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Georges Frêche, un « sous élu » récidiviste de la haine verbale (2ème partie)

 

Baptisé électoralement avec la « bénédiction » des anciens de l’OAS (cf. première partie), Georges Frêche a également bâti un système de gouvernement local fondé sur le populisme, le clientélisme et le communautarisme. Son « socialisme méridional » n’invoque la République que pour mieux saper ses principes et ses valeurs, en recourant constamment à une forme de gestion autoritaire qui aboutit à mépriser les citoyens ordinaires et à valoriser les groupes de pression communautaires. Son rêve secret ? Restaurer au cœur du Languedoc une « petite Algérie française » (la Septimanie du XXIe siècle !)[1], dont il est serait l’unique gouverneur. Si elle peut prêter à sourire, cette mégalomanie politique produit pourtant des effets désastreux pour la démocratie locale.

Une « petite Algérie française » au cœur du Languedoc

Georges Frêche n’est pas pied-noir et c’est bien là son problème dans une agglomération montpelliéraine, où les rapatriés représentent près de 20 % de la population. Conscient de ce « déficit identitaire », il ne tente pas de le surmonter par une logique républicaine et universaliste mais, au contraire, par un système clientéliste qui se fonde sur une sorte de « préférence pied-noire », adaptation locale de la « préférence nationale » prônée par Jean-Marie Le Pen. D’entrée jeu, précisons que nombreux sont les rapatriés qui rejettent ce système préférentiel : ils veulent être traités comme des citoyens ordinaires et souhaitent que leurs problèmes quotidiens soient résolus par le droit commun. C’est là une des caractéristiques du communautarisme en politique : ils s’exercent à l’encontre de ceux qu’il est censé avantager et défendre.

Les Pieds Noirs montpelliérains n’ont rien demandé. Ils se trouvent « communautarisés » malgré eux, au profit de quelques leaders associatifs avides de reconnaissance et de gratifications matérielles et symboliques. Ainsi, G. Frêche se fait le champion d’une « politique pied noire », non dans sa version libérale qui fut celle des partisans du dialogue au moment des « événements d’Algérie » mais dans sa version « radicale » de ceux qui prônèrent la « vengeance » à l’égard des Musulmans et de leurs alliés européens et métropolitains. De ce fait, le « sous-élu Frêche » n’a aucun complexe à travailler aujourd’hui avec des anciens de l’OAS : pour lui, ce sont eux qui ont eu historiquement raison et les « libéraux » (André Mandouze, Jean Sprecher, Jean-Paul Ducos, Alain Accardo…)[2] ne sont que des utopistes ou, pire, des « traîtres communistes et gaullistes » qui ont lâché l’Algérie française. Sur ce plan, l’on retrouve un nouveau point de convergence avec le Front national et l’ensemble de l’extrême droite française : une haine viscérale des gaullistes[3], des communistes et, d’une manière générale, des partisans du dialogue. Pour G. Frêche, l’Algérie française, c’est l’OAS et l’OAS, c’est l’Algérie française ! Son apologie des actions sanglantes de l’OAS n’est heureusement pas partagée par l’ensemble des rapatriés. On se souvient, qu’au cours des années 1990, la Conférence nationale des élus socialistes d’origine maghrébine (CNESOM-FNSER[4]), présidée par Georges Morin (socialiste d’origine constantinoise, proche de Louis Mermaz) avait courageusement protesté contre les déclarations de G. Frêche réhabilitant le terrorisme de l’OAS[5]. A l’époque, le PS comptait encore dans ses rangs quelques consciences pieds-noires « éclairées » qui osaient s’attaquer directement à la démagogie frêchienne.

 

