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Faut-il prendre les mots pour des idées en Alsace

C’est loin l’Alsace… Des paysages pittoresques, des femmes en coiffes, des cigognes, des colombages… Vu de « l’intérieur », c’est-à-dire du reste de la France, on a du mal à imaginer que les choses ont changé depuis Hansi…

Et pourtant… Il existe en Alsace une communauté musulmane, avec une caractéristique par rapport à l’islam de « l’intérieur » : une forte communauté d’origine turque. Encore une spécificité qui rend peut-être l’Alsace encore plus lointaine à nos compatriotes.

Et pourtant… Y est-ce si différent du reste du pays ? L’islam y est-il traité différemment ? C’est-à-dire mieux, compte tenu des possibilités offertes par le droit local ?

Voyons ce qui vient d’arriver à l’Association Culturelle et Sportive Franco Turque d’Erstein (Bas-Rhin) : cette association a acheté des locaux afin de créer un lieu de culte musulman sur la commune, qui n’en dispose pas jusqu’à présent. Ce projet est soutenu par la Mairie, qui a promis de participer à son financement. Forts de ce qui se fait à Strasbourg, où le projet de grande mosquée est subventionné par la Ville, le Département et la Région , les membres de l’association on sollicité ces deux dernières collectivités pour demander une aide.

La réponse est tombée la semaine dernière :

« C’est à titre tout à fait exceptionnel et en concertation avec les autres collectivités locales, qu’au nom de la tradition de l’humanisme rhénan que vous évoquez dans votre courrier, que mon prédécesseur Adrien Zeller avait fait le choix de soutenir la construction d’une mosquée dans chacune des trois grandes agglomérations alsaciennes, à savoir Strasbourg, Colmar et Mulhouse. « Compte tenu des fortes contraintes qui pèsent sur notre budget au titre des interventions pour lesquelles notre Région a compétence et de l’absence de marge de manœuvre qui en résulte, il n’est pas possible d’aller au-delà. »

Curieuse conception de l’égalité de traitement des administrés. Mais après tout, nous sommes en pleine campagne du deuxième tour des élections régionales, et on peut imaginer que le président sortant, qui ne se représente pas, ne veuille pas engager une collectivité qu’il ne dirigera plus dans moins d’une semaine. Le dire aurait été d’ailleurs plus élégant que d’invoquer la contrainte budgétaire, toujours très relative selon les projets.

La question que l’on peut se poser ici est celle de savoir si cette position de refus exprime une position pratique, concrète, de l’U.M.P. à l’égard de l’islam.

Que dit à ce propos le candidat local du parti présidentiel ?

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On trouve sur son site (http://www.philipperichert2010.fr) un chapitre de son programme intitulé « identité et culture régionale ». Est-ce une manière de reprise au petit pied du débat sur l’identité nationale ? Jugeons-en. Que nous dit-il ?

« Une culture dynamisée intervenant dans toute l’Alsace

  •  Le renforcement de l’Office pour la langue et la culturel régionale en association avec les départements et l’Etat pour promouvoir de manière encore plus ambitieuse notre langue et notre culture avec la création d’une école de danses populaires et d’un centre de ressources.
  •  L’action culturelle doit préserver la richesse et la diversité de notre patrimoine. Nous voulons mieux contribuer à faire reconnaître nos grandes institutions culturelles comme nous favorisons les initiatives artistiques innovantes sur tout le territoire. L’offre culturelle est importante, la Région contribuera à la création artistique sous toutes ses formes et encouragera le développement du mécénat. L’Alsace peut devenir ainsi une référence dans les arts numériques.

  •  Nous nous engageons pour une journée régionale de la mémoire et du dialogue interconfessionnel.
  •  Nous organiserons un événement de grande ampleur au service de l’image de l’Alsace. Nous souhaitons favoriser la mise en réseau des compétences régionales en matière de création d’événements.
  •  Le sport est vecteur d’image et de dépassement de soi. Le soutien à nos champions doit profiter aux pratiques amateurs. » Le dialogue interconfessionnel est relié à la mémoire, est relégué dans le passé. Rien n’est dit sur le présent ni sur le futur, rien n’est dit sur la politique qui sera mise en place par la Région à l’égard de nos concitoyens de confession musulmane.

    Procès d’intention ? Examinons maintenant des faits qui se sont produits lorsque Philippe Richert était président du Conseil Général. En ce temps là, en 2002, une grande mosquée turque de Strasbourg a tenté d’acquérir un bien appelé « le manoir de Bénaville », sur les hauteurs de Saint Blaise la Roche. Un conseiller général appartenant à la majorité soutenant Philippe Richert, M. Grandadam, a alors animé un regroupement intercommunal afin de créer un établissement d’accueil gériatrique dans les lieux. La commune de Saulxures a donc préempté le bien en question, en lieu et place de la SCI gérant les intérêts de la mosquée le 5 août 2002. Ses motifs étaient-ils légitimes ou cachaient-ils de plus troubles motivations ?

    Le tribunal allait le dire : a décision de préemption a été attaquée devant le tribunal administratif, qui a rendu le 12 octobre 2004 une bien intéressante décision : «  Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise […] compte tenu, d’une part, de « la volonté communale de sauvegarder et de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti sur le ban communal », et, d’autre part, de « la volonté de maintenir sur ce site un service d’accueil de type socio-médical […] ; que les motifs ainsi définis ne font pas apparaître de façon précise l’action ou l’opération en vue de laquelle le droit de préemption est exercé ; […] que dans ces conditions, la SCI requérante est fondée à soutenir que la délibération décidant d’exercer le droit de préemption sur l’ensemble immobilier litigieux a été prise en méconnaissance des dispositions susmentionnées de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme et à en demander l’annulation à ce titre. »

    En clair, la préemption était illégale et ne visait qu’à empêcher l’association turque d’acquérir les lieux. C’est là que nous retrouvons la tête de liste U.M.P. aux élections régionales.Qu’a dit alors Philippe Richert de cette action menée par un membre de sa majorité ? Rien. Un silence absolu sur une violation du droit.

    Un silence pudique a recouvert les déclarations humanistes et les discours sur la fraternité républicaine.Compte tenu de ce passé, compte tenu du programme présent, de cette façon très étonnante de ne pas « voir » (de ne pas vouloir voir ?) qu’il existe une communauté musulmane dont les membres ont les droits de tout citoyen, et notamment celui d’exercer concrètement son culte, que pensez-vous qu’il fera s’il est demain président du Conseil régional ?

    Il serait tentant de réponde : rien.

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