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Jeunes femmes voilées : un look de plus en plus fashion

Loin d’être uniforme, le port du voile, qui se décline de plusieurs façons, est présenté par celles qui ont choisi de le porter comme l’expression de la pudeur féminine, voire comme un acte de piété. Le présent article n’a pas pour but de débattre de l’obligation religieuse ou pas du port du voile, mais plutôt de souligner que ce dernier peut se muer en un vêtement de séduction, comme un autre, suivant l’évolution de la mode.

Le voile porté par les jeunes filles ou jeunes femmes, au début des années 80, se caractérisait par une sobriété, pour ne pas dire une certaine austérité reflétée par des couleurs sombres et une absence totale de maquillage. Deux décennies après, le look  « des sœurs » a radicalement changé, et laisse paraître un sens évident de l’esthétisme, un goût prononcé pour la mode et une volonté de séduire totalement assumée.

Des sociétés musulmanes de plus en plus « ouvertes » sur l’extérieur, conséquence d’une mondialisation qui n’épargne pas les religions, des jeunes femmes, de plus en plus investies dans les études et le marché de l’emploi, sont autant d’évolutions qui ont sorti le voile de son identité « religieuse » pour le plonger dans l’ère de la consommation, devenant ainsi un vêtement comme un autre, épousant la mode et les canons de la séduction féminine. Les jeunes femmes voilées en France illustrent parfaitement cette mutation, qui affecte une bonne partie du monde musulman.

Malika, 22 ans, étudiante en droit à Paris, est du genre raffiné : « Je porte le voile, mais je suis avant tout une femme. J’aime être élégante et porter de jolies couleurs pour mon voile. Je me maquille légèrement. On peut rester pudique sans négliger son apparence ».

Quant à Samia, 25 ans, télévendeuse dans une société de vente par téléphone, elle justifie son look plutôt fashion par l’emploi qu’elle occupe : « Je ne vais pas en représentation commerciale,  mais je travaille avec d’autres salariés. Je tiens à faire bonne impression par ma tenue. Je ne cherche pas à séduire, mais avant de porter le hijab, j’adorais la mode. J’aime marier mon voile avec des tenues plus élaborées ». Lorsqu’on lui objecte que le port du voile ne doit pas, selon certains « savants », laisser apparaître les formes du corps, Samia rétorque : « Je suis une fille sérieuse, très pratiquante. Un imam m’a affirmé que l’essentiel est le port du voile. Je ne vois pas où est le problème. » 

Plus soucieuse de la non visibilité de son corps, Fazia, 24 ans, a opté pour l’ abaya (ndlr : longue robe et ample coiffée d’un hijab ), afin de  dissimuler les formes de sa silhouette : « Quand on décide de porter le voile, il faut aller jusqu’au bout de sa philosophie. La pudeur, c’est ne pas monter ses formes. J’ai décidé également de porter un hijab de couleur sombre, pas de maquillage,  juste l’épilation de sourcils, c’est ma seule coquetterie».

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La coquetterie est ce qui transparaît d’emblée lorsque l’on observe le joli visage de Hafida, 23 ans, un condensé de glamour, avec son côté star hollywoodienne et très apprêté, ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, d’être particulièrement investie dans une association humanitaire.

Du mascara couleur sapin pour ses yeux verts, fond de teint marron très clair, rouge à lèvres saillant, Hafida fait tourner les têtes, y compris celles des barbus qui n’y sont pas insensibles : « Je suis même interpellée par des frères à la barbe abondante qui me demandent en mariage. Je ne vais pas me marier sur une simple demande. Si je m’entretiens, c’est avant tout pour moi et seulement pour moi. Ma foi profonde en Dieu n’exclut pas de me laisser aller. J’entretiens également mon âme et mon cœur. Les gens vous jugent sur une apparence. Si je suis belle, je ne l’ai pas choisi et n’en tire aucune vanité. Lorsque je me marierai, Inchallah, je ne changerai pas. Je veux rayonner pour mon mari et mes enfants à tous points de vue. »

Du look fashion au look sportif, c’est le modèle incarné par Leïla, 19 ans, amatrice de squash : « J’aime me sentir à l’aise dans mes vêtements. Certains se demandent comment je peux associer le voile avec un jean et une paire de  baskets. Je leur réponds aussitôt:  le Coran interdit-il de porter des baskets ou des jeans ? Je suis de nature sportive, j’aime bouger et  courir. Il n’y a pas mieux qu’un jean et des baskets. Mon hijab sur la tête ne me gêne guère.»

Est-ce à dire que les femmes voilées prennent de plus en plus soin de leur apparence ? Oui pour Nabila, 44 ans, coiffeuse/esthéticienne en région parisienne, qui a constaté cette évolution depuis plusieurs années : «Je reçois de plus en plus de femmes voilées, mariées comme célibataires.  Elles sont des femmes comme tout le monde. Même si elles portent le voile, elles n’en demeurent pas moins exigeantes sur le soin apporté à leur visage et à leurs cheveux. Car dans l’intimité, elles ne portent pas le voile devant leur époux. Il est légitime de plaire à son mari ».

Mais le voile est-il un atout pour se marier ? Pour Dalila, 21 ans et non voilée, qui étudie la philosophie à la Sorbonne, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. « Les hommes pensent qu’une fille voilée est une fille sérieuse, qui n’a jamais fréquenté de garçons. Je crois qu’ils idéalisent ces filles. L’habit ne fait pas le moine. Mais c’est vrai que le port du voile rassure certains « frères » trop focalisés sur ce vêtement, et qui en font une condition de mariage, oubliant qu’une fille ne se réduit pas à un tissu. Derrière le discours moralisateur de certains frères, se cachent  également de véritables voyeurs. Nous savons combien ces derniers ont le « regard oblique », selon le mot de Brassens, quand une fille passe. La pudeur, notion compliquée à définir, évolue selon les
lieux et les époques ».

La signification du port du voile et la façon de le porter sont très liées à la personnalité de ces jeunes femmes, qui tiennent avant tout à affirmer leur autonomie et leur féminité. Dans des sociétés mixtes, marquées par un consumérisme effréné, le port du voile a été récupéré par l’industrie de la mode qui cherche à lui conférer une dimension esthétique, au détriment d’une définition ethnico- culturelle de l’éthique de la pudeur par des Oulamas (savants) de la foi musulmane, désormais confrontée à cette nouvelle donne sociétale où le désir de  paraître est intégré dans la manière d’arborer le hijab.

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