Mais le négationnisme colonial de G. Frêche ne se cantonne pas seulement à ses paroles. Il se traduit également dans les actes par une politique de clientélisme communautaire qui vise à flatter le sentiment revanchard des Pieds Noirs radicaux au détriment des libéraux. En somme, « Montpellier la surdouée »[6] l’est sans aucun doute – personne ne le nie – mais moins en technologies futuristes et en création d’emplois qu’en révisionnisme et en négationnisme sur le plan de l’histoire coloniale. A l’Université, comme dans les assemblées politiques locales, le « professeur Georges Frêche » côtoie régulièrement son adversaire mais néanmoins ami le « professeur Jean-Claude Martinez (ils se tutoient), comme lui enseignant en droit, député européen et vice-président du Front national[7]. Les deux hommes partagent la même passion pour la légende coloniale et le même désir d’en faire un axe majeur de la politique locale. Certaines déclarations et/ou actions de G. Frêche pourraient aisément être mises sur le compte du leader du Front national et vice-versa. Les deux hommes n’ont d’ailleurs pas hésité à entonner ensemble le Chant colonial (« C’est nous les Africains qui revenons de loin … »), lors d’une interruption de séance au Conseil régional, le 30 novembre 2005, pour dénoncer l’attitude des parlementaires français qui avaient « osé » voter contre l’amendement sur les « aspects positifs de la présence française en Afrique du Nord »[8]. Furieux de cette atteinte à la « vérité historique » (celle des négationnistes coloniaux bien sûr !), l’ancien maire de Montpellier a dénoncé cet acte de « rébellion » et comparé ses camarades socialistes à des « gugusses qui font une opération politicienne »[9]. Par cette déclaration outrancière, il est clair qu’il a voulu marqué ses distances avec son parti d’appartenance (PS) pour mieux signifier ses accointances idéologiques avec les anciens de l’OAS qui, rappelons-le, sont nombreux à Montpellier à faire le lien (au sens fort du terme) entre G. Frêche et le Front national local. A cette occasion, le leader régional du parti lepéniste a tendu la main à son « ami Frêche » en déclarant sur un ton ironique : « Bravo Frêche ! Et s’ils te virent, tu sais que tu as toujours une bonne soupe de côté au FN  »[10]. En somme, nous n’appartenons pas au même parti, mais nous partageons des valeurs communes et surtout nous entonnons les mêmes chants nostalgiques : la colonisation célébrée comme une grande œuvre française et les socialistes humanistes, les gaullistes et les communistes assimilés à des traîtres à l’intérêt et national.

Le 30 novembre 2005, G. Frêche (PS) et J.-C. Martinez (FN) ont entonné ensemble le « Chant colonial » au Conseil régional Languedoc-Roussillon

Il semble, d’ailleurs, qu’en Languedoc-Roussillon, les frontières politiques sont en permanence brouillées : les trois leaders locaux (Georges Frêche pour le PS, Jean-Claude Martinez pour le FN et Jacques Blanc pour l’UMP[11]) développent communément un « social-populisme » qui nous rappelle parfois les heures les plus obscures de la vie politique française contemporaine, celles de l’ascension fulgurante à l’échelon local, puis national, de figures profondément ambivalentes, telles que Jacques Doriot (Parti populaire français), Simon Sabiani (PPF) ou Maurice Déat (Parti socialiste français, dissident de la SFIO). Bien sûr, il convient d’éviter les raccourcis historiques et les anachronismes faciles.

Mais le brouillage des frontières et les « passerelles populistes » sont malheureusement monnaie courante sur les scènes politiques méridionales : Montpellier, Orange, Marseille, Marignane, Toulon et Nice en constituent des illustrations parmi d’autres. La tentation de chasser sur les terres du Front national n’est jamais très loin dans les stratégies des états-majors politiques locaux. Et G. Frêche sait magnifiquement en jouer : tantôt il se plait à dénoncer les alliances de ses adversaires avec l’extrême droite, tantôt il lance des signaux pour rallier à lui une partie de l’électorat lepéniste. C’est ici que sa « politique pied noire » prend tout son sens : casser les clivages politiques traditionnels et créer une « unité populaire » (populiste ?) face à des périls supposés communs (les élites parisiennes, la bureaucratie centrale, les intellectuels critiques, l’islamisme, etc.). En bref, G. Frêche s’inscrit pleinement dans le courant d’un « socialisme autoritaire » qui a toujours connu des adeptes en France et qui a provoqué par le passé les pires dérives dans les rangs de la gauche.

Comme nous le mentionnions précédemment, la « politique pied noire » de G. Frêche ne se limite pas exclusivement au registre rhétorique. Elle se traduit également par une certaine matérialisation du communautarisme, à savoir une politique publique municipale en direction des « Pieds noirs », en général, et des « Radicaux » de l’Algérie française, en particulier. Ainsi, il y a plus de 15 ans, il a émis pour la première fois l’idée d’un « Musée de l’histoire de France en Algérie 1830-1962  » qui serait localisé précisément à Montpellier. Mais ce n’est que récemment, en 2002, qu’il a relancé le projet (achat à l’armée d’un bâtiment de 2 millions d’euros)[12], profitant probablement de la « conjoncture politique » et de la relative tolérance ambiante à l’égard des thèses prônant le révisionnisme en matière coloniale.

