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Entretien avec Hala Amin, auteure du livre : « Le petit-fils d’al-Banna : victimes et témoignages »

« Tariq Ramadan n’est qu’un homme d’affaires,
attiré par l’argent et la gloire »

Par Ian Hamel

Il s’agit du premier ouvrage consacré à Tariq Ramadan publié en Égypte, le pays de ses ancêtres. C’est aussi le premier livre de la journaliste Hala Amin, chef du Département des affaires étrangères et arabes au journal El-Dostor. Nous échangeons depuis plusieurs années sur différents sujets, en particulier sur le petit-fils d’Hassan al Banna, Tariq Ramadan, né en 1962 à Genève, et qui défraye la chronique depuis 2017. L’enseignant est accusé de plusieurs viols en France et en Suisse. Début décembre, la justice genevoise a annoncé qu’il serait renvoyé devant le tribunal correctionnel en mai 2023 pour viol et contrainte sexuelle. En revanche, la date de son procès en France n’a pas encore été fixée. De son côté, Tariq Ramadan, âgé de 60 ans, a toujours nié les faits, affirmant être victime d’un « complot ».

Avez-vous pu rencontrer Tariq Ramadan ou un membre de sa famille, en Égypte ou sur un autre continent, en Europe notamment ?

Non, je n’ai pas rencontré Tariq Ramadan, ni aucun des membres de sa famille. En revanche, j’ai recueilli beaucoup d’informations, de témoignages de la part de personnalités qui, elles, étaient proches de Tariq Ramadan et de sa famille, dans plusieurs pays du monde. L’un des témoignages les plus surprenants est celui de Jamal a-Banna, qui était le plus jeune frère d’Hassan al-Banna. « Tariq Ramadan est un homme d’affaires. Ce n’est pas un prédicateur. Tout ce qui l’intéresse, c’est l’argent et la gloire », a-t-il déclaré. Le témoignage a été recueilli il y a une quinzaine d’années au Caire [Jamal al-Banna est décédé en 2013 à l’âge de 92 ans].

Je pense que Jamal al-Banna avait raison : Tariq Ramadan n’a jamais travaillé que pour ses propres intérêts, jamais pour les autres. Ce qui explique que depuis qu’il est rattrapé par les scandales, il se retrouve seul.

Le discours tenu par Tariq Ramadan est-il différent de celui des Frères musulmans ?

Je pars du principe que les Frères musulmans ne sont pas sincères. Ce n’est pas l’islam, ce n’est pas la religion, qu’ils défendent, bien au contraire, mais leurs propres intérêts. Dès le départ, Tariq Ramadan a bénéficié d’une légitimité historique, venant des liens du sang, étant le petit-fils d’Hassan al-Banna, le fondateur de la Confrérie et de cette idéologie. Ibn Khaloun, précurseur de la sociologie, mais aussi philosophe, historien, économiste, vivait au XIV-XVe siècle. Il utilise le terme « asabiyyah ». L’« asabiyya » désigne la cohésion sociale en tant que dynamique de solidarité qui met l’accent sur l’unité entre les individus et la conscience groupale.

En raison même de cette parenté, de sa lignée, Tariq Ramadan était assuré, dès le départ, de pouvoir bénéficier d’une audience considérable auprès des musulmans en Europe. Tout naturellement, il est devenu le porte-voix le plus emblématique des Frères musulmans. Ajoutez le prestige que lui valait, en plus, un poste de professeur à Oxford ! Mais malgré un vernis moderniste, Tariq Ramadan tenait le même discours anti-occidental que celui de son grand-père et de Sayyid Qutb.

Hala Amin, journaliste, chef du Département des affaires étrangères et arabes au journal El-Dostor

Quelles révélations apportez-vous dans votre livre ? 

