissian fréquenté par certains hommes politiques et bien connus des services de police. Or M. Azahoum a toujours été clair (ses propos ont été repris par la presse), à savoir que DiverCité condamnait fermement les propos sexistes et intégristes de M. Bouziane et qu’elle condamnait tout aussi fermement le principe de l’expulsion pour délit d’opinion.

Pendant la révolte des quartiers populaires de 2005, DiverCité a fait preuve de responsabilité et n’a pas, comme le prétend M. Angèle, certainement nostalgique de ses heures de gloire à Minute (journal du Front national), fait un appel à l’émeute ou à la violence contre la police (cf. notre communiqué). Cette accusation est digne des procédés journalistiques sûrement hérités de son expérience passée, dont il n’arrive pas à se défaire.

Nous sommes scandalisés et profondément irrités de cette véritable campagne de criminalisation et de diabolisation de notre association et de nos militant-e-s, et il relève de la responsabilité des véritables progressistes et défenseurs des droits de l’homme de s’élever contre ces pratiques fascisantes et d’engager un vrai débat sur le silence assourdissant, parfois complice, qui s’établit lorsque la meute s’attaque à des militant-e-s issu-e-s de l’immigration postcoloniale et des quartiers populaires.

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Mise au point de la rédaction du Monde diplomatique