Ce qui est intéressant à noter, c’est que, d’une part, le musée entend célébrer uniquement l’œuvre européenne en Algérie – et accessoirement les Harkis considérés comme des « supplétifs » – et qu’il n’accorde qu’une place réduite aux « combattants français » (la FNACA par exemple n’y est pas associée). Car dans la vision frêchienne de l’Algérie française, les jeunes appelés, sous-officiers et officiers français qui sont morts pour la France n’occupent qu’une place insignifiante, comme s’ils représentaient une sorte de « tâche honteuse » dans la représentation idyllique de la présence française en Afrique du Nord. Cachez ces victimes et ces héros que je ne saurais voir ! Sur ce plan, G. Frêche affiche un mépris total pour ces « Malgré nous français » et encore davantage pour les Moujahids algériens qui ont pourtant lutté pour la libération de leur pays. Seuls compte à ses yeux les « purs et durs », ceux qui continuent à véhiculer, quarante ans plus tard, la nostalgie nauséabonde d’une « Algérie perdue », livrée aux hordes arabes et musulmanes.

Le projet du « Musée de la France en Algérie » répond ainsi à des motivations purement idéologiques, sinon électoralistes, à savoir : conforter les groupes de pression pieds-noirs radicaux au détriment des partisans du dialogue et de la réconciliation. A ceux qui oseraient lui demander pourquoi le conseil scientifique du futur musée ne comprend pas d’historiens « objectifs » et « nuancés » sur la question algérienne, il répond sur un ton méprisant : « On ne va pas faire un musée de l’histoire de l’Algérie, car c’est à Alger de le faire. On va rendre hommage à ce que les Français ont fait là-bas ». Ou encore : « Ces imbéciles d’anticolonisateurs, ces professeurs d’histoire ne savent pas de quoi ils parlent. » Et pour finir en beauté, dans le pur style de l’outrance verbale chère à Georges Frêche : « Rien à foutre des commentaires d’universitaires trous du cul. On les sifflera quand on les sollicitera ». S’il le faut, on créera « un comité scientifique avec un seul membre, Georges Frêche ! »[13].

Mais le négationnisme colonial du président Frêche ne s’arrête pas là. S’il le faut, il sait utiliser également la menace physique pour faire taire les témoins de l’Histoire. Ainsi, en novembre 1994, le maire de Montpellier apprenant la venue dans sa ville de Henri Alleg, ancien directeur du quotidien communiste Alger républicain et surtout compagnon de lutte pour l’indépendance de l’Algérie, a déclaré sur un ton virulent : « Si j’avais su à l’avance qu’Henri Alleg y participait, je n’aurais pas donné de salle. […] La présence de ce cadre français du FLN – le mouvement des égorgeurs de harkis et de pieds-noirs – constituait à Montpellier une véritable provocation ». Le maire est allé encore plus loin, parlant de « trahison », ajoutant que cet acte « a valu à d’autres douze balles dans la peau »[14].

Georges Frêche « assassin de la mémoire » est aussi un communautariste en puissance. Bien qu’il aime à se réclamer des valeurs de la République et de la laïcité pour dénoncer notamment la « menace islamiste » dans les quartiers, il recourt portant à un subtil dosage « ethnique » au sein des instances du pouvoir local, reproduisant certains clivages hérités de la période coloniale. Dans une enquête réalisée pour l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, le journaliste Jacques Molénat a montré comment, lors des élections municipales de 1995, G. Frêche avait composé sa liste en tenant compte des « grands équilibres sociodémographiques » issus directement de la présence française en Afrique du Nord[15].

On retrouve ainsi parmi ses candidats des représentants des trois départements de l’Algérie française (l’Algérois, le Constatinois et l’Oranais) et des Protectorats du Maroc et de Tunisie. Les « Israélites » (juifs laïques) et les protestants d’obédience calviniste et luthérienne se voient également réservés une place de choix dans le conseil municipal. On croit rêver mais c’est pourtant bien le réalité politique locale : Montpellier est devenue aujourd’hui, avec Marseille, l’un des principaux laboratoires français du communautarisme municipal et pire, dans une ville de gauche socialiste, dont le maire se dit pourtant attaché à la défense de l’idéal républicain ! A ce titre, le projet politique frêchien en matière de gestion municipale des « communautés » évoque étrangement le régime fédératif pensé par Guy Mollet, en février 1960, qui visait à assurer la représentation politique des différentes « ethnies » composant l’Algérie française[16].