Je reviens sur la fuite d’Égypte de Saïd Ramadan, le père de Tariq, et sur son installation en Suisse. Je raconte comment il a minutieusement créé des mosquées, mais aussi d’autres structures, des centres de profits afin de financer les Frères musulmans en Occident et leur permettre de se développer. Par ailleurs, j’insiste sur l’utilisation systématique de la violence dès la création de la Confrérie en 1928. Cette violence, elle est théorisée par Sayyid Qutb [exécuté par pendaison en 1956 au Caire]. Mais on la retrouve également chez Tariq Ramadan, certes plus atténuée, dans ses livres, ses conférences, ses séminaires. il n’a jamais cessé de distiller la haine de l’Occident dans le cœur des jeunes musulmans. Il suffit d’écouter les paroles de « Qu’est-ce que vous croyez ? », quand il a tenté de se reconvertir dans le rap en 2021.

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Lorsque Mohamed Morsi a été élu en 2012, Tariq Ramadan ne s’est même pas rendu en Égypte pour voir sa famille. Avez-vous une explication ?   

Il n’a tout simplement pas sa place en Égypte, et il le sait. Sa mission après le Printemps arabe était de faire la promotion en Occident des Frères musulmans auprès des intellectuels, des politiciens, des décideurs. Il a présenté son livre « L’islam et le réveil arabe » au Club de la presse de Genève, dénonçant l’armée égyptienne qui, selon lui, n’aurait pas de légitimité à diriger le pays, et demandant à ce que l’on ne vienne pas visiter l’Égypte.

Jamal Al.Banna, le plus jeune frère d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans

Dans le livre « Les dollars de la terreur » de Richard Labévière, publié en 1999, il est dit que Saïd Ramadan gérait les fonds des Frères musulmans à Genève. Et qu’à sa mort en 1995, ses enfants se seraient partagés l’argent.  

Je ne le pense pas car Tariq et Hani Ramadan n’en avaient pas besoin. Ils bénéficiaient déjà de fonds importants. A ma connaissance, la majeure partie des avoirs gérés par Saïd Ramadan provenait de banques, notamment d’Al-Taqwa, fondée par Youssef Nada, le principal dirigeant des Frères musulmans en Occident. Le Centre islamique de Genève (CIG), fondé par Saïd et dirigé par Hani Ramadan, reste l’un des principaux centres de la Confrérie. A ma connaissance, il ne manque pas de subsides.

Le 13 novembre 1995, un diplomate égyptien,  Alaa el-Din Nazmi, est assassiné à Genève. Le 21 novembre 1995, la police suisse a perquisitionné le Centre islamique de Genève. Mais depuis, ce meurtre n’a toujours pas été élucidé.   

Je n’ai pas d’information supplémentaire sur cet assassinat. Il faut se souvenir que dans les années 90, les Frères musulmans ont perpétré de nombreux meurtres de politiciens, de diplomates égyptiens, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Égypte.

Propos recueillis par Ian Hamel

Couverture du livre « Le petit-fils d’al-Banna : victimes et témoignages »

 

 

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2 commentaires

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  1. Article dont le but est de dénigrer les Frères musulmans, d’ailleurs mot valise qui ne veut rien dire. Ce genre d’article aurait eu une certaine crédibilité si attaquer les FM n’est pas le rôle assigné à certaines plumes, souvent de la part de régimes réactionnaires et dictatoriaux, ou d’une presse dont le fonds de commerce est de s’attaquer à l’islam. Je ne défend ni TR ni les FM. Il est plus convenable pour un site comme Oumma de publier des articles qui éclairent objectivement l’affaire TR, au lieu de relier la propagande anti FM.

  2. Un entretien avec une journaliste en vue en égypte, c’est pas croyable. La haine d’un personnage peut-être adversaire ou je ne sais quoi justifie-t-elle de valider un livre forcément à charge, étant l’état de la presse et de l’opinion en égypte aujourd’hui? Dès que j’ai identifié que la personne interrogée pour son livre baigne dans la presse égyptienne, j’ai arrêté ma lecture, désolé. Espérons que le site Oumma ne censurera pas ce commentaire d’humeur justifiée.

    Croissant de lune.

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