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Etats-Unis : les policiers musulmans victimes de discriminations internes croissantes

Difficile pour ces policiers américains de confession musulmane chevronnés, et engagés dans les forces de l’ordre par vocation, de briser la chape de plomb du silence qui entoure le harcèlement moral interne dont ils sont les victimes expiatoires désignées, et si la majorité d’entre eux s’enferme encore dans le mutisme, certains, poussés à bout, témoignent à visage découvert de leur souffrance et de ces atteintes à leurs droits et dignité.

Du haut en bas de la pyramide institutionnelle, des hauts fonctionnaires repliés dans la tour d’ivoire ministérielle, à leurs supérieurs hiérarchiques directs, en passant par les policiers de terrain et collègues, la suspicion oppressante à l’égard de leur islamité se banalise, les humiliations et les discriminations à caractère islamophobe se multiplient, entraînant une dégradation alarmante de leurs conditions de travail qui tend à se généraliser dans tous les départements de police à travers le pays.

Mujaheed Rasheed (photo ci-dessus) fait partie de ces 1 000 policiers musulmans, dont les cas ont été dûment répertoriés, qui ont décidé de parler pour dénoncer une véritable maltraitance managériale, des agissements répétés visant à les dévaloriser et les fragiliser, et les inévitables quolibets, affronts et autres insultes abjectes qui en ont découlé, fusant dans les couloirs des commissariats sans que cela n’offusque personne.

"J’ai intégré le commissariat de Richmond, en Californie, en 2008. En tant que policier musulman, j’avais à cœur d’établir des liens de confiance avec les mosquées locales et les membres de notre communauté, et soudainement je viens d’être muté ailleurs en raison de ma religion. On me fait grief de ma « passion communautaire", déplore-t-il vivement, en se reprochant amèrement de s’être tu trop longtemps face aux railleries vexantes et remarques désobligeantes de ses confrères qui sont allées crescendo, notamment quand ceux-ci se gargarisaient du mot « kamikaze » à chaque fois qu’il approchait d’eux. "Je ne voulais pas faire de vagues", se justifie-t-il, mais sans parvenir à se le pardonner.

 

Le policier Shafiq Abdussabur

"La plupart des policiers sont chrétiens, et beaucoup me voient comme un outsider, voire  pire encore, et ce, même si notre devoir commun nous impose de protéger la même communauté", constate, cruellement désillusionné, Shafiq Abdussabur, un policier noir et musulman du Connecticut, qui peut attester qu’il y bien eu un avant et après-11 septembre au sein des forces de l’ordre. Ses 19 ans de bons et loyaux services n’y ont rien fait, les regards ont alors soudainement changé, se faisant plus soupçonneux, pesants et réprobateurs, et les premières accusations selon lesquelles il appartiendrait  à "une cellule dormante, ou à une cinquième colonne verte"  se sont fait jour pour s’enraciner durablement dans les esprits.

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Quatre policiers de San Francisco sont aujourd’hui sur la sellette, car ils sont fortement suspectés d’être les auteurs d’une déferlante de message racistes, islamophobes et homophobes sur le Net. "Porter plainte constitue une première étape cruciale pour les policiers musulmans, ils franchissent là un grand pas dont on ne mesure pas assez tout le courage et la détermination qu’il leur a fallu pour le faire", a commenté Brice Hamack, le coordinateur des droits civils au sein de l’influent et très actif Conseil des relations américano-islamiques  (CAIR).

"Les formations anti-terroristes dispensées auprès des policiers dépeignent les musulmans comme des terroristes. Comment voulez-vous que ce type de formation très orientée ne favorise pas les préjugés raciaux et religieux à l'intérieur des services de police ?", proteste avec force Yaman Salahi, un avocat des droits civils, fustigeant des "programmes de formation de la police  développés par des experts de la sécurité du secteur privé, dont certains respectent des agendas politiques très précis pour promouvoir le sentiment anti-musulmans", ainsi que "l'absence totale de contrôle de la qualité de ces formations par les services de police eux-mêmes".

"Je dois non seulement me défendre face à la suspicion et à la discrimination  en tant que musulman, mais aussi en tant que flic ! C’est un lourd fardeau à porter", s’indigne le policier aguerri Shafiq Abdussabur qui a, lui, trouvé l’écriture comme exutoire à son désenchantement et sa colère, à travers la rédaction d’un guide pratique destiné à ses coreligionnaires noirs afin de les familiariser avec la loi, faisant sien l’adage qui n’a rien perdu de sa pertinence dans une Amérique très procédurière : « un justiciable, musulman et noir, averti en vaut deux ».

 

 

 

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