Et les Musulmans dans tout ça ? Quelle place occupent t-ils précisément dans la configuration politique montpelliéraine ? Perçus encore comme « immatures », ils paraissent moins conviés à la représentativité politique locale qu’à la mise sous tutelle, par le biais d’une gestion paternaliste et sécuritaire qui rappelle sur de nombreux points la « politique musulmane » des autorités coloniales de l’Algérie française.

(A suivre la semaine prochaine) :

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Un islam montpelliérain sous tutelle : tribaliser et humilier les musulmans.



[1] Après son élection à la tête de la région Languedoc-Roussillon en 2004 , Georges Frêche a lancé le projet de changer le nom de la région Languedoc-Roussillon en « Septimanie », revenant ainsi à l’appellation de l’époque romaine. Heureusement, il n’est pas été suivi dans cette démarche mégalomane par les autres élus. Cf. Pierre Daum, « Révolte contre la tyrannie de Georges Frêche », Libération, 8 octobre 2005.

[2] On entend par « libéraux » « ceux qui se sont constamment opposés à la domination du lobby colonial et à la politique ‘coloniale’, au sens strict, de la France ». Sur ces « libéraux d’Algérie », cf. l’extraordinaire ouvrage de Jean Sprecher À contre-courant, Alger, éditions Bouchène, 2000. Voir aussi le site fort documenté de la section de Toulon de la Ligue des droits de l’homme (LDH) : http://www.ldh-toulon.net/article.php3 ?id_article=162.

[3] Haine des gaullistes que G. Frêche parvient difficilement à refouler. Rappelons encore une fois sa déclaration, à propos de Harkis, le 11 février 2006 : « Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous ! Allez avec les gaullistes ! Allez avec les gaullistes à Palavas. Vous y serez très bien ! Ils ont massacré les vôtres en Algérie et vous allez leur lécher les bottes ! Mais vous n’avez rien du tout ! Vous êtes des sous-hommes ! ».

[4] La FNESER est la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, dont la CNESOM était membre. Cette dernière regroupait des élus municipaux pieds noirs, harkis et enfants issus de l’immigration maghrébine (Algérie, Maroc et Tunisie).

[5] Sur l’action du « groupe Morin » au sein du PS, cf. Vincent Geisser, Ethnicité républicaine. Les élites d’origine maghrébine dans le système politique français, Paris, Presses de sciences po, 1997, p. 179-182.

[6] « Montpellier la surdouée » était le slogan municipal dans les années 1980, à l’initiative de Georges Frêche et faisant l’objet d’une vaste opération de marketing.

[7] « Georges Frêche, ses anciens… et ses nouveaux amis », Chroniques du racisme ordinaire, 2 décembre 2005 : http://racismeordinaire.over-blog.com/article-1314471.html.

[8] François Martin-Ruiz, « Quand Frêche entonne un chant colonial », Le Monde du 2 décembre 2005.

[9]F. Martin-Ruiz, ibid. Cf. aussi la dépêche AFP Montpellier du 1er décembre 2005.

[10] Jean-Claude Martinez (FN) cité par F. Martin-Ruiz, ibid.

[11] Jacques Blanc (UMP), ancien président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, élu avec les voix des conseillers régionaux du FN. A son propos, cf. l’ouvrage de Yves Pourcher, Votez pour moi ! Les campagnes électorales de Jacques Blanc en Languedoc-Roussillon (1986-2004), Presses de Sciences Po, 2005.

[12] Sur le dossier du musée de l’Algérie française, cf. Jean-Marc Leclerc, « Un musée relance la polémique sur la présence française en Algérie », Le Figaro, 7 novembre 2005.

[13] Le Midi libre, 16 novembre 2005, Libération du 17 novembre 2005, cité par la LDH-Toulon, « Socialiste ou colonialiste, il faut choisir », 16 janvier 2006 : http://www.ldh-toulon.net/article.php3 ?id_article=1133.

[14] L’Humanité du 7 décembre 1994 : http://www.humanite.fr/journal/1994, cité par la LDH-Toulon, « Socialiste ou colonialiste, il faut choisir », 16 janvier 2006.

[15] Jacques Molénat, « Georges Frêche : un laïque oecuménique », Le Nouvel Observateur, n° 2015, 19 juin 2006.

[16] Michel Abitbol, « La citoyenneté imposée. Du décret Crémieux à la guerre d’Algérie », dans Pierre Birnbaum (dir.), Histoire politique des juifs de France, Paris, Presses de Science Po, 1990, p. 215.

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